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04. Roman noir - Page 11

  • ARPAD SOLTESZ : IL ETAIT UNE FOIS DANS L’EST. OUTLAW.

    arpad soltesz, il était une fois dans l'est, éditions agulloService de presse

     

     « Une partie de cette histoire s’est vraiment produite, mais d’une autre manière. Les personnages sont fictifs.
    Si vous vous êtes tout de même reconnu dans l’un d’eux, soyez raisonnable et ne l’avouez pas.
    Les gens n’ont pas à savoir quel salopard vous êtes. »

     

    Avec un tel avant-propos, on comprend d’entrée de jeu que Il Etait Une Fois Dans L’Est, premier roman noir slovaque traduit en français par l’audacieuse maison d’éditions Agullo, ne va pas s’aventurer sur le terrain du polar ethno pour nous décliner une série de clichés folkloriques d’un pays méconnu, perdu dans les confins de l’Europe centrale. Journaliste d’investigation, son auteur, Árpád Soltész, dirige une agence journalistique portant le nom d’un de ses confrères, abattu dans la périphérie de Bratislava après avoir enquêté sur des affaires de corruptions et de fraudes fiscales. Ainsi, dans le contexte d’un pays miné par les affaires, où l’effondrement du communisme a fait place à une espèce de pseudo démocratie au libéralisme sans foi ni loi avec une corruption institutionnalisée et des détournements de fonds endémiques alimentant les rouages d’un état dévoyé, Árpád Soltész signe une fiction débridée autour d'un terrible fait divers qui nous permet d’entrevoir toutes les arcanes des institutions étatiques noyautées par les mafias et autres organisations occultes.

     

    A Košice, dans l’est de la Slovaquie, il ne fait pas bon pour une jeune fille d’être larguée sur le bord de la route par son petit ami. Alors qu’elle fait du stop pour rentrer chez elle, Veronika, à peine âgée de 17 ans, va l’apprendre à ses dépends en se faisant enlever par deux truands qui, après l’avoir violée sauvagement, prévoient de la céder à un souteneur albanais qui l’emploiera dans un sordide bordel du Kosovo. Mais pleine de ressources, la jeune fille parvient à échapper à ses tortionnaires en espérant trouver la protection de la police locale chez qui elle va déposer plainte. Pourtant les choses ne se déroulent pas comme la victime et sa famille l’escomptaient puisque les truands bénéficient d’un réseau de protection composé de membres des services secrets, de juges, de procureurs et même de hauts fonctionnaires de police qui vont s’efforcer de se débarrasser de ce témoin gênant. Il reste pourtant quelques individus intègres comme Miko et Valent le Barge, deux flics violents ne craignant absolument personne tout comme Schlesinger, un journaliste valeureux qui n’hésite pas à dénoncer les accointements entre officines étatiques et groupuscules mafieux. Tous vont s’employer à protéger la jeune fille planquée dans un palace désert, situé à la frontière de l’Ukraine et tenu par le mystérieux Robo possédant quelques compétences meurtrières. Entourée de ce staff étrange, Véronika a la certitude de vouloir bien plus que la justice. Elle souhaite désormais se venger de ses bourreaux et de tous ceux qui ont tenté de les protéger.

     

    La tonalité de l’avant-propos vous donne également une idée de l’ironie mordante qui imprègne l’ensemble d’un texte sans concession, doté d’une terrible énergie qui va sonner le lecteur au rythme d’une intrigue échevelée, presque foutraque qui va se révéler pourtant d’une incroyable maîtrise. Mais il va tout de même falloir s’accrocher pour suivre cette imposante galerie de personnages évoluant dans un univers où les valeurs morales sont quasiment inexistantes tout en se demandant à quels instants la réalité rejoint la fiction. Son auteur répondrait probablement : Tout le temps. D'ailleurs on se doute bien, par exemple, que le personnage du journaliste Pali Schlesinger nous renvoie au vécu d’Árpád Soltész ou de son collègue assassiné, Jan Kuciak. Véritable exutoire, Il Etait Une Fois dans L’Est n’est donc pas qu’une simple compilation des scandales qui ont émaillé le pays sur l’espace d’une décennie qui a suivi l’effondrement du bloc soviétique car Árpád Soltész parvient, avec une virtuosité confondante, à mettre en scène, autour du viol d’une jeune fille de 17 ans, un cinglant concentré de noirceur où l’on distingue les accointances entre le crime organisé et les multiples institutions d’un état complètement corrompu dont les services secrets deviennent la terrible incarnation de dérives meurtrières. Ce sont la contrebande et les trafics de migrants transitant entre l’Ukraine et l'Autriche, les détournements de fonds européens destinés à la communauté tsigane, les magouilles financières et immobilières avec les instances politiques que l’auteur dépeint au gré des points de vue de toute une panoplie de salopards dénués de tout scrupule.

     

    En se focalisant sur l’effroyable destinée de Véronika, cette jeune femme issue de la communauté tsigane, Árpád Soltész se dispense de toute forme d’emphase en lien avec une victimisation larmoyante pour se concentrer sur l’aspect social d’une population discriminée qui n’attend plus rien d’un état de droit inexistant. Ainsi, dans un tel contexte, c’est l’occasion pour l’auteur de décrire ces mécanismes hallucinants d’une fausse immigration de Roms vers les pays de l’Ouest afin de toucher quelques subsides mensuels permettant d’alimenter les caisses de chefs mafieux qui ont intégré les règles, ou plutôt l’absence de règles, d’une société capitaliste complètement effrénée où la corruption, les meurtres et les détournements en tout genre deviennent un véritable art de vivre. Violentée, traquée, on suit donc le parcours de cette fille à la beauté décomplexée qui va d’ailleurs en faire une arme lui permettant de se retourner contre ses ravisseurs avec l’aide d’un entourage à la probité douteuse à l’instar de Miko et Valent le Barge, ces deux flics borderline qui se dispensent de suivre les directives d’une institution policière dévoyée pour instaurer leurs propres lois leur permettant ainsi de survivre dans un univers régis par des politiciens et des magistrats à la solde de clans mafieux et autres truands en tout genre. D’une extrême noirceur et dépourvu de toute forme d’espoir, comme en atteste un épilogue sordide démontrant l’immuable sort des victimes, Il Etait Une Fois Dans L’Est prête parfois à rire (un rire jaune, il faut bien le concéder) au gré d’échanges savoureux, épicés d’idiomes percutants, entre des protagonistes complètement déjantés insufflant une espèce de dynamisme à la fois insensé et hallucinant de réalisme pour nourrir un récit effrayant qui prend l’allure d’un réquisitoire désespéré.

     

    Véritable brûlot politique à l’encontre d’un état sans foi ni loi, Árpád Soltész nous livre, avec Il Etait Une Fois Dans L’Est, un sombre western où les  règlements de compte sauvages deviennent les seuls actes valables pour lutter contre une corruption institutionnalisée que l’on ne saurait enrayer que par la force. En attendant, il ne reste plus qu’à compter le nombre de victimes sacrifiées sur l'autel du profit. Un roman noir effrayant à nul autre pareil.

     

    Árpád Soltész : Il Etait Une Fois Dans L’Est. Editions Agullo Noir 2019. Traduit du slovaque par Barbora Faure.

