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LES AUTEURS - Page 92

  • Alexis Ragougneau : La Madone de Notre-Dame. Le fantôme d’Esmeralda.

    Capture d’écran 2014-01-19 à 13.58.05.pngService de presse.

     

    Lorsque l’on évoque la fameuse cathédrale érigée au cœur de Paris on ne peut s’empêcher de penser que l’on va avoir à faire à un énorme pavé à l’instar du grand classique de Victor Hugo. Ce n’est pas le cas avec la Madone de Notre-Dame d’Alexis Ragougneau qui nous immerge, dans une poignée de page, au cœur de ce monument qui est l’un des plus visité de France, devançant même la fameuse Tour Eiffel.

     

    C’est au lendemain de la procession de l’Assomption de la Vierge Marie que l’on découvre dans la nef principale, le corps figé d’une belle inconnue dont l’immaculée tenue provocante contraste singulièrement avec ce lieu sacré. Le sexe scellé avec la cire d’un cierge orientera la police et le procureur Claire Kauffmann vers un dévot de la Vierge Marie qui a eu une altercation avec la victime lors de la cérémonie religieuse. Néanmoins, le père Kern, prêtre à Notre-Dame, doute sérieusement du bienfondé des soupçons des autorités. Secondé par un détenu qu’il visite régulièrement, la quête que va mener le père Kern permettra-t-elle de rétablir la vérité ?

     

    L’auteur, homme de théâtre, s’attache principalement aux personnages et bien évidemment au décor grandiose qu’il semble connaître parfaitement pour nous livrer une enquête des plus classiques qui s’étale sur un laps de temps assez court. Au fil de l’histoire vous allez découvrir l’univers des surveillants, diacres, prêtres et égarés qui gravitent autour d’une cathédrale désormais livrée à un flot incessant de touristes. Lieu touristique, lieu de culte c’est cette attribution contradictoire que l’auteur met en exergue par petites touches tout au long du récit.

     

    Dans l’univers du polar, les « hommes de dieu – enquêteurs », comme le frère Cadfael, le père Brown ou même le frère Guillaume de Baskerville sont très communément dotés de facultés de réflexion et d’observation hors du commun. Le père Kern lui ne possède aucune de ces caractéristiques. L’homme affligé d’une terrible maladie qui l’a empêché de grandir (il mesure un mètre quarante huit) et dont les terribles crises paralysent ses articulations n’est pourvu que d’une formidable humanité et d’un sens de l’écoute qui lui permettront de résoudre son enquête. C’est ce qui fait toute la force du personnage qui apparaît dans sa vulnérabilité aussi bien psychique que physique comme un être aussi fragile que les pauvres âmes qu’il tente de réconforter.

     

    On regrettera peut-être un petit manque d’équilibre entre certains personnages secondaires qui paraissent plus fades (La procureur Claire Kaufmann, l’inspecteur Landard) et que l’auteur a pourtant jugé bon de développer plus que de raison au détriment de certains protagonistes atypiques dont les caractéristiques semblaient beaucoup plus prometteuses comme par exemple Djibril le détenu qui seconde le père Kern, le vieux clochard polonais ou la dame aux coquelicots. On pourrait également regretter le côté archi convenu de ce récit jusqu’au moment où l’on plonge dans le passé du meurtrier qui évoque une page sombre de l’histoire de France et qui permet à l’auteur, comme un clin d’œil redoutable, de nous demander si l’on peut espérer trouver le salut dans la foi et la prière.

     

    Avec la Madone de Notre-Dame, vous allez faire la connaissance d’un nouvel enquêteur un brin décalé qui prend naissance dans l’ombre éthérée d’un monument majestueux. Bel atmosphère envoutante pour ce premier livre d’Alexis Ragougneau qui se lira d’une traite.

     

    Alexis Ragougneau : La Madone de Notre-Dame. Editions Viviane Hamy. En librairie le 23 janvier 2014.

    A lire en écoutant : Spem in Alium. Album : The Tallis Scholar sing Thomas Tallis – Spem in Alium. Gimell 2004.

     

  • Thierry Chavant/David Chauvel/Olivier Le Bellec : 22 (Une enquête explosive). Lumière sur police-secours.


