DAVID PEACE : 1974, QU’ELLE ETAIT NOIRE MA VALLEE !
Un léger vague à l'âme ? Une petite dépression ? Alors passez votre chemin car 1974 de David Peace n'est pas pour vous ! Un roman qui donne enfin un peu de sens au slogan débile « plus noir que noir ».
David Peace c'est un peu le James Ellroy britannique avec la mythologie du rêve américain en moins et la déliquescence d'un pays ravagé par une crise sociale et économique sans précédent, en plus. Avec 1974, l'écrivain entame une tétralogie qu'il bâtit sur les terres du Yorkshire, dans les régions de Leeds, Sheffield et Manchester, terreau ouvrier au nord de la Grande Bretagne.
En décembre 1974, c'est la disparition d'une jeune fillette, qui va permettre au jeune journaliste Edward Dunford de se propulser sur les devants de la scène médiatique. Une affaire en or ! Mais la concurrence est sérieuse et c'est en fouinant dans les entrailles des archives journalistiques que le jeune Eddie va mettre à jour toute une série de disparitions non élucidées. Une enquête éprouvante, pour ce jeune homme torturé qui va s'impliquer au delà de l'imaginable pour mettre à jour les carences d'une police complètement gangrénée par la corruption qui se soucie d'avantage de ses intérêts que de protéger ses concitoyens.
Au volant la vieille Viva de son père récemment décédé, Eddie Dunford sillonnera la région pour dénicher les indices qui le conduiront vers cette terrible vérité qui ne pourra que le détruire. Sur sa route il croisera des petites frappes, des mères désespérées et des promoteurs véreux, acoquinées aux forces de l'ordre, plus occupées à brûler des camps de gitans, tabasser des membres de communautés pakistanaises ou jamaïcaines que d'identifier le terrible pédophile qui sévit dans le Yokshire.
Il faudra dompter l'écriture de David Peace pour arriver au bout de l'ouvrage. Phrases courtes, hachées, répétitives qui donnent un rythme sauvage, presque hallucinatoire au récit. Il faudra également surmonter l'horreur des différents tableaux que dépeints l'auteur pour se rendre compte qu'il s'agit d'un plaidoyer pour les laisser pour compte d'une société qui subit déjà les prémices d'un libéralisme effréné que Margaret Tatcher s'apprête à mettre en place. C'est dans ce monde où la valeur humaine n'a plus de prix et où le mot d'ordre est « délocalisation » que des monstres pédophiles et des violeurs prendront leurs aises au cœur d'une région où les valeurs sociales n'ont désormais plus leur place.
A préciser que dans une partie de sa tétralogie, l'auteur qui est natif du Yorkshire, se base sur des faits réels comme l'odyssée sanglante de Peter Sutcliffe, surnommé l'éventreur du Yorkshire.
Un roman foisonnant luxuriant qui vous prendra aux trippes si vous parvenez à la maîtriser ce qui est loin d'être aisé. Un ouvrage qui se mérite, tout comme les derniers grands chefs-d'œuvre de la littérature policière ! Car il ne faut pas se leurrer, David Peace est un génie de l'écriture. Allez vous perdre dans les contrées du Yorkshire. En reviendrez-vous sans en être ébranlé ? J'ai déjà une idée de la réponse.
David Peace : 1974. Editions Rivages/Noir 2002. Traduit de l'anglais (Grande-Bretagne) par Daniel Lemoine.
A lire en écoutant : Little Drummer Boy - Johnny Cash - 100 Hits of Christmas/Sony Music Entertainment 2010