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  • EMILY ST. JOHN MANDEL : LA MER DE LA TRANQUILLITE. CITE DE LA NUIT.

    Capture d’écran 2023-09-21 à 22.45.45.pngIl y a une sorte d'errance et de fragilité qui caractérisent l'ensemble des personnages traversant l'oeuvre d'Emily St. John Mandel avec cette part obscure et mystérieuse émanant de romans noirs tels que Dernier Jour A Montréal (Rivages/Noir 2012), On Ne Joue Pas Avec La Mort (Rivages/Noir 2013) et Les Variations Sebastian (Rivages/Noir 2015) où la trame centrale des trois récits s'articule autour du thème de la perte et de la quête qui en découle. L'autre particularité de la romancière s'inscrit dans sa propension à dépasser les limites du genre noir dans laquelle on l'a tout d'abord cantonnée, ceci particulièrement en France, avant qu'elle n'obtienne reconnaissance du public et succès avec le vertigineux Station Eleven (Rivage 2016), récit de science-fiction post apocalyptique qui fit notamment l'objet d'une série de 10 épisodes. Au delà de l'épidémie qui a ravagé l'humanité, Emily St. John Mandel s'intéresse particulièrement à ces communautés de survivants qui se reconstruisent autour de cette compagnie théâtrale itinérante arpentant la région des Grand Lacs. Une fois encore, la romancière flirte habilement à la lisière des genres pour nous inviter à une réflexion sur le devenir de notre monde tout comme elle le fait avec L'Hôtel De Verre (Rivages/Noir 2020) qui se décline sur un registre contemporain plus classique en abordant le thème de la finance autour des victimes d'une pyramide de Ponzi rappelant les affres de l'affaire Madoff. On retrouve d'ailleurs des personnages de L'Hôtel De Verre dans son dernier roman, La Mer De La Tranquillité, marquant le retour d'Emily St. John Mandel dans le domaine de la science-fiction dont on observe le regain d'intérêt dans les médias se traduisant par une présence plus accrue sur les rayonnages des librairies ce qui à quoi de nous réjouir. 

     

    En 1912, au nord de l'île de Vancouver, Edwin St. Andrew est témoin d'un phénomène étrange dans les bois de Caiette. Il y a tout d'abord l'obscurité qui s'abat brusquement, puis, venu d'on ne sait où, il entend quelques accords de violon avec cette sensation de se retrouver dans un grand hall de gare dans lequel il perçoit le bruit étrange d'une machine émettant un grand "woosh“ évoquant une pression hydraulique. 
    En 2020, le compositeur Paul James Smith enregistre une musique sur une vidéo de sa soeur Vincent qui a filmé sur l’île de Vancouver, il y a de cela quelques années, le même phénomène aussi bref qu'intense.
    En 2401, dans l'une des colonies lunaires installées sur la Mer De LaTranquillité, une brillante physicienne, prénommée Zoey, veille sur la cohérence temporelle au sein de la direction de l'Institut du Temps. En détectant des anomalies temporelles, elle s'interroge sur la possibilité que le monde tel qu'on le connaît ne serait qu'une simulation. Afin d'étayer cette théorie, et en dépit de ses réticences, elle charge son frère de remonter le temps pour enquêter sur les origines de ces dysfonctionnements. Une mission bien plus périlleuse qu'il n'y paraît.

     

