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Auteurs B - Page 4

  • FRANCK BOUYSSE : PLATEAU. « A L’ENCYCLOPEDIE, LES MOTS ! »

    Capture d’écran 2016-02-07 à 15.33.12.pngRural Noir (titre emprunté à un roman à paraître de Benoit Minville), c’est ainsi que l’on pourrait nommer ce nouveau courant littéraire francophone qui alimente le roman noir. Après un succès comme Grossir le Ciel de Franck Bouysse qui en est devenu l’un des grands représentants, on attendait avec un certaine impatience son nouveau roman, Plateau qui nous entraîne à nouveau dans l’univers tragique de ce monde rural à l’agonie.

     

    Sur le plateau de Millevaches, il y a un hameau perdu où vivent Judith et Virgile. Le couple vieillissant a élevé leur neveu Georges qui habite désormais dans une caravane jouxtant la maison de ses parents morts dans un accident de voiture alors qu’il avait à peine cinq ans. Il y a aussi Karl, un ancien boxeur illuminé et tiraillé entre son passé violent et sa foi fanatique, presque délirante pour un Dieu qu’il invoque à grands coups de poing sur un sac de frappe. Dans cet univers d’oubli et de solitude, il y a la jeune Cory qui débarque en bousculant le fragile équilibre de ce petit monde. Malgré les silences et les non-dits, les secrets vont refaire surface d’autant plus que sur le plateau de Millevaches il y a désormais un mystérieux chasseur qui rôde et qui attend son heure pour solder les comptes.

     

    Encensé par la critique et les lecteurs, souvent comparé à Georges Bernanos pour l’amour du monde rural qu’il transcrit dans un langage opulent, Franck Bouysse semble avoir pris le pari de nous étourdir avec un texte où les mots, les phrases deviennent une espèce d’écume étincelante et assourdissante qui dessert un roman à l’intrigue alambiquée. Oui, Franck Bouysse maîtrise la langue en distillant, au fil des pages, des mots que l’on retrouveraient d’avantage dans les mots croisés que dans un roman censé mettre en scène un lieu sauvage et aride, peuplé des personnages plutôt rudes. Parce qu’il était mesuré, c’est un paradoxe qui fonctionnait avec Grossir le Ciel mais qui n’atteint pas du tout son objectif avec Plateau, ouvrage truffé d’une trop grande multitude de métaphores parfois totalement absconses. Il faut tout de même souligner que le procédé fonctionne lorsque l’auteur l’emploie pour l’introspection de ses personnages. C’est d’ailleurs dans ces passages que l’on retrouve tout le talent de Franck Bouysse. Ce talent on peut également le déceler dans la force et la pertinence des dialogues qui agrémentent tout le roman. On appréciera notamment les échanges entre Virgile et Karl mettant en scène le côté terrien du premier contrastant avec la part mystique du second.

     

    Avec Plateau, Franck Bouysse dresse de très beaux portraits à l’instar de Judith, personnage émouvant perdant peu à peu la mémoire et sombrant doucement dans la folie. La lutte contre la maladie, les derniers sursauts de lucidité et l’abîme de l’oubli marqueront les esprits. Les autres protagonistes sont du même acabit, mais c’est au niveau de leur âge respectif que cela ne fonctionne pas car en installant une partie de l’intrigue dans le contexte de la seconde guerre mondiale, les acteurs du roman deviennent singulièrement trop vieux au regard de l’énergie qu’ils dégagent. C’est particulièrement frappant pour Virgile, qui au vu de ses activités ne semble pas affecté par son handicap au niveau des yeux et son âge que l’on peut estimer proche des 80 ans. C’est également le cas pour Karl dont la force, l’énergie et la violence ne collent pas vraiment avec ses soixante ans. On peine également à croire à la relation qui s’installe bien trop rapidement entre Georges et Cory alors que celle-ci vient de fuir les affres de violences conjugales dont elle a été victime durant de très nombreuses années.

