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LES AUTEURS - Page 94

  • JEAN-JACQUES BUSINO : UN CAFE, UNE CIGARETTE. LE ROMAND NOIR.

    jean-jacques busino, un café une cigarette, rivages, orphelinat naplesJ’ai connu Jean-Jacques Busino bien avant qu’il ne se lance dans l’écriture alors qu’il trônait derrière le comptoir de son magasin de disque ABCD qui se situait à proximité de la gare. Une époque bénie où l’on ne vendait pas du disque au kilo et où l’on prenait le temps de vous raconter des histoires. Car Jean-Jacques était déjà un conteur d’histoire qui vous déclamait son amour pour Frank Zappa et le Thallis Scholar en vous servant des cafés noirs et bien serrés. Un regard aussi sombre que sa chevelure vous évaluait en quelques secondes avant de vous dispenser ses conseils avisés dans les domaines musicaux les plus variée. Un passionné l’ami Busino que j’ai perdu de vue après la fermeture de son magasin.

     

    C’est en 1994, sur le présentoir d’une librairie que j’ai eu de ses nouvelles en découvrant son premier roman Un café, une cigarette qui se lit le temps de consommer l’un et l’autre en découvrant les tourments d’une bande de gamins écumant les ruelles de la ville de Naples. Un récit fulgurant qui vous sonne avec la brutalité d’une balle de 44 Magnum.

     

    Largué par sa fiancée qui lui a laissé leur fille à peine âgée d’un an, André quitte la Suisse pour retrouver son cousin napolitain qui se fait fort de lui remonter le moral. Car Massimo est un petit caïd de la ville haut en couleur qui survit en fourguant des couteaux suisses qu’André lui fait parvenir. Un commerce florissant qu’il partage avec une bande de gosses cabossés par la vie. Avec Massimo comme guide, André va percevoir les malheurs quotidiens de ces enfants perdus qui survivent comme ils peuvent dans cette ville tentaculaire qui broie les âmes sans aucune pitié. Loin de se résigner, le jeune suisse, tout aussi borderline qu’idéaliste, va monter avec l’aide de son cousin un orphelinat pour abriter cette jeunesse condamnée à assouvir les vices d’adultes sans scrupule. Mais pour mener à bien ce projet, les deux jeunes garçons devront livrer un combat sans merci contre la mafia. L’histoire d’une rédemption au travers d’une guerre perdue d’avance.

     

    Que l’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas d’un énième roman sur la mafia qui apparaît d’ailleurs de façon presque fantomatique tout au long du roman. Jean-Jacques Busino se focalise exclusivement sur ces enfants malmenés qui hantent les rues de Naples. Avec la rencontre de la Suisse et de l’Italie par le biais de la verve endiablée de Massimo et la réserve silencieuse d’André c’est tout d’abord cette dualité que l’on découvre tout au long de ce récit comme si l’auteur faisait remonter l’ambivalence de ses origines. Et puis il y a cette violence qui monte crescendo au fil des seize chapitres du roman. On la trouve dans les propos simplistes de Massimo qui parvient à résumer en quelques mots tout le fonctionnement d’une ville qui broie ses enfants perdus et fait écho à la révolte désespérée d’André qui ne peut accepter ce que son entourage considère comme une fatalité. Puis c’est au rythme de la fureur des tueries et du cri des armes à feu que l’on assiste à l’apothéose d’un final aussi brutal que trivial qui ne nous offre aucune concession.

     

    jean-jacques busino, un café une cigarette, rivages, orphelinat naplesL’Alfa Spider de Massimo, le 44 Magnum 12 pouces d’André, Jean-Jacques Busino s’attarde sur ces petits éléments à la manière d’un auteur comme Manchette auquel il emprunte également toute la noirceur et talentueuse simplicité d’un récit brutal.

     

    jean-jacques busino, un café une cigarette, rivages, orphelinat naples

    Un café, une cigarette c’est l’emblème même du roman noir dans toute sa splendeur que vous retrouverez dans ses quatre autres romans édités aux éditions Rivages car Jean-Jacques Busino est un artisan de l’écriture qui va à l’essentiel avec tout ce que cela signifie en regard de ces auteurs qui travaillent avec une pléthore de collaborateurs recherchistes pour nous pondre des récits alambiqués à la limite de l’incompréhension.

