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Auteurs S - Page 2

  • Maj Sjöwall & Per Wahlöö : L’Homme Au Balcon. Le roman d'un crime.

    Capture d’écran 2020-12-28 à 12.41.28.pngAvec le troisième opus du cycle Martin Beck, que l'on désigne sous Le Roman d'un crime, Maj Sjöwall et Per Wahlöö évoquent le thème de la pédophilie, sujet peu abordé en 1967, date de la parution du roman, dans le domaine de la littérature noire. Comme à l’accoutumée, on est surpris par la banalité des scènes de vie que les auteurs saisissent avec une belle justesse soudainement perturbée par l’horreur du crime qui se suffit à lui-même sans qu’il ne soit nécessaire d’en rajouter. C’est cette dichotomie qui plonge le lecteur en plein désarroi, ceci d’autant plus lorsqu’il réalise que les crimes s’enchainent dans le cadre idyllique d’une ville de Stockholm opulente, baignant dans la plénitude d’un climat estival permettant aux enfants de jouer dans les parcs publics de la capitale. L’autre aspect original de la série des deux romanciers suédois réside dans le fait des aléas d’une enquête aux contours incertains qui traîne en longueur, ceci en dépit de l’investissement des enquêteurs qui sont affectés à l’affaire en nombre pourtant conséquent. 

     

    A Stockholm, dans la chaleur de l'été, un homme, accoudé à la balustrade de son balcon, fume cigarettes sur cigarettes en observant la rue. Voilà un comportement suspect que sa voisine s'empresse de signaler à la police. Mais le comportement en question n'a rien de répréhensible comme l'explique l'inspecteur principal Gunvald Larsson qui a bien d'autres préoccupations plus importantes avec cette agresseur sévissant depuis des semaines dans les parcs de la ville en assommant ses victimes afin de leur dérober leurs biens. Mais l'affaire est vite reléguée au second plan lorsque l'on découvre, à proximité d'une place de jeu, le corps sans vie d'une fillette qui avait disparu la veille. A l'examen du corps on constate que la petite fille a été violée. Chargé de l'enquête, le commissaire Martin Beck ne dispose que de très peu d'indice pour identifier l'auteur de ce meurtre abject. Mobilisant toutes ses ressources, la police de Stockholm traque donc sans relâche cet individu qui parvient à récidiver. L'enquête devient d'autant plus difficile que des citoyens se mettent en tête de faire justice eux-mêmes. 

     

    L'Homme Au Balcon nous donne l’occasion de mieux nous familiariser avec l’ensemble des policiers composant le groupe de la brigade criminelle dont le commissaire Martin Beck est à la tête et de nous glisser dans les aspects ordinaires de leur vie quotidienne en observant leurs qualités et leurs défauts qui vont interférer dans le déroulement de l’enquête. Ainsi c’est l’agacement et une certaine forme de négligence de l’inspecteur principal Larsson qui va profiter au criminel tandis que l'esprit d'analyse de Martin Beck et l’excellente mémoire de Melander vont contribuer à l’avancée des investigations avec cette mise en perspective du climat social qui prévaut en Suède à la lumière des interrogatoires nous permettant de nous immiscer dans le quotidien d’une population soudainement bousculée par l’horreur du crime qui va bouleverser le cours de leur vie. L'enjeu du roman ne réside pas dans la découverte de l'identité de ce violeur d'enfant, mais dans l'enchaînement des faits qui vont conduire les policiers à interpeller cet individu. On observe ainsi le travail d'orfèvre de Maj Sjöwall et Per Wahlöö qui parviennent à concilier l'ensemble de faits apparemment disparates afin de les imbriquer dans l'ensemble d'une intrigue aux entournures résolument sociales. Le lecteur va donc se demander quel est cet homme au balcon qui donne son titre au roman. S'agit-il d'un témoin qui se focalise sur les activités d'une petite fille ou l'auteur du crime lui-même ? Quant à l'auteur des agressions se peut-il qu'il s'agisse également d'un témoin ou bien se peut-il qu'il s'en soit également pris à de petites victimes jouant dans le parc où il sévit. Autant de questions que le lecteur va se poser  tout au long d'un récit au rythme lent qui n'en demeure pas moins passionnant. Mais avec L'Homme Au Balcon on prend également la pleine mesure d'une affaire dont la résolution va se faire au gré de recherches systématiques fastidieuses qui nous donnent une vision réaliste du travail des policiers qui n'a rien de flamboyant. Quant à la résolution de l'intrigue, elle nous offre une vision assez glauque d'individus qui sont restés sur le carreau en ne sachant plus trop quoi faire de leur vie et qui ont traversé le fameux filet social de la Suède. 

     

    Oscillant entre le roman noir et le roman policier, L'Homme Au Balcon confirme la vision aiguë et pertinente de Maj Sjöwall et de Per Wahlöö qui mettent en perspective toute la défaillance du système social de la Suède.

     


    Maj Sjöwall & Per Wahlöö : L’Homme Au Balcon (Mannen Pâ Balkongen). Editions Rivages/Noir 2008. Traduit de l’anglais par Michel Deutsch.

    A lire en écoutant : Light Blue de Thelonius Monk. Album : Thelonius In Action. 1988 Fantaisy, Inc. 

  • MAJ SJÖWALL & PER WAHLÖÖ : L’HOMME QUI PARTIT EN FUMEE. LE ROMAN D’UN CRIME.

    Capture d’écran 2020-12-06 à 18.13.57.pngDerrière l‘opulence d’un pays de cocagne régit par cet état-providence qui fait l’admiration de tous, la Suède devient le théâtre d’une série policière composée de dix romans mettant en scène Martin Beck, un policier placide dont les enquêtes mettent à mal ce fameux modèle suédois qui serait dépourvu d’inégalité sociale. Grattant la surface de ce tableau idyllique, l’ensemble des romans, rédigés entre 1965 et 1975 par Maj Sjöwall et Per Wahlöö, restent étonnamment modernes en dépit de l’absence de téléphones portables, d’ordinateurs et de prélèvements scientifiques. Il faut dire que sur la base de récits de procédural police assez lents, les deux auteurs abordent des thématiques sociales fondamentales qui restent toujours d’actualité à l’instar de Roseanna, premier roman de la série qui, au-delà de l’enquête sur sa disparition, évoquait la place de cette jeune femme émancipée et indépendante évoluant dans un monde machiste (on est en 1965) ne pouvant tolérer une certaine décomplexion qu’elle affiche notamment pour tout ce qui a trait à la sexualité. On découvre ainsi une enquête évoluant de manière incertaine sur plusieurs mois tant les indices sont peu nombreux alors que l’on fait la connaissance de policiers aux profils ordinaires dont fait partie Martin Beck. Second épisode de la série, L’Homme Qui Partit En Fumée a la particularité de se dérouler en grande partie au-delà du Rideau de fer, en Hongrie où le policier va parcourir les rues de Budapest à la recherche d’un journaliste disparu.

