Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

LES AUTEURS - Page 91

  • Joseph Incardona : 220 Volts. Terreur dans la montagne.

    joseph incardona, 220 Volts, Lonely betty, ramuz, edition fayard, edition finitudeAvant même que le mot ne définisse le genre, Ramuz s’empara des codes du thriller pour raconter une histoire terrifiante qui se déroulait dans la montagne. Publié en six épisodes durant l’été 1925, La Grande Peur dans la Montagne reste aujourd’hui encore l’un des grands succès de l’auteur. Né à Lausanne, tout comme Ramuz, Joseph Incardona, a repris les thématiques de la montagne et de l’isolement pour nous pondre un thriller aussi fulgurant qu’une décharge électrique, intitulé 220 volts.

     

    L’angoisse de la page blanche c’est ce que semble subir Ramon Hill, écrivain à la notoriété grandissante qui ne parvient pas à achever son dernier roman. Mais Margot, sa superbe épouse avec qui il a eu deux beaux enfants, lui propose de partir une quinzaine de jours dans le chalet isolé de ses parents pour ressouder leur couple et retrouver l’inspiration manquante. Dubitatif, Ramon se laisse convaincre étant persuadé qu’un petit séjour à la montagne ne peut pas leur faire de mal. Mais l’isolement mêlé à des sentiments de paranoïa et de doute ne font jamais fait bon ménage et Ramon Hill va l’apprendre à ses dépens.

     

    La quintessence du thriller voilà comment l’on pourrait qualifier 220 Volts de Joseph Incardona. En moins de 200 pages l’auteur nous concocte une histoire somme toute assez classique mais qui va à l’essentiel. Et c’est ici que réside tout le talent de l’auteur qui, dans un style tout à la fois sardonique et acéré, nous entraine dans les affres de l’auteur en panne d’inspiration. Il faut savourer chacune des lignes de ce conte de fée qui vire à la tragédie pour s’achever dans un final totalement immoral pour se demander au détour de chacune de pages comment l’histoire va évoluer. Car si l’histoire est classique, l’enjeu du roman ne consiste pas à se demander ce qu’il va se passer, mais comment cela va-t-il se dérouler et c’est au détour de cette question essentielle que le lecteur prendra plaisir à découvrir les subtils rebondissements de ce superbe thriller.

     

    joseph incardona, 220 Volts, Lonely betty, ramuz, edition fayard, edition finitudeS’il ne pensait pas à Ramuz, Joseph Incardona avait probablement en tête l’œuvre d’un autre romancier lorsqu’il a écrit ce thriller. Un écrivain en panne d’inspiration, isolé dans la montagne avec femme et enfant, ça ne vous rappelle rien ? Si vous ne trouvez pas, vous découvrirez la réponse dans Lonely Betty, autre roman de Joseph Incardona qui se déroule dans le Maine le soir de Noël et qui narre le dernier jour de Betty, une institutrice retraitée et centenaire. Soixante ans après la disparition de trois enfants, Betty s’apprête à faire des révélations surprenantes qui concernent un de ses anciens élèves devenu célèbre. Un magnifique hommage qui se lit d’une traite.

     

     

    Joseph Incardona : 220 Volts. Edition Fayard Noir 2011.

    Lonely Betty. Edition Finitude 2010.

    A lire en écoutant : Main Title Theme of Shining de Wendy Carlos et Rachel Elkind.  (Songe d’une Nuit de Sabbat de Berlioz/Symphonie Fantastique).

  • TREVANIAN : THE MAIN. FLIC DE RUE.

    Capture d’écran 2014-05-18 à 23.58.47.pngThe Main de Trevanian, c’est l’ouvrage par excellence que le jeune flic devrait lire et que le vieux flic qu’il deviendra devrait relire pour contempler tout le chemin qu’il a parcouru durant sa carrière en arpentant les rues de son quartier. Un parcours de vie peu commun et épuisant.

     

    Car la rue possède sa logique, ses codes, sa propre morale qu’aucune loi ou règlement ne parviendra à cadrer ou à réguler. La rue demeure un mystère insondable. Son éthique est aussi fluctuante que les flots de passants qui déambulent sur ses trottoirs. La rue est un être protéiforme qui vous emporte et qui vous broie, qui vous supporte et qui vous brise, qui vous recueille et qui vous chasse. La rue vous aime et vous déteste. La rue c’est propre et c’est dégueulasse tout à la fois. La rue c’est un ensemble mystérieux au milieu duquel gravite le flic de quartier qui tente de démêler cet écheveau géant dont les fils restent constamment entremêlés.

