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editions rivages - Page 2

  • HERVE LE CORRE : QUI APRES NOUS VIVREZ. LA BALLADE DES DAMNES.

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    Il y a eu la pandémie, il y a les affres du changement climatique, les inondations, les sécheresses et les incendies, il y a la crise énergétique et les guerres qui résonnent dans un lointain pas si éloigné que ça. Autant d'éléments qui nous interpellent et qui nous interrogent comme on l'observe d'ailleurs dans la littérature avec une résurgence de la science-fiction et plus particulièrement du sous-genre de l'anticipation qui puise dans l'actualité de notre environnement pour se projeter dans un futur plus ou moins proche en extrapolant sur les dérives de notre époque et des conséquences qui en découleront.

     

    En lien avec ces interrogations de notre espace et de notre temps, la littérature noire n'est pas en reste avec notamment Emily St. John Mandell et son fameux roman Station Eleven (Rivages 2019) nous dévoilant un monde ravagé par une pandémie tout comme d'ailleurs La Mer De La Tranquillité {Rivages 2023) où ces fameuses épidémies se succèdent à un rythme régulier. Pour Laurent Petitmangin, on évoluera dans une région complètement irradiée suite à une catastrophe nucléaire où un groupe d'amis décident de rester sur Les Terres Animales (La Manufacture de livres 2023) en dépit du danger qui rôde, invisible et silencieux.

     

    Après s'être penché sur le passé au gré d'une fresque historique extrêmement sombre de l'époque tumultueuse du Second Empire avec L'Homme Aux Lèvres De Saphir (Rivages/Noir 2004) et de La Commune de Paris avec Dans L'Ombre Du Brasier (Rivages/Noir 2021), après avoir décliné les dysfonctionnements de notre monde contemporain autour de romans noirs emblématiques tels que Après La Guerre (Rivages/Noir 2014), Du Sable Dans La Bouche (Rivages/Noir 2016), Prendre Les Loups Pour Des Chiens (Rivages/Noir 2017), ou Traverser La Nuit (Rivages/Noir 2021), pour n'en citer que quelques-uns, Hervé Le Corre s’interroge également sur notre devenir et signe son grand retour au gré d’une dystopie dont le titre, Qui Après Nous Vivrez, s'inspire du premier vers du célèbre poème La Ballade Des Pendus de François Villon, pour nous entraîner dans l'obscurantisme des reliquats d'un monde agonisant que l'on reconnaît comme étant le nôtre. 

     

    En 2051, dans une grande ville de France, Rebecca se terre dans son appartement en berçant sa fille Alice qui vient de naître. Depuis quelques jours, elle est sans nouvelle de son compagnon Martin alors que les émeutes font rage à l'extérieur. Il faut dire que les crises se succèdent à une cadences infernale avec son lot de pénuries et de pandémies sur fond d'effondrement inéluctable. Puis soudainement tout s'éteint et ce qui apparaissait comme une énième coupure d'électricité provisoire, devient un fait immuable. Le courant ne revient pas et l'inquiétude devient plus prégnante. 
    En 2121, les générations se sont succédé sur une terre dévastée et c'est désormais Nour et sa fille Clara qui doivent survivre en surmontant les tourments de la faim, des intempéries et de la violence en se lançant à la poursuite d'une bande de pillards qui ont attaqué leur campement. Accompagnées de Marceau et de son fils Léo, les deux femmes cheminent bon gré mal gré dans un environnement hostile en faisant face aux aléas d'un monde sans foi ni loi où l'espoir s'estompe dans l'obscurantisme d'une époque agonisante.

     

    Qui Après Nous Vivrez se décline autour de trois générations de femmes pour incarner cette dystopie en trois actes s'articulant autour du déclin, du chaos et de l'errance au gré d'une temporalité fragmentée de manière habile nous permettant de découvrir peu à peu la trajectoire de Rebecca et de sa fille Alice évoluant dans une ville en perdition, puis celle d'Alice désormais asservie au sein d'une communauté autocrate à laquelle elle tente d'échapper avec son enfant prénommée Nour, et pour finir celle de Nour et de la jeune Clara entamant un long et dangereux périple en compagnie de Marceau et de Léo, les deux figures masculines de cette galerie de personnages composée essentiellement de femmes. 