    Comme à l'accoutumée, Emily St. John Mandel se démarque du genre avec La Mer De LaTranquillité, récit de science-fiction s'installant davantage dans la fiction que dans la science, ce qui fait qu'elle évacue ainsi tout les aspects technologiques en lien avec la colonisation de la Lune et le voyage temporelle pour se concentrer sur l'aspect humain dans un registre assez ordinaire, en dépit de l'environnement extraordinaire dans lequel évolue ses personnages, tout en s'éloignant également des scénarios catastrophes pour parier sur la survie des hommes en dépit des affres climatiques ravageant la Terre dont elle évoque quelques aspects avec la succession d'épidémies qui frappent les communautés. Paradoxalement, cette absence d'éléments scientifiques confère à l'intrigue un aspect réaliste rappelant l'atmosphère élégante, parfois un peu froide, mais extrêmement poétique d'un film comme Bienvenue A Gattaca d'Andrew Nicole, même si la romancière se réfère plutôt à Lopper du réalisateur Rian Johnson en évoquant également l'oeuvre d'Isaac Asimov, source de son inspiration. Autour d'une boucle temporelle riche en péripétie, la romancière rassemble une multitude de protagonistes dans une intrigue complexe mais savamment orchestrée où elle aborde le sens de l'existence au gré de l'hypothèse de la simulation émise notamment par le philosophe Nick Bostrom, prenant forme dans le récit avec cette anomalie bousculant la ligne du Temps. C'est donc à travers cette anomalie et les personnes qui en sont les témoins que l'on rencontre Gaspery-Jacques Roberts aussi bien en 1912, qu'en 2020 puis en 2203 et qui, en tant que détective temporelle, plutôt maladroit d’ailleurs, de l’année 2401, mêne l'enquête sur les origines du phénomène ceci sous l'impulsion de sa soeur Zoey redoutant elle-même d'effectuer de tels voyages dans les méandres du temps. Autant d'années qui constituent les différentes parties du récit dans lesquelles évolue cette nuée de protagonistes pourvus de personnalité subtile, jusqu'à s'acheminer sur les circonstances exactes qui constituent cette fameuse anomalie prenant une forme résolument poétique comme sait si bien le décliner Emily St. John Mandel, tout comme elle dépeint, de manière magistrale, cette colonie lunaire aux allures mélancolique que l'on surnomme Cité de la Nuit suite à une défaillance du système destiné à imiter le ciel et qui nous renvoie à une certaine lutte des classes par rapport aux autres colonies lunaires mieux pourvues techniquement, ainsi qu'aux affres de l'empire du Raj britannique qu'elle évoque dans les premiers chapitres d’un roman qui prend ainsi une dimension sociale vertigineuse. Tout aussi vertigineux, c’est l’incarnation d’Olive Llewellyn, une romancière effectuant une tournée de promotion en 2203 suite à l'adaptation, pour une série, de son roman post-apocalyptique dont le succès ne semble pas fléchir. Emily St. John Mandel trouve ainsi l'occasion d'aborder le thème du rapport à la notoriété et des contraintes qui en découlent au gré d'une multitude de rencontres avec les lecteurs et d'entretiens parfois ineptes et sexistes qui semblent vouloir perdurer dans le temps, et dont certains aspects n'ont sans doute rien de fictifs, tout en distillant ce sentiment de solitude émanant notamment de l'atmosphère anonyme des chambres d'hôtel qui se succèdent dans un enchaînement éprouvant. Ainsi, sur un registre intimiste s'articulant autour d'une fresque aux dimensions spatiales et temporelles spectaculaires, Emily St. John Mandel décline une nouvelle fois toute l'étendue de son talent avec La Mer De La Tranquillité, roman à nul autre pareil mettant en avant, avec cette délicatesse qui la caractérise, la quête du sens et de l'existence d'individus dont la vulnérabilité ne fait que souligner les incertitudes propre au genre humain qu'elle sait si bien mettre en scène. Un roman étincelant. 

     

     

    Emily St. John Mandel : La Mer De La Tranquillité (Sea Of Tranquility). Editions Rivages 2023. Traduit de l'anglais (Canada) par Gérard de Chergé.

    A lire en écoutant : The Departure et The Morrow de Michael Nyman. Album : Film Music : 1980 - 2001. This Compilation. 2001 Michael Nyman Ltd.

  • Hugues Pagan : Profil Perdu. Au bout de la route.

    hugues pagan, profil perdu, rivagesC’était à la fin des années 90 que Hugues Pagan nous livrait son neuvième et dernier polar intitulé Dernière Station Avant l’Autoroute (Rivages 1997) avant de se tourner vers des activitiés plus lucratives telles que l’écriture de scénarios pour des séries comme Mafiosa, Un Flic et Police District. Après 20 ans d’absence, le retour de Hugues Pagan sur la scène littéraire constitue donc une belle surprise nous permettant de retrouver cette langue et cet état d’esprit si particuliers, propre aux flics, que cet ancien fonctionnaire de police était parvenu à restituer tout au long de son oeuvre et qui inspira par la suite bon nombre d’auteurs également issus des rangs de la grande maison ainsi que des réalisateurs comme Olivier Marchal avec qui il collabora régulièrement. Mais outre le language si atypique, on retrouve avec Profil Perdu, cette atmosphère de noirceur et de froideur conjuguée à l’ambiance amère d’un commissariat abritant les aléas de flics à la dérive et les intrigues de brigades rivales.

