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drogue

  • URBAN WAITE : LA TERREUR DE VIVRE. RIEN QU'UNE AFFAIRE DE TRAQUE !

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    - Comment s'appelle le cheval brun avec une tache blanche sur le museau ?

    - Hermès.

    - Malin, dit Grady.

    On entendit le bruit de la mitraillette, une salve rapide de trois coups. Hunt n'entendit rien d'autre. Il n'entendit pas le cheval ni les impacts des balles. Le téléphone à la main, il se contentait d'écouter, sans trop savoir quoi dire.

    - Tu as combien de chevaux dans ton écurie ? demanda Grady.

    Hunt ne répondit pas.

    - Pour moi, c'est seulement des animaux, mais je parie qu'ils représentent beaucoup plus à tes yeux.

    - Pourquoi est-ce que tu ferais ça ?

    - Tu sais que je vais retrouver ta femme. Je vais la trouver et on pourra rejouer à ça. Tu veux que je te rappelle à ce moment-là ?

    - Si tu avais dû la trouver ce serait déjà fait. Tu espérais seulement qu'elle soit là.

    - Non c'est toi que j'espérais trouver ici.

    Hunt entendit l'arme tirer à nouveau. Cette fois-ci, il entendit le cheval hennir une fois. Puis une deuxième.

    - Je vais prendre mon temps avec celui-là, dit Grady.

    - Je vais te tuer, menaça Hunt en se disant qu'il était sérieux. Pour la première fois de sa vie, il le pensait sérieusement. Nouveau tir de l'arme automatique.

    - Il ira jamais au champs de courses.

    - T'es cinglé

    - Tu pourrais empêcher ça.

    - T'as rien et t'es désespéré.

    - Je pourrais commencer par ta femme, et puis je prendrais la fille, de toute façon, je serai sans doute obligé de la tuer pour lui sortir la drogue du bide. Je pourrais faire tout ça devant toi. Je t'obligerais sûrement à regarder. Tu veux sauver quelqu'un, tu veux sauver ce dernier cheval ? Tu devrais venir me retrouver ici. Je te promets que ça sera rapide. Tu es déjà mort de toute façon.

     

    Dans le roman noir et le roman policier, il est un moteur, une dynamique commune qui n'est autre que la traque. Le détective ou le policier cherchent à appréhender le criminel, tout comme le looser cherche à fuir un destin qui le rattrape obstinément pour le plonger dans la plus sombre des déchéances. Dans le polar tout comme dans le roman noir, on cherche, on fuit, on découvre, on dissimule...rien qu'une affaire de traque.

    Dernièrement, ce sont les experts, analystes ou légistes qui pistent meurtriers en tout genre avec tout un bagage technologique et scientifique. Peu à peu ils ont remplacé les profilers torturés qui se plongeaient dans l'esprit des sérials killer. Parfois c'est l'inverse qui se produit, lorsque le tueur psychopathe se lance à la poursuite du héro. Dans ce domaine, la meilleure des traques n'est pas littéraire mais cinématographique, avec « La Nuit du Chasseur » où Robert Mitchum incarne le terrifiant révérend Harry Powell, poursuivant deux jeunes enfants qui seraient les seuls à détenir le secret de leur défunt père qui a dissimulé le butin d'un hold up. On se souvient tous de cette silhouette à la fois élégante et inquiétante, ainsi que des mots HATE et LOVE tatoués sur les doigts du prêcheur. Un film terrifiant donc réalisé en 1955 d'après l'excellent roman de David Grubb.

     

    Dans le même esprit, je parlais dans un précédent billet du roman de Cormac McCarthy, « No Contry for the Hold Man » où le terrifiant Chigurh exerçait ses « talents » avec une froideur toute méthodique.

     

    Et puis il y a cet ouvrage de Urban Waite, « La Terreur de Vivre ». A la frontière entre le Canada et les USA, Phil Hunt, éleveur de chevaux, arrondi ses fins de mois en faisant passer des cargaisons de drogue par des chemins de montagne. Il croisera le chemin du shérif  adjoint Bobby Drake qui après une traque épique contraindra Phil Hunt à prendre la fuite avec la drogue. Mais les commanditaires  dépêchent Grady Fisher afin de récupérer leur marchandise. Celui-ci est un adepte du découpage qu'il pratique aussi bien sur des animaux que sur des êtres humains. Il possède un étui à couteau qu'il emporte partout où il se rend et sème terreur et destruction sur son chemin. Une machine de guerre chaotique, insensible à la douleur et aux suppliques. On va  donc suivre le parcours haletant de ces trois personnages à travers tout l'état de Washington et l'on appréciera tout autant les passages où l'action fleure bon le testostérone, l'odeur cuivrée du sang mélangée à celle de la cordite que les moments plus calme où Hunt et Drake se questionnent sur le sens de leur vie respective tout en se demandant s'ils pourront échapper à leur destinée qui semble imprimée à l'encre indélébile.