    A lire en écoutant : Sex On Fire de King Of Leon. Album : Only By the Night. 2008 RCA Records.

  • Jacky Schwartzmann : Pension Complète. Sévices compris.

    jacky schwartzmann,pension complète,seuil,cadre noirSeule une actualité chargée en événements peut expliquer le fait que l’on ait quelque peu occulté la nouvelle littéraire de l’année avec l’attribution du prix des chroniqueurs 2019 Toulouse Polars du Sud pour Pension Complète de Jacky Schwartzmann célébrant ainsi cet humour mordant qui ponctue les récits d’un auteur maîtrisant parfaitement les codes du roman noir pour mieux les détourner avec quelques portraits sans complaisance de personnages qui n’en demeurent pas moins extrêmement attachants. Mais bien loin de la simple gaudriole, Jacky Schwartzmann s’emploie à dépeindre ce mélange explosif d’univers sociaux dissemblables dont les antagonismes vont alimenter une succession de situations à la fois rocambolesques et hilarantes qui viendront surprendre le lecteur au détour d’une comédie noire au mauvais esprit décapant qu’il faut prendre au deuxième ou voire même au troisième degré.

     

    Dino a trouvé le salut au Luxembourg en tombant amoureux de Lucienne, son aînée de 32 ans qui est en mesure de l’entretenir avec ses millions, même si pour cela, il faut supporter la mère acariâtre de sa dulcinée. Pour un gars issu d’un milieu modeste en ayant toujours vécu dans une triste banlieue lyonnaise, la situation pourrait être supportable si l’entourage de Lucienne ne lui rappelait pas sans arrêt sa condition de gigolo et sa nationalité française qui semble être un défaut majeur. Après avoir cassé la gueule au banquier belge de sa fiancée, qui lui a manqué de respect, Dino est contraint de s’exiler et de passer l’été sur un yacht amarré dans le sud de la France. Mais sur le chemin, une panne de voiture l'oblige à résider quelques jours dans un camping de La Ciotat. Entouré d’une masse de touristes anglais, hollandais et belges, Dino fait la connaissance de Charles, un auteur à succès goncourisé qui s’est mis en tête d’observer les vrais gens afin de nourrir l’intrigue de son prochain roman. Mais au camping de la Naïade, Dino va rapidement constater que les morts suspects s’accumulent et que les victimes ont la fâcheuse tendance à être celles qui l’insupportent.

     

    Qui n'a jamais rêvé parfois de trucider quelques abrutis odieux que l'on ne pouvait plus supporter ? Un rêve que Jacky Schwartzmann a couché sur papier dans ce qui apparaît comme un récit jubilatoire où l'on éprouve une certaine forme de sympathie pour des meurtriers œuvrant dans le cadre d'une mission salutaire de salubrité sociale. C'est bien là que réside toute la force de ce regard féroce et drôle à la fois avec ce terrible sentiment d'empathie qui vous submerge entre deux crises de fous rire en suivant l'exil de Dino, gigolo à son corps défendant, qui se lie d'amitié avec Charles Desservy, un célèbre romancier à succès, en attendant de retrouver les bonnes grâces de sa chère et tendre Lucienne. Un exil prenant rapidement la forme d'un périple meurtrier hilarant au cœur de cette atmosphère estivale d'une Côte d'Azur blindée de touristes avec cette promiscuité infernale propice à tous les excès qui donnent lieu à des scènes aussi cruelles que comiques.  

     

    Rythmé, mordant et très incisif, Pension Complète aborde, au-delà de l'aspect comique, tous les thèmes en lien avec l'apparence et les préjugés dont on ne peut se départir quoique l'on fasse comme Dino va s'en apercevoir, lui qui subit l'avanie d'un entourage suffisant et bouffit d'orgueil au détour de considérations déplacées qu'il ne peut plus supporter. Mais lui-même n'adopte-t-il pas une attitude similaire lorsqu'il se retrouve dans ce camping de la Naïade, bien éloigné de son standing habituel ? Désemparé, Dino trouvera donc une forme d'émancipation et de rédemption salutaire et joyeusement meurtrière en côtoyant cet écrivain dont l'attitude, à la fois décalée et décomplexée, ne manquera pas de nous interloquer au détour d'une succession de règlements de compte désopilants qui peuvent parfois se révéler extrêmement réjouissants.

     

    Méchante farce politiquement incorrecte, Jacky Schwatrzmann parvient à nous interpeller, entre deux éclats de rire, avec un roman noir délicieusement vachard teinté d’un soupçon de bienveillance pour des personnages qui se révèlent bien plus attendrissants qu’il n’y paraît.

     

    Jacky Schwartzmann : Pension Complète. Editions du Seuil/Cadre noir 2018. Points policiers 2019.

    A lire en écoutant : Comme Un Boomerang interprété par Dani & Etienne Daho. Album : La Nuit Ne Dure Pas. 2016 Mercury Music Group.

  • LUC CHOMARAT : LE DERNIER THRILLER NORVEGIEN. PARODIE NORDIQUE.

    Luc Chomarat, le dernier thriller norvégien, la manufacture de livresMode éditoriale propre aux thrillers, c’est bien souvent au terme de ce type de fictions que vous trouverez quelques remerciements où l’auteur s’ingénie à vous démontrer, avec une subtilité plus ou moins affichée, que son récit s’inscrit bien dans la réalité d’un univers qu’il a su capter au gré de connaissances et de références qu’il puise essentiellement sur internet en intégrant au mot près dans son texte, avec une conscience qui l’honore, quelques extraits de la fiche wikipédia qu’il a consultée. Il s’agit bien d’en rire et de traiter le sujet des dérives du monde de l'édition avec la dérision et l’humour qui s’impose comme l’a fait Luc Chomarat avec Le Dernier Thriller Norvégien, roman à la fois détonnant et subtil, nous entraînant dans le tourbillon d’une intrigue délirante où la fiction et la réalité se télescopent pour devenir des perceptions toutes relatives.

     

    A Copenhague, l’éditeur parisien Delafeuille s’apprête à rencontrer Olaf Grundozwkzson, grand maître du thriller nordique,  afin de le convaincre d’intégrer le catalogue de sa maison d’édition et de négocier les droits de traduction de son dernier roman à succès. Confortablement installé dans un luxueux hôtel de la capitale danoise, Delafeuille prend connaissance du manuscrit de l’auteur pour se rendre compte que la fiction devient réalité et qu’il est devenu la proie de l’Esquimau, machiavélique tueur en série sévissant dans la région en démembrant ses victimes qu’il abandonne dans les forêts des environs. Acculé, l’éditeur n’a pas d’autre choix que de poursuivre la lecture du manuscrit afin de connaître l’identité du meurtrier. Mais l’ouvrage disparaît mystérieusement et Delafeuille comprend que l’aide de Sherlock Holmes, séjournant dans le même hôtel, ne sera pas de trop afin de déjouer cet effroyable imbroglio qui prend une tournure inquiétante.