     

    Alors que la chaleur du mois d’août déferle sur Stockholm, Martin Beck rejoint sa famille sur une île de l’archipel en comptant bien profiter de ses vacances. Mais dès le lendemain, l’inspecteur doit retourner à la capitale pour une affaire urgente qui implique le ministère des affaires étrangères. En effet, le reporter suédois Alf Matsson a disparu en Hongrie alors qu’il effectuait un reportage pour le compte d’un magazine suédois qui a bien l’intention d’exploiter cette disparition en flairant un scoop. Mais pour les autorités, il n’est pas question d’avoir un incident avec un pays du bloc de l’est. Martin Beck doit donc se rendre à Budapest pour faire la lumière sur cette étrange disparition. Mais l’enquête s’avère difficile et à chaque nouvelle avancée, un obstacle infranchissable se dresse devant lui alors qu’il doit composer avec la police locale qui semble suivre chacun de ses pas. Qu’est-il advenu de ce journaliste dont on reste sans nouvelle ?

     

    L'homme Qui Partit En Fumée débute sur une scène de crime décrite par le menu détail avant de se rendre compte qu'il s'agit d'une photo que Martin Beck examine dans son bureau tandis que l'auteur du meurtre passe aux aveux dans une salle d'interrogatoire voisine. Un prologue d'autant plus surprenant qu'il s'enchaine sur quelques scènes estivales ordinaires où l'on suit le policier dans son quotidien tandis qu'il rejoint femme et enfants qui séjournent sur une île de l'archipel, dans une villa qu'il a louée pour les vacances. C'est une des particularités du cycle des romans de Maj Sjöwall et Per Wahlöö où le couple s'ingénie à mettre en exergue cette dichotomie entre la vie quotidienne et le processus du crime qui perturbe ce déroulement ordinaire. Bien loin d'être un prétexte, ledit crime s'inscrit dans le dysfonctionnement d'un modèle social-démocrate qui s'effrite en laissant entrevoir les carences des différentes strates sociales qui composent le pays. Avec L'Homme Qui Partit En Fumée, un titre qui n'aura jamais aussi bien convenu à l'intrigue que ce soit au propre tout comme au figuré, les deux auteurs se focalisent sur le milieu journalistique et sur les relations qu'entretiennent la Suède et la Hongrie se situant à l'époque derrière le Rideau de fer qui apparaît comme bien moins hermétique qu'il n'y paraît avec tout de même une police omniprésente s'employant à surveiller la diaspora des touristes qui se rendent notamment à Budapest. C'est d'ailleurs tout autour de cette surveillance que l'enjeu de l'intrigue fonctionne en se demandant ce qu'il a pu advenir d'Alf Matsson, un journaliste qui se révèle assez détestable avec cette propension à consommer de l'alcool plus que de raison et qui devient au fil de l'intrigue une victime pour laquelle on éprouve assez peu d'empathie. Comme pour Roseanna, Martin Beck se heurte aux aléas d'une enquête incertaine dont nous ne sommes pas sûr qu'elle puisse aboutir. A nouveau plongé dans le quotidien banal mais cette fois-ci d'une capitale d'un pays du bloc de l'est, on suit donc les pérégrinations d'un policier isolé qui goûte tout de même aux plaisirs touristiques que peut lui offrir la ville et notamment les bords du Danube jusqu'à une agression qui va faire basculer le déroulement de l'enquête. Des investigations d'autant plus incertaines qu'elles s'effectuent dans un climat de paranoïa assez inquiétant avec cette sensation permanente qu'a le policier d'être pris en filature sans savoir s'il s'agit de la police ou d'autres individus aux intentions hostiles. En ce qui concerne le milieu journalistique, il faut bien avouer que la profession est dépeinte sous un jour peu flatteur avec des journalistes qui s'adonnent davantage à la boisson qu'à leur métier et une rédaction qui semble plus soucieuse de réaliser un scoop que de savoir ce qu'il est advenu de son collaborateur. Un portrait de la corporation peu élogieux donc, ceci d'autant plus si l'on prend en considération le fait que Per Wahlöö a exercé le métier durant plusieurs années avant d'entamer sa carrière d'écrivain.

     

    Second volume du cycle du "Roman d'un crime", L'Homme Qui Partit En Fumée révèle toute la virtuosité d'un couple d'auteurs qui parvient à diffuser un climat de tension à partir d'une banale enquête de disparition dans le cadre d'une ville de Budapest dont le contexte se situe à l'époque pas si lointaine où le Rideau de fer divisait le monde en deux blocs.

     

    Maj Sjöwall & Per Wahlöö : L’Homme Qui Partit En Fumée (Mannen Some Gick Upp I Rök). Editions Rivages/Noir 2008. Traduit de l’anglais par Michel Deutsch.

     

    A lire en écoutant : Time And Again de Oscar Peterson Trio. Album : We Get Reguests. 2015 The Verve Music Group.

  • Arpád Soltész : Le Bal Des Porcs. A tous les râteliers.

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    Service de presse

     

    Journaliste d’investigation en Slovaquie, Arpád Soltész a bien des choses à raconter sur les instances dirigeantes de son pays, mais toutes ne sont pas publiables par manque de faits étayés. En lieu et place il s’est donc mis à écrire des fictions dont Il Etait Une Fois Dans L’Est, un premier roman noir détonnant publié chez Agullo évoquant le parcours d’une jeune fille enlevée, torturée et violée tout en mettant en exergue les accointances entre institutions étatiques et clan mafieux complètement dévoyés.Sur un mode trépident, presque insensé, on découvrait ainsi les arcanes d’un pays complètement gangréné par la corruption en prenant conscience des risques que prennent ceux qui tentent de dénoncer ces dérives qui laminent le pays, à l’instar de Ján Kuciak, collègue d’Arpád Soltész, qui a été froidement exécuté en 2018. C’est d’ailleurs autour de cet événement tragique que l’auteur slovaque rédige Le Bal Des Porcs, récit tout aussi cinglant que le précédent qui décrit les collusions entre le monde politique et les truands qui régissent ainsi le devenir d’un pays qui n’a rien de fictif.

     

    Que deviennent les jeunes et belles adolescentes qui consomment de la marijuana dans le Joli Petit Pays sous la Minuscule Chaîne des Hautes Montagnes ? Certaines d’entre elles finissent dans un centre de désintoxication un peu particulier où les patientes sont contraintes de fournir de prestations sexuelles aux notables du pays qui sont filmés à leur insu. Et gare à celles qui oseraient se révolter ou dénoncer les faits. Elles finissent sur la table d’un médecin légiste qui se charge de maquiller les meurtres en accidents mortels. Ainsi va le monde du Joli Petit Pays sous la Minuscule Chaîne des Hautes Montagnes avec un maître-chanteur tout puissant qui fait et défait les carrières fulgurantes de politiciens véreux, des notables corrompus aux plus hauts niveaux de l’état, des membres de la mafia calabraise qui détournent des fonds européens et un journaliste qui tente d'évoquer ces dysfonctionnements à ses risques et périls.

