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irlande

  • Adrian McKinty : Une Terre Si Froide. Le brasier irlandais.

    Capture d’écran 2014-05-04 à 23.41.06.pngC’est parfois avec le polar que l’on parvient à comprendre les enjeux majeurs et les circonvolutions complexes d’une guerre civile comme celle qui s’est déroulée durant plusieurs décennies sur les territoires de l’Irlande du Nord.

     

    Une Terre Si Froide est le premier opus d’une trilogie consacrée à ce conflit qui nous relate les aventures du sergent Sean Duffy, personnage atypique ayant la particularité d’être un enquêteur de confession catholique au service d’une institution policière à majorité protestante qui combattait l’IRA.

     

    Un homme abattu que l’on retrouve sur un terrain vague avec la main coupée, n’a rien d’inhabituel pour Sean Duffy. C’est le sort que réserve habituellement l’IRA aux indics qui collaborent avec la police. Sauf que des sévices d’ordre sexuels tendent à orienter les policiers vers un tueur qui a décidé de s’en prendre à la communauté homosexuel d’autant plus qu’un deuxième cadavre ayant subit les mêmes sévices est découvert quelques jours plus tard. A-t-on à faire au premier serial killer opérant sur les terres irlandaises ? Une enquête extrêmement périlleuse pour Sean Duffy qui va devoir évoluer dans une région sous haute tension avec la mort de Bobby Sands, gréviste de la faim emprisonné à la prison de Maze. En 1981, les émeutes, attentats et exécutions sont le lot quotidien des policiers de l’Irlande du Nord !

     

    En mêlant la fiction aux faits historiques, Adrian McKinty nous entraine au cœur d’une enquête policière particulièrement palpitante tout en nous décrivant les différentes factions qui s’opposèrent durant ce conflit sans pour autant perdre le lecteur dans de laborieuses explications. Tout y est finement décrit sans aucune lourdeur et à la fin de ce récit IRA, Sinn Fein, RUC et autres groupuscules n’auront plus aucun secret pour vous. On y découvre, entre autre, les modes de financements occultes et peu glorieux qui permirent à ces différentes factions d’opérer durant des années en se partageant notamment les bénéfices de la vente de la drogue qui ravageait le pays. Des petits arrangements entre ennemis qui donnent une vision encore plus sombre du conflit. L’auteur évoque également les tabous que sont l’avortement et l’homosexualité dans une société gangrénée par la violence, le racket et la corruption. Pour parfaire le tout, il y a cet humour irlandais corrosif et grinçant qui pimente parfois l’histoire d’une façon saisissante.

     

    Capture d’écran 2014-05-04 à 23.45.29.pngEt puis il y a ce plaisir de retrouver le climat des années 80 que l’auteur a distillé par petites touches tout au long de son récit. Car outre l’actualité c’est avec les voitures (Ford Granada), les looks et le cinéma (Les Chariots de Feu) que vous allez découvrir cette époque. Pour s’y immerger encore d’avantage on ne peut que conseiller de se constituer une « bande originale du livre » en relevant le titre des albums qu’écoute l’attachant Sean Duffy dans sa petite maison de Coronation road. Un personnage qui n’est pas d’ailleurs pas sans rappeler le fameux policier écossais John Rebus également grand amateur de musique. 

     

    Capture d’écran 2014-05-04 à 23.46.54.png

    Tout en fluidité, bien maitrisé, Une Terres Si Froide est un récit aux intonations aussi rauques que la voix de Tom Waits auquel Adrian McKinty a emprunté le titre d’une de ses chansons A Cold Cold Ground.

     

    Adrian McKinty : Une Terre Si Froide. Stock/La Cosmopolite Noire 2013. Traduit de l’anglais (Irlande) par Florence Vuarnesson.

    A lire en écoutant : A Cold Cold Ground de Tom Waits. Album : Frank Wild Years. The Island Def Jam Music Group 1987.

     

  • STUART NEVILLE : LES FANTOMES DE BELFAST, SANGLANTE BALADE IRLANDAISE

    stuart neville,irlande,ira,fantômes,belfastLes murs de la paix qui sillonnent les quartiers de Belfast sont devenus de hauts lieux touristiques et les fresques qui les habillent, rappellent encore les années de guerre civile qui ont fait rage durant tant d'années dans les rues de cette cité.

     

    Depuis la signature de l'accord de paix ratifié en 1998, les prisonniers politiques et autres leaders de l'IRA se sont convertis à la politique et ont pris en main les rênes de la ville. Dans ce contexte, les hommes des basses-oeuvres, ex tueurs en tout genre sont devenus des outils inutiles. Certains d'entre eux ont tout simplement pris le chemin de la délinquance, tandis que d'autres sont entretenus par la municipalité par le biais d'emplois fictifs en gage de leurs "bons et loyaux services". Gerry Fegan fait partie de la seconde catégorie. Après des années de prison, il promène son mal de vivre et sa dépression de pubs en pubs en tentant noyer sa peine dans le whisky et la bière.  Il souhaite se libérer de la horde de douze fantômes qui le hantent continuellement. Ces spectres sont les victimes des différents attentats qu'il a commis pour le compte de commanditaires devenus des personnages publics de la nouvelle Irlande. A leurs tours les fantômes deviennent les commanditaires et Gerry Fegan va devoir remettre l'ouvrage sur le métier afin de satisfaire cette soif de vengeance provenant de l'au-delà. Dès lors, Gerry Fegan, aussi fou que dangereux, devient l'homme à abattre. L'heure de régler tous les comptes a sonné et l'addition sera sanglante.

     

    Le talent de Stuart Neville, c'est d'avoir su intégrer une part de fantastique dans un thriller extrêmement sombre, sans que cela ne dénature le récit, bien au contraire. L'auteur s'attache à décortiquer les enjeux d'une paix fragile financée par la Grande-Bretagne à coups de subventions dont nombres de politiciens véreux détournent une partie des fonds pour leur seul profit. On y découvre qu'après les convictions identitaires et religieuses des uns et des autres c'est désormais le pouvoir financier et économique qui dicte sa loi. Et puis il y a cette éternelle question de la rédemption qui reste l'enjeu majeur d'un livre fort bien écrit.

     

    Stuart Neville nous décrit donc une Irlande en pleine expansion que l'on surnommait le « Tigre Celtique », une image désormais écornée par la crise économique qui a balayé le pays. Effondrement du marché immobilier, délocalisations, chômage, souhaitons que ce magnifique pays ne retourne pas à ses vieux démon et que les rues de Belfast ne perdent pas à nouveau leurs noms comme au temps où les habitants descellaient les plaques afin de perdre les soldats qui sillonnaient les quartiers catholiques comme l'évoquait le groupe U2 dans une célèbre chanson.

     

     

    Stuart Neville : Les fantômes de Belfast. Editions Rivages/Thriller 2011. Traduit de l'anglais (Irlande) par Fabienne Duvigneau.

     

    A lire en écoutant : Where the streets have no names : U2 - Album : The Joshua Tree. Universal-Island Records Ltd. 1987.