     

    Bien loin du simple pastiche où il se contenterait de démonter les codes qui régissent le genre du thriller, Luc Chomarat construit une intrigue étonnante en entraînant le lecteur dans la mise en abîme de personnages évoluant au gré de la fiction d’un ouvrage qui rythme désormais leur propre réalité avec l’apparition de Sherlock Holmes dont on ne sait plus s’il s’agit du célèbre héros sorti de l’imagination de Conan Doyle où tout simplement de l’incarnation de la réalité de Delafeuille protagoniste central d’un roman complètement loufoque qui nous interpelle sur notre propre perception de l’imaginaire. A partir de là, le récit s’oriente vers une franche partie de rigolade extrêmement rafraîchissante où les situations les plus ubuesques prennent une tournure délirante au gré de dialogues surréalistes. C’est donc au détour de l’absurdité de scènes parfois cocasses que Luc Chomarat égratigne avec cette plume corrosive qui le caractérise, les arcanes du monde littéraire et les travers du thriller. Et tout y passe que ce soit les poncifs les plus éculés que l’on peut imaginer en lien avec le polar nordique dont le titre du roman vous donne déjà un aperçu puisqu’il n’est nullement question de Norvège ou que ce soit les considérations d’éditeurs plus enclin à parler chiffres que lettres. Ainsi on s’amuse de tout avec une multitude de clins d’œil comme les éditions Mirages ou la rencontre des inspecteurs Bjonborg et Willander tout en accompagnant des personnages déboussolés s’étonnant de passer d’un chapitre à l’autre de manière brutale ou d’une scène à l’autre presque comme par magie pour mieux comprendre les mécanismes de l’ellipse. Il en va de même pour l’environnement et l’atmosphère d’un genre extrêmement convenu, que l’auteur s’amuse à décortiquer avec une sagacité pleine d’humour à l’exemple de cette ville de Copenhague prenant soudainement l’allure d’une ville africaine pour mettre en exergue la multitude de clichés que l’on peut trouver dans ce type de romans ou cette soudaine vulgarité dans les échanges entre Holmes et Delafeuille se retrouvant tout d’un coup dans un récit aux allures de hard-boiled.

     

    Avec la finesse d’un humour au service d’un texte d’une belle intelligence nous permettant d’avoir un regard acéré sur un monde de la littérature qui se prend parfois bien trop au sérieux , Luc Chomarat fait exploser, avec Le Dernier Thriller Norvégien, l’univers extrêmement convenu du thriller nordique pour nous entraîner dans la folie d’une intrigue qui ne manquera pas de vous laisser avec un grand sourire, ceci bien longtemps après avoir refermé cet ouvrage détonant. Salutaire et indispensable.

    Luc Chomarat : Le Dernier Thriller Norvégien. La Manufacture de livres 2019.

    A lire en écoutant : Gravity de Hooverphonic. Album : Reflection. Sony Music Entertainment Belgium.

  • JOE MENO : LA CRETE DES DAMNES. BOULE A ZERO.

    joe meno, le crête des damnés, agullo éditionsOk, on ne va pas trop se mentir, le roman dont il est question n’a pas grand chose à voir avec la littérature noire. Pas le moindre crime, même pas le frémissement d’un fait divers ou l’évocation d’une dérive sociale dans cet ouvrage abordant la délicate période d’un adolescent en quête de liberté et d’émancipation au cœur d’une banlieue de South Chicago à la fin de l’année 1990. Tout juste pourra-t-on dire que son auteur, Jo Meno a écrit deux superbes romans noirs aux entournures à la fois poignantes et poétiques, Le Blues De La Harpie (Agullo/Noir 2016) et Prodiges Et Miracles (Agullo/Noir 2018) avant de nous livrer son dernier opus, La Crête Des Damnés, évoquant le thème universel du passage de l’enfance au monde adulte, sur fond d’une bande sonore endiablée où l’on trouvera quelques classiques de groupes punks comme The Clash, The Ramones ou The Misfit, ou de hard rock comme Guns N’Roses, AC/DC ou plus surprenant, un morceau de Chet Backer interprétant Time After Time, un standard de jazz. Une compilation loin d’être exhaustive ne nécessitant pas forcément d’approfondir vos connaissances dans le domaine de la musique punk ou rock, puisqu’il y est surtout question de ces rapports complexes entre adolescents en quête d’amour et d’identité tout en rejetant le conformisme de modèles sociaux dans lesquels ils ne se reconnaissent plus.

     

    Tout ce qui compte pour Brian Oswald, lycéen d’un établissement catholique de South Chicago, c’est d’inviter sa meilleure amie Gretchen, dont il est secrètement amoureux, au bal de promo. Mais comment un adolescent boutonneux et binoclard peut-il s’y prendre afin séduire cette fille un peu enrobée, au look punk destroy, qui n’hésite pas à mettre son poing dans la gueule de toutes personnes qui la contrarie ? C’est d’autant plus difficile que Gretchen en pince pour Tony Degan, un abruti de suprémaciste blanc âgé de 26 ans qui rôde autour du bahut afin de séduire les filles. Sans bagnole, plutôt insignifiant pour ne pas dire looser, Brian va tenter tant bien mal de surmonter toutes ces difficultés et se lancer dans la création de la plus belle compilation cassette-audio de tous les temps afin d’éblouir celle qu’il aime. Parce qu’en 1990, lorsque l’on a à peine 17 ans et des rêves de star du rock plein la tête, tout ce qui compte c’est la musique qui peut vous conduire sur le champs encore inexploré de l’amour. Mais rien n’est gagné d'avance et Brian ne le sait que trop bien.

     

    Roman ultra référencé, rendant hommage à cette période des années ’90 et plus particulièrement à la culture punk, sans que cela soit trop ostentatoire, on appréciera l’énorme travail de traduction d’Estelle Flory pour restituer cette ambiance ainsi que la multitude de références d’une époque imprégnée de culture underground dont on peut prendre la pleine mesure à la lecture de la biographie de Joe Meno, natif de Chicago, tout comme Brian Oswald, personnage central de La Crête des Damnés, affichant sans aucun doute les mêmes passions que son auteur. Rédigé à la première personne, dans un style parlé plein de spontanéité avec ce langage familier qui le caractérise, on découvre ainsi le quotidien presque banal d’un jeune homme évoluant dans une morne banlieue de Chicago. Mais c’est au travers de ces petits riens ou de ces micros événements qui ponctuent la vie de Brian que Joe Meno parvient à transcender ce quotidien insignifiant pour en restituer les enjeux essentiels avec un texte lumineux, bourré d’énergie au détours des scènes truculentes pleines d’humour et d’autodérision. Il y est donc surtout question de rapports humains finement restitués que ce soit lors de ces moments passés avec l’inénarrable Gretchen, cette fille complètement déjantée dont on découvre, au fil du récit, toute la vulnérabilité qu’elle dissimule derrière un look destroy faisant office de bouclier ou lors de ces instants poignants où le naufrage d’un mariage s’achève avec les adieux d’un père laissant à son fils ses rangers auxquelles il tenait tant. Roman d'apprentissage pour un jeune homme en quête de repères et d'émancipation, La Crête Des Damnés n'a pas pour vocation de nous révéler les grands secrets de la vie ou de nous entraîner sur une vague de révolte insensée, bien au contraire, puisque Brian ne désire finalement rien d'autre, parfois en dépit de grandes contradictions, que de s'intégrer dans l'environnement dans lequel il évolue tout en relevant tout de même quelques dysfonctionnements qui le heurte à l'instar de cette discrimination raciale qui règne dans son quartier et dans son lycée. 

