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polar

  • LA SCENE DU CRIME DU SALON DU LIVRE A GENEVE

    Capture d’écran 2014-04-30 à 22.37.37.pngContrairement à ce que l’on pourrait penser, je ne fréquente que bien très rarement les festivals célébrant le polar où l’on croise les groupies et spécialistes du genre réunis dans une espèce de communautarisme littéraire. S’auto-congratuler sur l’ampleur du phénomène sans pour autant en faire sa promotion pour qu’il fasse partie intégrante de la littérature du XXIème siècle ne peut que desservir la "cause". En effet, il faudra bien comprendre un jour que le polar n’est définitivement pas un genre à part mais qu’il s’inscrit en première ligne dans le paysage du roman contemporain.

    Au salon du livre à Genève, on ne peut que saluer l’initiative de développer une scène du crime pour parler du polar afin de l’intégrer au cœur de ce festival littéraire. Une résolution salutaire pour autant qu’elle perdure et ne soit donc pas un événement occasionnel qui s’inscrirait dans le cadre de cette ferveur opportuniste que certains éditeurs semblent découvrir avec le polar qui servirait de moyen afin de relancer leur chiffre d’affaire morose dans un secteur en crise.

     

    Aujourd’hui tout le petit monde de l’édition se lance dans le roman policier. C’est extrêmement intéressant pour autant que l’aspect commercial ne l’emporte pas sur la passion. Publier tout et n’importe quoi ne ferait que desservir le roman noir qui reste, aujourd’hui encore, un genre bien trop souvent déconsidéré.

     

    Mais pour l’heure, retrouvons-nous durant 4 journées dans les allées du salon du livre et plus précisément sur la scène du crime pour découvrir le programme chargé et varié d’un genre qui n’a pas fini de faire parler de lui.

    La scène du crime : découvrez le programme

     

     

    Salon du livre et de la presse à Genève. Du 30 avril au 4 mai 2014.

    A lire en écoutant : France Culture de Arnaud-Fleurant Didier. Album : La Reproduction. 2009 SME (France) SAS

  • Joël Dicker : La Vérité sur l’affaire Harry Quebert. Les affres de l’imposture.

    la vérité sur l'affaire harry quebert,joel dicker,polar,l'age d'homme,de fallois,lolita,aurora,marcus goldmanEn dépit de la note d’intention de l’éditeur qui semble avoir été reprise par tous les critiques et bloggeurs littéraires, La Vérité sur l’Affaire Harry Québert est un polar. Mais, comme si l’on avait voulu le débarasser de ce titre de genre infamant et l’introduire dans les « grands salons littéraires parisiens », on évoque avant tout les thèmes de second plan que sont la relation écrivain-public, les clés et les notions du succès et les affres de la création. Il est pourtant évident que la question qui taraude le lecteur et qui fait qu’il tourne les pages sans pouvoir s’arrêter, c’est de savoir qui a tué la jeune Nola Kellergan, disparue en 1975 et dont le cadavre est découvert trente ans plus tard dans le jardin de l’écrivain de renom Harry Quebert que tout accuse puisqu’il admet avoir eu une liaison avec cette jeune fille de 15 ans. C’est son ami et ancien étudiant, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, momentanément en panne d’inpiration qui mènera son enquête dans cette petite ville d’Aurora  du New Hampshire pour découvrir ce qu’il s’est réellement passé durant cet été de 1975.

     

    Une liaison entre un homme de plus de trente ans et une jeune adolescente et l’on ne manquera pas d’évoquer Lolita de Nabokov. Une jeune fille assassinée dans une petite ville d’Amérique et l’on se rapellera sans doute de la série Twin Peaks. Pour les affres de la création on ne peut s’empêcher de penser à Misery ou Shining de Stephen King. Il y a un peu de tout cela dans la Vérité sur l’Affaire Harry Quebert même si Joël Dicker nous livre dans son roman des personnages beaucoup plus lisses et beaucoup moins torturés.