     

    En nous projetant ainsi d'une époque à l'autre, sur le fil d'une construction narrative complexe, Hervé Le Corre instille une tension latente qui prend davantage d'envergure au fur et à mesure de l’avancée d’un récit prenant l’allure d’une fresque post apocalyptique d’une puissance peu commune en s’inscrivant dans un réalisme sans fard ne faisant que renforcer la noirceur et le désespoir qui imprègne ce texte lumineux. C'est plus particulièrement dans l'environnement de Rebecca que l'on perçoit ce réalisme au gré de la perception de cette jeune mère faisant face au chaos qui, peu à peu, prend possession d'une ville ravagée par la pandémie alors que le système hospitalier s'effondre et que l'autorité policière se renforce pour réprimer, dans le sang, les émeutes qui se succèdent tandis que les zones de non-droit prolifèrent avec leur cortège de règlements de compte avant que la défaillance définitive du réseau électrique ne sonne le glas de cette société en décomposition qui nous coupe le souffle. Sans grandiloquence, sans forcer le trait, autour de la vision d'une femme ordinaire, on frémit d'effroi à la lecture de la description de cette ville sans nom qui se désagrège, parce que ce monde de 2052, qu'Hervé Le Corre dépeint avec une redoutable vraisemblance, ressemble furieusement, sur bien des aspects, à celui dans lequel nous évoluons actuellement.

     

    S'ensuit une cavalcade sans fin où les instants de répit ne sont que provisoires et de courte durée à l'instar de ce hameau où Rebecca et sa fille trouvent refuge ou de la Cecilia, cette communauté libertaire s'inspirant d'un concept développé au Brésil par des anarchistes italiens qui accueille Alice et sa fille Nour ou même de cette maison perdue, plantée au milieu d'une forêt morte, abritant Nour et ses compagnons d'infortune. Une succession d'espoirs menus, d'instants de clarté dans un monde obscur, bien vite balayés par la violence des pillages, des viols et des traques qui s'enchaînent en remettant en question l'existence de chacun.

     

    Mais la particularité de Qui Après Nous Vivrez réside dans l'attachement que l'auteur porte aux personnages qui traversent le récit et plus particulièrement dans ces portraits intergénérationnels de Rebecca, d'Alice et de Nour dont les traits de caractères évoluent en fonction des événements auxquels elles font face tout en révélant leurs failles, leurs craintes et même certains aspects de leurs parts d'ombre en s'éloignant ainsi radicalement de l'archétype de l'héroïne infaillible que l'on serait tenté de dépeindre au gré de ce contexte apocalyptique. Et puis de manière sous-jacente, au rythme de l'errance de ces trois  femmes accompagnées de leurs filles respectives, on devine ce questionnement lancinant quant à la transmission de valeurs dans un univers dévasté où il faut survivre tandis que l'avenir se conjugue au lendemain. Ainsi Qui Après Nous Vivrez s'inscrit dans la lignée de ces romans exceptionnels tels que Station Eleven d'Emily St. John Mandell ou que La Route de Cormac Mc Carthy, dont Hervé Le Corre glisse l'un de ses ouvrages dans les mains de Rebecca en rendant hommage à l'un des maîtres de la littérature dont il devient l'égal, ceci de manière indiscutable.

     

    Hervé Le Corre : Qui Après Nous Vivrez. Editions Rivages/Noir 2024.

    A lire en écoutant : Palabras Para Julia interprété par Ismael Serrano. Album : Todavía (Acústico en Directo). 2018 Sony Music Entertainment España, S.L.

     

  • MISE AU POINT 2024

    IMG_1291.pngDepuis quelques années, on ne compte plus les rentrées littéraires. Il y a tout d'abord celle de l'automne bien évidemment, débutant désormais à la fin du mois d'août, mais également celle du printemps pour combler les lecteurs estivaux et puis celle du mois de janvier qui n'est pas en reste avec une cohorte assez impressionnante d'ouvrages ornant soudainement les étals des librairies comme pour célébrer la nouvelle année qui s'annonce. Comme pour conjurer cette frénésie, il est de bon aloi de se retourner quelques instants sur les lectures de l’année passée, sans pour autant se livrer à un classement ou à un bilan comptable, sans doute pour dissimuler le fait, que contrairement à certains instagrammeurs, je ne parviens pas à aligner 150 ouvrages par an avec autant de chroniques qui en découlent. La démarche consiste uniquement à se remémorer des romans qui disparaissent bien trop vite du paysage littéraire pour prolonger leur existence de quelques instants.