     

    Jean-Jacques Busino : Un café, une cigarette. Editions Rivages/Noir 1994.

    A lire en écoutant : Guarda Che Luna interprété par Petra Magoni & Ferrucio Spinetti. Album : Musica Nuda. Bonsaï Music 2004.

     

     

  • Sunil Mann : Fête des Lumières. Zurich ethnique.


    Capture d’écran 2013-12-31 à 19.56.57.pngEn Suisse, il n’y a guère que Dürrenmatt qui se soit essayé au polar et c’est sous le prétexte d’une déconstruction du genre camouflant des besoins alimentaires que le célèbre dramaturge helvétique nous a livré, entre autre, La Promesse avec comme sous-titre évocateur « requiem pour le roman policier ». Il semble que cette oraison funèbre ait eu raison des velléités d’autres auteurs à se lancer dans un genre qui pourrait déparer l’ensemble de l’œuvre littéraire du bon écrivain suisse. A l’exception de Corinne Jaquet qui, dans une série de romans policiers, nous livre, quartier par quartier, un catalogue touristique de la ville de Genève et de Jean-Jacques Busino qui se fait bien trop rare après avoir confectionné cinq perles noires aux éditions Rivages, le paysage romand en matière de polar reste dramatiquement désert.

     

    C’est donc pour palier à ce manque chronique que mon amie Valérie Solano a décidé de mettre sur pied une collection luxueuse de polars helvétiques afin de fusiller les sempiternelles clichés dont ce pays fait régulièrement l’objet. Car au delà de l’aspect propret et lissé d’une contrée aux paysages pittoresques vous allez découvrir avec les éditions des Furieux Sauvages le visage sombre d’une Suisse en proie aux conflits culturels, aux magouilles financières, aux combines foncières et aux problèmes d’immigration et d’intégration.

     

    Pour découvrir ces auteurs vous vous rendrez en librairie (la collection n’est pas  disponible sur A…) pour faire l’acquisition d’un ouvrage relié, imprimé sur un papier de qualité. Un polar relié c’est une première et c’est ce qui explique peut-être l’utilisation du marque page pour me défaire de la détestable habitude de corner les pages. L’avenir du livre réside aussi dans l’excellence de sa conception et la cohérence de diffusion.

     

    Première salve avec la Fête des Lumière de Sunil Mann qui nous entraîne dans les méandres de la ville de Zürich. Oubliez la Paradeplatz et ses « vénérables » établissements bancaires et bienvenue au Kreis 4, quartier multiculturel truffé de bars à champagne, de sex-shops, de restaurants indiens et de kebabs douteux où gravitent les filles faciles. Au cœur de ce quartier animé, vous allez suivre les tribulations du détective privé Vijay  Kumar qui est chargé par un magnat de la presse zurichoise de retrouver sa femme de ménage sud-américaine mystérieusement disparue. Lorsque Vijay réalise que cette même femme de ménage travaillait également pour le politicien de droite, Walter Graf, récemment trouvé mort à son domicile l’affaire prend une autre tournure d’autant plus que l’agression d’un jeune homme dont le jeune détective a été le témoin la veille n’est pas sans lien avec cette sombre affaire. Aidé de Miranda, sublime transsexuelle et de son meilleur ami journaliste José, Vijay devra faire preuve de toute sa sagacité pour parvenir à résoudre cette première enquête tout en complexité. Une lampée d’Amrut (single malt indien) pour la route et c’est parti !

     

    Loyers exorbitants, corruption immobilière (problèmes majeurs des principales villes helvétiques) vont nous permettre de découvrir les différents Kreis (arrondissement) d’une ville plus animée qu’il n’y paraît. Vijay en sera le guide au travers de description teintée d’un humour ironique qui donne beaucoup de fraicheur à un récit qui pourrait s’avérer assez classique. On y décèle tout l’amour que l’auteur voue aux quartiers populaires de Zürich en déclinant toute une série de bars, d’épiceries et de restaurants que vous pourrez découvrir en visitant la ville.