     

    Mais que l’on ne s’y trompe pas, La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert est un ouvrage qui se lit d’une traite grace notamment à sa superbe construction narrative qui entraîne le lecteur d’une époque à l’autre au gré des multiples rebondissements qui jalonnent l’histoire et des différents points de vue des protagonistes sur les évènements relatés. Une écriture convenue mais extrèmement fluide nous permet de venir à bout des 670 pages de ce récit en découvrant l’atmosphère presque surrannée de cette petite ville du New Hampshire. Une Amérique qui correspond bien à la couverture du livre avec ce tableau d’Edward Hopper qui nous livre l’image idillyque d’une petite ville bien propre sur elle mais dont on ne peut s’empêcher de ressentir un sentiment de malaise ou d’inquiétude.

     

    En guise d’introduction à chacun des chapitres, on découvrira les 31 conseils que Harry Quebert prodigue à son jeune étudiant pour façonner un grand roman à succès ce qui explique le décompte de cette numérotation des chapitres. Des conseils qu’il faudra mettre en perpective avec l’un des derniers rebondissement concernant l’un des protagonistes de cet excellent polar.

     

    Le succès, le rapport avec le public, tout cela fait écho avec le battage médiatique qui concerne ce jeune auteur genevois qui vient de se voir attribuer le  Grand Prix de l’Académie Française et qui reste encore en lice pour le prestigieux Prix Goncourt. Ce qui est réjouissant c’est que Joël Dicker semble avoir adopté un rapport décomplexé avec le succès à l’instar des auteurs nord-américain dont il décrit les affres et les vicissitudes mais également la satisfaction et la plénitude de se savoir apprécié par un public conquis par le talent mais également par les subterfuges du marketing.

     

    Ne lui en déplaise, Joël Dicker est un auteur de polar qui a su se saisir des codes pour construire un récit haletant. Mais peut-être est-ce en même temps l’échec de l’écrivain qui prétend ne pas lire ce genre de roman et qui semble, dans ses entretiens, absolument vouloir réduire l’aspect polar de son récit pour mettre en avant l’évocation des mécanismes de la création littéraire et les rapports entre l’élève et le maître qui ne sont pourtant qu’une succession de clichés convenus qui n’apportent pas grand chose au cœur du récit.

     

    Finalement ce qu’il manque sur la couverture, juste en dessous du titre, c’est l’adjectif « policier » accolé au mot « Roman » pour faire de la Vérité sur l’Affaire Harry Quebert un roman de genre pleinement assumé. Mais est-ce qu’un grand prix littéraire récompensera un polar pleinement assumé ? En guise de réponse il faudra se pencher sur la souffrance de l’imposture et le poids du marketing qui sont également des sujets abordés dans ce magnifique récit. Deux sujets qui résonnent étrangement autour de la trajectoire médiatique dont l’auteur et son roman font désormais l’objet.

     

    Joël Dicker : La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert. Editions de Fallois/L’Âge d’Homme 2012.

    A lire en écoutant : Un Bel Di Vedremo - Madame Butterfly de Giacomo Puccini. Victoria de Los Angeles ; Guiseppe Di Stefano ; Tito Gobbi. Orchestra e Coro dell’Opera di Roma Gianandrea Gavazzeni. EMI 1987.

  • MARC-ANTOINE MATHIEU : 3’’, JUSTE LE TEMPS DE …

    3'',borges,escher,marc-antoine mathieu,polarPas vraiment une BD, quoique ...

    Pas vraiment un polar, quoique ...

    3 secondes c'est un concept graphique de Marc-Antoine Mathieu qui nous entraîne dans une perspective labyrinthique digne des récits de Borges.

     

    Cet homme qui braque son arme. Le coup de feu qui part. Pour qui est destinée la balle ? Et qu'elle est ce scandale qui secoue le milieu du football ? Cette femme tendue dans l'avion, que craint-elle ? Que viennent faire Carine Tonca, Antoine Crac et Toni Carcena dans cette histoire ? Qu'elle est cette compagnie Swiss qui délivre des billets Swissair ?

     

    Sans un seul dialogue c'est au travers  d'une perspective sans fin que l'on découvre tous les rouages de ce polar et on peut vraiment parler d'une plongée dans l'histoire lorsque l'on s'enfonce dans le regard de cet homme apeuré. La suite n'est qu'un renvoi d'un reflet à un autre avec une sublime précision graphique. Il faut s'attarder sur le détail de chaque case pour découvrir tout ce qui s'est produit avant ces 3 secondes qui deviennent finalement la conclusion d'un long récit sous-jacent. Entre la case noire du départ et la case blanche finale, il faudra admettre qu'à la première lecture on aura manqué bien des évènements et plusieurs lectures seront nécessaires pour décrypter les rouages de cette minuscule fraction de temps. C'est tout l'intérêt du concept original de cette histoire.