     

    En 1979, on célèbre la fin de l’année comme on peut à l’Usine, surnom donné au commissariat de cette ville de l’est de la France. Bugsy, un dealer du coin se fait cuisiner par Meunier, un inspecteur des stups, au sujet d’une photo où figure une mystérieuse jeune femme. Schneider le responsable du Groupe criminelle contemple le parking qui se vide peu à peu avant d’entamer sa tournée nocturne avec son adjoint. Un début de nuit calme avant d’affronter les hostilités des fins de réveillons trop arrosés. Mais durant la nuit tout bascule. Pour Schneider c’est une rencontre en forme de coup de foudre avec la belle Cheroquee. Pour Meunier la nouvelle année s’achève rapidement. Il est abattu froidement par un motard alors qu’il faisait le plein dans une station service. Schneider et son équipe sont sous pression. Un tueur de flic c’est loin d’être une affaire ordinaire.

     

    Parmi tous les policiers qui se sont lancés dans la littérature noire, Hugues Pagan se distingue par la qualité d’une écriture immersive teintée de résonnances poétiques permettant ainsi de découvrir les arcanes policières où évoluent des flics en bout de course qui travaillent à la marge et dont les destinées se révèlent bien trop souvent dépourvues de la moindre lueur d’espoir. Les enquêtes aux entornures incertaines servent de prétextes pour mettre en place les dérives de personnages aux lours passifs pour espérer une quelconque rédemption. Inexorablement, la balance penche vers une noire tragédie et malgré une trame policière, les récits de Hugues Pagan oscillent invariablement sur le registre du roman noir afin de mettre en scène toutes les vicissitudes de l’univers policier en révélant les antagonismes entre les différentes brigades ainsi que les excès de ces flics qui franchissent la ligne.

     

    A bien des égards, on trouve dans l’œuvre de Hugues Pagan l’ambiance lourde des films de Melville ou le climat oppressant des romans de Robin Cook avec cet aspect glacial qui habillent des personnages solitaires et mutiques évoluant dans un une dimension invariablement tragique. Avec Profil Perdu, on ne déroge pas à la règle et Hugues Pagan s’emploie à dresser un tableau réaliste et sans complaisance d’une équipe d’inspecteurs conduits par Schneider, un chef de groupe taciturne et sans illusion que l’on avait déjà croisé dans La Mort Dans Une Voiture Solitaire (Fleuve Noir 1982) et Vaines Recherches (Fleuve Noir 1984). En terme de temporalité, Profil Perdu se situe à une période antérieure aux deux opus précités et permet à l’auteur de s’attarder sur le portrait d’un flic saturé de désespoir en évoquant son passé et ses antécédants comme officier parachutiste engagé durant la guerre d’Algérie. L’auteur qui y est natif, en profite pour mettre en exergue les aspects troubles de ce conflit liés notamamnet à la pratique de la torture en expliquant ainsi l’aversion de Schneider pour les interrogatoires musclés que pratiquent certains de ses collègues. Dès lors, la traque d’un tueur de flic prend une tournure inatttendue lorsque ce policier désabusé entend dénoncer des inspecteurs tabassant un suspect peu coopérant sous l’œil complaisant d’une hiérarchie inspirant méfiance et défiance. On le voit, Schneider devient l'archétype du flic rebelle qui ne croit à plus grand-chose hormis peut-être cette relation naissante avec Cheroquee, une belle jeune femme rencontrée lors de la soirée de nouvel an. C'est probablement la seule lueur d'espoir que l'on entrevoit tout au long de ce roman avec cette liaison quelque peu surannée qui convient parfaitement à l'état d'esprit de l'époque. Car Hugues Pagan parvient à diffuser par petites touches subtiles cette atmosphère propre aux débuts des années 80 que l'on décèle notamment au gré de dialogues solides et maitrisés permettant d’appréhender ce climat si particulier de la police. 