     

    Capture d’écran 2024-01-05 à 16.09.40.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.10.29.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.11.11.pngCela devient presque un tradition que de débuter l’année avec les éditions Rivages qui ont inauguré un nouvelle collection Imaginaire avec Immobilité de l'iconique Brian Evenson qui nous entraine sur les routes apocalyptiques d’une terre dévastée tout en nous interrogeant sur des questions existentielles de notre devenir. Puis c’est DOA qui revient sur le devant de la scène avec Retiaire(s) (Série Noire) en nous confirmant tout le bien que l’on pensait  d’un auteur emblématique de la littérature noire. Et pour en savoir plus, il faut lire DOA, Rétablir Le Chaos chez Playlist Society déclinant au court d’un long entretien où cet auteur, cultivant une certaine discrétion, se livre au cours d’un long entretien conduit par Elise Lepine.

     

    Capture d’écran 2024-01-05 à 16.14.45.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.15.43.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.16.45.pngOn poursuit avec Nettoyage A Sec (Rue de Sèvres) une bande dessinée à la sois sombre et sublime de Joris Mertens et Harlem Shuffle (Albin Michel) de Colson Whitehead qui se lance dans une fresque du quartier emblématique de New-York qui connaîtra une suite que l’on attend impatiemment. Un peu moins convaincu par Le Vol Du Boomerang (Au Diable Vauvert), récit d’aventure se déroulant en Australie sur fond d’incendies dévastateurs et de Covid19.

     

    Capture d’écran 2024-01-05 à 16.20.34.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.21.33.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.23.24.pngSimone Buchholz revient avec Rue Mexico (Atalante/Fusion) nous entraînant, pour une troisième fois, dans le sillage de la détonante procureure Chastity Riley que l’on retrouve avec tout autant de plaisir. Puis survient une belle découverte avec Notre Dernière Part De Ciel (Rivages/Noir), un roman noir de Nicolàs Ferraro aux allures de western se déroulant dans les contrées reculées de l’Argentine avant de retrouver New-York et le quartier de Gravesend cher à William Boyle avec Eteindre La Lune (Gallmeister) nous entraînant dans une nouvelle histoire sombre sur fond de résilience et de vengeance.

     

    Capture d’écran 2024-01-05 à 16.25.49.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.26.38.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.27.14.pngOn change de registre avec Jacky Schwartmann toujours aussi grinçant et (im)pertinent avec Shit ! (Seuil/Cadre noir) en arpentant l’environnement chaotique d'une banlieue de Besançon sur fond de trafic de haschich assez détonant. Puis cap sur l'Inde pour retrouver le capitaine Sam Wyndham quI tente de se débarrasser de son addiction à l’opium dans Le Soleil Rouge De L’Assam (Liana Levi) d’Abir Mukherjee. Autour d’un récit dystopique assez impressionnant, Jean-Christophe Tixier nous invite à découvrir les habitants d’un village qui doivent désormais composer avec La Ligne (Albin Michel) qui sépare l’agglomération.

     

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    Grand retour d’Antoine Chainas avec Bois-Aux-Renards (Gallimard/La Noire) demeurant un romancier à part que l’on avait déjà tant apprécié avec L’empire Des Chimères (Série Noire 2018), un ouvrage devenu culte.

     

     

    Capture d’écran 2024-01-05 à 16.32.30.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.33.22.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.36.02.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.34.22.png

    Les auteurs suisses ne sont pas en reste, tout d’abord avec Luca Brunoni qui débarque aux éditions Finitude en évoquant le placement des enfants orphelins dans des fermes de montagne dont on découvre la tragédie avec Les Silences (Finitude), traduit du suisse italien par Joseph Incardona qui nous propose également une réédition de Lonely Betty (Finitude), un de ses premiers romans, illustré par Thomas Ott. Et si l’on reste en Suisse, toujours dans le récit graphique, on ne manquera pas de mettre en avant Berne, Nid D’Espions (Antipodes) d’Eric Burnand et de Mathias Berthod. Encore un Suisse, Joachim B. Schmidt, mais qui s’est établi en Islande pour nous raconter l’extraordinaire parcours de Kalmann publié dans la collection La Noire chez Gallimard. Même s’ils sont plus difficile d’accès au-delà des frontières de la Suisse romande, il faut lire impérativement La Saison Des Mouches (Bernard Campiche Editeur) de Daniel Abimi ainsi que Sans Raison (BSN Press/OKAMA) de Marie-Christine Horn. Roman brutal et déjanté se déroulant entre Berne et Genève en passant par le Jura, on appréciera également Une Balle Dans Le Bide (Cousu Mouche) de Gérald Brizon. Il y a également Nicolas Verdan qui revient avec un second opus des enquêtes d’Evangelos Moutozouris parcourant la route des Balkans dans La Récolte Des Enfants (Atalante/Fusion). 

