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LES AUTEURS - Page 97

  • R. J. Ellory : Les Anges de New York, les clichés ont la vie dure

    nypd,ellory,les anges de new york,sonatineToutes les maison d'édition possèdent leurs poulains qu'elles mettent en avant afin d'en faire des phénomènes littéraires. Et il n'en est pas autrement dans le domaine de la littérature de polar. Pour Rivages/Noir c'est James Ellroy et Tony Hillerman, Stieg Larsson et Camilla Lackberg pour Actes Noirs, Jo Nesbo pour Série Noire. Il ne s'agit là que de quelques exemples et la liste est loin d'être exhaustive. Si Nesbo, Ellroy et Hillerman m'ont plus que convaincu, j'ai eu plus de mal avec Larsson (traductions déplorables) et Lackberg (intrigues peu convaincantes). C'est donc avec un peu d'appréhension que j'ai lu Les Anges de New York, dernier ouvrage de R. J. Ellory,  fer de lance des éditions Sonatine.

     

    Les Anges de New York désignent la brigade spéciale qui s'est occupée, entre autre, d'assainir les arcanes corrompues d'une police en manque de reconnaissance dans les années 80. Ces supers flics adulés ont contribué à ramener un climat plus serein dans une ville en quête de sécurité. Une image trompeuse ? Un leurre ? Une illusion ? C'est ce que semble penser Frank Parrish, inspecteur à la brigade criminelle du NYPD. Alcoolique, désabusé et solitaire, Frank Parrish traîne le souvenir d'un père adulé par ses pairs qui faisait partie de cette brigade mythique. Suite à un drame qui a couté la vie à son partenaire, Frank Parrish est contraint de consulter journellement une psychologue qui va aborder avec lui le passé et les coulisses de cette brigade mythique. N'étant pas encore suspendu, l'inspecteur va  aussi enquêter sur la mort d'une jeune fille étranglée dans l'appartement sordide de son frère junkie également assassiné.

     

    Un flic alcoolique, solitaire et en quête de rédemption : beaucoup de clichés dans ce bref résumé et que l'on retrouve d'ailleurs au fil de ce roman. Pourtant, il faut l'admettre, l'ouvrage se lit d'une traite, car le talent de l'écrivain est là, dans un style narratif bien enlevé et somme toute assez classique qui nous invite à suivre les pérégrinations d'un flic déchu qui mènera son enquête envers et contre tous (encore un cliché).

     

    Le livre s'articule autour d'une alternance au fil des chapitres entre l'enquête actuelle de Frank Parrish et le passé de son père évoqué au gré des entretiens qu'il a quotidiennement avec une psychologue des services de police.  C'est lors de ces échanges que l'on savourera la subtilité des dialogues teintés d'humour qui sont l'autre talent de l'auteur.

     

    Dialogues acérés avec une psy, c'est bien évidemment à la série Les Soprano que l'on pense immédiatement et Ellory ne s'arrête pas là puisqu'en narrant le casse de la Lufthansa en 1978 à JFK (événement réel) on ne peut s'empêcher de penser au film de Scorcese, Les Affranchis. Se frotter à deux références pareilles était un pari risqué, particulièrement avec la seconde puisque l'auteur n'apporte rien de nouveau ce qui donne à cette partie de l'histoire un ton plus fade.

     

    J. R. Ellory, auteur anglais fasciné par les USA situe tous ses livres dans ce pays et après s'être frotté au sérial-killer (Seul le Silence) ; à la mafia (Vendetta) et à la CIA (Les Anonymes), le voilà qui s'attaque à un service de police mythique, le NYPD. Bien documenté, il nous en explique le fonctionnement avec force de détail qui peuvent parfois s'avérer assez redondant. On regrettera tout de même un final assez déroutant, donnant à l'histoire un goût d'inachevé que j'avais déjà ressenti dans son premier opus, Seul le Silence. Hormis cela, il faut bien l'avouer, on tourne les pages de cet ouvrage sans pouvoir s'arrêter. Cela ne fait des Anges de New York un chef-d'œuvre, mais un bon récit policier chargé de clichés qui, paradoxalement, rendent le personnage principal extrêmement attachant. C'est comme si l'on retrouvait un vieil ami qui avait bien trop longtemps disparu. Frank Parrish, flic new-yorkais, d'origine irlandaise saura vous séduire, suivez le dans ses aventures.