     

    Outre ces détails sur lesquels bon nombre de lecteurs vont passer, c’est au niveau de la multiplication des intrigues parallèles, dont certaines ne sont pas suffisamment développées, que l’on peine à suivre le fil du roman avec un final assez cinglant qui se base essentiellement sur des circonstances bien trop hasardeuses pour être suffisamment réaliste. Il n’empêche que les confrontations sont plutôt réussies et saisissantes. Mais c’est surtout au niveau de l’épilogue que l’on appréciera toute l’ambivalence d’un des personnages qui fait basculer tout le récit dans une perspective tout à fait inattendue. C’est probablement grâce à cette note finale, trait de génie de l’auteur, que Plateau parviendra à faire frissonner bon nombre de lecteurs en quête d’une histoire sortant de l’ordinaire.

     

    Trop de mots, trop d’intrigues, parfois clinquant, Plateau séduira un lectorat en quête d’excès. Mais au-delà de l’intrigue un peu trop tarabiscotée et débarrassé de ses fioritures, le roman dégage des fulgurances propres à un auteur talentueux qui doit maîtriser une certaine tendance à la démesure.

     

    Franck Bouysse : Plateau. La Manufacture de Livre/Territori 2015.

    A lire en écoutant : Tableau de Chasse de Claire Diterzi. Album : Tableau de Chasse. Naïve 2008.

  • NURY/BRÜNO : ANGOLA. DANS LA CAGE A SUEE.

    Capture d’écran 2015-09-14 à 23.04.28.pngAngola c’est un nom aux consonances inquiétantes qui désigne la prison d’état de la Louisiane et qui demeure l’un des établissements les plus emblématiques de l’univers carcéral tout comme les sinistres pénitenciers d’Alcatraz ou de Sing Sing. Ancienne plantation de canne à sucre, située au bord du Mississipi elle est rapidement devenue une ferme pénitentiaire qui continue aujourd’hui encore à accueillir des prisonniers condamnés aux travaux forcés. C’est dans ce cadre hors du commun que l’on retrouve Tyler Cross personnage désormais culte du 9ème art  qui s’impose avec deux albums seulement, comme l’une des nouvelles  grandes séries de la bande dessinée.

     

    C’est à l’isolement, plus communément appelé cage à suée, que Tyler Cross prend la peine de revenir sur le braquage foireux qui l’a conduit à purger une peine de 20 ans à la ferme pénitentiaire d’Angola. Il a eu plus de chance que son complice Neville descendu par les flics. Mais c’est à la belle et sulfureuse  Iris qu’il pense alors qu’elle s’est enfuie sans l’attendre avec le butin qu’elle doit remettre au bijoutier aussi foireux qu’endetté qui a organisé le braquage. S’échapper d’une prison où toutes les tentatives d’évasions ont échouées c’est aussi à cela que songe Tyler Cross afin de récupérer le butin. Mais avant toute chose il devra s’employer à déjouer les combines du gros Carmine, mafieux obèse qui a mis un contrat sur sa tête. Angola c’est loin d’être un camps de vacances et Tyler Cross n’a pas l’intention de s’y attarder plus que de raison.

     

    Dans ce second opus des aventures de Tyler Cross, Nury et Brüno puisent, avec une véritable jubilation, dans le vivier de références lié au monde pénitentiaire. Luke la Main Froide, Brubacker et Les Evadés, ce sont quelques un des films auxquels on pense lorsque l’on s’immerge dans ce magnifique second album qui rend également un hommage appuyé à l’univers de James Lee Burke. Le scénario est solide et n’évite aucun cliché, bien au contraire. C’est ce qui fait le charme de cette bande dessinée où l’on retrouve avec un certain plaisir tous les archétypes des intrigues carcérales à l’exemple du gardien chef sadique et de sa femme frivole, des rivalités sanglantes entre détenus, des sévices infligés aux détenus et bien évidemment de l’évasion dans les bayous qui reste l’un des plus beaux passages au niveau graphique. Il faut avouer que l’on est complètement séduit par le dessin de Brüno et le découpage de scènes extrêmement bien élaborées qui mettent en exergue des actions saisissantes. Le succès de la série réside dans cette alliance du trait « naïf » de Brüno conjuguée à la violence crue de l’histoire élaborée par Nury avec une mise en couleur tout simplement somptueuse.