     

    Loin de céder au misérabilisme ou à la compassion et encore moins au sensationnalisme que l'on ressent parfois à la lecture de certains ouvrages rédigés par des policiers, Profil Perdu est un roman qui dégage un parfum agréablement rétro pour un récit au rythme paisible, presque hypnotique, ponctué de quelques coups d’éclat, comme autant de sursauts pour tenter de s’extirper de toute cette logique fatalement tragique. Entre une vision romancée et une représentation naturaliste de l’univers de la police, Hugue Pagan a choisi la voie médiane en revenant aux fondamentaux pour nous livrer un de ces grands polars qui rend hommage à tout ce que l’on apprécie dans la littérature noire française.

     

    Hugues Pagan : Profil Perdu. Editions Rivages/Roman noir 2016.

    A lire en écoutant : La roue du temps de Paul Personne. Album : A l’Ouest – Face B. XIII Bis Records 2011.

  • WILLIAM MCILVANNEY : LAIDLAW. LE SENS DE LA MISSION.

    Capture d’écran 2015-07-14 à 17.49.14.pngLes éditions Rivages poursuivent leur magnifique travail de réédition en s’attaquant cette fois-ci à l’œuvre de William McIlvanney, considéré, à juste titre, comme l’un de grands auteurs du roman noir écossais. Il s’agissait de remettre au goût du jour un romancier injustement oublié auquel pourtant bon nombre d’écrivains comme Ian Rankin ou Val MacDermid rendent régulièrement hommage. C’est avec Docherty, roman social sur les mineurs de Glascow, que William McIlvanney débute sa carrière, avant d’entamer une quatuor de romans noirs mettant en scène l’inspecteur Jack Laidlaw. Il sied de prêter une attention soutenue en ce qui concerne l’ordre de la quadrilogie qui débute avec le roman éponyme Laidlaw, suivi de Les Papiers de Tony Veich et qui s’achève avec Big Man et Etranges Loyautés. Voilà pour les recommandations.

     

    Le jeune Tommy Bryson court dans les rues de Glascow, sans trop savoir où aller. Il a de quoi paniquer car il vient d’assassiner une jeune fille et ne sait plus trop vers qui se tourner. Peut-être trouvera-t-il de l’aide auprès de son amant Harry Redburn, acoquiné au milieu de la pègre. Mais la nouvelle du meurtre suscite une grande émotion et il n’y a guère de personnes compatissantes pour soutenir un assassin de cet acabit. Surtout lorsque le père de la victime souhaite faire justice lui-même et demandant le soutient du caïd de la ville qui prône la justice impitoyable de la rue. L’inspecteur Laidlaw devra donc interpeller le jeune fugitif le premier, s’il veut éviter un bain de sang. D’autant plus que ses collègues ne seraient vraiment pas contre une justice expéditive.

     

    Datant de 1977, Laidlaw met en scène tout d’abord un Glascow qui n’existe plus avec ses grands ensembles de quartiers ouvriers et une pègre atypique essentiellement basée dans les quartiers périphériques de la ville en fonction de la confession religieuse des habitants. La conglomération protestante est dirigée d’une main de fer par John Rhodes. L’homme incarne une espèce de patriarche aussi impitoyable qu’inquiétant  auprès duquel les ouvriers peuvent demander de l’aide comme le fera le père de la victime qui a toujours été incapable de développer le moindre sentiment d’affection vis à vis de sa fille. La perte de son enfant ne chagrine pas ce père désormais dépouillé de son sujet d’animosité. Pour compenser cette colère et cette dureté qu’il ne peut plus faire valoir, il devra canaliser sa haine et la diriger vers le jeune meurtrier. Le tout est de savoir si cet homme aussi dur qu’honnête parviendra à franchir le pas en devenant un meurtrier à son tour.

     

    Pègre, policiers, meurtriers, on est pourtant bien loin avec Laidlaw du roman policier au sens classique du terme. Avec maestria William McIlvanney dresse le sombre portrait social d’une ville dont il maîtrise tous les aspects. Glascow devient une terrible scène dramatique sur laquelle l’auteur déploie une mécanique insidieuse de colère et de haine. Plutôt que de s’intéresser au meurtrier, l’auteur s’emploie à décrire le ressentiment et la détresse des gens face à un acte aussi abjecte. Il parvient à mettre en perspective ce désarroi terrible qui pousse les différents protagonistes vers leurs derniers retranchements.