     

    Fragment à la fois drôle et émouvant de l'existence d’un adolescent en proie aux doutes sur une douloureuse quête d'amour et dont l'épilogue reste ouvert sur l’incertitude d’une vie qu’il reste à construire, La Crête Des Damnés nous permet ainsi de nous remémorer avec une belle nostalgie ces instants décisifs lors de l’élaboration d’une compilation enregistrée sur une cassette-audio destinée à l’être aimé tout en se réappropriant les souvenirs d’une scène musicale à la fois riche et variée qui ne cessera jamais de nous bousculer. Un roman essentiel.

     

    Joe Meno : La Crête Des Damnés (Hairstyles Of The Damned). Editions Agullo 2019. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Estelle Flory.

    A lire en écoutant : The Magnificent Seven de The Clash. Album : Sandinista ! 2013 Sony Music Entertainment UK Limited.

  • Pierre-François Moreau : White Spirit. Démon blanc.


    Capture d’écran 2019-08-23 à 00.06.59.pngSi l'engouement du polar en Suisse romande a suscité quelques vocations locales dont finalement nous nous serions bien passés pour certaines des plus remarquées d'entre elles, il importe de signaler les rares auteurs de la littérature noire, toutes contrées confondues, dont l'intrigue se déroule au cœur de la Romandie, tant l'événement est rarissime. Avec un cadre pourtant prometteur, sur les contreforts des Alpes vaudoises, on passera sous silence Avalanche Hôtel (Calmann-Lévy noir 2019) de Nicolas Takian, pâle ersatz de Shining (Le livre de poche 2007), qui alimentera la masse de thrillers insignifiants en contribuant ainsi à la cause perdue d'un genre dévoyé, pour s'intéresser à White Spirit, un étrange et surprenant roman noir de Pierre-François Moreau dont l'action nous entraîne sur les bords du lac Léman, entre Montreux et Lausanne.

     

    White Spirit, c'est le combustible avec lequel Gifty, une jeune prostituée nigériane, s'asperge afin de s'immoler sur les bords du lac Léman pour en finir avec cette vie de galère et échapper définitivement à l’emprise de ses proxénètes. Victime d’un réseau de traite d’êtres humains entre Bénin City et Lausanne, la jeune femme est contrainte de se livrer au commerce de son corps afin de s’acquitter d’une dette exorbitante et d’une malédiction qui peut s’abattre à tout moment sur les membres de sa famille. Mais White Spirit c’est peut-être aussi ce qu’incarne Bruce, ce jeune homme déjanté qui vient de sauver Gifty de la douleur des flammes s’apprêtant à la consumer. Scénariste de jeux vidéos fun-gore, figure montante de la Toile, Bruce trimbale son désenchantement d’hôtels de luxe en festivals du numérique, imbibé d’alcool et de drogue. La rencontre détonante de deux univers qui se fracassent pour former un mélange de délires occultes et virtuels donnant ainsi l'occasion à Gifty et Bruce d'affronter leurs chimères respectives dans un déferlement de confrontations chaotiques.

     

    Déroutant, c’est le moins que l’on puisse dire pour qualifier ce roman dont l’intrigue tourne autour d'une rencontre improbable entre deux personnages qui se situent à la marge de cette quiétude envoûtante de la Riviera vaudoise où ils évoluent chacun de leur côté avant que cette confrontation fatidique ne les entraîne dans une spirale d’événements aussi étranges qu’imprévisibles. D’emblée on apprécie cette écriture précise, chirurgicale, permettant d’esquisser en quelques mots l’atmosphère singulière émanant d’un décor opulent où la détresse de Gifty résonne dans le silence d’une aube mal définie tandis que Bruce exsude les miasmes de ses délires numériques dont il ne garde que quelques fragments épars. S'agit-il d'un songe ou des phantasmes respectifs de deux êtres égarés ? La question reste ouverte car Pierre-François Moreau parvient, avec maestria, à nous égarer dans cette conjonction de deux microcosmes dans lesquels ses personnages se retrouvent enfermés. Pour Gifty, traquée par ses souteneurs, ce sont les esprits, les fétiches et l’envoûtement des jujus tandis que Bruce doit faire face aux autorités numériques pour avoir endossé le rôle d’un lanceur d’alerte bidon afin de rebooster sa carrière de concepteur de jeux vidéos. Dangereux maquereaux, policiers fédéraux indolents et mystérieux mécène richissime, sur fond de règlements de compte sordides et de discussions déjantées, les rencontres s’enchaînent tandis que les univers s’entremêlent au détour d’une succession d’événements qui prennent parfois une tournure surprenante.

     

    Il faut dire que sur une alternance d'instants calmes, aux entournures poétiques, presque romanesques, et d'actions frénétiques et explosives, Pierre-François Moreau se garde bien d'entraîner le lecteur vers des schémas convenus. Ainsi l'ébauche d'une histoire d'amour entre Gifty et Bruce demeure incertaine, tandis que la confrontation avec la clique de souteneurs africains ne débouchera pas forcément sur le bain de sang escompté, propre au genre. 

     

    En se jouant ainsi des codes qu'il connaît parfaitement, Pierre-François Moreau nous livre donc un récit échevelé qui se révèle bien plus maîtrisé qu'il n'y paraît aux premiers abords, pour faire de White Spirit un roman noir Outchine cool.

     

    Pierre-François Moreau : White Spirit. La Manufacture de livres 2019.

    A lire en écoutant : 7 Seconds de Youssou N'Dour (ft. Neneh Cherry). Album : The Guide (Wommat). Colombia Records 1994.

  • JOE R. LANSDALE : UN FROID D’ENFER. LE SANG DES BAYOUS.

    joe r. lansdale,le sang des bayous,un froid d'enfer,folio policierMême si les tables des librairies sont encore surchargées de nouveautés en format poche, rien de tel que la pause estivale pour s'aventurer du côté des rayonnages afin de dégotter quelques merveilles de la littérature noire qui se morfondent dans l'attente d'un éventuel lecteur. On peut y faire quelques trouvailles comme ce recueil, Le Sang Des Bayous réunissant trois des plus grands romans de Joe R. Lansdale se déroulant dans le sud-est du Texas, plus précisément du côté de la Sabine, un fleuve qui dessine la frontière entre l'Etat de l'étoile solitaire et la Louisiane. Davantage reconnu pour sa série policière détonante, aux connotations humoristiques, mettant en scène les détectives Hap Collins et Leonard Pine présentant des profils plutôt atypiques puisque l'un est un  ancien activiste hippie un peu feignant tandis que le second est un vétéran du Vietnam d'origine afro-américaine assumant pleinement son homosexualité, Joe R. Lansdale a marqué les lecteurs avec des romans beaucoup plus sombres comme Un Froid D'Enfer (Murder Inc. 2001), Les Marécages (Murder Inc. 2002) et Sur La Ligne Noire (Murder Inc. 2006) qui composent ce recueil. Une belle occasion d'évoquer ces impressionnants romans de la littérature noire en débutant avec Un Froid D'enfer dont l'intrigue prend pour cadre l'univers des freaks.