    Capture d’écran 2024-01-05 à 16.37.38.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.39.30.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.38.20.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.40.24.png

     

     

    Capture d’écran 2024-01-05 à 16.49.05.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.49.43.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.51.26.pngFin de la panthèse helvétique pour se rendre au Portugal avec La Grande Pagode (Agullo) de Miguel Szymanski autour d'une seconde enquête financière menée tambour battant par le journaliste Marcelo Silva. Dennis Lehane signe son grand retour avec Le Silence (Gallmeister) qui confirme son immense talent d’auteur, même s’il avait pu nous décevoir avec quelques précédents ouvrages assez médiocres. Un Conte Parisien Violent (Atalante/Fusion) de Clément Milian figure parmi les bonnes surprises de l’année 2023 tout comme Ces Femmes-Là d’Ivy Pochada (Globe) et Pour Mourir, Le Monde (Agullo), extraordinaire récit d’aventure maritime de Yan Lespoux se déroulant au XVIIème siècle, sur fond de naufrages en nous entraînant du côté de Goa, de Bahia pour s’achever sur les plages sauvages du Médoc.

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    Capture d’écran 2024-01-05 à 16.55.55.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.56.50.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 16.57.20.pngEt puis il y a les valeurs sûres qui reviennent pour notre plus grand bonheur comme Marin Ledun avec Free Queens (Série Noire), Valério Varesi avec Ce N’Est Qu’Un Début Commissaire Soneri (Agullo) et l’excellent Proies (Rivages/Noir) d’Andrée A. Michaud. Un des événements de l’année c’est également le retour d’Emily St. John Mandel qui nous livre un extraordinaire récit de science-fiction intitulé La Mer De La Tranquillité (Rivages) ainsi que Laurent Petitmangin qui s’empare également du thème de l’anticipation avec Les Terres Animales (La Manufacture de Livres) sur fond de catastrophe nucléaire.

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    Capture d’écran 2024-01-05 à 17.02.01.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 17.05.49.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 17.07.35.pngParmi les belles découvertes de l’année, il y a également Au Bon Temps De Dieu (Joëlle Losfeld) de Sebastien Barry abordant avec beaucoup de délicatesse le thème difficile des abus sexuels au sein de l’église catholique à Dublin. Le film de Martin Scorcese Killers Of The Flower Moon a permis de donner une seconde vie à La Note Américaine (Globe) de David Grann et c’est tant mieux. Puis Pierre Pelot revient sur le devant de la scène avec Loin En Amont Du Ciel (Gallimard/La Noire) un western crépusculaire époustouflant.

     

     

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    Capture d’écran 2024-01-05 à 17.11.18.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 17.12.09.pngGrand retour également de Blacksad, série BD légendaire de Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido qui s’articule autour d’un diptyque flamboyant intitulé Alors, Tout Tombe (Dargaud). Un autre détective revient, c’est Philip Marlowe dont la nouvelle traduction de La Dame Dans Le Lac (Série Noire/Classique) de Nicolas Richard nous permet d’apprécier toute l’envergure de l’écriture  de Raymond Chandler. Belle retrouvaille également de Jurica Pavičić déclinant les affres de la guerre de l’ex-Yougoslavie dans Le Collectionneur De Serpents (Agullo), pour un recueil de nouvelles extrêmement marquantes. Et puis une dernière belle surprise avec Feux Dans La Plaine (Rouergue/Noir) d'Olivier Ciechelski, un primo-romancier très prometteur. 

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    On ne fait jamais assez le bilan des romans que l’on a pas eu le temps de lire et encore moins de chroniquer. Je regrette toujours de n’avoir pas lu les récits d’Alan Parks ainsi que ceux de Tim Dorsey qui nous a quitté cette année. 

    Capture d’écran 2024-01-05 à 17.31.12.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 17.31.30.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 17.31.42.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 17.32.02.png

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    Il en va de même pour Roxanne Bouchard que j’ai eu le plaisir de rencontrer lors du festival Le Quai du Polar. Je les ai lus et je sais donc de quoi je parle, je ne peux que vous recommander de lire l’ensemble des romans de Michèle Pedinielli qui mettent en scène le personnage extraordinaire de Ghjulia Boccanera à l’esprit libertaire. 