     

    Et puis il y a bien évidemment le personnage principal qui sort tout de même de l’ordinaire. Oui il y ce schéma classique du policier atypique, peu apprécié de ses collègues. Mais Jack Laidlaw est un personnage qui transcende les clichés. Il personnifie ces flics lucides et humanistes tout à la fois qui se dressent contre les a priori et les schémas simplistes de leurs collègues. Paradoxalement cela ne fait pas de Jack Laidlaw quelqu’un de meilleur, bien au contraire. Dépressif, solitaire, Jack Laidlaw est un personnage parfaitement antipathique que seul le jeune Harckness est en mesure d’apprécier, même s’il est parfois tenté de suivre les opinions tranchées et brutales de l’inspecteur Milligan. A force de cogiter et de se poser des questions sur le sens des actes criminels auxquels il est confronté, Jack Laidlaw ne fait qu’irriter sa hiérarchie et ses partenaires qui ne peuvent lui opposer que des certitudes factices, sans aucun fondement. Jack Laidlaw les renvoie à leur propre vacuité qui ne peut susciter qu’indignation et incompréhension. Pourquoi se poser des questions lorsque l’on est flic alors qu’il y a la certitude de la mission à accomplir.

     

    "Laidlaw ne dit rien. Il était penché sur le guichet, écrivant sur son bout de papier lorsque Miligan entra, une porte de grange sur patte. Ces derniers temps il jouait les chevelus  pour montrer qu’il était libéral. Cela faisait paraître sa tête grisonnante plus grande que nature, une sorte de monument public. Laidlaw se souvint qu’il ne l’aimait pas. Ces derniers temps il avait été au centre de pas mal des interrogations de Laidlaw  quant à savoir ce qu’il faisait. Associé à Milligan par la force des choses, Laidlaw s’était demandé  s’il était possible d’être policier sans être fasciste."

     

    Il était temps de redécouvrir la belle écriture de William McIlvanney et même s’il date, un peu, Laidlaw reste un roman terriblement actuel qu’il vous faut lire dans les plus brefs délais.

     

    William McIlvanney : Laidlaw. Rivages/Noir 2015. Traduit de l’anglais par Jan Dusay.

    A lire en écoutant : The Last Ship de Sting. Album : The Last Ship. A&M Records 2013.

     

  • FRANCOIS GUERIF AUX CINEMAS DU GRUTLI !


    Le temps d’un week-end, du 26 au 27 avril, François Guérif viendra faire un tour du côté de Genève pour présenter 6 films noirs aux cinémas du Grütli.

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    François Guérif je vous en avais parlé ici.

     

    Le talentueux directeur de la prestigieuse maison d’éditions Rivages fera ce qu’il sait faire de mieux, transmettre son amour du polar et du roman noir au travers d’adaptations cinématographiques de fabuleux romans qui figurent dans le catalogue de sa collection à l’exception me semble-t-il du film de Claude Chabrol, l’Inspecteur Lavardin.

     

     

    françois guérif,cinémas grütli,rivages,westlake,woodrell,jim thompson,james lee burkeUne perle noire pour débuter avec Out of the Past qui a été tournée en 1947 par Jacques Tourneur adapté du roman Pendez-moi haut et court de Geoffrey Homes. Des acteurs emblématiques d’une époque révolue : Robert Mitchum et Kirk Douglas.

     

    (Rivages n° 93)

     

     

     

     

    françois guérif,cinémas grütli,rivages,westlake,woodrell,jim thompson,james lee burkeUn saut dans le temps avec Get Carter, grand film britannique des seventies avec Michael Caine qui sert  cette excellente adaptation du livre de Ted Lewis. Sur la couverture du livre édité par Rivages vous reconnaîtrez peut-être Sylvester Stallone qui interpréta le personnage de Carter dans un remake extrêmement mauvais !

    (Rivages n° 119)

     

     

     

     

    Inspecteur Lavardin sera un polar français emblématique des années 80 avec un rôle qui consacra cet immense acteur qu’était Jean Poiret en interprétant un flic facétieux et inquiétant qui bouleversait l’image du flic bourru et sérieux. On découvrait déjà l’inspecteur Lavardin dans Poulet au Vinaigre.