     

    Lorsque vous aurez terminé l'ouvrage vous pourrez vous connecter sur le web pour découvrir la vidéo élaborée à partir de l'intégralité des cases. Une façon de redécouvrir l'histoire en zoomant  les détails sur lesquels vous souhaitez vous attarder tout en étant maître de la vitesse de déroulement. C'est peut-être de cette manière que vous repèrerez dans l'une des cases, cet ancien footballeur célèbre et si vous ne le trouviez pas, vous pourrez au moins découvrir son nom au travers des anagrammes de plusieurs personnages de l'histoire.

     

    Puis comme si cela ne suffisait pas, vous vous retrouverez au travers du forum pour commenter vos impressions, vos découvertes et vos observations. Cette plate-forme vous permettra peut-être de répondre à vos doutes et vos interrogations.

     

    Un très bel ouvrage d'un auteur bourré de talent qui rend hommage à de nombreux artistes tels que MC Escher, Niki de Saint-Phale, Mark Shaw, Amish Kapoor, Lewis Trondheim et bien d'autres encore.

     

    Pour décrypter toutes les clés de ce magnifique ouvrage gageons qu'il vous faudra bien plus de 3 secondes pour y parvenir. A vos chronos !

     

    Marc-Antoine Mathieu : 3''. Editions Delcourt 2011.

    A lire en écoutant : Walking in the Rain. Album : Flash and the Pan (mai 2011).

     

     

  • Fureur noire : Manotti / DOA, le polar politique

    A l'heure des élections, c'est bien évidemment le sempiternelle sujet de la sécurité qui enflamme les débats où l'on assène aux citoyens, à coups de slogans ravageurs et phrases rapides, les recettes qui vont remettre la cité sur les rails.

     

    Police de proximité ! Patrouilles pédestres ! Tolérance zéro ! Des termes génériques qui prennent désormais des teintes politiques sans que l'on soit bien certain que les protagonistes en connaissent toutes les implications. La plupart d'entre eux seraient bien avisés de se pencher sur les ouvrages de nombreux spécialistes qui se sont intéressés à la question depuis bien des années, ceci avant même que ce sujet émotionnel, ne devienne le thème majeur des politiques et ne soit justement dévoyé par certains d'entres eux ! Dans le domaine francophone, on peut citer : Sebastien Roché, Loïc Wacquant, Jean-Paul Brodeur, Dominique Monjardet, Jean-Louis Loubet de Bayle et François Dieu. Certains ouvrages de ces auteurs sont même disponibles en ligne !

     

    Il faut l'admettre certaines de ces études, toutes passionnantes qu'elles soient, peuvent tout de même s'avérer extrêmement arides et on peut aborder le sujet de la sécurité et de la police par le biais du polar en s'intéressant particulièrement aux romans de nos voisins français.

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    Avec « Bien connu de nos services » Dominique Manotti nous invite à partager la vie quotidienne des policiers du commissariat de Panteuil (lieu fictif), dans la banlieue nord de Paris, dirigé par la commissaire Le Muir, femme ambitieuse qui a adopté la politique du chiffre imposée par les pouvoirs politiques du Ministère de l'Intérieur. Flics aguerris, jeunes débutants, hiérarchie dépassée, truands chevronnés, petits voyous, tout ce petit monde s'entrecroise dans un chassé-croisé rapide et passionnant. Description du travail des BAC, de police-secours qui semble tellement vain au milieu de banlieues défavorisées, de camps gitans et de squats vétustes prêts à flamber. Afin de favoriser l'intrigue, l'auteur a parfois forcé le trait au détriment de la réalité. Mais cela importe peu, car au travers de ces pages on peut tout de même se rendre compte du désarroi de ces policiers qui, manipulés par leurs hiérarchies et le pouvoirs politiques, se referment sur eux-mêmes se révélant ainsi incapables de faire face aux défis sociaux qui les submergent. Débrouillardise et improvisation pour régler les problèmes au jour le jour tout cela à l'ombre de la compromission et  de la corruption. Un tableau sombre, probablement exagéré mais qui reflète tout de même le malaise du monde policier.