     

    Incapable d'imiter sa signature pour encaisser les chèques de l'aide sociale, Bill laisse pourrir le cadavre de sa mère dans sa chambre. En attendant de trouver une solution, il voit une opportunité de se faire un peu d'argent en braquant la cabane de pétards qui se trouve en face de chez lui et qui doit être pleine d'oseille à l'approche de la fête du 4 juillet. Mais le braquage tourne mal et le voilà contraint de prendre la fuite en s'engouffrant dans une région marécageuse, infestée de moustique et de mocassins. Défiguré par les piqûres d'insecte, Bill est recueilli par Frost et sa clique de freaks qui le prennent pour l'un des leurs. Intégrant ainsi cette caravane de l'étrange se déplaçant au rythme des représentations se déroulant dans quelques bleds paumés du sud est du Texas, Bill développe quelques amitiés avec les membres difformes de cette communauté. Au contact de ces monstres de foire et à mesure que son visage reprend une apparence normale, Bill s'assagit tout en regrettant les actes du passé. Mais les bas instincts reprennent le dessus avec l'apparition de Gidget, la splendide compagne de Frost, qui fait chavirer les cœurs et embrouille les esprits. Les monstres ne sont pas ceux que l'on croit.

     

    Peut-être le plus méconnu des trois ouvrages du recueil, Un Froid D’Enfer prend la forme d’un roman noir en suivant la trajectoire de Bill Roberts, un looser patenté cumulant les plans foireux et les coups du sort tragiques ponctués d’une certaine malchance qui ne fait qu’aggraver la situation précaire de cet individu plutôt malsain. Avec une plume trempée dans le vitriol, Joe R. Lansdale nous présente donc les errements de ce personnage dénué de tout scrupule qui dissimule la mort de sa mère afin de pouvoir soutirer quelques chèques en imitant sa signature, chose qu’il est finalement incapable d’effectuer. D’un braquage vraiment foireux, digne des Pieds nickelés, suivi d’une traque dantesque dans les marécages, on découvre un homme qui s’assagit au contact d’une cohorte d’êtres difformes qui se révèlent bien plus humains qu’il n’y paraît. C’est ainsi que Joe R. Lansdale aborde toute la thématique de l’exclusion et de la différence au gré d’une galerie de personnages attachants dont les portraits révèlent des personnalités surprenantes à l’exemple de Frost ou de l’homme-chien avec qui Bill va développer de solides liens d’amitié. Sur un schéma plutôt surrané l’auteur développe donc ce fameux concept du mal s’incarnant dans la beauté tandis que le bien se révèle dans la laideur sur fond d’une liaison triangulaire qui devient le point de bascule de l’intrigue en nous dévoilant les contours aussi affriolants qu’inquiétants de la sublime Gidget. On appréciera toute l’ambivalence du personnage projetant toute sa cruauté et son absence de considération qui rejaillit sur Bill dont l’ersatz naissant d’humanité s'estompe tandis que la relation avec cette femme fatale s’intensifie. 

     

    En conteur hors-pair, Joe R. Lansdale restitue cette moiteur typique du sud des Etat-Unis au rythme d’une intrigue soutenue glissant peu à peu vers une ambiance étrange et quelque fois pesante, émanant de cette communauté de freaks, et plus particulièrement de ce mystérieux Homme des Glaces gisant dans un congélateur, qui arpentent cette région désolée du sud-est du Texas. Mais la vigueur du texte provient essentiellement des échanges parfois déjantés entre les divers protagonistes et des situations ahurissantes qui ponctuent le récit à l’instar de cette tornade qui disloque la caravane de camping car et de remorques composant cette troupe de freaks.

     

    Résolument amoral, prélude d’autres récits encore plus sombres, Un Froid D’Enfer est un terrible roman noir dont l’âpreté nous permet d’appréhender les vicissitudes d’une région tourmentée par la précarité et le terrible passé d’une ségrégation violente dont on n’a pas fini de solder les comptes et que Joe R. Lansdale se plaît à mettre en pleine lumière avec un indéniable talent.

     

    Joe R. Lansdale : Un Froid D’Enfer (Freezer Burn). Le Sang Du Bayou (recueil) Folio Policier 2015. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Bernard Blanc.

    A lire en écoutant : Shout ! The Isley Brothers. Album : Shout !. 1959 RCA Victor.

  • ERIC PLAMONDON : OYANA. DEPOSER LES ARMES.

    eric plamondon, oyana, quidam éditeurAvec Taqawan (Quidam éditeur 2018), Eric Plamondon a acquis une certaine notoriété dans le monde littéraire en obtenant, entre autre, de nombreuses récompenses dont celle du prix des chroniqueurs 2018 du festival Toulouse Polar du Sud alors que j’avais une préférence pour Les Mauvaises (La manufacture de livres 2018), de Séverine Chevalier qui figurait parmi les finalistes tout comme La Guerre Est Une Ruse (Agullo Noir 2018) de Frédéric Paulin. Un choix cornélien pour départager trois romans exceptionnels. En tant que jury, j’ai bien tenté d’influencer mes camarades, mais il faut bien admettre qu’il s’agissait d’une cause perdue tant le roman d’Eric Plamondon avait de quoi surprendre avec un angle narratif extrêmement original, sous forme de vignettes déclinant contes, recettes culinaires et autres extraits historiques, nous permettant d’intégrer la culture amérindienne et plus particulièrement celle des tribus mig’maq sur fond d’intrigue policière en lien avec un trafic d’êtres humains. Toujours audacieux, l’auteur québécois, résidant depuis plusieurs années dans la région de Bordeaux, s’est penché avec son dernier livre intitulé Oyana, sur la culture du Pays basque avec en toile de fond l’annonce de la dissolution de l’organisation armée indépendantiste ETA qui aura des conséquences sur le destin de l’héroïne éponyme du récit.

     

    Cela fait 23 ans qu’Oyana Etchebaster a disparu. Exilée au Mexique, sous une fausse identité, elle a rencontré et épousé Xavier Langlois, un médecin canadien, pour vivre désormais à Montréal où elle mène une vie plutôt terne et sans relief. Mais en prenant connaissance du communiqué de l’ETA annonçant sa dissolution, le passé refait surface. Et il est temps pour Oyana d’y faire face en retournant au Pays Basque qui l’a vue naître. Une quête d’identité au bout de laquelle il sera temps de tirer un trait sur les erreurs de jeunesse et assumer ses responsabilités en réparant tout le mal qui a été fait autrefois. Mais si l’ETA n’existe plus, les morts eux sont bien présents. Et peut-on s’affranchir de ceux qui ont disparus dans des circonstances terribles.

     

    Il fallait bien la sensibilité d’un auteur comme Eric Plamondon pour aborder un sujet aussi délicat que l’indépendantisme du Pays basque dont on découvre les particularismes par le biais du même procédé narratif utilisé pour Taqawan. Des origines de la pêche à la baleine aux éléments de langage originaux, en évoquant bien évidemment les actions de la lutte armée de l’ETA, l’auteur parvient en quelques pages à saisir les contours d’un peuple veillant à conserver sa culture et ses traditions. Pour faire le lien avec ces différents éléments et pour en découvrir tous les aspects, c’est en s’adressant à son mari sous une forme épistolaire qu’Oyana va dévoiler peu à peu son destin en lien avec la cause basque qui l’a conduite à un exil de près de 23 ans.