     

    françois guérif,cinémas grütli,rivages,westlake,woodrell,jim thompson,james lee burkeUn roman de Jim Thompson adapté par Donald Westlake voici  Les Arnaqueurs de Stephen Frears qui sera son premier film tourné aux USA en 1990 et qui obtiendra plusieurs nominations aux Oscars sans toutefois décrocher la fameuse statuette. John Cusack, Angelica Huston et Annette Bening forment un trio malsain dans ce film vénéneux que l’on peut considérer (avec les Liaisons Dangereuses) comme le chef-d’œuvre du réalisateur britannique.

    (Rivages n° 58)

     

     

     

    françois guérif,cinémas grütli,rivages,westlake,woodrell,jim thompson,james lee burkeDifficile d’adapter l’œuvre de James Lee Burke tant le texte est riche. Phil Joanou s’y était cassé les dents avec sa médiocre adaptation de Prisonnier du Ciel où Alec Baldwin peinait à convaincre dans son interprétation du fameux détective Dave Robichaux. C’est en 2009 que Bertrand Tavernier s’attaque au chef-d’œuvre de James Lee Burke, Dans la Brume Electrique avec les Morts Confédérés. Le réalisateur qui avait déjà adapté un ouvrage de Jim Thompson (Pop. 1275/Coup de Torchon) s’en est plus que bien tiré en confiant le rôle du fameux lieutenant à un très convainquant Tommy Lee Jones. Dans la Brume Electrique est une des très belles réussites récentes du réalisateur français. Le tournage fut difficile et vous trouverez ses confidences dans l’ouvrage Pas à Pas dans la Brume Electrique, aux éditions Flammarion.

    (Rivages n° 314)

     

    françois guérif,cinémas grütli,rivages,westlake,woodrell,jim thompson,james lee burkeEt pour finir il faudra découvrir Winter's Bones de Debra Granik adapté du magnifique roman de Daniel Woodrell qui est un des grands auteurs méconnus de l’édition Rivages. L’histoire âpre et prenante a été chroniquée ici. A découvrir absolument !

    (Rivages n° 803)

     

     

     

     

    Capture d’écran 2014-04-26 à 00.14.46.pngCapture d’écran 2014-04-26 à 00.15.06.png

     

    Bref vous l’aurez compris vous aurez l’occasion de voir ou revoir six grands films noirs présentés par l’un des plus grand passeur du genre qui déclinera aux travers de milliers d’anecdotes sa passion d’un genre encore bien trop souvent décrié. François Guérif aux Cinémas du Grütli : Une rencontre à ne pas manquer !

     

     

     (photos extraites du site : http://www.cinemas-du-grutli.ch)

     

    Un week-end autour du polar …. Avec François Guérif. Les Cinémas du Grütli, le 26 & 27 avril 2014.

    A lire en écoutant : Arsenic Blues (Les cinq Dernières Minutes) de Marc Lanjean interprété par l'orchestre de l'ORTF.

  • James Ellroy : Extorsion. La vie rêvée des anges.

    Capture d’écran 2014-04-20 à 22.56.09.pngBon autant vous le dire tout de suite, je ne serai pas celui qui dégommera James Ellroy qui revient sur les devants de la scène avec Extorsion. Je ne le ferai pas parce que bien plus qu’une référence, James Ellroy est le pourvoyeur d’émotions singulières qui ont fait que le polar est devenu bien plus qu’un genre littéraire à part. Pour simplifier l’histoire du polar il y a eu Raymond Chandler, Dashiell Hammet et Chester Himes puis apparurent Jim Thompson, Donald Westlake et Manchette pour ne citer que eux. Après un période d’accalmie James Ellroy balaya le paysage polardier avec un ouvrage qui s’intitulait Lune Sanglante. Mais ce fut la critique de Manchette publiée en 1987 dans  Libé qui fit d’Ellroy ce qu’il est devenu et consacra la collection Rivages/Noir et son directeur François Guerif pour devenir un monument incontournable dans le paysage de la littérature noire. En voici un court extrait :

     

    "Le roman de James Ellroy, Lune sanglante, publié voici deux mois chez Rivages/Noir est passé pour l'instant complètement inaperçu. Il faut donc signaler aux amateurs, pour leur plaisir, qu'il s'agit d'un des plus remarquables romans noirs de la décennie, par sa préoccupation intellectuelle élevée, son écriture savante, et, pour le dire balistiquement, son épouvantable puissance d'arrêt."