     

    L’immigration et l’intégration des migrants et de leurs enfants nés en Suisse et sont les principaux thèmes que Sunil Mann traite tout en subtilité et en légèreté comme par exemple la relation entre Vijay et sa mère qui au travers de dialogues aussi drôles que caustiques nous déclinent les incompréhensions de deux générations qui ne sont pas nées dans le même pays. Au delà de cette légèreté il y a en arrière plan, cette inquiétude permanente de se voir stigmatiser par des partis qui tentent par tous les moyens de diaboliser la venue de ces populations migrantes. Inquiétude que l’on retrouve notamment dans l’entourage de Rosie, la femme de ménage disparue.

     

    On regrettera peut-être le fait que des personnages hauts en couleur et forts originaux  comme Miranda soient exploités de manière superficielle et gageons que nous les retrouverons dans les prochaines enquêtes de Vijay Kumar, détective privé zurichois !

     

    Friedrich Dürrenmatt – Sunil Mann, tout un parcours !!

     

    Sunil Mann : Fête des Lumières. Editions des Furieux Sauvages 2013. Traduit de l’allemand par Ann Dürr.

    A lire en écoutant : Lake of Udaïpur de Le Tone. Album : En Inde. Label : Cantos 2008.

     

  • VICTOR GISCHLER : COYOTE CROSSING. AU MILIEU DE NULLE PART.

    victor gischler, coyote crossing, jim thompson, 1275 âmes, Cormac McCarthyUne ville paumée au beau milieu d’un état poussiéreux, un adjoint du shérif dépassé sont les archétypes de nombreux romans qui débarquent dernièrement sur les étales des librairies depuis le succès de Cormac McCarthy, « Non ce pays n’est pas pour le vieil homme ! », chef-d’œuvre du roman noir américain, commenté ici.

     

    Coyote Crossing de Victor Gishlerse situerait dans la veine d’un film de Quentin Tarantino selon le commentaire de l’éditeur et il faut bien avouer qu’au niveau de la syntaxe et de la dramaturgie on a plutôt la sensation de lire une espèce de scénario mal ficelé qui nous livre parfois au détour des pages quelques scènes assez originales.

     

    Ancien musicien paumé, Toby Sawyer est retourné dans son trou natal pour endosser à mi-temps l’uniforme de shérif adjoint. Pour sa mission d’un soir, il est contraint de surveiller un cadavre truffé de plomb. La tâche ne s’avérant guère excitante, Toby part rejoindre sa maîtresse. Au retour de son escapade romantique, Toby s’aperçoit que le cadavre a pris la poudre d’escampette. Toute une nuit pour retrouver le corps perdu va l’amener à faire des rencontres aussi denses que sanglantes. Flics corrompus, gangs hispaniques, rednecks déchainés, Toby survivra-t-il à cet enchaînement de hordes sauvages tout en préservant son bébé que sa femme vient d’abandonner.

     

    victor gischler, coyote crossing, jim thompson, 1275 âmes, Cormac McCarthyLe roman sec et nerveux est bourré d’actions. On peut le dire, on n’a guère le temps de souffler au détour de cet amoncellement de personnages stéréotypés qui s’entrecroisent sans que l’auteur daigne s’y attarder. Une volée de plomb et on passe à autre chose. Un peu simpliste comme système qui n’amène pas grand chose à une histoire incohérente où l'on s'entretuerait à tout va, sans que le moindre habitant n'intervienne durant la nuit. Et puis le personnage central n’est guère crédible alors qu’on le présente comme un paumé romantique qui se révèle au gré du roman comme un flic débrouillard et sanguinaire qui n’aurait pas peur de dégommer une tripotée de truands sauvages. Quelques scènes originales, comme la destruction d’un motel abritant une nuée de gangsters et le combat dans le poste de police, sauvent le roman d’un naufrage insipide. 

     

    victor gischler, coyote crossing, jim thompson, 1275 âmes, Cormac McCarthyOn dira de Coyote Crossing qu’il s’agit d’un roman sans prétention et parfois distrayant qui se lit rapidement, ce qui est salutaire pour le lecteur, et après avoir tourné la dernière page, on ne pourra pas s’empêcher de penser à Nick Corey, shérif emblématique du roman de Jim Thompson dans 1275 âmes pour se dépêcher de lire ou relire ce polar d’envergure qui a inspiré avec plus ou moins de succès de nombreux auteurs !

     

     

    Victor Gischler : Coyote Crossing. Editions Denoël 2013. Traduit de l’anglais (USA) par Frédéric Brument.