     

    Contrainte par les événements tragiques qui ont régit sa vie, Oyana évoque donc la perte d’identité, l’exil et cette velléité de reprendre le cours de son destin en dépit de la menace qui demeure latente. Dépourvu d'intrigue policière, le récit prend donc la forme d’un roman noir avec cette héroïne qui souhaite avant tout assumer ses actes. Prémisse de cette reprise en main, il y a tout d'abord ce détour au bord du fleuve Saint-Laurent pour prendre en photo les baleines, projet de jeunesse qui n'avait jamais abouti. La vision des cétacés qui renvoie aux souvenirs d'une jeunesse perdue où Oyana, juchée sur les épaules de son père, découvrait un cachalot échoué sur la plage devient l'écho de cette perte d'innocence devant la mort d'un animal, funeste prélude d'événements terribles qui vont heurter la conscience de la jeune femme qu'elle est devenue et qui trouverait une issue dans la vengeance de la lutte armée. Sans l'ombre d'un jugement, Eric Plamondon parvient à distiller toute la vacuité d'un tel engagement qui ne débouche finalement que sur des regrets au gré d'un texte subtil emprunt d'une sensibilité qui ne manquera pas de toucher le lecteur conquis d'avance par les entournures de ce retour prenant les aspects d'une fuite en avant, s'achevant sur un épilogue incertain. 

     

    Bref récit chargé d'émotions, évoquant la quête d'une identité perdue, Oyana devient un roman noir éblouissant qui met en lumière la richesse et l'intensité d'une héroïne superbe que l'on oubliera pas de sitôt, même une fois l'ouvrage terminé. Un grand moment de lecture.

     

    Eric Plamondon : Oyana. Quidam éditeur 2019.

    A lire en écoutant : Kozmic Blues de Janis Joplin. Album : I Got Dem Ol’ Kozmic Blues Again Mama ! 1969 Colombia Records/CBS Records.

  • MARIE-CHRISTINE HORN : LE CRI DU LIEVRE. LES MACHOIRES DU PIEGE.

    Capture d’écran 2019-07-11 à 22.34.57.pngDans le paysage de la littérature noire helvétique, Marie-Christine Horn s’est toujours distinguée en adoptant les codes du genre afin de mieux les transgresser pour surprendre le lecteur au détour d’une écriture aussi maîtrisée qu’incisive qui met davantage en lumière le thème abordé. Ainsi La Piqûre (L’Âge d’Homme 2017) et Tout Ce qui Est Rouge (L’Âge d’Homme 2015), deux romans policiers mettant en scène l’inspecteur Rozier, prennent une tournure déconcertante puisque le policier reste toujours en retrait pour laisser un espace plus important aux protagonistes impliqués dans les enquêtes, ce qui permet d’avoir un regard plus aigu et plus sensible sur les sujets évoqués, que ce soit l’immigration et les défis qui se posent en matière d’intégration ou l’univers psychiatrique et les thérapies des patients au travers de l’art brut. Avec 24 Heures (BSN Press 2018), bref roman oscillant entre le thriller et le roman noir, le lecteur découvrait le monde de la course automobile et de ses rivalités tout en s’immisçant dans l’intimité d’une famille et des secrets qui en découlent. D’ailleurs on reste dans le domaine du cercle familial puisque le dernier ouvrage de la romancière aborde le délicat sujet des violences domestiques avec un roman noir engagé, au titre mystérieux et inquiétant, Le Cri Du Lièvre.

     

    Comme à l’accoutumée, Manu est partie en forêt, à la cueillette de champignons, lui donnant ainsi l’occasion d’échapper à l’enfer de son quotidien, de laisser derrière elle, les affres d’un travail pesant et d’un chef odieux et surtout de ne plus croiser Christian son mari aussi volage que violent. Une balade incertaine qui prend la forme d’une errance volontaire de plusieurs jours. Une fuite en avant avec cette volonté de se fondre dans cette nature luxuriante. Mais la découverte d’un lièvre se débattant vainement pour s’extirper du piège qui l’entrave va déclencher toute une série d’événements qui s’enchaînent en donnant l’occasion à Manu de croiser d’autres victimes de maltraitance comme Nour la jeune infirmière fragile ou des femmes révoltées à l’instar de Pascale, une gendarme qui peine à étouffer cette colère qui gronde en elle. Les trajectoires de trois destins de femmes bafouées qui s’entremêlent pour ne former plus qu’une seule et même tragédie.

     

    Le Cri Du Lièvre met donc en lumière ce hurlement silencieux de la souffrance domestique qui s’installe dans l’intimité du cercle familial et que les proches, amis et collègues ne sauraient ou ne voudraient percevoir. Un sujet tabou que Marie-Christine Horn aborde, avec autant de force que de conviction, au travers d’un texte pertinent qui décline toutes les formes de brutalités qui s’installent parfois de manière insidieuse au sein du couple. Parce que le thème des violences conjugales a fait l’objet de récits ineptes, particulièrement dans le domaine du thriller, avec des auteurs renouvelant leur fond de commerce d’horreurs, de tortures et de violences gratuites où le sensationnalisme du récit desservait un sujet si sensible, il faut saluer toute les nuances d’un texte subtile, tout en retenue, qui aborde pourtant, de manière frontale, ce mal insidieux qui frappe tant de femmes. Une violence sous-jacente, qui n'en est que plus impactante, imprègne donc l’ensemble de ce court récit faisant l’étalage de tous les maux qui peuvent ronger un couple à l’exemple de celui que forme Christian et Manu et dont cette dernière se remémore, au gré de son errance forestière, quelques épisodes marquants qui l’ont peu à peu détruite. Mais que dire du mariage des parents de Manu dont Marie-Christine Horn dépeint le lent déclin avec une lucidité et un réalisme qui fait frémir. Bien loin de toutes mises en scène spectaculaires, la tragédie s'inscrit dans la dérive d'un quotidien qui n'en est que plus terrifiant en entraînant les protagonistes vers leurs funestes destinées.

     

    Oscillant entre son envie de fuite et sa volonté de se confronter à son agresseur, Manu, jeune femme vulnérable, s'achemine à son corps défendant vers le fait divers qui va bouleverser sa vie. Point de bascule et symbole omniprésent d'un destin auquel elle ne peut échapper, le lièvre piégé devient ainsi la représentation de cette épouse meurtrie qui ne peut supporter l'image de détresse que l'animal lui renvoie. Fuite ou confrontation voici donc pour Manu les enjeux qui sont posés en fonction des rencontres qu’elle va faire avec d’autres femmes meurtries comme Nour ou Pascale cette policière ambivalente dont on regrettera le manque de développement tant ce personnage de gendarme paraissait prometteur et dont on aurait aimé découvrir plus en détail le parcours au sein de l’institution policière qui semble avoir généré toute une partie de sa colère et de sa frustration, devenant ainsi source de danger. 

