LAURINE ROUX : TROIS FOIS LA COLERE. MALEDICTION.
Ils ne sont pas si nombreux que cela les romans noirs prenant pour cadre le Moyen-Âge où l’on s’oriente davantage vers les intrigues policières à l’instar du célèbre frère Cadfael d’Ellis Peters comprenant pas moins de 20 volumes publiés autrefois dans la collection 10/18 et mettant en scène ce moine bénédictin, herboriste de son état, qui inspira sans doute Umberto Eco pour le personnage de Guillaume de Baskerville, frère franciscain que l’on rencontre dans Le Nom De La Rose (Grasset 2022), autre ouvrage emblématique de cette période qui emprunte également les codes du roman à énigme. On retrouvera d'ailleurs le personnage du moine, également prénommé Guillaume, dans Trois Fois La Colère, nouveau roman de Laurine Roux s'aventurant dans la période chaotique moyenâgeuse du début du XIème siècle où l'on distingue en arrière-plan le fracas des croisades, dont la prise de Constantinople, nous permettant de nous situer dans l'époque. Professeure de lettres modernes enseignant désormais dans les Hautes-Alpes où elle a vécu la plupart du temps, l'autrice, également poète, a adopté des genres différents pour mettre en scène les six romans composant son œuvre, abondamment récompensées d'ailleurs, en débutant dans le registre du conte de fin des temps avec Une Immense Sensation De Calme, tandis que l'on plongeait dans une dimension post-apocalyptique avec Le Sanctuaire pour ensuite s'engouffrer dans le domaine du roman historique avec L'Autre Moitié Du Monde prenant pour cadre la guerre civile en Espagne. Sur L'Epaule Des Géants s'inscrivait autour d'une fresque s'étendant sur toute une grande partie du XXème siècle, de l'affaire Dreyfus jusqu'aux attentats du 11 septembre 2001 alors que pour son premier roman jeunesse, Le Souffle Du Puma, on découvrait l'univers de l'archéologie et plus particulièrement des momies. Dans Trois Fois La Colère, Laurine Roux a fait en sorte de conjuguer le conte aux connotations féministes avec le fracas du récit médiéval survolté tout en faisant émerger la force tellurique de ce territoire fictif s'inspirant sans nul doute de cet environnement à la fois grandiose et tourmenté de cette région des Hautes-Alpes qui rejaillit sur l'ensemble d'une intrigue aussi intense que poétique.
Au beau milieu du fracas de cette bataille des croisades, la jeune fille se tourne vers son grand-père et le décapite d'un coup d'épée pour ensuite chevaucher son destrier avec la tête de Hugon le Terrible qui bat sur son flanc. Sillonnant les vallées et les montagnes, elle retourne à Bure fief de son aïeul afin de rapporter le fruit de cette vengeance, car elle tient en elle le poids de cette prédiction qui lui a été transmise. "Avant toi, il y a eu des fautes. Avec toi, il y en aura. Il faudra réparer." Mais d'où vient une telle assertion ? Probablement de cette naissance de triplés, séparés dès leur naissance, mais marqués par cette tâche à la base du cou. Ignorant l'existence l'un de l'autre, chacun de ces enfants va se lancer dans le chaos de cette épopée médiévale où la rébellion s'entremêle à ce désir de vengeance et cette volonté de justice par-dessus tout. C'est ainsi que se dessine dans cette région des Alpes du début du XIème siècle la terrible malédiction qui va meurtrir celles et ceux qui côtoient ce seigneur impitoyable et imposant.