     

     

    R. J. Ellory : Les Anges de New York. Editions Sonatine 2012, traduit de l'anglais par Fabrice Pointeau.

     

    A lire en écoutant : The Bottle de Gil Scott Heron/Brian Jackson. Album : Winter in America. Charly Records 1974.

     

     

  • ARNALDUR INDRIDASON : LA MURAILLE DE LAVE, L’ECUEIL DE LA CUPIDITE BOREALE.

    islande,erlendur,muraille de lave,sigurdur oliDans le paysage du polar nordique, Arnaldur Indridason est sans doute l'un des fers de lance de cette littérature. Avec la Cité de Jarre, la Femme en Vert, La Voix et l'Homme du Lac, l'auteur nous a entrainé dans le sillage du mythique inspecteur Erlendur qui explorait au fil de ses enquêtes le fabuleux passé de cette Islande que l'on aurait pensé plus morne qu'il n'y paraît. Un personnage torturé que cet Erlendur qui est hanté par la perte de son frère, alors qu'ils étaient confrontés tous deux lorsqu'ils étaient enfants à une terrible tempête de montagne. Seul Erlendur a survécu. Un mariage raté, une fille toxicomane complète ce personnage solitaire et taciturne. La plupart des enquêtes démarrent souvent avec la découverte d'un squelette qui nous ramène à plusieurs dizaines d'années pour décourvrir des aspects surprenants du passé historique de l'Islande.

     

    Des histoires du passé, lestées d'une grande émotion sont la particularité des romans d'Arnaldur Indridason. La seconde particularité est de faire passer au premier plan, les équipiers de ce commissaire. Ainsi après Erlingborg, enquétrice bourrée d'empathie et fine cuisinière c'est au tour de Sigurdur Oli de mener l'enquête dans la Muraille de Lave. Il faut savoir que les faits se déroulent durant la même période où Erlingborg est au prise avec une affaire de viol  relatée dans le précédent opus de l'auteur : La Rivière Noire.

     

    Pour Sigurdur Oli, ce sera une afffaire de chantage et de mœurs qui le conduira à enquêter auprès des institutions banquaires de Reykjavik qui semblent désormais  au cœur d'un véritable tourbillon de cupidité qui frise la folie. On se retrouve donc avec un personnage qui est à l'antipode d'Erlendur. Sigurdur Oli est un pur produit de l'américanisation tourné vers l'avenir alors que son supérieur se concentre principalement sur le passé. Un enquêteur maladroit qui semble dépourvu d'une certaine humanité et qui va pourtant, au fil du récit, nous révéler ses failles et ses regrets. Avec en toile de fond une société islandaise en pleine effervescence économique, juste avant que la crise ne balaie l'île de sa tempête financière. C'est donc ces disfonctionements économiques que l'auteur s'emploie à nous décrire sans pourtant verser dans une technicité qui pourrait vite devenir laborieuse. Un roman bien ficelé également bourrée d'émotion avec le récit en parallèle d'un personnage apparut dans La Voix qui nous entrainera dans le méandres d'une vengeance sans issue. On découvrira donc les affres de la pédophilie du point de vue des victimes, mais également du point de vue des acteurs économiques qui donne un relief supplémentaire à ce roman que l'on ne saurait manquer. La Muraille de Lave c'est le mur terrifiant sur lequel la société islandaise s'est échouée, victime de la cupidité sans limite des prédateurs financiers d'un monde sans scrupule.

     

     

    Arnaldur Indridason : La Muraille de Lave. Edtions Métaillé 2012. Traduit de l'islandais par Eric Boury.

     

    A lire en écoutant : Hero (Bonus track) de Regina Spektor. Album : Begin To Hope (Sire 2006).

     

     

     

  • David Peace : Tokyo Année Zéro, sous le poids de la défaite.