     

    Comme le précédent ouvrage, Le Bal Des Porcs débute avec un fait divers sordide autour de jeunes filles qui sont contraintes de se prostituer sous le couvert d’un étrange centre de désintoxication dont les dirigeants et le personnel soignant se révèlent être les pourvoyeurs de salons de massage luxueux ou s’ébattent les édiles du pays. On découvre ainsi les accointances entre un monde politique dévoyé et des truands qui font du chantage en menaçant de dévoiler les ébats de ces énarques qui ont été filmés sans qu’ils ne le sachent. En suivant le parcours terrible de Broña et de Nadà, Arpád Soltész nous met en rapport avec quelques personnages inquiétants dont le fameux Wagner qui n’est rien d’autre qu’un maître-chanteur tout puissant qui tient toute une partie des élites du pays sous sa coupe en les contraignants ainsi à effectuer toutes sortes de malversations qui gangrènent la nation, ceci jusqu’au plus haut sommet de l’état. Si cette première partie est relativement aisée à suivre, il n’en sera pas de même avec la seconde partie où l’auteur s’intéresse à l’entourage de ce Wagner en décortiquant les magouilles que ces individus mettent en place pour se couvrir et faire fructifier leurs avoirs au détriment de tout respect des règles. S’ensuit une successions de personnages douteux aux sobriquets déjantés qui interviennent dans une cacophonie déjantée qui n’est pas toujours aisée à comprendre, tant les interventions foireuses, règlements de compte et autres combines douteuses s’enchaînent sur un rythme effréné qu’il faut suivre avec une attention accrue pour en comprendre tout le sens. Mais Arpád Soltész retombe rapidement sur ses pieds lorsque les journalistes d’investigation interviennent pour dénoncer les basse manoeuvres complexes de ce conglomérat de truands, de mafieux et d’hommes politiques corrompus. C’est ainsi que la dernière partie prend une tournure tragique, puisque l’auteur prend le parti de nous relater la manière dont un jeune journaliste et sa compagne sont exécutés dans leur résidence secondaire. Tout cela nous permet de prendre conscience que la fiction rejoint une réalité tragique puisque Arpád Soltész nous dévoile sur ce mode fictif tous les protagonistes qui ont participé au meurtre de son confrère Ján Kuclak à qui il rend un hommage appuyé.

     

    Plus qu’une fiction, Le Bal Des Porcs se révèlent être un document à charge qui met à mal toutes les instances étatiques d’une Slovaquie dévoyée peu après la chute du bloc des pays de l’Est et dont le chemin sinueux vers la démocratie met en lumière toute la gabegie d’une nation gangrénée par la corruption d’institutions noyautées par la mafia calabraise en lien avec les truands du pays et les plus hauts notables de la nation. Un nouveau récit édifiant qu'il faut lire impérativement.

     

     

    Arpád Soltész : Le Bal Des Porcs (Sviña). Editions Agullo Noir. Traduit du slovaque par Barbora Faure.

     

    A lire en écoutant : I Need A Dollar d’Aloe Blacc. Album : Good Things. 2010 Stones Throw Records.

  • GILLES SEBHAN : LA FOLIE TRISTAN. LE ROYAUME DES INSENSES.

    gilles seb han,la folie triste,rouergue noirCe qu’il y a de réjouissant avec la littérature noire c’est de se retrouver confronté parfois à des univers à la fois surprenants et dérangeants comme ceux que nous propose Gilles Sebhan, auteur notamment de deux biographies du très contreversé Tony Duvert et du peintre Stéphane Mandelbaum dont l’œuvre provocante réalisée, pour une grande partie, au stylo bille évoque un univers violent de souffrance, de mort et de sexe au détour de portraits et d’autoportraits dissonants et inquiétants. Vivant à la marge de la société, ces deux artistes marginaux ont en commun une mort tragique au terme d’un isolement volontaire pour l’un et d’un crime sordide pour l’autre. Au confin de la folie, Gilles Sebhan s’intéresse donc à cet environnement trouble de l’enfance meurtrie dont on percevait quelques éléments singuliers avec Cirque Mort (Rouergue 2018) mettant en scène le lieutenant Dapper que l’on retrouve dans La Folie Tristan, second opus qui débute là où s’achevait le livre précédent qu’il est d’ailleurs fortement recommandé de lire avant d’entamer ce récit tournant une nouvelle fois autour de ce mystérieux établissement psychiatrique pour enfants d’une petite ville du nord de la France.

     

    Le lieutenant Dapper se remet d’une blessure par balle que lui a infligé le ravisseur de son fils Théo. Après avoir abattu le criminel, l’officier de police est considéré comme un héro qui est parvenu à reconstituer le cadre familial idéal dans lequel il évolue. Mais suite à cet enlèvement, le père s’aperçoit qu’il est incapable de renouer les liens avec son fils qui fait preuve d’un comportement étrange, probablement en lien avec les trois mois de captivité qu’il a subit. Alors qu’il se réfugie dans le travail, le lieutenant Dapper est confronté à un nouvel enlèvement, celui d’une femme qui lui avait fait part de son inquiétude quant au comportement inquiétant d’un homme aux allures martiales, accompagné d’un enfant présentant des déficiences mentales. Un indice qui conduit le policier une nouvelle fois du côté de l’établissement psychiatrique du docteur Tristan pour tenter d’obtenir des réponses auprès du praticien et de ses jeunes internés comme Ilyas, cet enfant troublant qui l’a aidé à retrouver son fils. Des réponses qui vont rejaillir sur son propre passé et le conduire à découvrir les mystères qui entourent son enfance. Dérives et folies vont à nouveau s’abattre sur cette petite ville qui cultive les secrets enfouis des origines.

     

    On ne s’attendait pas vraiment à une suite au terme de Cirque Mort, premier roman policier de Gilles Sebhan qui s’articulait autour de la disparition de Théo et du massacre d’animaux d’un cirque itinérant. Alors que l’on considère souvent le roman policier comme une epèce de remise à l’ordre de la société au terme d’un crime résolu, il est intéressant de constater que tel n’est pas le cas avec un auteur qui nous invite à retrouver cet univers singulier où les retrouvailles d’un père et d’un fils n’ont rien du happy end que l’on s’imaginait au terme du premier opus. Avec La Folie Tristan, Gilles Sebhan s’emploie donc à décortiquer les rapports qui unissent les différents personnages d’un récit qui tourne autour d’une nouvelle affaire d’enlèvement qui n’a rien d’exceptionnel. On regrette même cette intrigue policière plutôt simpliste où apparaît Marlène, une quarantenaire séduisante, au prise avec deux terrifiants ravisseurs. Mais avec Gilles Sebhan, l’essentiel est ailleurs puisque le schéma narratif de cette intrigue policière n’est qu’un prétexte pour mettre en exergue les liens entre les divers protagonistes du récit en se focalisant plus particulièrement sur le lieutenant Dapper et le docteur Tristan qui règne toujours, tel un desposte, sur son petit royaume des insensés comme il se plaît à surnommer ces étranges pensionnaires de l’hôpital psychiatrique qu’il dirige. On retrouve donc avec une certaine délectation cette atmosphère dérangeante qui plane au-dessus de l’ensemble d’un roman qui nous apporte tout un lot de révélations dont on mesurera probablement toutes les conséquences dans un troisième ouvrage, Feu Le Royaume, qui vient de paraître.