Avec Trois Fois La Colère, le lecteur sera immédiatement saisi par la langue qui oscille entre modernité et expression médiévale en donnant la tonalité de ce style à la fois poétique et flamboyant qui vous emporte littéralement dans le sillage d’un conte noir un peu badasse, du nom de cette plante vivace attirant les insectes butineurs et avec laquelle on peut faire le parallèle pour ce qui a trait à la démarche de Clarisse, cette châtelaine en quête de maternité afin de conserver son statut et donc assurer sa survie. On comprendra donc, d’entrée de jeu qu’il s’agit en effet d’un roman noir moyenâgeux aux entournures féministes émergeant des personnalités de Reine, la fille de Hugon le Terrible qui règne au côté de Clarisse son épouse tourmentée mais également de La Prodigue cette sage-femme au savoir immense et détentrice de secrets qui en font le pivot de l’intrigue s’articulant également autour de la destinée de Miou, petite-fille de ce seigneur impitoyable dont le retour sur les terres de Bure est entrecoupé de longues analepses nous permettant de saisir le sens de toute cette vengeance et de toute cette fureur. Il va de soi que les hommes sont bien évidemment présents dans le contexte de cette société seigneuriale nous ramenant immanquablement à la domination masculine qui perdure au-delà des siècles et dont on saisit les codes au gré de la vivacité de ce récit où l’on croise donc Hugon le Terrible au comportement cruel s’incarnant également dans la personnalité terrible de Coupe-Chou exécuteur des basses œuvres du seigneur en contrebalançant avec la sagesse et la bonté du prieur Guillaume frayant avec Prieto, moine franciscain venu de l’autre côté des Alpes qui ceignent la région. On pourrait énumérer ainsi toute une multitude de protagonistes secondaires captivants qui s’inscrivent dans l’ampleur d’une intrigue dynamique au gré de parcours parfois extrêmement brefs qui nous marquent pourtant d’une façon indéniable à l’image de la famille Pastor dont le courant religieux va déplaire, ou de Aïda, cette saltimbanque dont la destinée s’achèvera tragiquement. Tout cela se décline dans l'atmosphère âpre et sauvage de cet environnement alpin que Laurine Roux restitue avec une verve aussi vigoureuse que poétique en nous entraînant sur les pentes enneigées de sommets abrupts, dans l'entrelac de forêts ensorceleuses, sur les routes poussiéreuses du sud en compagnie de croisés sanguinaires et bien évidemment dans les couloirs d'un château où se fomentent les intrigues les plus sombres, sources de bien des tragédies que l'autrice met en scène avec une habilité redoutable. Ainsi, Trois Fois La Colère s'inscrit dans le registre de l'aventure tumultueuse et fulgurante, sans jamais s'attarder plus que de raison sur de longs descriptifs sociologiques de l'époque, et propre aux récits prenant pour cadre le Moyen Âge, pour se concentrer essentiellement sur le déroulement d'une intrigue furibonde comme l'eau d'un torrent déchainé qui vous essore.
Laurine Roux : Trois Fois La Colère. Editions du Sonneur 2025.
A lire en écoutant : Tonight d'Emira Elfeki : Skin to Skin. Anemoia, 2024 Atlantic Recording Corporation.

dire, d'un véritable roman noir, genre pour lequel Giono affichait un attachement assidu, plus particulièrement pour la collection Série Noire et qui affirmait dans une lettre adressée à Marcel Duhamel que "c'est le refuge du vrai roman". On notera également le recueil de textes du romancier au sujet de la littérature De Monluc A La Série Noire (Les cahiers de la nrf 1998) manifestant, encore une fois, un intérêt évident pour la littérature policière figurant à l'époque comme le nouvel avatar de l'art de la narration occidentale. Mais pour en revenir à Un Roi Sans Divertissement, on dit que son auteur l'aurait été rédigé avec une rapidité vertigineuse en parlant d'une période d'un mois, voire même 27 jours, selon certains rapporteurs, pour ce qui apparaît comme l'un des grands classiques de la littérature qui n'a rien de poussiéreux tant son audace continue à subjuguer les lecteurs s'aventurant dans cette émulsion de créativité nécessitant sans aucun doute, plusieurs lectures afin de saisir toute l'incandescence d'un récit qui confine au sublime tout simplement. 
Même si l'on n'apprécie pas forcément les Beach Boys, il n'en demeure pas moins que l'on n'écoutera plus jamais Wouldn't It Be Nice de la même manière, au terme de ce roman intense. Et plus que le cadre magique de ces plages californiennes, nos pensées dériveront désormais, à l'écoute de cette chanson iconique, davantage vers le ponton de ce bord du lac perdu au milieu d'une forêt canadienne, environnement tragique que la romancière s'est approprié avec le talent qu'on lui connaît. Et c'est sans doute dans ce registre de force évocatrice qu'Andrée A. Michaud excelle en faisant en sorte de s'approprier le moindre détail qui nourrit son intrigue pour en extraire une espèce de quintessence de l'inquiétude, parfois même de l'angoisse qui imprègne ses récits. On parle ici d'une chanson des Beach Boys, dans ce nouveau roman Baignades, mais il va de soi que l'on ne peut manquer d'évoquer la forêt qui devient le fil rouge d'une majeure partie de son oeuvre. Et là également, on appréciera que ce cadre forestier prenne, à chaque reprise, une toute autre allure que ce soit avec
Le grand moment de l’année pour Laurence et Max, c’est de partir en vacances en camping car avec leur petite fille Charlie qui, une fois arrivée sur le berges du Lac aux sables, se précipite dans les flots afin de profiter de la fraîcheur de l’eau tout en s’en donnant à coeur joie. Mais les festivités vont s’interrompre brutalement avec le propriétaire du camping qui prend les parents à partie parce qu’ils ont ont osé laisser la fillette se baigner toute nue. Et c’est une enchaînement de mauvaises décisions qui vont entraîner Laurence et Max sur cette route forestière étroite tandis que les nuages s’amoncellent annonciateur d’un violent orage et d’une succession de dérapages qui vont foudroyer leur existence à tout jamais.