     

    « La Terreur de Vivre » est le premier roman de Urban Waite. Il s'agit d'un thriller hallucinant et prenant qui se lit d'un coup, emporté que l'on est dans l'immensité de cette nature qui annihile toute l'humanité des protagonistes pour ne faire rejaillir que leur instinct primaire : vivre.  Un texte puissant résonnant comme le chien d'un flingue qui percute la balle s'apprêtant à jaillir du canon.

     

    Urban Waite : La Terreur de vivre. ACTES SUD /actes noirs 2010. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Céline Schwaller.

    A lire en écoutant : Titre : Gunfight. Album : Un Prophète (Bande originale du film). Compositeur : Alexandre Desplat

     

  • ZULU : LA DOULEUR TRAGIQUE DES TOWNSHIPS

     

    920779-gf.jpgUne plongée dans les townships d’Afrique du Sud avec ce polar de Caryl Férey où l’ombre sinistre de l’apartheid plane encore dans ses rues poussiéreuses chargées de misère.

     

    Avec Zulu, l’action débute comme une enquête classique où Ali Neumann, flic Zoulou, doit résoudre le meurtre abjecte d’une jeune fille blanche massacrée après qu’elle ait absorbé une drogue de synthèse aux propriétés effrayantes. Pourtant en marge de cette enquête résonne l’histoire de ce pays miné par la violence et le sida. Truffés de références historiques le récit n’en pas moins prenant et même terrifiant lorsque l’auteur évoque les expériences terribles du Dr Wouter Basson !

     

    Wouter Basson est un personnage réel, surnommé « Docteur La Mort ». Durant le régime de l’apartheid, il a été chargé de concevoir un programme d’armement chimique afin de contrer le concept de Mandela : Une voix – un vote. Pour inverser le processus démographique qui leur était défavorable les autorités chargèrent Basson de développer un projet afin d’éliminer les militants anti-apartheid et de réduire l’importance de la populations noire, ayant pour nom de code : Project Coast. Le nombre des victimes de ce personnage, considéré comme le Dr Mengele d'Afrique du Sud, est à ce jour encore inconnu. Avec son équipe composée d’environ 200 chercheurs il a élaboré, entre autre, des études pour stériliser les femmes noires via l’alimentation en eau, pour propager des maladies infectieuses. Arrêté alors qu’il était en possession de grosses quantité d’ecstasy, Wouter Basson sera accusé de meurtres, tentatives de meurtre, trafic et possession de drogue et fraude. Il sera acquitté des tous les chefs d’accusation et vit actuellement à Prétoria.

     

    C’est avec cette triste réalité que le roman de Caryl Férey prend une dimension tragique au travers de laquelle émerge, après la période de transition et de réconciliation, des secrets sinistres que l’on a peut-être voulu enterrer bien trop rapidement.

     

    Ali Neuman le personnage central du récit est un flic torturé au propre comme au figuré qui, dans sa jeunesse a dû fuir les milices de l’Inkatha qui était en guerre contre l’ANC. Avec sa mère, il est le seul survivant des tueries de ces milices. Aujourd’hui, chef de la police criminelle il est accompagné dans son enquête des inspecteurs africaner Brian Epkeen et de Dan Flectcher. Des personnages forts qui ne sortiront pas indemnes de toute cette terrible histoire.

     

    Une écriture et une construction classique (peut-être trop classique) qui contraste avec des descriptions très précises des mœurs et des paysages de ce pays qui, bien plus qu’un guide touristique, nous donne envie de découvrir ces contrées lointaines en toute connaissance de cause. La violence y est omniprésente et parfois un peu trop complaisante, mais elle n’enlève rien à la profondeur de la tragédie sociale que l’auteur a voulu décrire. Une Afrique du Sud qui doit encore relever de très nombreux défis si elle veut être cette nation arc-en-ciel si chère à Nelson Mandela et Desmond Tutu.

     

    Caryl Férey, grand voyageur qui a travaillé pour le guide du Routard, n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il a écrit deux autres polars : Haka et Utu qui se déroulent en Nouvelle-Zélande et en Australie.

     

    Cary Férey : Zulu. Edition Série Noire / Gallimard 2008.