    22 une enquête explosive, delcourt, david chauvel, thierry chassant, olivier le belles, BRB, police-secours Les immersions dans le cadre de police-secours sont bien trop rares pour être passées sous silence surtout lorsqu’elles sont contées par un flic de la BRB, Olivier le Bellec qui a débuté comme policier en uniforme. A l’heure où l’on a confronté deux métiers soi-disant différents (Police judicaire – gendarmerie) dans le cadre du débat concernant l’école de police unique à Genève, j’aime assez le point de vue que nous livre ce collègue français dans le postface de ce premier opus :

     

    « Voilà quatorze ans, lorsque j’intégrai l’Ecole de police, je ne connaissais rien à la police. Uniquement ce que je voyais à la télé et dans les journaux, autant dire pas grand-chose. J’ai commencé ma carrière comme « bleu », gardien de la paix en uniforme, affecté au sein d’une brigade de nuit dans le 93. Faut reconnaître que ce n’était pas ce dont je rêvais à la base !

    Moi je voulais être policier en civil comme les héros télévisée de ma jeunesse, Belmondo, Starsky et Hutch …  Je me suis néanmoins investi pleinement dans mon boulot et j’ai rapidement découvert l’ordinaire du flic de police secours, de nuit : les violences conjugales, les mecs bourrés, les effets de la pleine lune, les accidents de la circulation, les violences sexuelles, les premiers morts …

    Avant d’intégrer la boîte je n’avais jamais été confronté à la mort et je l’ai prise dans la gueule sous toutes ses formes : la simple mort naturelle, le suicide, l’overdose, le meurtre … Mais j’ai aussi découvert mon goût pour le « flag », l’interpellation de « casseurs », de voleurs de voitures, de braqueurs …

     

    L’expérience acquise chez les « bleus » me sert désormais dans mon travail à la prestigieuse Brigade de répression du banditisme. Cette dernière m’a permis de découvrir un autre aspect de la police. « Bleu » je devais être vu. Flic à la BRB, je devais désormais apprendre à ne plus l’être, à filocher, à appréhender un minimum la procédure et les écoutes, et à travailler avec les « tontons ». Aujourd’hui je considère que la police est une grande maison aux pièces multiples. Il y en a plein que je n’ai pas encore découvertes et d’autres que je connais bien ou pour partie. J’aimerais vous en faire découvrir certaines Vous ne saurez jamais quelle part de ces histoires est réelle ou fictive, mais elles sentiront toujours la sueur, le sang, le vécu… Tout ce qui fait de moi et de mes collègues des flics. »

     

    22 une enquête explosive, delcourt, david chauvel, thierry chassant, olivier le belles, BRB, police-secours

    Avec 22 vous allez faire la connaissance d’Inès, jeune femme gardien de la paix, qui patrouille avec ses deux collègues dans les rues de Paris. Le trio est interpellé par une jeune femme qui leur fait part de son agression. S’ensuit une poursuite épique dans le métro tandis que dans un autre quartier de la Ville Lumière, deux braqueurs s’en prennent à la vitrine d’une bijouterie qu’ils font exploser pour s’emparer des bijoux avant de s’enfuir à moto. Yves, jeune flic de la BRB, dépêché sur les lieux, parviendra-t-il à appréhender ces deux malfaiteurs ? Nous découvrirons la finalité de ces trois trajectoires dans le second opus encore à paraître.

     

    On reconnaît tout de suite dans les scènes d’actions (magnifiquement mises en scène par Chavant), les actes d’enquêtes et le langage des protagonistes, l’influence du flic de terrain qui nous livre quelques éléments de ses années d’expérience. Mais c’est peut-être au travers du regard d'Inès que l’on retrouve probablement le plus de réminiscences liées au début de carrière de ce policier qui ose évoquer les récurrents problèmes de sexisme que l’on retrouve dans tous les corps de police car de nos jours encore, être policière tient de la gageure.

     

    Un scénario brillamment construit qui pourra paraître singulier au niveau de la temporalité avec l'intervention d'Inès qui se déroule sur une journée alors que l'enquête d'Yves semble se dérouler sur plusieurs semaines pouvant amener une certaine confusion qui trouvera peut-être sa finalité dans le second tome que l'on attend avec impatience.

     

    De police-secours à la BRB en passant par l'élaboration de scénarios, Olivier Le Bellec applique un des préceptes essentiels pour durer dans ce métier si intense qui a brisé tant de collègues qui peinent parfois à comprendre que le salut réside aussi dans la possibilité de changement en explorant les multiples pièces de la grande maison. 