Comme Pascal Garnier, il nous a quitté beaucoup trop tôt, à l'âge de 55 ans, en laissant derrière lui une oeuvre composée de 16 romans noirs dont certains demeurent emblématiques en faisant de lui l'une des grandes figures de la littérature noire engagée, plus particulièrement de ce fameux courant du néo-polar français, tout en cultivant une grande discrétion afin de mettre davantage en avant les thèmes sociaux qu'il évoquait dans ses livres s'articulant autour d'individus aux vies brisées et de faits divers âpres et angoissants. Né à Paris en 1954, Thierry Jonquet de par sa multitude de métiers qu'il va exercer dans des domaines tels que les unités de gériatries, les foyers ou les sections d'éducation spécialisée, est amené côtoyer une population marginalisée composée de laissés pour compte et même de délinquants qui vont devenir la source d'inspiration de l'ensemble de ses intrigues que ce soit en tant que romancier, mais également en tant que scénariste. Il mènera ainsi ces deux carrières de front avec un certain succès puisqu'on lui doit quelques romans noirs notables à l'instar des Orpailleurs (Série Noire 1993) et de
Dans la région parisienne, Richard Lafargue est un chirurgien dont la réputation n'est plus à faire, et qui gravite dans les milieux les plus aisés en fréquentant les soirée mondaines au bras d'Ève, une jeune femme mutique d'une éblouissante beauté qui se retrouve chaque soir enfermée dans une vaste chambre d'un domaine magnifique niché au coeur d'un superbe parc. Quelles sont ces étranges rapports qu'ils entretiennent et dont on distingue la complexité dans le sourire énigmatique de cette femme contrebalançant avec cette colère permanente qui semble animer le praticien ?
Primo romancière récipiendaire du Grand Prix de la Littérature policière 2025, on est surpris par le fait que cette professeur de français ne se prédestinait pas, de prime abord, à écrire un roman policier ou même un roman noir, littérature de genre qu'elle ne lit qu'occasionnellement. Est-ce à dire que Les Saules de Mathilde Beaussault est un polar par accident et que l'autrice se prédestinait davantage à évoquer cette enfance passée sur les terres de la Côte d'Armor où les branches tombantes des saules caressent la surface froide de cette rivière de l'Arguenon qui jouxte la ferme familiale qui l'a vue grandir ? La réponse se trouve sans doute au sein des pages de ce texte entamé dans la quarantaine où la romancière distille les fragments de cette jeunesse bretonne dans ce qui apparaît comme un roman policier aux connotations rurales débutant avec la mise à mort de ce cochon que l'on dépèce devant le hangar avant que l'on ne se penche sur une autre tuerie bien plus sordide. Mais outre l'inspiration qu'elle puise dans l'environnement rural de son enfance, il y a sans doute quelques éléments de son cursus dans la filière des lettres à la faculté de Rennes ainsi que son parcours en lettre moderne pour devenir professeur du second degré que l'on retrouve dans la maîtrise d'un premier texte saisissant qui a séduit bon nombre d'amateurs de littérature noire ainsi que le jury exigeant de ce Grand Prix de la Littérature policière qui n'est pas usurpé. On dira même, sans être présomptueux, qu'il s'agit là d'une des belles découvertes de l'année 2025 et que l'on se réjouit d'ores et déjà de retrouver Mathilde Beaussault très prochainement puisqu'elle annonce la parution, chez Seuil/Cadre Noir, d'un second roman noir se déroulant une nouvelle fois en Bretagne.
C’est l’émoi du côté de la Basse Motte, ce lieu-dit de la Bretagne où l’on a découvert le corps sans vie de Marie flottant dans la coulée, ce bras mort de la rivière bordée de saules. Qui pouvait bien vouloir à cette jeune fille de dix-sept ans dont le meurtre par strangulation ne fait aucun doute. Belle à couper le souffle suscitant autant de convoitise que de jalousie, le décès de Marie sème le trouble au sein de la communauté tandis que la gendarmerie s’emploie à identifier l’auteur de ce crime sordide en interrogeant l’entourage de la victime dont la personnalité se dévoile peu â peu en révélant un certain mal-être. Témoin de toute cette agitation, il y a Marguerite cette petite fille mutique que tout le monde pense simple d’esprit en subissant les quolibets de ses camarades. Délaissée par ses parents qui travaillent sans relâche pour maintenir, tant bien que mal, la ferme à flot. La fillette trimbale donc sa solitude du côté de la rivière où elle a bien vu quelque chose la nuit où Marie, qu’elle adorait, a été assassinée. Mais qui ferait attention à une petite fille débraillée, aux cheveux sales, qui ne s’exprime jamais et que l’in regarde de haut. Alors Marguerite observe ces femmes et ces hommes qui s’entredéchirent sur fond de rivalités, de rancoeurs et de rumeurs malsaines qui brouillent les cartes de cette quête de vérité.