     

    La rue c’est parfois quelques blocs, un quartier ou une ville toute entière. La rue c’est les Pâquis à Genève, Pigalle à Paris, Soho à Londres, Saint-Denis dans son ensemble. La rue ça peut être également The Main à Montréal où Trevanian a planté le décor de l’ouvrage qu’il publia en 1976.

     

    The Main, c’est le surnom du boulevard Saint-Laurent à Montréal où évolue la silhouette solitaire du lieutenant LaPointe qui veille sur un petit peuple de commerçants, d’escrocs, de tenanciers de bar, de clochards et de prostituées auxquels se mêle une population de migrants en quête d’un monde meilleur. Flic vieillissant LaPointe applique ses principes peu orthodoxes au grand dam d’un jeune policier stagiaire qui l’accompagne durant quelques jours et qui peine à comprendre le sens d’une logique de rue  qui est à l’antipode de ses valeurs et des codes éthiques d’une institution policière en pleine mutation. Et ce n’est pas le cadavre d’un inconnu, poignardé au fond d’une ruelle qui va faciliter les relations entre deux générations de flic qui peinent à se comprendre. Une affaire banale qui amènera LaPointe à revisiter un passé qu’il croyait enfoui à tout jamais dans les méandres de l’oubli.

     

    Même si elle n’est pas dénuée d’intérêt l’intrigue policière reste en marge du récit qui se concentre sur l’atmosphère d’un quartier que l’auteur parvient à restituer à la perfection par l’entremise de personnages secondaires dotés de parcours de vie peu commun. Par petites touches, au travers d’anecdotes on découvre l’âme de ce secteur que ce vieux flic  parcours inlassablement à pied afin de mieux entretenir les relations qu’il a noué, au fil des années, avec tous les acteurs qui composent le tissu social du quartier.

     

    Avant même qu’elle ne soit définie sur papier et intégrée dans les structures policières modernes, The Main vous donne une bonne définition de ce qu’est la police de proximité avec ce flic qui effectue quotidiennement des patrouilles pédestres dans un quartier qu’il connaît parfaitement, en contact permanent avec les citoyens qui y travaillent et qui y vivent.

     

    L’autre qualité de ce roman c’est qu’il transgresse en permanence les codes des intrigues policières en se focalisant sur ce flic atypique qui ne parvient à nouer aucune relation sérieuse avec qui que ce soit. Amis, femmes et collègues restent en marge de son existence  qui reste entièrement vouée à cette entité urbaine qui lui donne l’illusion de vivre pleinement sa vie.

     

    Les éditions Gallmeister ont eu la bonne idée de remettre au goût du jour la série des best-sellers que publia Trevanian durant les années septante. Derrière ce pseudo se cachait un homme mystérieux dont on ne sait finalement pas grand chose hormis le fait qu’il possédait un grand talent narratif et un sens de l’intrigue qui font que ses textes, aujourd’hui encore, possède un superbe pouvoir de séduction. Et finalement c’est tout ce qui compte.

     

    Trevanian : The Main. Editions Gallmeister 2013. Traduit de l’anglais (USA) par Robert Bré.

    A lire en écoutant : Becomes the Color (From «Stocker ») de Emily Wells. Album : Bande originale du film Stocker. 2013 Twentieth Century Fox Film Corporation.

     

  • GUSTAVO MALAJOVICH : LE JARDIN DE BRONZE. LE FIL DE L’ARAIGNEE.

    Capture d’écran 2014-05-11 à 22.16.58.pngSur les étals de nos librairies vous trouverez bien évidemment des polars français et une quantité importante de romans anglo-saxon, sans compter cette omniprésente déferlante d’ouvrages provenant des pays nordiques. Mais depuis quelques temps, c’est le roman noir ou le polar d’origine hispanique qui fait son apparition et commence à prendre une place prépondérante dans cet univers littéraire à l’instar du cinéma espagnol et argentin. Bien sûr il y avait Paco Ignacio Taibo II et Leonardo Padura deux grandes pointures du polar qui faisaient figure d’exceptions, mais désormais il faut compter avec des auteurs émergeants comme Victor del Arbol et Suso De Toro ou résurgents comme Francisco González Ledesma.

     

    L’argentin Gustavo Malajovich s’inscrit dans cette mouvance en nous livrant son premier roman Le Jardin de Bronze qui narre les affres d’un père obstiné à la recherche de sa fille disparue.