     

    Pour DOA le tableau n'est guère plus reluisant même s'il s'attarde sur les SG et le monde des services secrets pour dépeindre les arcanes d'un monde souterrain inquiétant. « Citoyens Clandestins » c'est un thriller haletant avec cette menace d'attentat à la Dioxine sur la France par un groupuscule d'islamistes radicaux. Une description froide et troublante de réalisme d'une traque sanglante d'un ensemble de clandestins, d'agents doubles, d'espions à la solde d'une clique de manipulateurs qui mettent la raison d'état au-dessus de tous les principes moraux. Un livre volumineux extrêmement bien documenté qui se lit d'une traite, même s'il pêche parfois par son ton quelque peu professoral.

     

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    La réunion des ces deux talents se retrouve dans « L'Honorable Société », livre à quatre mains de moins bonne facture qui se penche sur les arcanes des institutions étatiques liées à l'énergie atomique. Police criminelle, DGSE, éco terroristes, journalistes et milieu patronal s'interrogent ou tentent de dissimuler les mobiles du meurtre d'un policier rattaché à la commission pour l'Energie Atomique. Le tout se déroulant sur fond de campagne présidentielle, on assistera à la compromission des diverses instances étatiques qui useront de tous les expédients, même les plus extrêmes, pour parvenir à leur fin. On reprochera le côté impersonnel des personnages qui manquent de saveur. Toutefois l'intrigue, quoique classique, nous entrainera dans un récit passionnant, assez inquiétant et très bien documenté qui, espérons-le, ne s'avérera pas trop réaliste. Un sujet sensible (le nucléaire en France) que l'on retrouve d'ailleurs au cœur des débats pour l'élection présidentielle, rendent les tribulations du commandant Petrus Paris encore plus passionnantes. Cet enquêteur de la police criminelle, secondé par son équipe, devra faire preuve d'une pugnacité des tous les instants pour parvenir à résoudre cette sombre affaire.

     

    Pour la Fureur de Lire, on retrouvera Dominique Manotti et DOA lors d'une table ronde qui aura lieu le jeudi 6 octobre 2011 à 21h50 à la salle du Faubourg, sur le thème du polar social et politique. Le polar qui devient protestataire et contestataire, cela promet un beau débat qui sera précédé d'une pièce de théâtre intitulée « Je refuse de répondre » qui relate le combat de Dashiell Hammett en proie à l'inquisition de la commission du sénateur McCarthy. Cela se déroulait en 1953. Le polar contestataire, protestataire, une forme d'écriture qui ne date pas d'hier.

     

     

    Dominique Manotti : Bien connu des services de police. Série Noire/Gallimard 2010.

     

    DOA : Citoyens Clandestins. Série Noire/Gallimard 2007.

     

    Manotti / DOA : L'Honorable Société. Serie Noire/Gallimard 2011.

     

    A lire en écoutant : Demain c'est loin - IAM/L'Ecole du Micro d'Argent/Delabel-Virgin 1997.

     

     

     

     

  • Tardi – Manchette : Sous les pavés, la plage, l’enfer et le Petit Bleu de la Côte Ouest

    manchette,tardi,plage roman noir,polar,tueurs,bdEn libraire, marketing oblige, nous avons droit ces derniers temps aux bandeaux ultra originaux des commerciaux avec la mention : « Roman de l'été » ou pire encore « polar de l'été », tout ça pour vous faire acheter le mauvais livre spécialement édité pour cette période qui finira sur votre pile de romans inachevés. Un peu excessif me direz-vous, mais tellement réaliste. On en a tous fait les frais un jour ou l'autre. On découvre également les prix littéraires de l'été avec par exemple le « thriller de l'été » spécialement conçus par quelques revues mensuelles dont la principale caractéristique est de couronner l'auteur le plus conscensuel possible à défaut du plus talentueux. On appréciera tout de même certaines selections émanant principalement des blogs et de quelques revues littéraires « sérieuses ». Faites votre choix.