     

    Avec Angola, c’est également de manière très subtile que Nury met en lumière tout le système de « management » d’une prison avec une déclinaison comptable qui fait froid dans le dos. On découvre ainsi tout un système d’exploitation des prisonniers, de corruptions et de détournements en tout genre au profit de la mafia locale de la Nouvelle-Orléans.

     

    En deux épisodes Tyler Cross, personnage amoral par excellence, devient l’une des séries les plus emblématiques de la BD faisant honneur à l’univers du polar et du roman noir.  

     

    Tyler Cross – Angola. Dessin Brüno /Scénario Fabien Nury / Couleurs Laurence Croix. Editions Dargaud 2015. 

    A lire en écoutant : Cross Road Blues de Robert Johnson. Album : Robert Johnson The Complete Recordings. Sony Music Entertainment 1990.

  • Franck Bouysse : Grossir le Ciel. Le silence de la terre.

    franck bouysse, grossir le ciel, la manufacture de livres, raymond depardonC’est le terroir ou la région qui imprègne parfois les pages des romans noirs d’une force peu commune où la puissance du langage immerge le lecteur dans des atmosphères aux teintes poétiques et inquiétantes.  En France, peut-être plus qu’ailleurs où la culture de la terre reste encore une des valeurs emblématiques du pays il y a toute une série d’auteurs qui abordent l’aspect rural de ces contrées pour nous offrir des ouvrages d’une rare intensité où l’émotion côtoie la tension de personnages en ruptures. Dans ce courant littéraire que l’on pourrait qualifier de rural writing, vous découvrirez Pascal Dessaint, Séverine Chevalier pour n’en citer que quelques un. Et puis il faut désormais compter sur Franck Bouysse qui nous livre un splendide roman intitulé Grossir le Ciel.

     

    Les Doges, c’est un lieu-dit rugueux et enneigé, fait de silences où quelques hommes solitaires partagent une rude existence au coeur de cette région reculée des Cévennes. Les Doges ce sont Abel et Gus, deux paysans taciturnes qui croisent la destinée de leurs exploitations au rythme de la terre et du bétail qui cimentent cette amitié bancale. Dans ce décor hivernal, il y a des coups de feu qui résonnent et qui effraient les grives, des traces de pieds nus et du sang dans la neige. Parce que Les Doges, ce sont aussi des secrets enfouis, des regrets que l’on tait et des paroles que l’on ne sait pas offrir. Remué on ne sait trop pourquoi par le décès de l’Abbé Pierre, Gus, accompagné de son fidèle chien Mars, va peut-être bien finir par découvrir ce qui se trame du côté de la ferme d’Abel.

     

    franck bouysse,grossir le ciel,la manufacture de livres,raymond depardonAvec Grossir le Ciel, Franck Bouysse restitue l’ambiance moribonde de ce monde terrien en déshérence que Raymond Depardon capta si bien tout au long de sa trilogie de Profils Paysans. D’ailleurs l’auteur rend un hommage appuyé au photographe documentariste qui semble avoir photographié la mémé de Gus. Frank Bouysse nous livre un texte évocateur d’une sobre puissance, tout en retenue à l’image de ces forçats de la terre qui hantent ces paysages silencieux des Cévennes. Dans ce monde en voie de disparition où la relève brille par son absence, il y a cette mort lente et silencieuse, presque sous-jacente qui ponctue les pensées de ces protagonistes vieillissants qui ne savent plus que faire de cette terre si précieuse que les anciens leur ont confiés. Au détour de chacune des  pages, on peut percevoir l’odeur forte du bétail, de l’humus et du fourrage, le parfum glacé de la neige et les effluves acides de la peur et des regrets. Gus et Abel sont des hommes en fin de course, broyés par le rythme inusable des saisons qui s’enchaînent. Mais outre le fait de dépeindre un univers avec une belle justesse, Franck Bouysse, installe au fil du récit une tension qui s’accentue de pages en pages sans que l’on ne puisse deviner où tout cela va nous mener. Un final onirique plonge définitivement le lecteur dans ces paysages de neige et de roches parsemés de forêts tout aussi silencieuses que les protagonistes qui parcourent l’histoire.

