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Grande-Bretagne - Page 3

  • Simon Lewis : Trafic Sordide, le mirage de la Montagne d’Or.

    simon lewis,trafic sordide,chine,immigration,clandestinsBien souvent dans le polar, l’auteur envoie son héro dans un pays étranger afin de pimenter l’intrigue avec une pointe d’exotisme ce qui donne au récit un charme particuler. Avec Trafic Sordide, Simon Lewis a inversé la donne en nous livrant le point de vue d’un flic chinois contraint de mener son enquête en Angleterre. C’est l’un des atouts majeur du livre et tout le talent de cet écrivain qui l’air de rien nous expose le choc des cultures entre l’orient et l’occident au travers du prisme d’un policier chinois.

     

    Un inspecteur déboussolé qui débarque dans un pays dont il ne connaît ni la culture et encore moins la langue. C’est la situation dans laquelle se trouve Jian lorsqu’il attérit en Angleterre à la recherche de sa fille disparue. L’homme toujours prompt à l’action n’a pas pris le temps de demander une entraide judiciaire et sa démarche n’a donc rien d’officiel. Débrouillard, vif d’espris Jian parviendra à dérouler quelques échevaux mais se retrouvera rapidement confronté à la difficulté de la barrière de la langue. Pour surmonter l’obstacle, Jian trouvera de l’aide auprès d’une personne aux antipodes de son statut social. Ding Ming a également débarqué en Angleterre, mais par un chemin sensiblement différent puisqu’en tant qu’immigré clandestin il a fait le voyage avec son épouse à bord d’un container comme bon nombre de ses camarades. Le couple a eu la chance de ne pas succomber à l’asphyxie, mais se retrouve séparé à l’arrivée. Ding Ming est désormais préposé au ramassage des coquillages, dans un bled paumé de la campagne anglaise. Inquiet, il ne peut s’empêcher de vouloir retrouver sa femme. Il croisera donc le chemin de l’inspecteur Jian. Mais le jeune immigré a un avantage sur le policier : il possède de solide base en Anglais. L’alliance improbable de ces deux personnages va-t-elle leur permettre de surmonter les difficultés d’un monde qu’ils ne connaissent pas afin de retrouver leurs proches respectifs, quoiqu’il en coûte ?

     

    En toile de fond de ce récit prenant, il y a le trafic odieux d’êtres humains que l’on charrie comme du bétail et à qui l’on fait payer le prix fort. Des membres de réseaux mafieux sant état d’âme qui abusent de la naïveté et de la vulnérabilité de leurs proies pour fournir une main-d’œuvre à bas prix. Malgré la gravité du sujet, on ne peut s’empêcher parfois de sourire devant les situations cocasses dans lesquelles se retrouvent les deux personnages dans un environnement qui leur est complètement étranger. L’auteur parvient donc, avec un style dépouillé, à nous entraîner au cœur d’une histoire prenante, bourrée de rebondissements assez surprenants. Le survol de certains aspects de l’histoire ainsi qu’un manque de relief de certains personnages (particulièrement en ce qui concerne les trafiquants) font que le recit ne restera probablement pas dans toutes les mémoires, mais il permettra au lecteur de se faire une idée de la vie tragique de ces hommes et ces femmes de l’ombre qui s’obstinent à croire au miracle de la Montagne Dorée.

     

    Simon Lewis a séjourné à plusieurs reprises en Chine et maîtrise d’ailleurs la langue de ce pays. Il a également rédigé un guide de voyage intitulé Rough Guide to China, Beijing and Shangaï. Peut-être lui faudra-t-il posséder tous les codes du polar afin de s’en démarquer pour nous livrer un récit plus incisif et plus corsé. Néanmoins Trafic Sordide demeure un excellent polar qu’il ne faut pas manquer de lire.

     

    Simon Lewis : Trafic Sordide. Editions Babel Noir 2011. Traduit de l’anglais par Pierre Girard.

     

    A lire en écoutant : The Shangaï Restauration Project. Introduction (1936). 2006 Undercover Culture Music.

     

  • JOHN HARVEY : PROIE FACILE. LE SILENCE DES VICTIMES.