     

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    Capture d’écran 2024-01-05 à 17.37.51.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 17.39.01.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 17.39.44.pngCapture d’écran 2024-01-05 à 17.40.12.png

    Il faudra également que j’évoque les récits de Jake Adelstein, Tokyo Vice et Tokyo Détective ainsi que le magnifique Sambre d’Alice Géraud. Bref, on pourrait continuer comme ça indéfiniment, il y en a tant d’autres. 

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    Pour l’année 2024, je me réjouis de vous retrouver dans une certaine continuité en espérant tout de même rédiger davantage de retour de mes lectures que l’on retrouvera également sur la plateforme Instagram dont je découvre les fonctionnalités que tout récemment. Un univers assez déroutant qui retranscrit assez bien la frénésie du rythme des publications avec cette propension à décliner une quantité assez impressionnante d’ouvrages me laissant assez perplexe quant à mon propre rythme de lecture. A se demander si certains d’entre eux lisent tous les ouvrages qu’ils commentent dans des textes assez courts, puisqu’il va de soi que l’on privilégie l’image au détriment des mots ce qui est assez ironique lorsque l’on parle de livre. Quoiqu’il en soit, il y tout de même de très belles initiatives sur cette plateforme dont il est bon de s’inspirer sans pour autant délaisser ce bon vieux blog qui va encore perdurer quelques décennies en permettant de faire de belles rencontres que j’espère encore très nombreuses. Au plaisir de vous retrouver donc sur ces réseaux, mais également dans le monde réel et notamment au cours du festival des Quais du Polar à Lyon qui célèbre ses vingt ans.

     

    Bonnes lectures.

     

    A lire en écoutant : Des Hauts, Des Bas de Stephan Eicher. Album : Carcassonne. 1993 Barclay.

     

  • Nicolás Ferraro : Notre Dernière Part Du Ciel. L'avenir est ailleurs.

    Capture d’écran 2023-03-11 à 20.07.23.pngLa violence semble être une des caractéristiques de la littérature noire sud-américaine où elle explosait dans un roman comme Entre Hommes, livre culte de l'argentin Germán Maggiori, publié par la défunte Dernière Goutte/Fonds Noirs ou plus particulièrement dans le cours des récits brutaux du brésilien Edyr Augusto qui nous avait marqué notamment avec Pssica (Asphalte 2017).  Un roman tel que Puerto Apache (Asphalte 2015) de l'argentin Juan Marini s'illustrait dans le même registre. Oubliez l'aspect esthétique que l'on retrouve dans certains ouvrages mettant en scène des tueurs en série d'une inventivité grotesque. Chez ces romanciers, la violence n'a rien de gratuite ni de racoleur et se décline dans des scènes d'une âpreté saisissante et troublante en traduisant le malaise de pays ravagés par des crises économiques sans précédent et d'injustices sociales brutales. Heurtés par la férocité du texte, bon nombre de lecteurs porteront sur ce type de récits un regard distancé voire même parfois amusé comme pour se départir de l'embarras qu'ils suscitent. Premier roman traduit en français de Nicolás Ferraro, notamment coordinateur des littératures policières à la Bibliothèque nationale argentine et passionné de polars, Notre Dernière Part Du Ciel s'inscrit dans le même registre de violence outrancière qui assomme le lecteur par la virulence d'un texte d'une dureté époustouflante qui reflète parfaitement la violence sociale d'une région reculée de l'Argentine.

     

    Les règlements de compte sont légions dans le domaine du trafic de stupéfiants. Néanmoins, ils se déroulent assez rarement à bord d'un Cessna survolant l'Argentine, quelque part à la frontière avec le Brésil et le Paraguay. Après s'être écrasés dans cette région reculée, Keegan et Lucero doivent retrouver une partie de la cargaison, éparpillée dans les environs, s'ils ne veulent pas que l'opération tourne au fiasco avec toutes les conséquences qui en découleraient. Mais pour ces habitants miséreux, ces "pains" de cocaïne tombés du ciel constituent une manne inespérée qu'ils ne sont pas prêt de restituer à l'instar du vieux Reiser, un ancien gangster qui s'est fait oublier ou des frères Vargas, deux ouvrier agricoles, qui souhaitent se rendre à Buenos Aires afin de tourner le dos à un avenir incertain. Mais outre Keegan et Lucero, il faudra affronter Zupay, un tueur impitoyable au service du cartel, qui va mettre la région à feu et à sang pour récupérer la marchandise. Dans ce monde sans foi ni loi, la part du ciel reviendra au plus fort.