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    Je le dis tout net, James Ellroy possède un style unique qui relèguerait presque Céline au rang d’amateur. Tout d’abord assez académique, mais truffé de références shakespeariennes et dostoïevskiennes, le style de James Ellroy devint sec et nerveux avec en point d’orgue le méconnu White Jazz  qui clôturait son magnifique quatuor de Los Angeles. Mais une œuvre magistrale n’est pas forcément exempte de quelques ratés comme Tijuana mon Amour ou Destination Morgue pour ne citer que ces recueils de nouvelles.

     

    Il faut bien comprendre que James Ellroy est un coureur de fond et pas un sprinter. Dans le domaine de la nouvelle il ne navigue pas dans la même catégorie et ses digressions narratives plombent un format qui tend à aller vers l‘essentiel. Et une histoire sans digression, ce n’est vraiment pas le genre du Dog.

     

    Avec Extorsion, place au Purgatoire où l’on retrouve Fred Otash martyrisé par les vedettes d’Hollywood qu’il a clouées au pilori de son vivant en contant leurs coupables secrets. Pour tenter d’accéder au Paradis, Fred Otash va devoir livrer tous ses secrets en se connectant à la pensée d’un certain James Ellroy.

     

    Bien sûr qu’avec Extorsion on retrouve la verve légendaire du maître qui nous précipite dans les méandres du Purgatoire pour retrouver le personnage réel de Fred Otash, ex-flic véreux, devenu détective et pourvoyeur de commérages sordides durant plusieurs décennies pour les revues à scandales  dont Confidential qui préfiguraient la presse poubelle qui alimente les pages « people » de nos jours. Bien sûr qu’on retrouve le langage outrancier, les ellipses narratives et le phrasé magique de l’auteur. Et il y a bien évidemment ce parfum nauséabond d’un Los Angeles que l’auteur s’est toujours employé à démystifier. Mais au final tout cela ne fait que desservir encore d’avantage l’absence totale d’intrigue avec un sentiment de déjà vu puisque que l’on découvrait le personnage central de cette novellas dans la trilogie Underwold USA. Apprendre que « Marylin Monroe était addicte aux  médocs », que « JFK baisait comme un lapin » ou que « Martin Luther King se tapait une palanquée de maîtresses » ça pouvait coller dans le contexte historique du rêve américain que James Ellroy se chargeait de trucider mais dans le cas de figure d’une nouvelle uniquement centrée sur des potins sordides, l’envergure n’est plus du tout la même.

     

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    Avec Extorsion vous apprendrez que « Ava Gardner était amatrice de  Bois D’Ebène » (Et alors ?) que « Marlon Brando suçait des bites » (Et alors ?) et que « Rintintin baisait Katherine Hepburn » (Le chien était-il consentant ?). Faits réels ? Commérages ? Fables ? Il n’y a pas beaucoup d’éléments à retenir dans cet étalage abject de faits sordides qui se déclinent sur le ton d’une farce burlesque qui manque cruellement de consistance. L’intérêt résidera peut-être dans cette relation que Fred Otash nouera avec James Dean qui semble être une espèce d’hommage à un acteur mythique qui n’est pas plus épargné que les autres.

     

    Capture d’écran 2014-04-20 à 21.45.45.pngFinalement on peut s’accorder à dire qu’Extorsion n’est qu’une espèce de mise en bouche pour nous faire patienter en attendant le premier opus de la seconde tétralogie de Los Angeles. On en aura un avant-goût en découvrant à la suite d’Extorsion, deux chapitres de Perfidia où l’on retrouvera le diabolique Dudley Smith et l’inquiétant Lee Blanchard, deux noms maléfiques qui ont hanté les pages de l’œuvre de James Ellroy. Et c’est avec ces deux extraits sanglants que l’on retrouvera toute la quintessence de l’écriture d’un écrivain majeur de la littérature contemporaine. Car Ellroy n’a pas fini de nous faire cauchemarder dans cette Cité des Anges en pleine période troublée de la seconde guerre mondiale.

     

    Rassurez-vous le Dog en a encore sous la pédale !

     

    James Ellroy : Extorsion. Rivages/Thriller 2014. Traduit de l’anglais (USA) par Jean-Paul Gratias.

    A lire en écoutant : The Andrew Sisters : Bei Mir Bist Du Schein. Album : Rhum & Coca Cola. Charly Records 2006