     

    Dessin : Thierry Chavant  - Scénario : David Chauvel/Olivier Le Bellec : 22 (Une Enquête Explosive). Editions Delcourt 2014.

     

    A lire en écoutant : Brain Stew de Green Day. Album : Insomniac. Reprise 1995.

  • JEAN-JACQUES BUSINO : UN CAFE, UNE CIGARETTE. LE ROMAND NOIR.

    jean-jacques busino, un café une cigarette, rivages, orphelinat naplesJ’ai connu Jean-Jacques Busino bien avant qu’il ne se lance dans l’écriture alors qu’il trônait derrière le comptoir de son magasin de disque ABCD qui se situait à proximité de la gare. Une époque bénie où l’on ne vendait pas du disque au kilo et où l’on prenait le temps de vous raconter des histoires. Car Jean-Jacques était déjà un conteur d’histoire qui vous déclamait son amour pour Frank Zappa et le Thallis Scholar en vous servant des cafés noirs et bien serrés. Un regard aussi sombre que sa chevelure vous évaluait en quelques secondes avant de vous dispenser ses conseils avisés dans les domaines musicaux les plus variée. Un passionné l’ami Busino que j’ai perdu de vue après la fermeture de son magasin.

     

    C’est en 1994, sur le présentoir d’une librairie que j’ai eu de ses nouvelles en découvrant son premier roman Un café, une cigarette qui se lit le temps de consommer l’un et l’autre en découvrant les tourments d’une bande de gamins écumant les ruelles de la ville de Naples. Un récit fulgurant qui vous sonne avec la brutalité d’une balle de 44 Magnum.

     

    Largué par sa fiancée qui lui a laissé leur fille à peine âgée d’un an, André quitte la Suisse pour retrouver son cousin napolitain qui se fait fort de lui remonter le moral. Car Massimo est un petit caïd de la ville haut en couleur qui survit en fourguant des couteaux suisses qu’André lui fait parvenir. Un commerce florissant qu’il partage avec une bande de gosses cabossés par la vie. Avec Massimo comme guide, André va percevoir les malheurs quotidiens de ces enfants perdus qui survivent comme ils peuvent dans cette ville tentaculaire qui broie les âmes sans aucune pitié. Loin de se résigner, le jeune suisse, tout aussi borderline qu’idéaliste, va monter avec l’aide de son cousin un orphelinat pour abriter cette jeunesse condamnée à assouvir les vices d’adultes sans scrupule. Mais pour mener à bien ce projet, les deux jeunes garçons devront livrer un combat sans merci contre la mafia. L’histoire d’une rédemption au travers d’une guerre perdue d’avance.

     

    Que l’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas d’un énième roman sur la mafia qui apparaît d’ailleurs de façon presque fantomatique tout au long du roman. Jean-Jacques Busino se focalise exclusivement sur ces enfants malmenés qui hantent les rues de Naples. Avec la rencontre de la Suisse et de l’Italie par le biais de la verve endiablée de Massimo et la réserve silencieuse d’André c’est tout d’abord cette dualité que l’on découvre tout au long de ce récit comme si l’auteur faisait remonter l’ambivalence de ses origines. Et puis il y a cette violence qui monte crescendo au fil des seize chapitres du roman. On la trouve dans les propos simplistes de Massimo qui parvient à résumer en quelques mots tout le fonctionnement d’une ville qui broie ses enfants perdus et fait écho à la révolte désespérée d’André qui ne peut accepter ce que son entourage considère comme une fatalité. Puis c’est au rythme de la fureur des tueries et du cri des armes à feu que l’on assiste à l’apothéose d’un final aussi brutal que trivial qui ne nous offre aucune concession.

     

    jean-jacques busino, un café une cigarette, rivages, orphelinat naplesL’Alfa Spider de Massimo, le 44 Magnum 12 pouces d’André, Jean-Jacques Busino s’attarde sur ces petits éléments à la manière d’un auteur comme Manchette auquel il emprunte également toute la noirceur et talentueuse simplicité d’un récit brutal.

     

    jean-jacques busino, un café une cigarette, rivages, orphelinat naples

    Un café, une cigarette c’est l’emblème même du roman noir dans toute sa splendeur que vous retrouverez dans ses quatre autres romans édités aux éditions Rivages car Jean-Jacques Busino est un artisan de l’écriture qui va à l’essentiel avec tout ce que cela signifie en regard de ces auteurs qui travaillent avec une pléthore de collaborateurs recherchistes pour nous pondre des récits alambiqués à la limite de l’incompréhension.