     

    Enfance meurtrie tournant autour de la transmission et de la filiation au travers de l’héritage qu’il soit matériel, génétique et psychique, Gilles Sebhan met en avant toute la souffrance et la violence des secrets enfouis qui ne sont pas sans rappeler les parcours de l’écrivain Duvert ou du peintre Mandelbaum dont les allusions affleurent au fil des pages comme ce personnage qui trouve la mort dans des circonstances similaires à celle du dessinateur maudit. Il résulte finalement de La Folie Tristan une confrontation grinçante entre l’univers psychiatrique et le monde policier incarnés par le docteur Tristan pour l’un et le lieutenant Dapper pour l’autre. Et c’est au gré de ces téléscopages entre ces deux entités que l’on peut mesurer la fragilité des certitudes des uns et des autres alors que les enfants endossent paradoxalement un savoir et une sagesse mystérieuse qui dépassent le monde des adultes tentant vainement de décortiquer cette logique enfantine, telle une équation insoluble. C’est particulièrement le cas avec Ilyas, jeune garçon mutique, qui semble doté d’une perpection exacerbée lui permettant de déceler les secrets les plus intimes des individus qu’il croise sur son chemin. Ainsi l’enquête policière prend-t-elle parfois des allures de récit fantastique permettant quelques facilités au niveau de la résolution de l’affaire.

     

    Second opus de ce qui apparaît comme une trilogie qu’il convient de lire dans l’ordre de parution, La Folie Tristan poursuit donc l’exploration de cette enfance dévoyée rejaillissant tragiquement sur la psyché d’adultes qui ne cessent d’expier les fautes de leurs ascendants. Une somme de douleurs et de souffrances, baignant dans un climat dérangeant qui nous interpelle.

     

    Gilles Sebhan : La Folie Tristan. Editions du Rouergue/Noir 2019.

    A lire en écoutant : Tristan de William Sheller. Album : Avatar. 2017 Mercury Music Group.

  • LUIS SEPULVEDA : LE VIEUX QUI LISAIT DES ROMANS D’AMOUR. DERNIERE FRONTIERE.

    luis sepulveda, le vieil homme qui lisait des romans d'amour, éditions metailiéIl y a de cela quarante ans, une éditrice se focalisait sur les publications lusitaniennes, italiennes et hispanophones, en se concentrant plus particulièrement sur les romanciers en provenance d'Amérique du sud. Enoncé ainsi, cela apparaît, de nos jours, dans un monde globalisé, comme une évidence, mais en 1979, Anne-Marie Métailié prenait des paris audacieux qui sont désormais l’une des particularités de cette maison d’éditions indépendante qui a pris pour nom le patronyme de sa fondatrice. Dans le domaine de la littérature noire, les éditions Métailié nous proposent des auteurs emblématiques comme l’islandais Arnaldur Indridason et son commissaire Erlendur Sveinsson, ou le cubain Leonardo Padura et son détective privé Mario Condé pour n’en citer que quelques uns. Mais comme plus d’un million de lecteurs, c’est avec Le Vieux Qui Lisait des Romans D’Amour, du romancier chilien Luis Sepúlveda que j’ai découvert cette maison d’éditions en 1992, avec ce premier roman d’un auteur dénonçant déjà les dérives d’un monde soi-disant civilisé qui n’est plus capable de respecter son environnement.

     

    A El Idilio, petit bled perdu de l’Equateur, niché dans les eaux du Nangaritza, les habitants attendent le dentiste comme le Messie débarquant du Sucre, un vieux cargo rouillé, ravitaillant les localités de la région. Antonio José Bolivar Proaño, vieil homme solitaire qui a vécu avec les indiens Shuars durant de nombreuses années, guette la venue du praticien pour une toute autre raison. Connaissant sa passion pour les romans d’amour, le dentiste lui en fournit régulièrement quelques exemplaires. Mais il n’est plus question de lecture, lorsque l’on découvre le cadavre d’un chercheur d’or. On accuse immédiatement les indiens Shuars d’être les auteurs du forfait. Mais fin connaisseur de la forêt amazonienne qu’il respecte, Antonio comprend rapidement qu’il s’agit d’une panthère qui marque son territoire. A contrecœur, le vieil homme va donc devoir abandonner ses chers romans d'amour pour traquer cet animal qui décime la population des aventuriers rôdant dans la forêt. Une chasse qui prend l’allure d’un duel douloureux.

     

    Emprisonné sous la dictature de Pinochet, puis exilé, Luis Sepúlveda parcourt l’Amérique du sud et passe même une année avec les indiens Shuars afin d’étudier l’impact de la colonisation sur les populations autochtones de l’Amazonie. Une expérience dont il s’inspirera pour son premier roman, Le Vieux Qui Lisait Des Romans D’amour qui prend la forme d’un récit d’aventure afin de mettre en exergue tous les excès de ces hommes pillant les richesses de la forêt sans aucun respect pour la faune et la nature. De ce bref récit, il émane une sensation d’immersion totale dans un cadre déconcertant, à la lisère du monde sauvage et de la civilisation dont la limite s’incarne par le biais d’Antonio, ce vieil homme capable d’appréhender toute la beauté brute de la forêt amazonienne et toute la force de l’intensité de ces romans d’amour qu’il affectionne tant. On se régale également avec cette galerie de personnages hauts en couleur à l’instar du maire, renégat du monde civilisé, ou du docteur Loachamin, dentiste itinérant, aux pratiques plutôt frustres puisqu’il arrache les dents de sa clientèle sans anesthésie, ceci sur le quai des localités où il débarque avec son fauteuil de praticien. Luis Sepúlveda dépeint donc un univers brutal composé de chercheurs d’or et autres aventuriers d’infortune, où l'on règle ses comptes à coups de fusil ou de machette, qu'il décline sous une forme poétique qui n'est pas dénuée d'humour. Au sein de cette localité de laissés-pour-compte sans foi ni loi, Antonio José Bolivar Proaño fait figure d’original, lui qui a partagé le quotidien des indiens Shuars en séjournant des années durant au cœur de la forêt amazonienne, ceci jusqu’au décès de son épouse dont il chérit encore le souvenir. On partage ainsi les habitudes de ce vieil homme qui souhaite couler des jours tranquilles en se plongeant dans la rêverie de ces récits romantiques, bien éloignés de la dureté du monde qui l’entoure. Il se dégage ainsi une sensation diffuse de mélancolie en parcourant les ruelles pittoresques de cette localité perdue au beau milieu de la forêt, jusqu’à l’apparition de cette panthère semant la terreur parmi les habitants. Le récit prend alors une autre tournure avec cette tension diffuse qui nous accompagne tout au long d’une expédition au cœur de la forêt amazonienne afin de débusquer le fauve. Pluies diluviennes, moiteur oppressante, faune hostile, Luis Sepúlveda décline toute la beauté d’une jungle mortelle, recelant mille dangers que seul le vieil homme est en mesure de surmonter en faisant communion avec la nature. Cette tension narrative prend d’avantage d’ampleur à mesure d'une traque laissant place à un duel entre l’animal et le vieil homme qui peine à accepter l’inéluctable mise à mort qu’il considère comme une véritable trahison mais à laquelle il ne peut se dérober tout en maudissant la barbarie des hommes.

