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France - Page 35

  • PASCAL DESSAINT : CRUELLES NATURES !

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    Déclassement de zone agricole, mobilité douce. A Genève, ce wek-end c'est la conscience verte des électeurs qui va être mise à l'épreuve. Pour rester dans le ton, on peut lire « Cruelles Natures » de Pascal Dessaint. « Cruelles Natures » au pluriel c'est la flore, la faune et bien sûr la nature humaine qui à force de ne plus se comprendre finissent par disjoncter. De Dunkerque à la Brenne, l'auteur nous invite à suivre le point de vue de trois personnages à la dérive qui se perdent sous  le ciel plombé du Nord et dans les brumes de la région brennoise. Il y a Antoine, l'écologue qui vit reclus au cœur d'un parc naturel en parcourant les routes de la région pour un décompte macabre des animaux écrasés. Constat d'une civilisation qui empiète sur la vie sauvage contraignant des sangliers à se comporter comme des loups, des geais comme des faucons, des hiboux comme des hérons et forçant ainsi cette tortue à traverser une route pour rejoindre l'étang propice à la ponte de ses œufs. Myriam la compagne d'Antoine a quitté mari et fille pour suivre cet homme autrefois reconnu dans son domaine. Déceptions et regrets pour ce couple qui sombre dans la rancœur et la dépression d'un mal être que l'isolement des lieux n'arrange guère.  Pour sortir de cette spirale infernale, Myriam écrit à sa fille, Mauricette qui ne lui répond pas. Et pour cause, à Dunkerque, Mauricette veille son père hospitalisé suite à un accident et désormais dans le coma. Pour tromper sa solitude, elle fréquente Régis et  Thierry, deux jeunes garçons un peu paumés qui l'entrainent dans le braquage foireux d'un bar-tabac. Leur fuite éperdue ponctuée d'épisodes sordides, les conduiront dans la Brenne où se jouera leur destin.

     

    Pascal Dessaint, c'est un peu la conscience verte du roman noir français. Dans ses récits on trouve toujours une référence à la faune ou à la flore, sans pour autant tomber dans les clichés moralisateurs. « Cruelles Natures » c'est tout simplement le constat et les conséquences tragiques d'une nature perturbée par la civilisation et c'est par petites touches subtiles qu'on en prend la pleine mesure. Rien de cataclysmique, rien de grandiloquent avec Pascal Dessaint, tout est dans le quotidien et presque dans la banalité qui vire au tragique. Durant tout le récit l'auteur a pris soin de nous décrire minutieusement les décors dans lesquelles évoluent ses personnages. Il a délaissé la région toulousaine où il situe habituellement la plupart de ses histoires pour nous entrainer dans la région du Nord d'où il est originaire, en s'excusant de la vision sombre qu'il en a donné. Mais comme il le dit : il est un fait que les gens y sont chaleureux, que la lumière est très belle, mais qu'on y rigole pas tous les jours.

     

    Pas de promoteurs-bétonneurs véreux ou d'écolos fanatiques avec « Cruelles Natures », mais un message aussi simple qu'évident : la nature est fragile. Un message qui, à l'heure de ces votations du week-end, doit résonner dans nos esprits. Pour ou contre les Cherpines, pour ou contre la mobilité douce ce qui importe c'est d'aller voter !

     

    Pour ma part je n'ai qu'un seul mot d'ordre pour ce week-end pluvieux : Lisez du polar ou du roman noir ! 

     

    Pascal Dessaint : Cruelles Natures. Edition Rivages thriller 2007.

     

  • ZULU : LA DOULEUR TRAGIQUE DES TOWNSHIPS

     

    920779-gf.jpgUne plongée dans les townships d’Afrique du Sud avec ce polar de Caryl Férey où l’ombre sinistre de l’apartheid plane encore dans ses rues poussiéreuses chargées de misère.

     

    Avec Zulu, l’action débute comme une enquête classique où Ali Neumann, flic Zoulou, doit résoudre le meurtre abjecte d’une jeune fille blanche massacrée après qu’elle ait absorbé une drogue de synthèse aux propriétés effrayantes. Pourtant en marge de cette enquête résonne l’histoire de ce pays miné par la violence et le sida. Truffés de références historiques le récit n’en pas moins prenant et même terrifiant lorsque l’auteur évoque les expériences terribles du Dr Wouter Basson !

     

    Wouter Basson est un personnage réel, surnommé « Docteur La Mort ». Durant le régime de l’apartheid, il a été chargé de concevoir un programme d’armement chimique afin de contrer le concept de Mandela : Une voix – un vote. Pour inverser le processus démographique qui leur était défavorable les autorités chargèrent Basson de développer un projet afin d’éliminer les militants anti-apartheid et de réduire l’importance de la populations noire, ayant pour nom de code : Project Coast. Le nombre des victimes de ce personnage, considéré comme le Dr Mengele d'Afrique du Sud, est à ce jour encore inconnu. Avec son équipe composée d’environ 200 chercheurs il a élaboré, entre autre, des études pour stériliser les femmes noires via l’alimentation en eau, pour propager des maladies infectieuses. Arrêté alors qu’il était en possession de grosses quantité d’ecstasy, Wouter Basson sera accusé de meurtres, tentatives de meurtre, trafic et possession de drogue et fraude. Il sera acquitté des tous les chefs d’accusation et vit actuellement à Prétoria.