     

    Cruel et poignant éclairage d’un mal insidieux générant de terribles faits divers défrayant l’actualité, Le Cri Du Lièvre est un roman noir essentiel qui dépeint avec beaucoup de justesse et d’à propos les mécanismes de délitement et de violence rongeant des foyers à la dérive qui abandonnent leurs rôles de conjoints pour endosser désormais ceux de victimes et de bourreaux. Glaçant.

     

    Marie-Christine Horn : Le Cri Du Lièvre. BSN Press 2019.

    A lire en écoutant : Retourne Chez Elle de Ariane Moffat. Album : Le Cœur Dans La Tête. 2005 Les disques Audiogramm Inc.

  • Shirley Jackson : La Loterie et autres contes noirs. Cauchemar américain.

    shirley jackson,la loterie et autres contes noirs,éditions rivagesJe me souviens encore d'une nouvelle de Stephen King,  L'Homme Qui Aimait Les Fleurs, que l'on peut lire dans son premier recueil, Danse Macabre (J'ai Lu 1980) où l'on suit un jeune homme arpentant les rues de New York, un bouquet de fleur à la main, à la recherche de sa bien-aimée. Une scène charmante d'un personnage transit d'amour jusqu'à l’instant où tout se disloque. A bien des égards on peut mesurer avec ce récit toute l'influence de la romancière américaine Shirley Jackson dont les romans et autres nouvelles, oscillant entre le gothique et le fantastique, prennent pour cadre des scènes de vie presque banals d'individus que l'on va conduire jusqu'au point de rupture sans employer le moindre élément surnaturelle. Outre Stephen King, ce sont de grands auteurs de la littérature fantastique comme Richard Matheson, Neil Gaiman ou plus récemment la romancière Jamey Bradbury qui évoquent l'œuvre de Shirley Jackson comme source d’inspiration et plus particulièrement cette capacité de distiller l'horreur dans la névrose, la paranoïa et les fantasmes que génèrent ses personnages se débattant dans leur quotidien d’apparence idyllique qui bascule insidieusement dans un climat de terreur. Parmi les romans rédigés sur ce schéma narratif, deux d’entre eux sont considérés comme des classiques du genre de l’épouvante. Il s’agit de Nous Avons Toujours Habité Le Château (Rivages/Noir 2012) et de La Maison Hantée (Rivages/Noir 2016) qui ont bénéficié d’une nouvelle traduction assez récente. Dans ce domaine de réactualisation des textes de la romancière, les éditions Rivages proposent donc un recueil de treize nouvelles parmi lesquelles figure La Loterie qui a contribué à la renommée de Shirley Jackson tant le texte a suscité la polémique lorsqu’il a été publié en 1948 dans la revue The New Yorker.

     

    La Loterie : Tout les habitants se rassemblent sur la place du village. Le tirage de la loterie va bientôt débuter. Qui sera l’heureux gagnant ?

     

    La possibilité du mal : Miss Strangeworth aime cultiver ses roses dont elle est très fière et envoyer quelques lettres anonymes bien senties à l’intention de son voisinage.

     

    Louisa, je t’en prie, reviens à la maison : Louisa a été enlevée. S’agit-il d’une fugue ou d’une disparition. Et quelle sera la réaction de sa famille lorsqu’elle reviendra ?

     

    Paranoïa : Mr Beresfort est suivi par un homme coiffé d’un chapeau qui semble surgir de nulle part en bénéficiant de la complicité de tous les new-yorkais.

     

    La lune de miel de Mrs Smith : Mrs Smith vient de se marier. Mais son entourage l’encourage à se méfier de cet homme plutôt grossier dont elle ne sait finalement pas grand-chose.

     

    L'apprenti sorcier : Miss Matt, professeur d'anglais, est au prise avec une petite voisine tout simplement détestable. 

     

    Le bon samaritain : Qui est ce brave homme qui vient au secours d’une jeune femme avinée étendue dans la rue ?

     

    Elle a seulement dit oui : La jeune Vicky vient de perdre ses parents. La nouvelle ne semble pas l’ébranler. Il faut dire que la fillette semble disposer de quelques dons inquiétants lui permettant de prédire les sorts funestes qui vont s'abattre sur son entourage.

     

    Quelle idée : Margaret s’aperçoit avec effroi qu’elle ne supporte plus son mari. Elle regarde avec envie le cendrier posé sur la petite table du salon.

     

    Trésors de famille : Une jeune étudiante sème le chaos en volant les effets personnels de ses camarades de chambrée.

     

    La bonne épouse : Mr Benjamin ne supporte pas les infidlités de sa femme qui se retrouve confinée dans sa chambre. Mais pourquoi persiste-t-elle à nier l’évidence ?

     

    A la maison : Ethel Sloane devrait écouter les habitants du village et ne pas emprunter la vieille route des Sanderson.

     

    Les vacanciers : Pour la première fois, les Allison ont décidé de prolonger leur séjour dans leur chalet de vacances. Une bien mauvaise idée.

     

    Si le roman La Maison Hantée a bénéficié de plusieurs adaptations cinématographiques dont la fameuse version de Robert Wise (La Maison Du Diable, Metro-Goldwin-Meyer 1963) et d’une production plus récente diffusée par Netflix qui reprend le titre d’origine The Hauting Of Hill House, la nouvelle La Loterie a la particularité d’avoir été adaptée en version BD par Miles Hyman, qui n’est autre que le petit-fils de la romancière. Outre l’une de ses illustrations ornant la couverture du présent recueil, Miles Hyman apporte un éclairage particulièrement intéressant sur l'ensemble de l'oeuvre de Shirley Jackson avec une postface extrêmement complète faisant figure d'essai.

     

    A la différence des abonnés du New Yorker de l'époque, le lecteur d'aujourd'hui, pour un peu qu'il soit coutumier du genre, s'attendra probablement avec La Loterie à un effet de surprise qui pourra en atténuer l'impact. Cependant on peut prendre le pari que la chute de l'histoire aura tout de même de quoi le surprendre voire même de le choquer comme ça été le cas lors de sa parution. Il faut dire que Shirley Jackson s'emploie à instiller l'horreur au détour de scènes anodines, terriblement paisibles qui prennent soudainement une toute autre perspective à la lumière de conclusions abruptes qui vous glacent soudainement d'effroi. Ainsi le cadre bucolique dans lequel évolue Les Vacanciers ainsi que les villageois de La Loterie prend une toute autre apparence lorsque le rideau tombe pour laisser place, derrière ces masques de convenance, à la terrifiante réalité de l'environnement dans laquelle évolue l'ensemble des protagonistes. Il y a bien évidemment ce sentiment de malaise que l'on retrouve tout au long des nouvelles qui restituent les névroses de personnages angoissés qui font écho à l'anxiété dont la romancière semble avoir souffert tout au long de sa vie. Mais des nouvelles comme Paranoïa ou Quelle Idée sont également le reflet du mal-être plus général d'une Amérique puritaine, terrorisée par la menace communiste, tandis que la politique ségrégationniste à l'égard des afro-américains atteint son point culminant. 