     

    Voici une belle trouvaille des éditions Rivages/Noir nous proposant avec Notre Dernière Part Du Ciel de découvrir l'écriture racée de Nicolás Ferraro déclinant, sur ce récit aux allures de western, le désarroi des habitants d'une région perdue de l'Argentine qui font valoir leurs droits à coups de confrontations brutales reflétant ainsi le caractère brut et impitoyable d'une galerie de personnages déjantés, souvent paumés, courant résolument vers leur propre perte. Avec un vieillard irascible et taciturne comme Reiser on pense à Clint Eastwood dans ses interprétations mutiques tandis qu'avec un individu comme Zupay on songe à Javier Bardem dans son iconique rôle de tueur à gage alors que l'ensemble des fusillades qui jalonnent ce texte nous rappelle les scènes dantesques des films de Peckinpah. Mais c'est plus particulièrement avec Emiliano et Javier Vargas que l'on prend la pleine mesure du côté inéluctable d'une destinée qui s'inscrit forcément dans la violence. En quelques phrases, Nicolás Ferraro dresse avec une acuité impitoyable, le contexte social dans lequel évolue ces deux frères en nous faisant parfaitement comprendre qu'il ne peut en aller autrement dans cet environnement sans règle, où la police corrompue côtoie les truands de la région. Avec l'énergie du désespoir qui imprègne l'ensemble des protagonistes, l'auteur construit donc une intrigue dantesque et époustouflante jalonnées de seconds couteaux miteux au charme indéniable qui font parfois basculer l'intrigue de manière abrupte avec le sentiment que nul n'est à l'abri d'une destinée funeste. Et puis, au milieu de toute cette virilité, il y a quelques portraits de femmes également dépouillées de toute forme d'espoir dans cette atmosphère délétère à l'instar d'Irina s'efforçant d'entrainer son compagnon du côté de la capital du pays en quête d'un avenir meilleur. Mais dans ce tourbillon de férocité, nulle place pour l'espérance au terme d'un récit redoutable et implacable qui vous coupe le souffle.

     

     

    Nicolás Ferraro : Notre Dernière Part Du Ciel (El Cielo Que Nos Queda). Editions Rivages/Noir 2023. Traduit de l'espagnol (Argentine) par Alexandra Carrasco et Georges Tyras.

    A lire en écoutant : Me Gusta de Charles Ans. Album : Sui Generis. 2018 Charles ANS.

  • James Sallis : Sarah Jane. Sur un air de blues.

    Capture d’écran 2021-12-27 à 18.46.05.pngOn ne les compte plus, ces auteurs emblématiques qui hantent la collection Rivages/Noir et parmi lesquels figure James Sallis dont on retrouve également quelques ouvrages mythiques chez Gallimard pour la Série Noire et La Noire où figure notamment l'ensemble de la série Lew Griffin, ancien détective privé et agent du recouvrement plutôt porté sur la boisson et qui balance son mal de vivre au gré de six volumes marquant les esprits. Tout aussi marquant, on saluera Drive, roman culte adapté au cinéma par Nicolas Winding Refn et qui contribuera à la renommée du romancier avec ce personnage charismatique du chauffeur taciturne interprété par Ryan Gosling. Auteur d'une biographie sur Chester Himes, James Sallis a également publié des recueils de nouvelles et de poèmes avec un style foisonnant d'ellipses que l'on retrouve dans ses derniers romans noirs à l'instar de Sarah Jane dont le récit se focalise autour de cette femme au caractère envoûtant qui décline sa vie chaotique au gré d'un parcours désenchanté, illustration de cette Amérique des marges et de ses rêves échoués. 