     

    Pour vous isoler de l'enfer des plages bondées et pour vous pendre à votre parasol, un excellent roman noir de Jean-Patrick Manchette que je vous propose de redécouvrir sous l'angle de la BD avec cette magnifique adaptation de Jacques Tardi : Le Petit Bleu de la Côte Ouest dont l'un des moments fort de l'histoire se déroule justement sur une plage, ce qui est de circonstance en cette période « estivale ». Georges Gerfaut est un cadre dynamique dont la routine sera brisée par deux tueurs lancés à sa poursuite. Pour faire face, il mettra de côté tout ce qui façonne sa petit vie trépidante. Il affrontera, parfois de manière pathétique, ses adversaires avant de retourner auprès des siens pour se retrouver dans une voiture à 145 km/h à tourner en rond, la nuit sur le périphérique désert.

     

    Une excellente adaptation en noir et blanc qui accentue le ton froid et cassant des dialogues qui sont fidèlement restitués. Il faut dire que le dessinateur et le romancier s'étaient déjà rencontré en 1978 pour nous livrer « Griffu » une des première BD - roman noir de l'époque. Du talent à l'état pur et une bonne claque dans la gueule à une époque ou des revues comme Pilote publiaient de la bonne BD.

     

    Avec le Petit Bleu de la Côte Ouest, Manchette voulait nous décrire le malaise de ces cadres moyens sous constante pression où la réussite sociale importe plus que tout. Le roman paru en 1976 n'en reste pas moins d'actualité en ces temps de troubles économiques où les performances sont une exigence de tous les instants.

     

    Dans la foulée, vous apprécierez une nouvelle adaptation de Jacques Tardi avec la Position du Tireur Couché, tiré également d'un roman de Manchette. Là également le dessin de Tardi restitue parfaitement l'histoire de ce tueur à gage, froid, précis, méthodique mais dont la vie se désagrège au fur et à mesure qu'il sème les cadavres pour échapper à son destin qui le ramènera inéxorablement à la petite vie minable qu'il a toujours cherché à fuir. Et l'on concluera que cet auteur a eu plus de chance dans les adaptations bd que cinématrographiques de ses œuvres, mais on pourra tout de même découvrir Polar de Jacques Bral pour se faire une bonne idée de ce que l'on peut tirer d'un excellent roman noir de Manchette.

     

    Sous les pavés, il n'y a plus la plage, il y l'enfer décrétait Ferre ! et le Petit Bleu de la Côte  Ouest, pourrait-on rajouter !

     

    Manchette - Tardi : Le Petit Bleu de la Côte Ouest. Humanoïdes Associés 2005.

    Manchette - Tardi : La Position du Tireur Couché. Futuropolis 2010.

    A lire en écoutant : Gerry Mulligan. Litttle Girl Blue.

     

     

  • Michael Connelly : Les 9 Dragons. Les affres du marketing !

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    Un flic portant le même nom qu'un célèbre peintre néerlandais, ça avait de quoi séduire ! Hyeronimus Bosch, détective au LAPD faisait sa première apparition dans « Les Egouts de Los Angeles » où l'on percevait cette ville tentaculaire d'une autre manière.

     

    Le talent de Michael Connelly, c'était d'avoir donné, tout comme à ses personnages, une épaisseur à cette cité que l'on a trop souvent jugée sommairement comme dépourvue d'âme. Grâce à lui, Cienega blvd, Woodrow Wilson drive, Wonderland ave, Sunset blvd et Echo Park résonnaient différemment et devenaient des lieux mythiques et l'on se plaisait à imaginer notre héro se mouvant dans les labyrinthes de ces voies rapides sur fond de soleil couchant ou contemplant de sa maison accrochée à une colline, le tapis de lumière de la Cité des Anges qui apparaissait dans le crépuscule naissant. C'était en 1993, un roman culte était né. 14 enquêtes plus tard il devient difficile d'éviter le dernier opus de Michael Connelly « Les 9 Dragons » car les exemplaires sont alignés dans les grandes librairies comme une muraille infranchissable. Du marketing à grande échelle auquel l'auteur a cédé depuis quelques années déjà, bradant son talent au service de la vente et du formatage. On sent également la patte d'assistants et documentalistes en tout genre qui sont parvenus à extirper tout le jus et le sel des personnages pour nous restituer des protagonistes aux profils psychologiques aussi épais que du papier de cigarette. Des rebondissements à profusion bien sûr, mais seulement pour masquer les faiblesses d'une histoire bourrée de clichés dont le passage du héro à Hong Kong en est un illustre exemple. Bref pas grand chose à dire de ce livre de Michael Connelly qui n'est pas le seul auteur prometteur à avoir flanché en nous livrant des récits aseptisés, censés plaire au plus grand nombre de lecteurs, ce qui est loin d'être gagné !