    david peace,rivage,tokyo année zéro,japonCeci n'est pas un livre, mais une litanie qui se déroule à l'ombre d'une cité à l'agonie. Après avoir déversé sa plume malsaine dans la région de son Yorkshire natal, David Peace a quitté la Grande Bretagne pour trouver refuge au Japon où il a désormais entamé une trilogie décrivant les affres d'un pays alors à l'aube de sa renaissance. Tokyo Année Zéro débute au moment où l'Empereur annonce à la radio,  la capitulation de son pays. Année Zéro où les bourreaux d'hier deviennent les victimes des Vainqueurs. Année zéro où un peuple déshonoré tente de survivre dans une cité dévastée. Les marchés sont en main des mafias locales. La police fonctionne au ralenti, victime des remaniements et des purges imposées par les Vainqueurs et les femmes vendent leurs charmes dans les parcs en friche. Deux d'entre elles sont découvertes dans les jardins désolés d'un temple de Tokyo. Même modus operandi, l'inspecteur Minami va donc enquêter sur un tueur en série qui sévit depuis plusieurs années. Basé sur un fait divers réel, David Peace ne s'attarde pas vraiment sur ces crimes en série mais s'attache à nous décrire une société en pleine décomposition où personne n'est ce qu'il prétend être. L'humiliation de la défaite, la folie d'une guerre sanglante, nous suivons les traces d'un policier possédé par les images d'un passé dont il ne peut se défaire. Nous suivons ses errances dans une ville faite de décombres et de charniers où la population tente de survivre comme elle le peut.

     

    Dans ce roman nous découvrons plusieurs voix d'un seul et même personnage ce qui donne au récit un côté schizophrénique en lien avec le contexte chaotique des décors dans lequel il se déroule. Comme dans la quadrilogie du Yorkshire, les phrases sont courtes, répétitives comme s'il s'agissait d'une espèce de procès verbal dévoyé. Une lecture peu aisée, qui se mérite, voici comment l'on peut décrire le premier opus de cette trilogie japonaise. Le style de David Peace à cette particularité du radicalisme le plus absolu pour les lecteurs : On aime ou on déteste avec le mérite de ne laisser personne indifférent. Comme pour ses romans précédents, l'histoire se base sur un tueur en série  ayant réellement existé pour mettre en relief, l'horreur d'une société laminée par la défaite qui peine à se relever et va entamer un long chemin de résilience.

     

    Avec ce premier opus, David Peace a su se dégager de son univers sordide du Yorkshire pour nous entrainer dans un voyage au cœur de la folie d'un pays meurtri par la défaite. Un texte rythmé fait d'onomatopées pour nous faire ressentir la crasse, les démangeaisons, la chaleur et la vermine qui ont envahi une cité à l'agonie. Serez-vous du voyage ?

     

     

    David Peace : Tokyo Année Zéro. Editions Rivages/Noir 2010. Traduit de l'anglais (Grande-Bretagne) par Daniel Lemoine.

     

    A lire en écoutant : Bibo no Aozora, de Ryuichi Sakamoto. Bande original du film Babel. Fantasy Record 2006.

     

     

  • JAMES LEE BURKE : SWAN PEAK, L’OUBLI DANS LA GRANDEUR DE LA NATURE.

    swan peak,rivages,james lee burke,robicheaux,purcell,montanaIl aura fallu un ouragan pour que Dave Robicheaux, sa femme Molly et son inénarrable compagnon Clete Purcell quittent momentanément les terres submergées de la Nouvelle Orléans et de New Ibéria pour se ressourcer dans l'ouest du Montana. Loin de trouver le repos, les deux compères se retrouvent aux prises avec les frères Wellstone, riches propriétaires terriens entourés de personnages patibulaires qui ont jadis frayé avec la mafia. Les fantômes du passé ressurgissent alors qu'un tueur en série sévit dans la région, tandis qu'un prisonnier fugitif, traqué par un gardien inquiétant, tente de retrouver sa petite amie désormais mariée à l'un des frère Wellstone. Des passés obscurs, des rancœurs enfouies et des faits divers terrifiants vont semer le trouble dans la région.

     

    En Louisiane ou dans le Montana, on se complaît dans les atmosphères envoutantes des récits de James Lee Burke car cet auteur de talent parvient toujours à nous séduire que ce soit par ces descriptions lyriques d'une nature somptueuse ou par le charme de personnages qui deviennent toujours plus complexes au fil de ses ouvrages.

     

    Swan Peak ne déroge pas à la règle, bien au contraire. Il s'agit de l'un des romans le plus abouti de ce grand écrivain. Toutefois n'espérez pas trouver d'intrigues tarabiscotées ou de grandes doses d'adrénaline dans ce 17ème opus des aventures de Dave Robicheaux. L'histoire s'installe tranquillement comme une de ces rivières du Montana où l'on aime à pêcher à la mouche, un rythme fait de quiétudes et de sursauts à l'ombre des Mission Mountains. Certains pourront reprocher l'attitude très en retrait des personnages principaux qui deviennent presque spectateur des trames qui se jouent tout autour d'eux, mais on ne pourra qu'apprécier l'ambiguïté et les contrastes des acteurs secondaires qui prennent le devant de la scène en renouvelant ainsi la structure usuelle des récits de James Lee Burke.