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    « Proie Facile » de John Harvey est un ouvrage qui a été écrit en 1996 et qui est paru en 2001 aux éditions Rivages/Noir.  L'un des sujets qu'il traite reste malheureusement d'actualité puisque les intervenants des divers reportages consacrés à la journée contre l'homophobie qui a eu lieu le 15 mai dernier, dressent toujours le même constat de silence.

     

    Il s'agit de la 8ème enquête de l'inspecteur Charlie Resnick qui doit résoudre une affaire de viols brutaux dont les victimes sont tous des hommes. Et puis il y a cette famille monoparentale composée de trois enfants qui tournent mal et dont l'un d'entre eux sera trouvé pendu dans un foyer pour jeunes délinquants ainsi que le meurtre sordide d'un policier qui mettront toute l'équipe de Resnick sur les dents.

     

    Une intrigue qui prend son temps, qui s'installe par petites touches implacables menant les divers protagonistes vers un destin qu'ils ne peuvent maîtriser. Amateur de coups d'éclats, d'actions percutantes et de violence éclaboussant chaque page, passez votre chemin car avec John Harvey, tout se passe de manière subtile et insidieuse, un peu comme ses nappes de brouillard caressant les rues de Nottingham ville reflet de la société britannique où travaille Resnick et son équipe d'enquêteurs. L'histoire n'en demeure pas moins prenante car on aime ce policier d'origine polonaise, assez solitaire, entouré de chats portant les noms des grands compositeurs de jazz dont il est amateur et qui façonne des sandwichs aussi élaborés que sa personnalité. Le réalisme de tous les récits de John Harvey réside dans le fait qu'il n'y a pas ce stéréotype de l'enquêteur solitaire. Charlie Resnick est entouré d'une équipe composée de plusieurs policiers dont Lynn Kellogs, Mark Divine et bien d'autres, auxquels l'auteur donne une réelle profondeur qui les rend encore plus attachants. Avec « Proie Facile » John Harvey aborde le sujet délicat de l'homosexualité au sein des forces de police et de tous les clichés homophobes qui en découlent et qui se cristallisent avec cette série d'agressions et de viols dont sont victimes des hommes cherchant des rencontres dans les toilettes des parcs publiques. La honte des victimes, le manque d'empathie des policiers font que l'enquête n'en est que plus ardue et cette spirale du silence et de l'indifférence ne profite qu'aux auteurs de ces agressions homophobes.  On découvre également les affres d'une jeunesse livrée à elle-même qui sombre dans la violence en devenant des bourreaux pathétiques dépourvus de tout repère. L'auteur en décrit la sombre trajectoire avec Norma cette mère célibataire dont la jeunesse brisée éclabousse désormais la vie de ses trois enfants adolescents.

     

    « Proie Facile » était un des livres sélectionnés pour sensibiliser les aspirants policiers genevois sur la problématique de l'homophobie, dans le cadre d'un cours où ils devaient présenter un ouvrage traitant d'une des nombreuses discriminations auxquels ils seraient amenés à faire face. Car c'est par la formation et la sensibilisation que la police pourra réduire le chiffre noire tragique de ces infractions. Les agressions homophobes, les violences domestiques, l'inceste et la pédophilie ont en commun le silence assourdissant des victimes. Ouverture et tolérance, c'est par exemple avec une campagne d'affichage que la police à Bruxelles s'est positionnée pour inciter les victimes à sortir de leur mutisme. Une solution parmi d'autres qui a le mérite d'exister.

     

    « Proie Facile » est le roman préféré de John Harvey. On ne peut que lui donner raison car la construction des intrigues qui s'entrecroisent pour fournir des rebondissements assez inattendus en fait une des histoires les plus abouties de la série Resnick. Après des années d'absence Charlie Resnick est de retour avec « Cold in Hand » paru aux éditions Rivage/Thriller que je me ferai une joie de commenter un de ces jours prochains.

     

     

    A lire en écoutant : Off Minor - Thelonious Monk with John Coltrane.

     

    John Harvey : Proie Facile. Edition Rivages/Noir 2001. Traduit de l'anglais par Jean-Paul Gratias.