     

    Sarah Jane Pullman, tout le monde la surnomme "Mignonne", ce qui ne lui semble pas forcément approprié. Ayant vécu au sein d'une famille dysfonctionnelle avec un père vivant reclus dans une caravane et une mère quittant régulièrement le domicile conjugal sans crier gare, la jeune femme, au terme de l'adolescence, entame une vie d'errance en parcourant le pays en car, ceci au gré des jobs qui se présentent à elle jusqu'à s'engager dans l'armée après s'être écartée du droit chemin. C'est dans la petite ville de Farr qu'elle tente de se reconstruire en se liant avec Calvin Phillips, le shérif, qui l'engage au sein de son service. Mais lorsque celui-ci disparaît sans laisser de trace, le monde de Sarah Jane s'écroule à nouveau. Elle s'interroge sur le parcours de son mentor, vétéran, tout comme elle, et qui semble avoir dissimulé certains aspects de sa vie. Une enquête qui lui permettra peut-être de mettre en lumière la part d'ombre de sa propre existence.

     

    Bien souvent on évoque les textes des romanciers en faisant référence à une certaine musicalité, à un rythme, mais pour ce qui a trait à l'écriture de James Sallis, il faudrait la comparer aux peintres impressionnistes avec un récit imprégné de sensations, de fines allusions évanescentes et dont la structure narrative se construit par petites touches pour former un ensemble lumineux à l'image de Sarah Jane, personnage emblématique d'une Amérique en déshérence. Ce qui peut déconcerter le lecteur avec James Sallis, c'est l'absence de linéarité au gré d'une intrigue qui se focalise autour du parcours chaotique d'une femme qui se cherche à l'image d'ailleurs de tout son entourage et des rencontres qu'elle fait tout au long de son existence. Outre les difficultés qu'elle rencontre, on découvre les drames qui ont marqué Sarah Jane à l'instar des violences conjugales auxquelles elle a dû faire face ou à la mort qui l'a touchée de près lors de son engagement dans l'armée. L'autre partie du récit se concentre autour de la disparition du shérif Calvin Phillips, mentor de Sarah Jane qui semble, tout comme elle, avoir souffert des affres d'une guerre que James Sallis évoque par le prisme vagues allusions qui soulignent la désillusion et désarroi de ses protagonistes. Mais là aussi, James Sallis nous surprend avec une enquête qui se délite tandis que l'on découvre le quotidien de la police de la petite ville de Farr dont on distingue les contours au gré d'une intrigue qui prend la forme d'une main courante. En endossant ad intérim la fonction de son mentor en tant que shérif, Sarah Jane endosse des responsabilités qui semblent la dépasser en dépit de tous ses efforts. Doutes, incertitudes, c'est également l'occasion pour James Sallis de nous interpeller sur le sens de l'existence et de ses vicissitudes qui nous déstabilise.

     

    Dépourvu d'illusions ou d'une quelconque aura rédemptrice, Sarah Jane est un roman poignant qui vous serre le coeur à chaque instant au gré d'un portrait  chargé d'une force émotionnelle exceptionnelle qui ne manquera pas de vous ébranler. 

     

     

    James Sallis : Sarah Jane (Sarah Jane). Editions Rivages/Noir 2021. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Isabelle Maillet.

    A lire en écoutant : Go Walking Down There de Chris Isaak. Album : Forever Blue. 1995 Wicked Game and Primary Wave.

  • Hervé Le Corre : Traverser La Nuit. Dernier souffle.

    hervé le corre,éditions rivages,traverser la nuitEn guise de référence, lorsqu'il s'agit d'évoquer des auteur de romans noirs qui n'ont rien à envier aux grands romanciers de la littérature blanche, c'est le nom d'Hervé Le Corre qui me vient immédiatement à l'esprit, autant séduit par une écriture équilibrée que par l'intrigue soignée qui met en avant les fêlures tragiques d'hommes et de femmes irrémédiablement entraînés dans les méandres d'une noirceur s'articulant autour du fait divers qu'il soit contemporain ou historique. Pour le côté historique, on suivra un tueur en série sévissant durant la période trouble de la Commune avec L'Homme Aux Lèvres De Saphir suivit de Dans L'Ombre Du Brasier deux romans au souffle épique tout comme Après La Guerre se déroulant à Bordeaux à une drôle d'époque où collabos et résistants se côtoient sur fond d'une guerre d'Algérie qui résonne dans le lointain. Drames plus intimistes pour ce qui concerne la période contemporaine ce sera Du Sable Plein La Bouche, Dernier Retranchement, un terrible recueil de nouvelles noires ou Prendre Les Loups Pour Des Chiens se déroulant également dans la région de Bordeaux tout comme Traverser La Nuit, dernier roman publié par un auteur qui ne fait que confirmer son immense talent au gré d'une écriture nuancée d'où jaillit le destin de trois individus laminés par une douleur les enveloppant comme une seconde peau dont ils ne peuvent pas s'extraire. 