     

    On retrouve le premier livre de Michael Connelly, « Les égouts de Los Angeles » dans le « Guide du Polar, 40 livres pour se faire9782757818107_1_75.jpg peur ». Un petit ouvrage, extrêmement bien fichu et sans prétention qui vous guidera dans la collection des polars de l'édition Points. Il ne s'agit pas d'un guide académique loin de là, mais juste d'un florilège d'excellents polars classés par thème, par région et par genre. Des extraits tirés des ouvrages principaux, pour nous faire saliver et quelques interviews des auteurs, agrémentés de commentaires pertinents c'est ce qu'il faut pour se repérer dans les méandres du polar et s'extirper du matraquage publicitaire qu'affectionnent certaines librairies et maisons d'édition. L'autre moyen est également de vous référer aux blogs et sites spécialisés dans le genre. Vous en trouverez quelques un dans la liste qui figure dans la colonne de droite. Une liste qui est loin d'être exhaustive et que je ne manquerai pas de compléter. Mais la meilleure méthode restera de flâner dans les rayons des librairies, de farfouiller dans les rayonnages, de vous fier à votre instinct et à votre intuition et d'écouter les conseils avisés des quelques libraires passionnés qui prendront le temps de vous faire partager leurs découvertes. Il s'agit là d'une espèce en voie d'extinction qu'il faut à tout prix préserver en achetant et lisant des livres à profusion !

     

    Michael Connelly : Les 9 Dragons. Editions du Seuil 2011. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Robert Pépin.

     

    A lire en écoutant : Titre : You wanted to travel blind - Auteur : East Troublemaker - Album : BOF de 13 Tzameti.

     

    Louise Austin et Amélie Petit : Le guide du polar, 40 livres pour se faire peur. Editions Points 2010.

     

     

  • Le polar est-il à la littérature ce que la comédie est au cinéma ?

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    C'est une question que je me suis posée au salon du livre après que mon ami Yves Patrick Delachaux m'ait présenté à l'association des auteurs suisses comme un blogeur spécialiste des romans policiers (Toujours à exagérer, l'ami Delachaux). Je revois le regard indulgent d'un des membres qui me lâche comme ça l'air de rien : Des polars ?! Ah oui ! j'en lis parfois pour me distraire ! ». La remarque en elle-même n'a rien de désobligeant, puisque la fonction première du polar est bien de divertir. Il y a pourtant ce petit air suffisant où l'on devine la question fondamentale sous-jacente : « Quand est-ce que tu passeras à une lecture plus sérieuse, pauvre naze ! ». J'extrapole, un peu mais je suis a peu près certain que je ne suis pas si loin de la vérité. Et puis finalement, n'est-ce pas le propre de la littérature que de distraire le lecteur ? Qu'est-ce que la littérature sérieuse ? Probalement un concept de personnages élitistes qui se complaisent dans des salons dorés ou branchés en dressant le constat de leur savantes expériences culturelles avec un grand C. Une caricature bien sûr, mais en somme, quelque chose dans ce goût là, d'assez morose. Pas de quoi pavoiser !

     

    Pas de quoi pavoiser non plus dans le milieu du polar. Entre ces auteurs assoifés de reconnaissance qui versent dans l'écriture stylico-narcissique pour s'élever dans la hiérarchie des écrivains reconnus et ces éditeurs en constante recherche du coup littéraire, on asphysie le côté undeground du roman noir. Ainsi, on règle le passé de l'Amérique à coup de phrases courtes, ponctuées de point d'exclamation. Quand on est un écrivain de génie ça peut encore passer, même si cela devient parfois épuisant. Car il faut bien l'admettre qui a lu la trilogie Underworld USA de James Ellroy, d'un bout à l'autre, sans sauter une seule page ? Pas grand monde pour lever la main, j'en suis persuadé. Et il y a toute cette cohorte de polardiers qui tentent d'imiter le style et la thématique en pure perte. Du côté des éditeurs, on ne compte plus les bandeaux « nouveau maître du polar nordique. On frise la nausée avec ces démarches commerciales nauséabondes. Mais c'est du côté des critiques que l'on vire vers la tragédie lorsque je lis : « Plus qu'un polar ! Un grand roman ! ». Pour contrer ces slogans ineptes, rien ne vaut cette réflexion de Manchette :