     

    A Buenos Aires, la petite Moira, âgée de 4 ans disparaît mystérieusement avec sa baby-sitter alors qu’elles se rendaient à un goûter d’anniversaire. Le père, Fabien Danubio, va devoir faire face à l’incompétence de la police tout en soutenant sa femme qui perd pied à mesure que l’enquête piétine. Sur plus d’une décennie, Fabien Danubio aidé d’un détective assez original va tenter de retrouver sa fille en comptant sur de maigres indices comme cette petite araignée de bronze dont l’alliage particulier le conduira au cœur de la province d’Entre Rios où règne un sculpteur despote à la tête d’une exploitation forestière.

     

    Dans un premier temps urbain pour devenir rural, Le Jardin de Bronze est avant tout une invitation au voyage pour découvrir une Argentine méconnue que l’auteur distille au fil d’une histoire de disparition qui sort des sentiers battus. Il y a tout d’abord cette magnifique ville de Buenos Aires que l’auteur revêt d’habits sombres et mystérieux diffusant cette atmosphère envoutante dans laquelle le personnage principal s’égard en parcourant les dédales de rues interminables et inextricables à l'image de la tragédie qui le hante. Puis le récit prends des allures de Au Cœur des Ténèbres lorsque notre héros remonte le grand fleuve Panarà pour s’aventurer sur les berges sinueuses d’un confluent dévoré par une végétation aussi étouffante que la grande ville de Buenos Aires.

     

    Capture d’écran 2014-05-11 à 22.21.26.pngMais il n’y a pas que l’aspect touristique qui entre en ligne de compte dans le cadre de ce roman envoutant où, au fils des années qui s’écoulent, l’espoir de retrouver son enfant disparu se dilue au grand désespoir de ce père qui lutte pour ne pas oublier le visage de sa fille. Car Fabien Danubio est un personnage profondément humain tout en courage et vulnérabilité qui se retrouve très fréquemment dépassé par les évènements qui le submergent. Vulnérable, dépassé, Fabien Danubio sera soutenu par Doberti, un détective privé peu ordinaire dont le bureau, véritable capharnaüm, se situe dans l’immeuble baroque du Palais Barolo, vibrant hommage architectural à l’Enfer de Dante. Capture d’écran 2014-05-11 à 22.23.03.pngLe personnage qui n’a rien de reluisant et qui peu paraître extrêmement maladroit pour exercer un métier pareil,  se révélera indispensable pour faire rebondir l’enquête avec quelques éléments qu’il découvrira grâce à un don d’observation et une obstination qui frise le cas pathologique. Et que dire de ce mystérieux sculpteur qui façonne le bronze pour créer des œuvres mécaniques aussi mystérieuses que mortels tout en ornant son jardin de statues délicates reproduisant encore et toujours la femme qu’il ne pourra jamais véritablement aimer.

     

    Le talent de Gustavo Malajovich c’est de n’épargner aucun de ces personnages, aussi attachants soient-ils, pour parsemer son récit de fausses pistes et de rebondissements qui saisissent le lecteur jusqu’à la dernière page, dans un exercice d’équilibre narratif parfaitement maîtrisé. Transgressant les structures classiques du récit de disparition, Le Jardin de Bronze est un roman aussi envoutant qu’original qu’il faut absolument découvrir afin de s’immerger au cœur d’un univers  qui saura séduire les plus blasés d’entre vous.

     

    (Photos : Palais Barolo. Buenos Aires http://www.argentour.com & http://assistanceexpatsbuenosaires.wordpress.com)

     

    Gustavo Malajovich : Le jardin de Bronze. Editions Actes Sud/Actes Noires 2014. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Claude Fell.

    A lire en écoutant : Over de Portishead. Album : Roseland NYC Live. Go ! Discs/London 1998.

  • Adrian McKinty : Une Terre Si Froide. Le brasier irlandais.

    Capture d’écran 2014-05-04 à 23.41.06.pngC’est parfois avec le polar que l’on parvient à comprendre les enjeux majeurs et les circonvolutions complexes d’une guerre civile comme celle qui s’est déroulée durant plusieurs décennies sur les territoires de l’Irlande du Nord.

     

    Une Terre Si Froide est le premier opus d’une trilogie consacrée à ce conflit qui nous relate les aventures du sergent Sean Duffy, personnage atypique ayant la particularité d’être un enquêteur de confession catholique au service d’une institution policière à majorité protestante qui combattait l’IRA.