     

    C’est avec cette triste réalité que le roman de Caryl Férey prend une dimension tragique au travers de laquelle émerge, après la période de transition et de réconciliation, des secrets sinistres que l’on a peut-être voulu enterrer bien trop rapidement.

     

    Ali Neuman le personnage central du récit est un flic torturé au propre comme au figuré qui, dans sa jeunesse a dû fuir les milices de l’Inkatha qui était en guerre contre l’ANC. Avec sa mère, il est le seul survivant des tueries de ces milices. Aujourd’hui, chef de la police criminelle il est accompagné dans son enquête des inspecteurs africaner Brian Epkeen et de Dan Flectcher. Des personnages forts qui ne sortiront pas indemnes de toute cette terrible histoire.

     

    Une écriture et une construction classique (peut-être trop classique) qui contraste avec des descriptions très précises des mœurs et des paysages de ce pays qui, bien plus qu’un guide touristique, nous donne envie de découvrir ces contrées lointaines en toute connaissance de cause. La violence y est omniprésente et parfois un peu trop complaisante, mais elle n’enlève rien à la profondeur de la tragédie sociale que l’auteur a voulu décrire. Une Afrique du Sud qui doit encore relever de très nombreux défis si elle veut être cette nation arc-en-ciel si chère à Nelson Mandela et Desmond Tutu.

     

    Caryl Férey, grand voyageur qui a travaillé pour le guide du Routard, n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il a écrit deux autres polars : Haka et Utu qui se déroulent en Nouvelle-Zélande et en Australie.

     

    Cary Férey : Zulu. Edition Série Noire / Gallimard 2008.

     

  • Jean-Hugues Oppel : French Tabloïds. Elections : vous en rependrez bien encore un peu ?

    FRENCH TABLOÏDS

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    Après des élections municipales bien trempées et pour ceux qui ne seraient pas saturés de slogans ravageurs sur l'insécurité, cap sur la France avec un polar où vous pourrez passer en revue les gros titres des médias français auxquels nous avons eu droit entre mars 2001 et avril 2002, année où un certain Jacques C. a obtenu un score stalinien de 82 % des suffrages contre un certain Jean-Marie Le P.

     

    Dans ce contexte voici le point de vue d'un auteur pour expliquer comment les électeurs ont été contraint à un tel choix : « French Tabloïds » de Jean-Hugues Oppel.

     

    Avec ce roman, Jean-Hugues Oppel nous entraine dans les arcanes des agences de communication, des services secret et de la police qui œuvrent toutes pour que le grand raout des élections présidentielles ne soient plus qu'une formalité. On y suit également le parcours d'un homme solitaire qui glisse doucement dans une paranoïa démente.

     

    L'auteur parvient à mêler habilement  fiction et faits d'actualité en s'inspirant du style de James Ellroy. En fait, il s'agit, ni plus ni moins, d'un hommage réussi à l'un des maîtres du polar. Outre le titre qui fait évidemment référence à American Tabloïds, on trouve le même rythme dans l'écriture et chaque chapitre est précédé d'une série de gros titres extraite des divers médias qui ont ponctué la vie des français durant cette période.

     

    Sans être aussi dense et aussi détaillé que l'œuvre à laquelle elle fait référence, cette histoire bien menée et bien rythmée se lit d'une traite. Jean-Hughes Oppel décrit sans concession la grande manipulation des masses et les magouilles étatiques pour y parvenir et que l'on y adhère ou pas, on se laisse emporter pour suivre les tribulations de l'infâme commissaire Jacques Lerois, du lieutenant de police Hélène Carvelle, du machiavélique Piers Goodwhille, de la mystérieuse agence PML Consulting et surtout du banal mais très inquiétant Victor Courcaillet. Une histoire qui n'a presque aucun rapport avec notre actualité politique locale !

     

    A l'exception des aficionados du roman noir, Jean-Hugues Oppel n'a pas la reconnaissance qu'il mérite alors que c'est un auteur majeur du polar français. Six Pack (dont on a tiré une médiocre adaptation au cinéma), Brocéliande-sur-Marne, Chaton : Trilogie et Cartago sont quelques un de ses romans dans lesquels gravitent fréquemment héros dépassés et sinistres criminels diaboliques. Mais pas de détective, flic ou méchants récurrents au gré de histoires. Un pari courageux lorsque l'on voit les succès commerciaux de certains auteurs qui usent parfois leurs personnages principaux jusqu'à la corde (non je ne donnerai pas de noms).

     

    Avec Jean-Hugues Oppel vous vous plongerez dans des récits engagés, tous plus originaux les un que les autres où l'auteur marie très fréquemment politique et polar qui ne font jamais très bon ménage.

     

    Jean-Hugues Oppel : French Tabloïds. Edition Rivages/Thriller 2005.