     

    Jean-Jacques Busino : Un café, une cigarette. Editions Rivages/Noir 1994.

    A lire en écoutant : Guarda Che Luna interprété par Petra Magoni & Ferrucio Spinetti. Album : Musica Nuda. Bonsaï Music 2004.

     

     

  • Sunil Mann : Fête des Lumières. Zurich ethnique.


    Capture d’écran 2013-12-31 à 19.56.57.pngEn Suisse, il n’y a guère que Dürrenmatt qui se soit essayé au polar et c’est sous le prétexte d’une déconstruction du genre camouflant des besoins alimentaires que le célèbre dramaturge helvétique nous a livré, entre autre, La Promesse avec comme sous-titre évocateur « requiem pour le roman policier ». Il semble que cette oraison funèbre ait eu raison des velléités d’autres auteurs à se lancer dans un genre qui pourrait déparer l’ensemble de l’œuvre littéraire du bon écrivain suisse. A l’exception de Corinne Jaquet qui, dans une série de romans policiers, nous livre, quartier par quartier, un catalogue touristique de la ville de Genève et de Jean-Jacques Busino qui se fait bien trop rare après avoir confectionné cinq perles noires aux éditions Rivages, le paysage romand en matière de polar reste dramatiquement désert.

     

    C’est donc pour palier à ce manque chronique que mon amie Valérie Solano a décidé de mettre sur pied une collection luxueuse de polars helvétiques afin de fusiller les sempiternelles clichés dont ce pays fait régulièrement l’objet. Car au delà de l’aspect propret et lissé d’une contrée aux paysages pittoresques vous allez découvrir avec les éditions des Furieux Sauvages le visage sombre d’une Suisse en proie aux conflits culturels, aux magouilles financières, aux combines foncières et aux problèmes d’immigration et d’intégration.

     

    Pour découvrir ces auteurs vous vous rendrez en librairie (la collection n’est pas  disponible sur A…) pour faire l’acquisition d’un ouvrage relié, imprimé sur un papier de qualité. Un polar relié c’est une première et c’est ce qui explique peut-être l’utilisation du marque page pour me défaire de la détestable habitude de corner les pages. L’avenir du livre réside aussi dans l’excellence de sa conception et la cohérence de diffusion.

     

    Première salve avec la Fête des Lumière de Sunil Mann qui nous entraîne dans les méandres de la ville de Zürich. Oubliez la Paradeplatz et ses « vénérables » établissements bancaires et bienvenue au Kreis 4, quartier multiculturel truffé de bars à champagne, de sex-shops, de restaurants indiens et de kebabs douteux où gravitent les filles faciles. Au cœur de ce quartier animé, vous allez suivre les tribulations du détective privé Vijay  Kumar qui est chargé par un magnat de la presse zurichoise de retrouver sa femme de ménage sud-américaine mystérieusement disparue. Lorsque Vijay réalise que cette même femme de ménage travaillait également pour le politicien de droite, Walter Graf, récemment trouvé mort à son domicile l’affaire prend une autre tournure d’autant plus que l’agression d’un jeune homme dont le jeune détective a été le témoin la veille n’est pas sans lien avec cette sombre affaire. Aidé de Miranda, sublime transsexuelle et de son meilleur ami journaliste José, Vijay devra faire preuve de toute sa sagacité pour parvenir à résoudre cette première enquête tout en complexité. Une lampée d’Amrut (single malt indien) pour la route et c’est parti !

     

    Loyers exorbitants, corruption immobilière (problèmes majeurs des principales villes helvétiques) vont nous permettre de découvrir les différents Kreis (arrondissement) d’une ville plus animée qu’il n’y paraît. Vijay en sera le guide au travers de description teintée d’un humour ironique qui donne beaucoup de fraicheur à un récit qui pourrait s’avérer assez classique. On y décèle tout l’amour que l’auteur voue aux quartiers populaires de Zürich en déclinant toute une série de bars, d’épiceries et de restaurants que vous pourrez découvrir en visitant la ville.