     

    Un homme abattu que l’on retrouve sur un terrain vague avec la main coupée, n’a rien d’inhabituel pour Sean Duffy. C’est le sort que réserve habituellement l’IRA aux indics qui collaborent avec la police. Sauf que des sévices d’ordre sexuels tendent à orienter les policiers vers un tueur qui a décidé de s’en prendre à la communauté homosexuel d’autant plus qu’un deuxième cadavre ayant subit les mêmes sévices est découvert quelques jours plus tard. A-t-on à faire au premier serial killer opérant sur les terres irlandaises ? Une enquête extrêmement périlleuse pour Sean Duffy qui va devoir évoluer dans une région sous haute tension avec la mort de Bobby Sands, gréviste de la faim emprisonné à la prison de Maze. En 1981, les émeutes, attentats et exécutions sont le lot quotidien des policiers de l’Irlande du Nord !

     

    En mêlant la fiction aux faits historiques, Adrian McKinty nous entraine au cœur d’une enquête policière particulièrement palpitante tout en nous décrivant les différentes factions qui s’opposèrent durant ce conflit sans pour autant perdre le lecteur dans de laborieuses explications. Tout y est finement décrit sans aucune lourdeur et à la fin de ce récit IRA, Sinn Fein, RUC et autres groupuscules n’auront plus aucun secret pour vous. On y découvre, entre autre, les modes de financements occultes et peu glorieux qui permirent à ces différentes factions d’opérer durant des années en se partageant notamment les bénéfices de la vente de la drogue qui ravageait le pays. Des petits arrangements entre ennemis qui donnent une vision encore plus sombre du conflit. L’auteur évoque également les tabous que sont l’avortement et l’homosexualité dans une société gangrénée par la violence, le racket et la corruption. Pour parfaire le tout, il y a cet humour irlandais corrosif et grinçant qui pimente parfois l’histoire d’une façon saisissante.

     

    Capture d’écran 2014-05-04 à 23.45.29.pngEt puis il y a ce plaisir de retrouver le climat des années 80 que l’auteur a distillé par petites touches tout au long de son récit. Car outre l’actualité c’est avec les voitures (Ford Granada), les looks et le cinéma (Les Chariots de Feu) que vous allez découvrir cette époque. Pour s’y immerger encore d’avantage on ne peut que conseiller de se constituer une « bande originale du livre » en relevant le titre des albums qu’écoute l’attachant Sean Duffy dans sa petite maison de Coronation road. Un personnage qui n’est pas d’ailleurs pas sans rappeler le fameux policier écossais John Rebus également grand amateur de musique. 

     

    Capture d’écran 2014-05-04 à 23.46.54.png

    Tout en fluidité, bien maitrisé, Une Terres Si Froide est un récit aux intonations aussi rauques que la voix de Tom Waits auquel Adrian McKinty a emprunté le titre d’une de ses chansons A Cold Cold Ground.

     

    Adrian McKinty : Une Terre Si Froide. Stock/La Cosmopolite Noire 2013. Traduit de l’anglais (Irlande) par Florence Vuarnesson.

    A lire en écoutant : A Cold Cold Ground de Tom Waits. Album : Frank Wild Years. The Island Def Jam Music Group 1987.

     

  • Jo Nesbo : Police. La fuite en avant !

    Jo Nesbo, harry hole, police, serie noire, gallimardLa mondialisation et la surenchère sont les deux phénomènes qui desservent bien trop souvent le thriller qui devient un genre de plus en plus dévoyé par les impératifs commerciaux du nombre d’exemplaires vendus. On ne se préoccupe plus de la qualité de l’histoire ou de l’écriture qui devient d’ailleurs de plus en plus standardisée pour le confort du lecteur qui n’aura plus d’effort à faire pour intégrer le style particulier des auteurs. On lit le même livre … encore et encore … Bien souvent, l’auteur piégé dans la spirale du volume de tirages de son œuvre, se croit contraint d’inventer des histoires de plus en plus ahurissantes pour continuer à capter son lectorat. C’est encore pire avec le techno-thriller où certains écrivains (Thilliez – Crichton) vont même jusqu’à prétendre que leurs élucubrations sont tirées de faits réels ou d’observations scientifiques avérées.

     

    J’avais soulevé cette problématique du thriller avec Kaïken de Jean-Christophe Grangé que vous retrouverez ici. Mais il est bien évidemment loin d’être le seul. L’exemple le plus dramatique on le constate avec l’œuvre de Thomas Harris qui avait tout d’abord publié l’excellent Dragon Rouge où l’on découvrait dans un rôle secondaire le fameux Dr Hannibal Lecter suivit du très convaincant Silence des Agneaux. Mais il faudra bien admettre que Hannibal et Hannibal, les Origines du mal malgré leurs records de vente se sont révélés être des livres absolument grotesques  nous révélant un Hannibal Lecter en couple avec Clarice Sterling où avoir été, dans sa jeunesse, un « gentil » serial killer. Soyons sérieux !