     

    Louise travaille comme aide à domicile en côtoyant des personnes âgées dont la vie bascule dans la détresse sociale et la solitude. Elle connaît bien ce désespoir latent, elle qui a dérivé dans les méandres de la drogue et de l'alcool après la mort accidentelle de ses parents. Mais depuis la naissance de son fils Sam, âgé de 8 ans, Louise s'accroche à la vie tant bien que mal en dépit de son ancien compagnon qui continue à la harceler en la brutalisant psychiquement et physiquement. C'est à la suite d'une nouvelle agression dont elle est victime qu'elle rencontre le commandant Jourdan qui dirige un groupe de la brigade criminelle à Bordeaux. Un lien, un espoir peut-être ? Mais Jourdan est un flic fatigué qui trimbale le souvenir des scènes de crime comme un fardeau qu'il ne peut plus supporter et qui l'éloigne de sa femme et de sa fille avec lesquelles il n'est plus en mesure de communiquer. Et puis il y a ce tueur de femmes qui sévit dans la région. Un homme qui ne se contrôle plus, qui assouvit ses pulsions pour ne pas tuer une mère qu'il aime et qu'il déteste tout à la fois. Trois destinées chaotiques s'entremêlant dans la dérive du quotidien où chacun tente de traverser la nuit qui lui est propre.

     

    Il y a tout d'abord cette pluie omniprésente inondant cette région de Bordeaux qu'Hervé Le Corre évoque par petites touches subtiles afin de donner corps à une atmosphère plombée par la noirceur de trois personnages à la dérive dont on perçoit cette analogie à la nuit qu'ils doivent traverser. On découvre ensuite cette actualité du pays, voire même du monde, qu'Hervé Le Corre distille également par petites touches tout au long de l'intrigue en soulignant ainsi la déliquescence d'une société en décomposition qui ne fait que renforcer cette noirceur omniprésente qui imprègne le récit à l'image de ces manifestations de gilets jaunes (qu'il ne nomme jamais) et de ces flics de la BAC se réjouissant déjà de la confrontation à venir au grand dam de Jourdan, personnage central du roman. Commandant dirigeant un groupe de la brigade criminelle, Jourdan est un policier usé par le métier dont il ne perçoit plus le sens et qui l'éloigne ainsi de ses proches avec qui il n'est plus en mesure de communiquer, mais également de ses collègues avec lesquels il se confie de moins en moins en faisant cavalier seul ou en prenant des initiatives qui le mettent en danger à l'instar de ce forcené qu'il déloge seul de la maison dans lequel il a trouvé refuge. Loin de jouer avec les clichés d'un tel personnage que l'on a rencontré dans bon nombre de récits, Hervé Le Corre met à jour, avec un naturalisme éprouvant, le quotidien morbide d'un flic de la criminelle perdant peu peu tous ses repères et qui trouve une lueur d'espoir presque improbable dans le regard de Louise, cette femme battue qui survit pour l'amour de son fils qu'elle chérit plus que tout. Là aussi, Hervé Le Corre décline un quotidien oppressant avec l'entourage professionnelle de cette femme officiant comme aide-ménagère auprès de personnes âgées dont l'état de santé se dégrade peu à peu en mettant en exergue le caractère inexorable de ce déclin. A tout cela s'ajoute le destin de Christian, tueur en série, qui poignarde sauvagement prostituées ou rencontres d'un soir et dont on découvre les rapports ambigus avec une mère, sèche et dure, au comportement à la fois ambigu et castrateur. Bien éloigné également des clichés que l'on a pu rencontrer dans les thrillers, Hervé Le Corre souligne le caractère sordide de ce parcours destructeur qui nous fait frémir. 

     

    Trois destins, trois solitudes, Traverser La Nuit se construit ainsi autour de ces trajectoires disparates dont l'enjeu réside dans la rencontre ou plutôt la collision entre ces individus ayant perdu leurs repères au coeur de cette nuit qui semble les engloutir inexorablement. Un roman dur et prenant où la lueur d'espoir se dilue dans les larmes et la pluie qui emportent tout.

     

     

    Hervé Le Corre : Traverser La Nuit. Editions Rivages/Noir 2021.

    A lire en écoutant : Noir De Monde de Bashung. Album : L'Imprudence. 2002 Barclay.