     

    L’immigration et l’intégration des migrants et de leurs enfants nés en Suisse et sont les principaux thèmes que Sunil Mann traite tout en subtilité et en légèreté comme par exemple la relation entre Vijay et sa mère qui au travers de dialogues aussi drôles que caustiques nous déclinent les incompréhensions de deux générations qui ne sont pas nées dans le même pays. Au delà de cette légèreté il y a en arrière plan, cette inquiétude permanente de se voir stigmatiser par des partis qui tentent par tous les moyens de diaboliser la venue de ces populations migrantes. Inquiétude que l’on retrouve notamment dans l’entourage de Rosie, la femme de ménage disparue.

     

    On regrettera peut-être le fait que des personnages hauts en couleur et forts originaux  comme Miranda soient exploités de manière superficielle et gageons que nous les retrouverons dans les prochaines enquêtes de Vijay Kumar, détective privé zurichois !

     

    Friedrich Dürrenmatt – Sunil Mann, tout un parcours !!

     

    Sunil Mann : Fête des Lumières. Editions des Furieux Sauvages 2013. Traduit de l’allemand par Ann Dürr.

    A lire en écoutant : Lake of Udaïpur de Le Tone. Album : En Inde. Label : Cantos 2008.

     

  • VICTOR GISCHLER : COYOTE CROSSING. AU MILIEU DE NULLE PART.

    victor gischler, coyote crossing, jim thompson, 1275 âmes, Cormac McCarthyUne ville paumée au beau milieu d’un état poussiéreux, un adjoint du shérif dépassé sont les archétypes de nombreux romans qui débarquent dernièrement sur les étales des librairies depuis le succès de Cormac McCarthy, « Non ce pays n’est pas pour le vieil homme ! », chef-d’œuvre du roman noir américain, commenté ici.

     

    Coyote Crossing de Victor Gishlerse situerait dans la veine d’un film de Quentin Tarantino selon le commentaire de l’éditeur et il faut bien avouer qu’au niveau de la syntaxe et de la dramaturgie on a plutôt la sensation de lire une espèce de scénario mal ficelé qui nous livre parfois au détour des pages quelques scènes assez originales.

     

    Ancien musicien paumé, Toby Sawyer est retourné dans son trou natal pour endosser à mi-temps l’uniforme de shérif adjoint. Pour sa mission d’un soir, il est contraint de surveiller un cadavre truffé de plomb. La tâche ne s’avérant guère excitante, Toby part rejoindre sa maîtresse. Au retour de son escapade romantique, Toby s’aperçoit que le cadavre a pris la poudre d’escampette. Toute une nuit pour retrouver le corps perdu va l’amener à faire des rencontres aussi denses que sanglantes. Flics corrompus, gangs hispaniques, rednecks déchainés, Toby survivra-t-il à cet enchaînement de hordes sauvages tout en préservant son bébé que sa femme vient d’abandonner.

     

    victor gischler, coyote crossing, jim thompson, 1275 âmes, Cormac McCarthyLe roman sec et nerveux est bourré d’actions. On peut le dire, on n’a guère le temps de souffler au détour de cet amoncellement de personnages stéréotypés qui s’entrecroisent sans que l’auteur daigne s’y attarder. Une volée de plomb et on passe à autre chose. Un peu simpliste comme système qui n’amène pas grand chose à une histoire incohérente où l'on s'entretuerait à tout va, sans que le moindre habitant n'intervienne durant la nuit. Et puis le personnage central n’est guère crédible alors qu’on le présente comme un paumé romantique qui se révèle au gré du roman comme un flic débrouillard et sanguinaire qui n’aurait pas peur de dégommer une tripotée de truands sauvages. Quelques scènes originales, comme la destruction d’un motel abritant une nuée de gangsters et le combat dans le poste de police, sauvent le roman d’un naufrage insipide. 

     

    victor gischler, coyote crossing, jim thompson, 1275 âmes, Cormac McCarthyOn dira de Coyote Crossing qu’il s’agit d’un roman sans prétention et parfois distrayant qui se lit rapidement, ce qui est salutaire pour le lecteur, et après avoir tourné la dernière page, on ne pourra pas s’empêcher de penser à Nick Corey, shérif emblématique du roman de Jim Thompson dans 1275 âmes pour se dépêcher de lire ou relire ce polar d’envergure qui a inspiré avec plus ou moins de succès de nombreux auteurs !

     

     

    Victor Gischler : Coyote Crossing. Editions Denoël 2013. Traduit de l’anglais (USA) par Frédéric Brument.

    A lire en écoutant : Los Lobos : Border Town Girl. Album : Wolf Track, Best of Los Lobos. Rhino 2006.