     

    Nimbé d’un suspense qui n’a rien à envier aux meilleurs thrillers, fable écologique d’une nature qu’il faut préserver, brève tragédie autour de la dualité d’un homme tourmenté, Le Vieux Qui Lisait Des Romans D’Amour est surtout une puissante ode poétique et un récit d’amour bouleversant à l’égard de la beauté d’un territoire sauvage subissant l’avanie d’une société qui n’a plus considération pour sa faune et sa flore. Un véritable plaidoyer qui reste toujours d’actualité.

     

    Luis Sepúlveda : Le Vieux Qui Lisait Des Romans D’Amour. Editions Métailié 2004. Traduit de l’espagnol (Chili) par François Maspero.

    A lire en écoutant : Sin Venganza de Julio Jamarillo. Album : Julio Jamarillo Canta Boleros 15 Temas. 2012 Producciones AR.

  • ARPAD SOLTESZ : IL ETAIT UNE FOIS DANS L’EST. OUTLAW.

    arpad soltesz, il était une fois dans l'est, éditions agulloService de presse

     

     « Une partie de cette histoire s’est vraiment produite, mais d’une autre manière. Les personnages sont fictifs.
    Si vous vous êtes tout de même reconnu dans l’un d’eux, soyez raisonnable et ne l’avouez pas.
    Les gens n’ont pas à savoir quel salopard vous êtes. »

     

    Avec un tel avant-propos, on comprend d’entrée de jeu que Il Etait Une Fois Dans L’Est, premier roman noir slovaque traduit en français par l’audacieuse maison d’éditions Agullo, ne va pas s’aventurer sur le terrain du polar ethno pour nous décliner une série de clichés folkloriques d’un pays méconnu, perdu dans les confins de l’Europe centrale. Journaliste d’investigation, son auteur, Árpád Soltész, dirige une agence journalistique portant le nom d’un de ses confrères, abattu dans la périphérie de Bratislava après avoir enquêté sur des affaires de corruptions et de fraudes fiscales. Ainsi, dans le contexte d’un pays miné par les affaires, où l’effondrement du communisme a fait place à une espèce de pseudo démocratie au libéralisme sans foi ni loi avec une corruption institutionnalisée et des détournements de fonds endémiques alimentant les rouages d’un état dévoyé, Árpád Soltész signe une fiction débridée autour d'un terrible fait divers qui nous permet d’entrevoir toutes les arcanes des institutions étatiques noyautées par les mafias et autres organisations occultes.

     

    A Košice, dans l’est de la Slovaquie, il ne fait pas bon pour une jeune fille d’être larguée sur le bord de la route par son petit ami. Alors qu’elle fait du stop pour rentrer chez elle, Veronika, à peine âgée de 17 ans, va l’apprendre à ses dépends en se faisant enlever par deux truands qui, après l’avoir violée sauvagement, prévoient de la céder à un souteneur albanais qui l’emploiera dans un sordide bordel du Kosovo. Mais pleine de ressources, la jeune fille parvient à échapper à ses tortionnaires en espérant trouver la protection de la police locale chez qui elle va déposer plainte. Pourtant les choses ne se déroulent pas comme la victime et sa famille l’escomptaient puisque les truands bénéficient d’un réseau de protection composé de membres des services secrets, de juges, de procureurs et même de hauts fonctionnaires de police qui vont s’efforcer de se débarrasser de ce témoin gênant. Il reste pourtant quelques individus intègres comme Miko et Valent le Barge, deux flics violents ne craignant absolument personne tout comme Schlesinger, un journaliste valeureux qui n’hésite pas à dénoncer les accointements entre officines étatiques et groupuscules mafieux. Tous vont s’employer à protéger la jeune fille planquée dans un palace désert, situé à la frontière de l’Ukraine et tenu par le mystérieux Robo possédant quelques compétences meurtrières. Entourée de ce staff étrange, Véronika a la certitude de vouloir bien plus que la justice. Elle souhaite désormais se venger de ses bourreaux et de tous ceux qui ont tenté de les protéger.

     

    La tonalité de l’avant-propos vous donne également une idée de l’ironie mordante qui imprègne l’ensemble d’un texte sans concession, doté d’une terrible énergie qui va sonner le lecteur au rythme d’une intrigue échevelée, presque foutraque qui va se révéler pourtant d’une incroyable maîtrise. Mais il va tout de même falloir s’accrocher pour suivre cette imposante galerie de personnages évoluant dans un univers où les valeurs morales sont quasiment inexistantes tout en se demandant à quels instants la réalité rejoint la fiction. Son auteur répondrait probablement : Tout le temps. D'ailleurs on se doute bien, par exemple, que le personnage du journaliste Pali Schlesinger nous renvoie au vécu d’Árpád Soltész ou de son collègue assassiné, Jan Kuciak. Véritable exutoire, Il Etait Une Fois dans L’Est n’est donc pas qu’une simple compilation des scandales qui ont émaillé le pays sur l’espace d’une décennie qui a suivi l’effondrement du bloc soviétique car Árpád Soltész parvient, avec une virtuosité confondante, à mettre en scène, autour du viol d’une jeune fille de 17 ans, un cinglant concentré de noirceur où l’on distingue les accointances entre le crime organisé et les multiples institutions d’un état complètement corrompu dont les services secrets deviennent la terrible incarnation de dérives meurtrières. Ce sont la contrebande et les trafics de migrants transitant entre l’Ukraine et l'Autriche, les détournements de fonds européens destinés à la communauté tsigane, les magouilles financières et immobilières avec les instances politiques que l’auteur dépeint au gré des points de vue de toute une panoplie de salopards dénués de tout scrupule.

     

    En se focalisant sur l’effroyable destinée de Véronika, cette jeune femme issue de la communauté tsigane, Árpád Soltész se dispense de toute forme d’emphase en lien avec une victimisation larmoyante pour se concentrer sur l’aspect social d’une population discriminée qui n’attend plus rien d’un état de droit inexistant. Ainsi, dans un tel contexte, c’est l’occasion pour l’auteur de décrire ces mécanismes hallucinants d’une fausse immigration de Roms vers les pays de l’Ouest afin de toucher quelques subsides mensuels permettant d’alimenter les caisses de chefs mafieux qui ont intégré les règles, ou plutôt l’absence de règles, d’une société capitaliste complètement effrénée où la corruption, les meurtres et les détournements en tout genre deviennent un véritable art de vivre. Violentée, traquée, on suit donc le parcours de cette fille à la beauté décomplexée qui va d’ailleurs en faire une arme lui permettant de se retourner contre ses ravisseurs avec l’aide d’un entourage à la probité douteuse à l’instar de Miko et Valent le Barge, ces deux flics borderline qui se dispensent de suivre les directives d’une institution policière dévoyée pour instaurer leurs propres lois leur permettant ainsi de survivre dans un univers régis par des politiciens et des magistrats à la solde de clans mafieux et autres truands en tout genre. D’une extrême noirceur et dépourvu de toute forme d’espoir, comme en atteste un épilogue sordide démontrant l’immuable sort des victimes, Il Etait Une Fois Dans L’Est prête parfois à rire (un rire jaune, il faut bien le concéder) au gré d’échanges savoureux, épicés d’idiomes percutants, entre des protagonistes complètement déjantés insufflant une espèce de dynamisme à la fois insensé et hallucinant de réalisme pour nourrir un récit effrayant qui prend l’allure d’un réquisitoire désespéré.