    « Rions encore une fois des feuillistes qui affirment sempiternellement de tel ou tel ouvrage qu'il est d'avantage qu'un « roman policier ». Le roman noir, grandes têtes molles, ne vous a pas attendus pour se faire une stature que la plupart des écoles romanesques de ce siècle ont échoué à atteindre. »

     

    Le polar s'est extrait du sous-sol pour apparaître dans la lumière, espérons qu'il ne flétrira pas sous le dictat de la culture de masse et bien pire encore, sous le joug de la bienséance littéraire. Maigret a quitté son habillage de roman de gare pour revétir l'habit luxueux des Pléaides. Un bon en avant et c'est tant mieux. Mais prenons garde à ce que le polar reste ce qu'il est : l'acide qui défait les chairs pour mettre à nu le squelette que l'on se complait à planquer dans le placard. Pas de Goncourt, ni de Renaudot ou de Pulitzer pour le roman noir. Enfermé dans son ghetto, il est couronné par des Edgards, des 813 ou des Cognacs, comme s'il redoutait de vivre les affres du cinéma comique  qui ne s'est jamais vu récompensé à sa juste valeur par une académie engoncée dans sa suffisance culturelle. Un paradoxe lorsque l'on constate que cette même académie a récompensé deux films noirs que sont « Le Prophète » et « De battre mon cœur s'est arrêté ». Le polar : un monde en soi !

     

  • Jean-Hugues Oppel : French Tabloïds. Elections : vous en rependrez bien encore un peu ?

    FRENCH TABLOÏDS

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    Après des élections municipales bien trempées et pour ceux qui ne seraient pas saturés de slogans ravageurs sur l'insécurité, cap sur la France avec un polar où vous pourrez passer en revue les gros titres des médias français auxquels nous avons eu droit entre mars 2001 et avril 2002, année où un certain Jacques C. a obtenu un score stalinien de 82 % des suffrages contre un certain Jean-Marie Le P.

     

    Dans ce contexte voici le point de vue d'un auteur pour expliquer comment les électeurs ont été contraint à un tel choix : « French Tabloïds » de Jean-Hugues Oppel.

     

    Avec ce roman, Jean-Hugues Oppel nous entraine dans les arcanes des agences de communication, des services secret et de la police qui œuvrent toutes pour que le grand raout des élections présidentielles ne soient plus qu'une formalité. On y suit également le parcours d'un homme solitaire qui glisse doucement dans une paranoïa démente.

     

    L'auteur parvient à mêler habilement  fiction et faits d'actualité en s'inspirant du style de James Ellroy. En fait, il s'agit, ni plus ni moins, d'un hommage réussi à l'un des maîtres du polar. Outre le titre qui fait évidemment référence à American Tabloïds, on trouve le même rythme dans l'écriture et chaque chapitre est précédé d'une série de gros titres extraite des divers médias qui ont ponctué la vie des français durant cette période.

     

    Sans être aussi dense et aussi détaillé que l'œuvre à laquelle elle fait référence, cette histoire bien menée et bien rythmée se lit d'une traite. Jean-Hughes Oppel décrit sans concession la grande manipulation des masses et les magouilles étatiques pour y parvenir et que l'on y adhère ou pas, on se laisse emporter pour suivre les tribulations de l'infâme commissaire Jacques Lerois, du lieutenant de police Hélène Carvelle, du machiavélique Piers Goodwhille, de la mystérieuse agence PML Consulting et surtout du banal mais très inquiétant Victor Courcaillet. Une histoire qui n'a presque aucun rapport avec notre actualité politique locale !