     

    A l'exception de quelques apparitions étranges que l'on trouve dans A La Maison, le recueil de nouvelles La Loterie et autres contes noirs est donc dépourvu d'éléments surnaturels puisque c'est au détour de la méfiance, du doute et de l'anxiété de ses personnages, tout en captant le climat social anxiogène de son époque, que la romancière parvient à troubler le lecteur qui encaisse doucement, presque l'air de rien, les affres de ces récits aussi effroyables que bouleversants. Un sublime concentré de noirceur.

     

    Shirley Jackson : La Loterie et autres contes noirs (Dark Tales). Editions Rivages/Noir 2019. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Fabienne Duvignau.

    A lire en écoutant : Where The Wild Roses Grow de Nick Cave. Album : Murder Ballads. Mute Records 1996.

  • VALERIO VARESI : LES MAINS VIDES. RAZZIA SUR LA VILLE.

    valerio varesi, les mains vides, agullo éditionsEt l’on s’achemine ainsi vers le quatrième volume des enquêtes du commissaire Soneri dont les intrigues nous ont entraînés sur les rives du Pô avec Le Fleuve Des Brumes, dans le dédales des rues embrumées de Parme, du côté de La Pension De La Via Saffi puis sur les pentes abruptes des Apennins dans Les Ombres De Montelupo pour mettre en exergue quelques réminiscences du passé familial de cet enquêteur mélancolique. Souvent comparé à son homologue Jules Maigret, le commissaire Soneri présente davantage de similitude avec un individu tel que le dottore Duca Lamberti puisque les deux personnages sont étroitement associés à la ville dans laquelle ils évoluent, Parme pour le premier et Milan pour le second. Des cités qui n’ont rien de folkloriques puisque Valerio Varesi, tout comme Giorgio Scerbanenco d’ailleurs, intègre toujours, au gré de ses intrigues, une dimension politique, au sens étymologique du terme, afin de mieux dénoncer les changements sociétaux et les dysfonctionnements sociaux qui les accompagnent. Avec Les Mains Vides, Valerio Varesi ne déroge pas à ce principe, même s’il s’éloigne de la thématique du fascisme pour s’interroger sur la mutation d’une ville qui devient l’enjeu d’un antagonisme économique féroce derrière lequel plane l’ombre de la mafia dont la représentation symbolique de la pieuvre orne la couverture de l’ouvrage.

     

    Rixes, braquages et même un vol d’accordéon se succèdent dans une ville de Parme en ébullition qui étouffe dans la moiteur d’un mois d’août caniculaire. Pour couronner le tout, on découvre le cadavre d’un commerçant du centre-ville qui semble avoir été battu à mort. Chargé de l’enquête, le commissaire Soneri, écarte bien rapidement la possibilité d’un cambriolage ayant mal tourné pour s’intéresser à Gerlanda, un usurier sans pitié qui règne sur un petit empire financier constitué d’une part immobilière conséquente. Mais à force de s’immiscer dans les affaires de ce bailleur peu scrupuleux, le commissaire Soneri met à jour une guerre économique souterraine où les forces en jeu, dissimulées derrière un écran de respectabilité, tentent de s’emparer de cette économie criminelle locale afin de  blanchir leurs actifs issus d’activités mafieuses. Une pieuvre impitoyable qui broie les fondements d’une ville de Parme que nul ne saurait protéger, pas même les institutions policières plutôt désemparées face à un tel phénomène qui paraît inexorable.

     

    C’est toujours avec plaisir que l’on retrouve le commissaire Soneri, ceci d’autant plus que Valerio Varesi se dispense des schémas narratifs répétitifs et du confort des habitudes que l’on observe bien souvent dans le contenu des séries policières. Bien sûr Soneri se rend toujours Chez Alceste pour déguster quelques plats typiques de la région mais ces épisodes restent anecdotiques tandis que sa relation avec Angela évolue de manière conséquente puisque, de l’amante affriolante que l’on croisait dans Le Fleuve Des Brumes, nous découvrons une avocate d’affaire lucide qui va pouvoir intervenir de manière beaucoup plus active dans le déroulement d’une enquête nécessitant ses connaissances par rapport au monde complexe des affaires et des intrigues économiques.

     

    Les Mains Vides donne l’occasion à l’auteur d’aborder les thématiques en lien avec les mafias et autre organisations criminelles en s’intéressant plus particulièrement aux phénomènes de blanchiment d’argent et à ses impacts dans le tissu économique d’une ville du nord de l’Italie et des mutations qui s’opèrent en dévastant l’âme de la cité. Outre le meurtre d’un commerçant ne se souciant guère de la rentabilité de sa boutique de prêt-à-porter, les manifestations de ces ouvriers licenciés criant leur vaine révolte dans les rues de Parme ou ces assurances-vie bidons que l’on endosse pour le compte de quelques escrocs, on observe tout un pan d’une activité économique occulte gangrenant la totalité des quartiers de la ville au grand dam d’un commissaire Soneri désemparé ne sachant comment lutter contre un tel phénomène qui le dépasse. Entre colère et frustration le policier se rend compte qu’il ne se bat pas à armes égales contre de telles organisations mafieuses investissant en masse dans des projets immobiliers qui se mettent en place sur les décombres d’industries locales déclinantes. Licenciements, expropriations, malgré quelques sursauts de révolte, les changements paraissent immuables comme cette chaleur qui étouffe les habitants.

     

    Bien loin des images de criminels en col blanc ou de truand mafieux inquiétants, l’enquête du commissaire Soneri s’attarde sur le microcosme de personnages troubles, témoins dérisoires de ces montages financiers qui les dépassent à l’instar de Tudor, le migrant moldave, de Marieangela, la pulpeuse confectionneuse de pull et de Gerlanda, l’usurier arrogant qui devient la cible de toutes les convoitises en faisant face à des associés plus avides que lui, prêts à tout pour le court-circuiter afin de s’emparer de ses affaires. Mais comme toujours, Valerio Varesi s’emploie à intégrer un personnage hors du commun, figure emblématique du thème abordé, en imprégnant le récit d’une touche nostalgique emprunte de poésie. Ainsi, à plus d’un titre, Gondo, le musicien de rue dépouillé de son accordéon se retrouvant incapable de jouer de la musique avec le nouvel instrument que les habitants lui ont offert, devient l’incarnation du désarroi de ces individus incapable de faire face ou de s’adapter aux changements qui leur sont imposés. Et c’est un désarroi similaire que l’on décèle dans les démarches vaines qu’entreprend le commissaire Soneri pour mettre à mal les projets criminels qui impactent une ville de Parme qu’il ne reconnaît plus au terme d’une enquête qui va le laisser les mains vides. 

     

    Roman désenchanté nous entraînant au coeur d’un univers terrible auquel on ne peut adhérer, Les Mains Vides dépeint donc le triste constat de la déliquescence des règles d’un monde économique sans pitié qui écrase comme toujours les individus les plus démunis. Clairvoyant et pertinent c'est la marque de fabrique des récits de Valério Varesi mettant en scène son ineffable commissaire Soneri.

     

    Valerio Varesi : Les Mains Vides (A Mani Vuote). Editions Agullo/Noir 2019. Traduit de l’italien par Florence Rigollet.

    A lire en écoutant : Per Ricordarmi Di Te interprété par Fabrizio Bosso. Album : You’ve Changed. 2007 EMI Music Italy s.r.l.