     

    Véritable brûlot politique à l’encontre d’un état sans foi ni loi, Árpád Soltész nous livre, avec Il Etait Une Fois Dans L’Est, un sombre western où les  règlements de compte sauvages deviennent les seuls actes valables pour lutter contre une corruption institutionnalisée que l’on ne saurait enrayer que par la force. En attendant, il ne reste plus qu’à compter le nombre de victimes sacrifiées sur l'autel du profit. Un roman noir effrayant à nul autre pareil.

     

    Árpád Soltész : Il Etait Une Fois Dans L’Est. Editions Agullo Noir 2019. Traduit du slovaque par Barbora Faure.

    A lire en écoutant : Sex On Fire de King Of Leon. Album : Only By the Night. 2008 RCA Records.

  • Jacky Schwartzmann : Pension Complète. Sévices compris.

    jacky schwartzmann,pension complète,seuil,cadre noirSeule une actualité chargée en événements peut expliquer le fait que l’on ait quelque peu occulté la nouvelle littéraire de l’année avec l’attribution du prix des chroniqueurs 2019 Toulouse Polars du Sud pour Pension Complète de Jacky Schwartzmann célébrant ainsi cet humour mordant qui ponctue les récits d’un auteur maîtrisant parfaitement les codes du roman noir pour mieux les détourner avec quelques portraits sans complaisance de personnages qui n’en demeurent pas moins extrêmement attachants. Mais bien loin de la simple gaudriole, Jacky Schwartzmann s’emploie à dépeindre ce mélange explosif d’univers sociaux dissemblables dont les antagonismes vont alimenter une succession de situations à la fois rocambolesques et hilarantes qui viendront surprendre le lecteur au détour d’une comédie noire au mauvais esprit décapant qu’il faut prendre au deuxième ou voire même au troisième degré.

     

    Dino a trouvé le salut au Luxembourg en tombant amoureux de Lucienne, son aînée de 32 ans qui est en mesure de l’entretenir avec ses millions, même si pour cela, il faut supporter la mère acariâtre de sa dulcinée. Pour un gars issu d’un milieu modeste en ayant toujours vécu dans une triste banlieue lyonnaise, la situation pourrait être supportable si l’entourage de Lucienne ne lui rappelait pas sans arrêt sa condition de gigolo et sa nationalité française qui semble être un défaut majeur. Après avoir cassé la gueule au banquier belge de sa fiancée, qui lui a manqué de respect, Dino est contraint de s’exiler et de passer l’été sur un yacht amarré dans le sud de la France. Mais sur le chemin, une panne de voiture l'oblige à résider quelques jours dans un camping de La Ciotat. Entouré d’une masse de touristes anglais, hollandais et belges, Dino fait la connaissance de Charles, un auteur à succès goncourisé qui s’est mis en tête d’observer les vrais gens afin de nourrir l’intrigue de son prochain roman. Mais au camping de la Naïade, Dino va rapidement constater que les morts suspects s’accumulent et que les victimes ont la fâcheuse tendance à être celles qui l’insupportent.

     

    Qui n'a jamais rêvé parfois de trucider quelques abrutis odieux que l'on ne pouvait plus supporter ? Un rêve que Jacky Schwartzmann a couché sur papier dans ce qui apparaît comme un récit jubilatoire où l'on éprouve une certaine forme de sympathie pour des meurtriers œuvrant dans le cadre d'une mission salutaire de salubrité sociale. C'est bien là que réside toute la force de ce regard féroce et drôle à la fois avec ce terrible sentiment d'empathie qui vous submerge entre deux crises de fous rire en suivant l'exil de Dino, gigolo à son corps défendant, qui se lie d'amitié avec Charles Desservy, un célèbre romancier à succès, en attendant de retrouver les bonnes grâces de sa chère et tendre Lucienne. Un exil prenant rapidement la forme d'un périple meurtrier hilarant au cœur de cette atmosphère estivale d'une Côte d'Azur blindée de touristes avec cette promiscuité infernale propice à tous les excès qui donnent lieu à des scènes aussi cruelles que comiques.  

     

    Rythmé, mordant et très incisif, Pension Complète aborde, au-delà de l'aspect comique, tous les thèmes en lien avec l'apparence et les préjugés dont on ne peut se départir quoique l'on fasse comme Dino va s'en apercevoir, lui qui subit l'avanie d'un entourage suffisant et bouffit d'orgueil au détour de considérations déplacées qu'il ne peut plus supporter. Mais lui-même n'adopte-t-il pas une attitude similaire lorsqu'il se retrouve dans ce camping de la Naïade, bien éloigné de son standing habituel ? Désemparé, Dino trouvera donc une forme d'émancipation et de rédemption salutaire et joyeusement meurtrière en côtoyant cet écrivain dont l'attitude, à la fois décalée et décomplexée, ne manquera pas de nous interloquer au détour d'une succession de règlements de compte désopilants qui peuvent parfois se révéler extrêmement réjouissants.

     

    Méchante farce politiquement incorrecte, Jacky Schwatrzmann parvient à nous interpeller, entre deux éclats de rire, avec un roman noir délicieusement vachard teinté d’un soupçon de bienveillance pour des personnages qui se révèlent bien plus attendrissants qu’il n’y paraît.

     

    Jacky Schwartzmann : Pension Complète. Editions du Seuil/Cadre noir 2018. Points policiers 2019.

    A lire en écoutant : Comme Un Boomerang interprété par Dani & Etienne Daho. Album : La Nuit Ne Dure Pas. 2016 Mercury Music Group.

  • ROMAIN SLOCOMBE : L’AFFAIRE LEON SADORSKI. SALAUD ORDINAIRE.

    l'affaire léon sadorski,romain slocombe,éditions robert laffontArtiste prolifique s’il en est, romancier, réalisateur, scénariste, photographe, illustrateur et traducteur, Romain Slocombe a abordé des thèmes multiples et variés comme la culture japonaise et l’occupation durant la seconde guerre mondiale, pour n’en citer que quelques uns, en utilisant divers modes d’expression telle que la littérature pour la jeunesse, la photographie, la bande dessinée, le cinéma, l’essai et le roman. C’est probablement dans ce dernier domaine que Romain Slocombe s’est fait connaître du grand public avec la création de son flic antisémite, officiant à Paris durant la sombre période la collaboration, que l’on découvre dans L’Affaire Léon Sadorski (Robert Laffont 2016) et qui forme désormais, avec L’étoile Jaune De L’inspecteur Léon Sadorski (Robert Laffont 2017) et Sadorski Et L’ange Du Pêché (Robert Laffont 2018),une trilogie évoquant les terribles activités des officines du régime de Vichy où planent l‘ombre de Laval et Pétain. Oscillant entre le roman historique et le polar, la trilogie Sadorski s’inspire d’un document, Berlin 1942 (CNRS Editions 2014) présenté par Laurent Joy qui a exhumé des archives de l’épuration le rapport d’un policier des RG, Louis Sadosky, soupçonné d’espionnage, narrant ses mésaventures au cœur du système répressif allemand et qui ne comprend pas le motif de sa détention alors qu’il a toujours été un policier exemplaire et zélé, toujours prompt à satisfaire aussi bien ses supérieurs que l’occupant dans le domaine de la traque des juifs.