     

    A l'exception des aficionados du roman noir, Jean-Hugues Oppel n'a pas la reconnaissance qu'il mérite alors que c'est un auteur majeur du polar français. Six Pack (dont on a tiré une médiocre adaptation au cinéma), Brocéliande-sur-Marne, Chaton : Trilogie et Cartago sont quelques un de ses romans dans lesquels gravitent fréquemment héros dépassés et sinistres criminels diaboliques. Mais pas de détective, flic ou méchants récurrents au gré de histoires. Un pari courageux lorsque l'on voit les succès commerciaux de certains auteurs qui usent parfois leurs personnages principaux jusqu'à la corde (non je ne donnerai pas de noms).

     

    Avec Jean-Hugues Oppel vous vous plongerez dans des récits engagés, tous plus originaux les un que les autres où l'auteur marie très fréquemment politique et polar qui ne font jamais très bon ménage.

     

    Jean-Hugues Oppel : French Tabloïds. Edition Rivages/Thriller 2005.

     

     

  • LES ORIGINES

    Book-Chase-ZincEnOr.jpgJe me souviens encore de cette muraille noire que formaient les dos de ces livres alignés sur un  rayonnage de la bibliothèque paternelle. Un carré jaune, entouré d'un carré blanc et la mention « carré noir » juste en dessous, renforçait l'aspect particulier de ces ouvrages. Sur certain d'entre eux des filles légèrement dénudées ornaient la couverture et, au dos, on y trouvait systématiquement une publicité pour des marques de cigarettes, de l'alcool ou du parfum pour homme. C'était l'habillage typique des romans de gare machistes à l'extrême.

    « Carré Noir » était une sélection de polars extraite de la prestigieuse collection Série Noire (nom inventé par Jacques Prévert) dirigée par Marcel Duhamel. A l'époque, mon père estimait que j'étais trop jeune pour  ce genre de littérature, raison pour laquelle je me suis empressé de désobéir.  C'est grâce -et avec !- cette transgression que j'ai découvert mes premiers auteurs de polar. Chandler, Hammett, Goodies, Chase, Manchette et les autres ont peuplé mes nuits d'adolescent. Depuis, cette passion pour le roman noir et le roman policier ne m'a plus quitté. Cet engouement m'a-t-il poussé à devenir flic ? Sans trop vraiment l'admettre, il est probable que cela a eu une influence indirecte sur le choix de  ma profession, même si les personnages de policier étaient pour la plupart du temps brocardés par leurs  auteurs. Pour Chandler et Hammett, les flics étaient soit corrompus, soit incompétents, voire même les deux ! C'était l'époque de la chasse aux sorcières sous la férule du sénateur McCarthy. Pour Manchette, les flics devenaient des espèces de barbouzes dénués de toute intégrité, référence au Service d'Action Civique (SAC) et autres magouilles étatiques qui fleurissaient dans les années 70. Deux époques différentes, mais toujours la même position critique de notre société. Car au delà de l'intrigue, ce qui me plaît dans le polar c'est qu'il est le reflet des travers de notre société dans laquelle les auteurs s'ingénient à plonger leurs personnages. Pour reprendre une phrase de Manchette, le polar est de son temps et aussi de son espace.

    Lors d'un tri, mon père m'a donné tous ses ouvrages de la collection Carré Noir. Je les ai placés sur un rayonnage à part.  Ainsi, soigneusement alignés, ils ont vraiment de la gueule ! De temps à autre j'en prends un au hasard pour le relire une énième fois. Tiens, voici la Dame du Lac de Raymond Chandler, traduit par Boris Vian. ! Et celui-ci ! La Reine des Pommes de Chester Himes !

    La collection « Carré Noir » n'existe plus, mais bien d'autres lui ont succédée. Certaines ont disparu à leur tour, mais bon nombre d'entre elles perdurent. Aujourd'hui, dans ma bibliothèque, le thriller côtoie le roman noir, le best seller côtoie des séries de polars peu connus et au travers de ce blog, je souhaite faire une espèce d'inventaire à la Prévert de toutes ces lectures qui m'ont captivé et dont certaines m'ont tenu éveillé des nuits entières.

    Ecrivains populaires ou quasiment inconnus ; romanciers anglais, américains, français ou polonais ; auteurs de romans noirs, de thrillers ou de polars, peu m'importe. Dans ce blog, point d'élitisme ou de sous-catégorie de la littérature policière. Juste le plaisir de partager avec vous des romans aux intrigues sombres et aux textes taillés au cordeau. Des romans noirs et bien serrés !