    A lire en écoutant : Los Lobos : Border Town Girl. Album : Wolf Track, Best of Los Lobos. Rhino 2006.

  • James Ellroy/David Fincher – Matz/Miles Hyman : Le Dahlia Noir.

    Capture d’écran 2013-11-15 à 16.36.31.pngLe corps coupé en deux, sauvagement mutilé, c’est le 15 janvier 1947, sur un terrain vague de Los Angeles, qu’a échoué le rêve d’actrice d’Elizabeth Short. Elle avait 22 ans et ne savait pas qu’elle deviendrait, 40 ans plus tard, le personnage emblématique du Dahlia Noir de James Ellroy.

     

    Après le succès de la trilogie Llyod Hopkins, c’est en 1987 que François Guérif directeur des éditions Rivages publie ce qui allait devenir l’un des livres le plus emblématique du roman noir et du polar tout à la fois. Le style syncopé, marque de fabrique de James Ellroy n’était pas encore présent, mais la sauvagerie du texte et l’outrance meurtrière des scènes éclaboussait déjà les lecteurs. Un livre taillé avec ses tripes et dont la folie rageuse déborde au détour de chaque page voilà comment l’on pourrait décrire le Dahlia Noir, œuvre majeure de James Ellroy.

     

    C’est probablement la démesure et la folie de cet auteur, impossible à restituer au cinéma, qui ont fait que les adaptations de ses ouvrages se sont soldées par des échecs, hormis L.A. CONFIDENTIAL de Curtis Hanson que l’on peut juger passable même si le perfide Dudley Smith campé par James Cromwell paraissait extrêmement fade. Pour LE DAHLIA NOIR de Brian de Palma, passez sans autre votre chemin car vous ne retrouverez pas cette chaleur étouffante d’une ville démoniaque qui se pare de lumière pour éblouir vos rêves. Tout y est édulcoré à un point tel que l’ensemble en devient insipide.

     

    Capture d’écran 2013-11-15 à 15.23.29.pngPour vous approcher de ce qui aurait pu être une bonne adaptation, il vaut mieux revoir SANGLANTES CONFESSIONS de Ulu Grossbard avec Robert de Niro et Robert Duvall tiré d’un roman de John Gregory Dunne, Sanglantes Confidences parut en 1976 dans la collection Série Noire et réédité par les Humanoïdes Associés en 1980. Un ouvrage solide que l’on ne dénichera désormais plus que chez un bon bouquiniste. Avant l’arrivé de l’opus de James Ellroy on trouvait déjà dans ce roman l’atmosphère délétère d’un Los Angeles gangréné par la corruption avec en toile de fond le meurtre d’Elizabeth Short.

     

    C’est en bande dessinée que l’on pourra désormais redécouvrir le Dahlia Noir de James Ellroy. Cela fait déjà quelques années que François Guérif dirige en collaboration avec Casterman une collection de polars adaptés en format BD. L’adaptation du Dahlia Noir a été effectuée par Matz en collaboration avec David Fincher et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ont fait un excellent travail de découpage. Vous retrouverez la totalité de l’intrigue et les dialogues ciselés du maître. Mais c’est du côté du dessin que l’ouvrage pêche un peu. Trop raisonnable ! Le travail de recherche et le rendu des dessins de Miles Hyman sont magnifiques mais l’ensemble manque de dynamisme et rien ne déborde du cadre. Une succession de superbes illustrations bien trop figées qui étouffent l’histoire et c’est d’autant plus dommage que l’on trouve, malgré tout, au détour des pages quelques scènes magnifiques comme l’épisode où Bleichert enquête du côté du Capture d’écran 2013-11-15 à 16.43.52.pngMexique. Malgré ces petits défauts, le plaisir de retrouver les personnages d’Ellroy est bien trop grand pour vous priver de cet achat d’autant plus qu’il existe une édition luxueuse, reliée qui est absolument somptueuse.

     

    Ellroy adapté en BD c’est aussi l’occasion pour ceux qui ne connaissent pas l’œuvre de ce grand écrivain de découvrir un univers absolument dantesque qui frise la perfection.

     

     

    James Ellroy : Le Dahlia Noir. Editions Rivages/Thriller 1988. Traduit de l’anglais (USA) par Freddy Michalski.