     

    L'action se déroule donc non loin de Missoula qui est également le second lieu de résidence de l'auteur et qui semble être devenue la Mecque de bon nombre d'écrivains nord-américains, comme feu James Crumley, Richard Ford, Thomas McGuane et Jim Harrison. Ce n'est d'ailleurs pas la première incursion dans cet état, puisque James Lee Burke avait déjà fait évoluer le personnage de sa seconde série, Billy Bob Holland, dans la région avec Bitterrott.

     

    En toile de fond, il y a toujours cette inquiétude pour la préservation d'une nature qui semble menacée par les feux de forêts, les mines à ciel ouvert et l'exploitation du pétrole ainsi que la problématique de l'élevage intensif. Et puis on retrouve cette lutte permanente des personnages principaux qui tentent de refréner la résurgence de leurs démons intérieurs en cherchant en vain l'endroit idéal pour déposer les bagages encombrants d'un passé qu'ils ne peuvent oublier.

     

     

    James Lee Burke : Swan Peak. Editions Rivages / Thriller 2012. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Christophe Mercier.

     

    A lire en écoutant : One Time One Night - Los Lobos - Wolf Track : The Best of Los Lobos. Rhino 2006.

     

     

  • KEIGO HIGASHINO : LE DEVOUEMENT DU SUSPECT X, LA MALEDICTION DU FACTEUR HUMAIN.

     

    keigo higashino,dévouement suspect x,polar japonaisVoilà c'est fait : une erreur réparée en abordant pour la première fois la littérature policière japonaise, avec le Dévouement du Suspect X de Keigo Higashino. Pour cette première, il s'agit d'une enquête à la « Colombo », puisque, d'emblée, nous connaissons l'auteur du crime, ainsi que ses motivations.

     

    Yasuko Hanaoka vit seule avec sa fille, dans un modeste appartement. Elle tente en vain, de se soustraire au harcèlement  infernal de son ex-mari qui ne cesse de lui réclamer de l'argent. Une confrontation de trop tourne au drame, lorsque l'ex-mari s'en prend à sa belle-fille. Sous l'emprise de la fureur et de l'affolement, Yasuko Hanoaka commet l'irréparable en tuant cet odieux personnage. Ishigami, voisin de Yasuko, va mettre son talent de mathématicien de génie au service de sa voisine, dont il est amoureux, pour maquiller le crime.

     

    Un homme nu, dont les mutilations rendent l'identification impossible est découvert au bord du fleuve. C'est l'inspecteur Kusanagi qui est chargé de l'enquête. Pour l'aider, il consulte fréquemment son ami  Yukawa, brillant physicien doté d'une très grande facultés de déduction. Une joute fascinante mais impitoyable va s'engager entre le mathématicien et le physicien afin d'établir une vérité qui n'est pas si évidente que ne laisse paraître les apparences. Une confrontation entre la froide logique mathématicienne et la bouillonnante ivresse de la passion.

     

    Du respect et de la dignité, c'est ce qui ressort des rapports sociaux qui régissent cette société nippone où la pudeur des sentiments ne fait qu'exacerber l'intensité de la passion. C'est bien ce qui transparaît au travers des personnages de ce roman  dont la construction est somme toute assez classique. Pourtant, au fil des pages, l'intrigue faite de déductions logiques, nous dévoile les émotions des différents protagonistes jusqu'au dénouement finale qui cristallise toute l'ampleur des sacrifices consentis au nom de l'amour. C'est l'un des thèmes majeur de l'ouvrage de Keigo Higashino qui met en relief l'antagonisme entre la rigueur du raisonnement scientifique et l'instabilité du facteur humain qui peut tout remettre en question.

     

    L'autre talent de l'auteur est de nous transporter, d'une apparence à une autre au gré de petites allusions bien placées, sans nous en dévoiler les tenants et les aboutissants. Des faux-semblants qui piègeront le lecteur jusqu'au dénouement final. Un bel ouvrage, tout en passion et en sensibilité capable de pulvériser l'implacable constance des axiomes mathématiques et physiques. Maudit facteur humain !

     

     Keigo Higashino ; Le Dévouement du Supect X. Editions ACTES SUD/Actes noirs 2012. Traduit du japonais par Sophie Refle.

    A lire en écoutant : Risky de Ryuichi Sakamoto. Album : Néo Géo. CBS Records, 1987.