     

    Paris 1942. Flic opiniâtre, Léon Sadorski prend soin d’accomplir son travail avec rigueur en harcelant les juifs encore présents à Paris. Rafles et visites domiciliaires font partie de son quotidien lui permettant d’améliorer son ordinaire en s’octroyant quelques biens confisqués. C’est ainsi que cela fonctionne sous l’occupation, que ce soit du côté de la Gestapo ou de la Préfecture, tout le monde se sert au passage.  Aussi Léon Sadorsky ne comprend pas bien ce qu’il fait dans ce train en partance pour Berlin encadré par deux officiers de la Waffen SS. Mais face à ses interrogateurs qui ont parfois la main lourde il va devoir rapidement démontrer qu’il est un bon fonctionnaire zélé luttant sans relâche contre la menace judéo-bolchévique. Des geôles de la Prinz-Albrecht-Straße, siège de la Gestapo à Berlin, aux caves de la rue Lauriston à Paris, quartier général d’une officine de la Gestapo française composée de gangsters déjantés, Léon Sadorsky va devoir faire preuve d’une certaine habilité pour résoudre le meurtre sadique d’une jeune femme sans froisser les susceptibilités de ses inquiétants partenaires.

     

    L’Affaire Léon Sadorski est un roman glaçant parce que l’auteur nous place dans la tête d’un individu sans scrupule devant faire face à toute une galerie de personnages innommables ayant sévis durant cette triste période de l’Occupation. Un roman d’autant plus effrayant que certains des protagonistes que Léon Sadorski va croiser au gré de l’intrigue ont vraiment existé à l’instar de Henri Lafont et de Pierre Bonny, deux membres éminents de La Carlingue, surnom donné à la Gestapo française de la rue Lauriston. Romain Slocombe met ainsi en évidence, par le prisme d'une enquête sur un meurtre sadique, toutes les rivalités entre les différentes et sinistres officines sévissant à Paris sur fond de rafles et d’incarcérations arbitraires dans une atmosphère emprunte d’un réalisme saisissant. Dans un tel contexte on saisit toute cette banalisation et cette hiérarchisation du mal, ceci notamment au travers du périple berlinois où l’on suit Léon Sadorski dans les arcanes d’une administration nazie extrêmement réglementée qui a institutionnalisé la torture et l’interrogatoire musclé. Un récit qui suscite parfois le malaise lorsque l’on se surprend à éprouver quelques sympathies pour ce flic sans envergure qui possède pourtant quelques compétences en matière d’investigation. Mais aussi opportuniste que lâche Léon Sadorski apparaît comme un personnage sans scrupule et peu ragoûtant, ceci d’autant plus lorsqu’il pose son regard sur une jeune adolescente juive qu’il décide d’aider avec l’idée d’assouvir quelques désirs coupables en échange de ses bons services.

     

    Richement documenté, L’Affaire Louis Sadorski est un polar historique captivant et extrêmement dérangeant qui met en lumière les comportements peu reluisants d’une frange de la population parisienne durant ces sinistres années de l’Occupation alors qu’en toile de fond on distingue déjà les contours et la mise en place de la sinistre rafle du Vel’ d’Hiv’.   

     

    Romain Slocombe : L’affaire Léon Sadorski. Editions Robert Laffont 2016.

    A lire en écoutant : Blues In Paris de Sydney Bechet. Album : Blues In Paris. 2010 Glinka Records.

  • Gilles Sebhan : Cirque Mort. Normes et désordres.

    Capture d’écran 2018-05-31 à 00.05.17.png"Tous les enfants sont des hommes. Peu d'adultes le restent." C’est probablement avec cet aphorisme de Tony Duvert, auquel Gilles Sebhan a consacré deux ouvrages sur le destin de cet auteur sulfureux, que l’on peut résumer l’univers étroitement lié de ces deux écrivains dérangeants évoquant les thèmes de l’enfance au travers de la sexualité et d’une certaine forme de violence à la fois trouble et subversive. Comme un écho à cette sentence et à l’occasion de cette première incursion dans le domaine de la littérature noire, Gilles Sebhan reste donc fidèle à la thématique de l’enfance et du rapport avec l’adulte tout en délaissant les notions de sexualité pour nous livrer, avec Cirque Mort, un roman policier déroutant nous entraînant, par le biais d’une angoissante série de disparitions d’enfants, dans l’univers trouble d’une institution psychiatrique pour jeunes patients psychotiques.

     

    Un mystérieux message anonyme conduit le lieutenant Dapper vers le centre hospitalier où sont internés de jeunes mineurs névrosés. Il s’agit de l’unique indice auquel il peut se raccrocher pour retrouver son fils Théo qui a disparu depuis plusieurs semaines tout comme les deux garçons sur lesquels il enquêtait avant d’être dessaisi de l’affaire. Comme un signe annonciateur, préfigurant cette série de disparitions, peut-il y avoir un lien avec le massacre à coup de hache de tous les animaux d’un cirque installé pour Noël ? Parce qu’il ne peut se résigner, Dapper va tenter de trouver des réponses au sein de cette institution singulière en plaçant tous ses espoirs sur le témoignage d’Ilyas, un adolescent en proie à d’étranges visions qui prétend être l’ami de Théo. Névroses ou hallucinations, Dapper n’a pas le choix et va devoir se départir de toutes ses certitudes pour tenter de retrouver son fils tout en se demandant ce qui a bien pu unir Ilyas et Théo issus de deux mondes tellement différents.

     

    Si la littérature noire a souvent eu pour vocation de dénoncer par le biais du crime ou du fait divers des disfonctionnements au sein de la société, Gilles Sebhan interpelle le lecteur sur un registre quelque peu différent avec un récit dérangeant qui ne cesse de susciter le malaise notamment avec ce monde de l’enfance s’éloignant des archétypes de l’innocence, propre à cette thématique. De cette manière, l’enquête policière prend une toute autre tournure que ce à quoi l’on peut s’attendre avec une intrigue portant sur la disparition d’enfants impliquant un père désemparé à la recherce de son fils kidnappé. Car bien au-delà d’une mise en scène emprunte de suspense et de rebondissements bien maitrisés, il faut voir avec Cirque Mort toute la dimension étrange qui se dégage du rapport entre l’adulte et cet univers de l’enfance disloquée où la raison et la folie se désagrègent sur  une question de point de vue. Car tout l’enjeu réside au cœur de cette institution psychiatrique sur laquelle règne le docteur Tristan qui, tel un savant fou, façonne la personnalité de ses jeunes patients au gré de ses expérimentations issues de quelques théories obscures où la raison et la folie se déclinent en fonction des règles et des normes établies par la société et que l’on pourrait remettre en cause sur fond de grand chambardement. Dans le confinement de cet établissement, le psychiatre endosse ainsi le rôle d’arbitre, pour apparaître rapidement comme un homme dépassé, en quête de l’idéal absolu qui résiderait dans la personnalité trouble de ses petits protégés. Un constat d’autant plus effrayant que loin d’être vulnérable, un enfant perturbé tel qu’Ilyas se révèle être un patient redoutable et bien plus inquiétant qu’il n’y paraît en étant capable de se soustraire à toutes tentatives de manipulations pour parvenir à ses fins. Ainsi, au travers des investigations d’un homme vulnérable comme le lieutenant Dapper, le lecteur perçoit donc le jeu à la fois subtil et pervers des influences qu’exercent les différents protagonistes qu’il croise sur son chemin.