     

    James Ellroy/David Fincher – Matz/Miles Hyman : Le Dahlia Noir. Editions Rivages/Casterman/Noir 2013.

     

    John Gregory Dunne : Sanglantes Confidences. Editions Humanoïdes Associés 1980.

    A lire en écoutant : Aria (orchestral suite n° 3 in D minor BWV 1068). Jacques Loussier Trio. Album: Play Bach aux Champs Elysées. Universal Music Jazz France 2000.

  • DAVID PEACE : GB 84. LA REVOLTE DES GUEULES NOIRES

    Capture d’écran 2013-11-10 à 15.19.03.pngSi durant toute la durée de la tétralogie, commentée ici et , chroniquant les heures sombres du West Yorkshire, David Peace s’employait à truffer ses textes d’une actualité servant à mettre en relief les motivations des personnages et les faits divers qui jalonnaient leurs parcours respectifs, il en va tout autrement avec GB 84 où l’actualité devient le thème central de ce roman flamboyant.

     

    Mars 1984, pour protester contre la restructuration sauvage des houillères de Grande-Bretagne, les mineurs du Yorkshire vont entamer une grève qui s’étendra dans tout le pays et qui durera un an. Le conflit entre la commission national du charbon soutenue par le gouvernement Thatcher et le syndicat national des mineurs présidé par Arthur Scargill s’apparentera à une guerre sans merci où les parties ne lâcheront pas la moindre concession. Et c’est au travers du regard de trois protagonistes que vous découvrirez les manigances et les combats souterrains que se livrent deux blocs extrêmes qui savent déjà que la défaite est synonyme de chute et de discrédit.

     

    Il y a tout d’abord Neil Fontaine, barbouze, garde du corps et homme des basses œuvres dont la mission est de mettre tout en place pour briser et discréditer la grève des mineurs. Il navigue entre le monde souterrain de mercenaires extrémistes sans scrupules et les coulisses d’un pouvoir qui n’en a guère d’avantage.

     

    Terry Winters, membre de la direction du syndicat national des mineurs, se trouve au cœur des manœuvres financières d’un syndicat acculé par le gouvernement à livrer sa trésorerie auprès des tribunaux qui leur inflige de lourdes amendes. Paranoïa, corruption et illusions sont le lot quotidien d’un syndicat condamné au succès.

     


    Capture d’écran 2013-11-10 à 15.17.09.pngEt puis il y a le témoignage poignant du quotidien de mineurs qui se retrouvent au cœur d’une grève interminable, d’un combat violent et sans concession entre un gouvernement inflexible, des policiers toujours plus violent. On découvre  le calvaire de familles exsangues financièrement, d’hommes épuisés par les piquets de grèves et par les trahisons de leur voisins, amis, et camarades de travail qui souhaitent reprendre le travail. Un clivage entre les « jaunes » et les grévistes qui laissera des cicatrices profondes qui ne se refermeront jamais.

     

    Avec un texte syncopé à l’extrême, David Peace nous fait passer des uns aux autres dans un style flamboyant qui frôle la folie. Cette folie qui semble d’ailleurs être le trait d’union entre tous ces personnages lancés dans une course désespérée qui ne laissera personne indemne, pas même le clan victorieux. Paranoïa, manipulations, coups bas seront le quotidien de protagonistes qui ne peuvent désormais plus s’entendre. Des protagonistes aux égos surdimensionnés qui se défient par l’intermédiaire d’une population ouvrière sacrifiée sur l’autel d’idéologies extrêmes qui ne peuvent que conduire à une lutte meurtrière.

     

    Capture d’écran 2013-11-10 à 15.16.25.png

    Comme à l’accoutumée avec David Peace, c’est à bout de souffle que vous achèverez GB 84, un roman épique et tragique qui vous narre par le menu la mort d’une caste ouvrière et le changement de cap d’une nation désormais livrée aux mains d’un libéralisme économique triomphant.

     

    La folie d’une nation contée avec la démesure d’un auteur ! David Peace est un génie !

     

    David Peace : GB 84. Rivages/Noir 2009. Traduit de l’anglais par Daniel Lemoine.

    A lire en écoutant Syncronicity II de Police. Album : Syncronicity. A&M Records 1983.