     

    Avec Police, dernier opus de la série Harry Hole, nous sommes confrontés au même problème. Nous retrouvons notre héros bien en vie alors qu’il avait été laissé pour mort à la fin du très médiocre Fantôme qui résonne comme un artifice plus que douteux pour maintenir un lectorat en haleine. Parce que quand même, de vous à moi, on pouvait bien se douter que l’auteur n’allait pas laisser périr ainsi son personnage fétiche.

     

    Un cadavre est découvert dans une forêt en bordure d’Oslo. Il s’agit d’un policier assassiné sur les lieux d’un crime qui n’a jamais été résolu. Une série de crimes similaires décimant les forces de police va contraindre Harry Hole, retiré comme enseignant à l’école de police, à reprendre du service pour traquer ce tueur mystérieux.

     

    Dans ce récit, Jo Nesbo usera et abusera des artifices narratifs pour que le lecteur puisse tourner les pages en se demandant par exemple qui est le mystérieux personnage plongé dans un coma artificiel et maintenu sous surveillance policière. Mais si l’on a, tant soit peu, une étincelle de lucidité on pourra bien deviner qu’il ne s’agit pas du personnage principal tout comme l’on se doutera bien que la cérémonie finale n’est pas celle que l’auteur entend nous faire croire, ceci sur plusieurs dizaines de pages. Hormis cela, il y a cette manie abbérante qui consiste à équiper un serial killer particulièrement retord avec un matériel que l’on peinerait à faire entrer dans un semi-remorque mais que le type trimbale d’un bout à l’autre de la ville sans que cela pose le moindre problème. J’exagère un peu, mais à peine. Par contre je n’exagère pas en évoquant cet épisode plus que douteux (voir sexiste) où une inspectrice doit se triturer les seins, ceci sans contrainte, pour que le pervers qu’elle interroge lui livre des informations ! Rien que ça ! Ces mêmes informations virent à la farce en expliquant ainsi l’évasion rocambolesque d’un prisonnier qui en tue un autre et le planque durant trois jours dans une malle sans que personne dans la prison ne se rende compte de rien. Franchement !

     

    Ce ne sont là que quelques exemples et la liste est loin d’être exhaustive. Je passe sur le tueur qui n'est pas celui que l'on croit mais qui reste quand même un tueur, le conflit entre le personnage principal et le chef de la police qui commandite des meurtres avec l'appui d'une conseillère administrative perverse, le flic homophobe amoureux de son chef et le final rocambolesque qui nous contraindra tout de même à nous demander si l'auteur ne nous prend pas pour des abrutis.

     

    On aurait pu au moins s’attendre à une description particulièrement intéressante de l’institution policière comme le promettait le titre du roman, mais toute la thématique est galvaudée par des poncifs et des raccourcis qui frisent la caricature. Schémas simplistes, flics stéréotypés c’est tout ce que vous trouverez dans ce roman.

    Il nous reste à analyser les relations qu’entretiennent Harry Hole, Rakel, (la femme qu’il aime) et Oleg, (le fils de cette dernière) qui virent à la farce.  On va nous faire croire que Harry Hole a pardonné son beau-fils d’avoir tenté de l’abattre de trois balles sans d’ailleurs que Rakel ne soit au courant. Une bonne petite cure de désintoxication pour le gamin et c’est reparti pour Oleg et Harry Hole qui s’adorent à nouveau comme si rien ne s’était passé. Un petit mariage pour conclure ce récit et on oubliera rapidement ce piètre épisode de la série. Mais tout cela n’est pas possible puisque plusieurs aspects de l’histoire restent encore en suspens et trouveront  leurs conclusions dans un prochain épisode (il faut bien entretenir la poule aux oeufs d'or) ce qui contraindra les pauvres lecteurs que nous sommes à se remémorer les divagations d’un auteur qui se révèle de plus en plus décevant au fur et à mesure de sa notoriété grandissante.

     

     

    Jo Nesbo : Police. Editions Gallimard/Série Noire 2014. Traduit du norvégien par Alain Gnaedig.

    A lire en écoutant : Whispering d’Alex Clare. Album : The Lateness of the Hour. Universal Island Records 2011.