     

    Dans la torpeur hivernale d’une ville de province anonyme et au détour de ces évènements étranges se situant à la lisière du fantastique, Gilles Sebhan distille, au gré d’une écriture à la fois surprenante et saisissante, une atmosphère oppressante pour mettre en exergue les rapports ambigus régissant le monde de l’enfance et l’univers des adultes qui résonnent au cœur de cette intrigue policière atypique faisant ainsi de Cirque Mort un roman singulier et provoquant.

     

    Gilles Sebhan : Cirque Mort. Editions du Rouergue/Noir 2018.

    A lire en écoutant : String Quartet n° 1 de Giörgy Ligeti interprété par le Quatuor Hagen. Album : Giörgy Ligeti : String Quartets Nos 1 & 2 Ramifications. 2003 Deutsche Grammophon GmbH Berlin.

  • Ikeido Jun : La Fusée De Shitamachi. Le souffle du crash.

    Capture d’écran 2018-02-04 à 15.24.27.pngComme je vous l’avais promis en ce début d’année, il m’importait de me tourner davantage vers la littérature noire asiatique afin de me laisser surprendre par les nouvelles perspectives d’un genre particulier que les auteurs de ces contrées lointaines abordent avec un regard bien différent de celui que peut nous offrir nos romanciers occidentaux. Ainsi, le monde de l’entreprise a fait l’objet, dans nos régions francophones, de nombreux romans noirs pointant disfonctionnements managériaux et autres disparités sociales tandis qu’au Japon, Ikeido Jun aborde le thème en empruntant des éléments narratifs propres aux thrillers et aux récits d’aventure avec un roman intitulé La Fusée De Shitamachi qui nous entraîne dans le sillage d’une PME nippone de pointe de l’arrondissement d’Ôta à Tokyo, devant faire face à une concurrence aussi féroce qu’impitoyable.

     

    Ingénieur de renom Tsukuda Kôhei a participé à l’élaboration du moteur d’une fusée dont le lancement s’est révélé être un fiasco. Contraint de démissionner, il a repris la petite entreprise familiale de machine-outil qu’il a transformée en usine de pointe, spécialisée dans les composants de moteurs de haute précision. Mais diriger une PME d’excellence telle que la Tsukuda Seisakusho n’est pas une sinécure. Une entreprise qui annule brutalement son carnet de commande tandis qu’une autre l’attaque pour des questions de brevet et ce sont les investisseurs qui vous lâchent. Il faut donc faire face à l’adversité et Tsukuda Kôhei qui n’a jamais renoncé à ses rêves de succès dans le domaine de l’aérospatial, se lance dans la conception d’un modèle de valves destinées à équiper la fusée d’une grande compagnie industrielle ne pouvant supporter de dépendre d’une entreprise aussi insignifiante que la Tsukuda Seisakusho. Dans un contexte de rivalité extrême, nombreux seront les obstacles et trahisons en tout genre pour mettre à mal le projet de cet entrepreneur audacieux.

     

    Premier roman traduit en français pour cet auteur qui a commis une vingtaine d’ouvrages dont plusieurs polars, Ikeido Jun est un romancier à succès dans son pays d’origine ce qui explique sans doute cette écriture très classique, répondant aux standards du best-seller international. Il n’empêche, l’efficacité du texte ne saurait être remise en question lorsque l’on constate que des sujets à priori arides comme le financement des entreprises, les dépôts de brevets ou les processus de fonctionnement d’un moteur de haute précision deviennent les éléments centraux d’une intrigue riche en tensions narratives qui se mettent en place dans un climat de compétitivité exacerbée par les dissensions internes et les rivalités entre modestes PME et grandes compagnies. Emprunt d’une certaine forme de théâtralité, La Fusée De Shimatachi décrypte les multiples services composant une entreprise japonaise que l’on découvre par l’entremise de Tsukuda Kôhei, un ingénieur devenu patron qui se concentre davantage sur les concepts d’une technologie de pointe que sur les aspects stratégiques et financiers de ses affaires. Le lecteur fait ainsi la connaissance d’un entrepreneur dont les rêves de conquête dans le domaine de l’aérospatial deviennent les enjeux d’un récit où les défît entrepreneuriaux font l‘objet de trahisons en tout genre, d’embûches financières et technologiques pouvant faire capoter le projet à tout instant. Les rêves de l’entrepreneur face à la réalité du marché, la petite PME devant lutter contre les desseins d’une grande compagnie, l’employé réticent se ralliant finalement au projet, l’auteur s’appuie sur des schémas narratifs manichéens assez convenus pour alimenter les différents ressorts d’une intrigue qui n’en demeure pas moins passionnante.

     

    Même s’il n’a pas pour vocation de dénoncer les dysfonctionnements du monde de l‘entreprise nippone, La Fusée De Shitamachi permet d’appréhender un univers hiérarchisé, codifié à l’extrême, où le collectif ne laisse aucune place à l’individualisme. Et bien au-delà du maintien de l’emploi ou des questions salariales, c’est la fierté de la réussite des projets de l’entreprise qui importe avant tout, ceci au prix de tous les sacrifices. Ainsi les lecteurs attentifs pourront s’interroger sur les rythmes de travail effrénés de ces « salaryman » consacrant la majeure partie de leur temps au labeur quant ils ne se retrouvent pas, le soir venu, dans des izakaya, ces bars japonais où se déroulent les nomikai, « réunions pour boire », permettant de discuter encore du travail entre collègues et qui deviennent un véritable phénomène de société avec cette image de salariés ivres morts, titubants dans les rues ou affalés sur les sièges des métros. Egalement à charge, c’est le monde de la finance comme les banques mais également les société d’investissement et leurs rapports ambivalents à l’entreprise qu’Ikeido Jun, ancien employé bancaire, se charge de disséquer au gré d’une histoire entremêlant son expérience professionnelle à la fiction d’un récit riche en péripétie où l’innovation des technologies de pointe se heurte à l’absence de vision et au manque d’audace des financiers.

     

    Dépaysant, autant dans sa forme que du point de vue exotique, La Fusée De Shitamachi, est un pur roman populaire, mettant en scène l’aventure palpitante d’un entrepreneur audacieux et innovant confronté aux aléas des financements et de la concurrence tout en disséquant, avec une acuité redoutable, les différentes strates hiérarchiques qui compose un univers du travail où employés et cadres se dévouent corps et âmes et surtout, sans compter leur temps, au bon fonctionnement de l’entreprise. Surprenant et édifiant.

     

    Ikeido Jun : La Fusée De Shitamachi (Shitamachi Rocket). Traduit du japonais par Patrick Honnoré. Books Editions 2012.

    A lire en écoutant : Come Close (feat. Common) de Indigo Jam Unit. Album : re : common from Indigo Jam Unit. Rambling Records 2009.