     

    Outre le contenu, on appréciera le soin qu'a apporté la maison d'édition pour illustrer la maquette du livre avec cette photo qui sublime l'atmosphère désuète de ce monde rural à l'agonie.

     

    Dans ce roman terrien, Grossir le Ciel c’est un titre évocateur qui trouvera toute sa signification dans les dernières lignes d’un texte puissant et poignant tout à la fois que vous n’oublierez pas de sitôt. Franck Bouysse : retenez bien ce nom !

     

    (Photo : Raymond Depardon : Paul Argaud, le paysan regardant la retransmission de la cérémonie d'enterrement de l'Abbé Pierre)

     

    Franck Bouysse : Grossir le Ciel. Editions la Manufacture de Livres 2014.

    A lire en écoutant : Into My Arms : Nick Cave & The Bad Seeds – Album : Best of. Mute Records 1998.

     

  • Mary Anna Barbey : Swiss Trafic. Les gentianes de Rilke.

    Capture d’écran 2014-08-31 à 22.39.35.pngLa journaliste ou romancière qui met à jour les pires turpitudes en supplantant les services de police à l’image d’une Erica Falck a fait des ravages dans les rayonnages des librairies à un point tel que cela en devient indigeste. Lorsque je découvre ce type de personnage en résumé sur les quatrièmes de couverture, je ne peux m’empêcher de frisonner en adoptant une attitude des plus méfiantes. Si, comme moi, vous avez ce type d’a priori, il faudra vous en défaire pour découvrir l’excellent roman de Mary Anna Barbey intitulé Swiss Trafic.

     

    En découvrant un cadavre dans la piscine de l’hôtel d’une station thermale des Alpes où elle séjourne, Delphine pensait avoit encaissé sa dose d’émotions fortes. Pourtant c’est en reprenant son travail de responsable de la rubrique du courrier du cœur d’un grand magazine national qu’elle va débuter une mystérieuse correspondance avec l’auteur d’une lettre anonyme qui lui lance un appel au secours codé dénonçant les auteurs d’un odieux trafic d’être humain. Les menaces, intimidations et cadavres vont jalonner les investigations de cette journalite atypique.

     

    Avec Swiss Trafic, Mary Anna Barbey nous entraîne au cœur de la problématique des réfugiés en Suisse et particulièrement sur la condition tragique des femmes qui subissent les pires outrages afin d’alimenter les « clubs » et « dancing » que l’on retrouve dans les grandes villes du pays mais également dans des localités plus modestes. Même si le destin de ses personnages est poignant, l’auteur ne verse pas dans le pathos et se contente de rester dans le sillage du réalisme en expliquant avec une très grande maîtrise les mécanismes qui poussent ces femmes à entrer dans la clandestinité, devenant ainsi encore plus vulnérables.

     

    En mettant beaucoup d’elle-même dans le portrait de Delphine, Mary Anna Barbey est parvenue à créer un personnage extrèmement attachant et intéressant qui nous amuse parfois avec son petit côté décalé. On apprécie le côté frondeur de cette femme qui reste pourtant très fragile et très sensible en amenant au travers de ses introspections une épaisseur d’âme qui tranche avec les héroïnes formatées que l’on trouve dans la plupart des romans policiers. Vaudoise, née aux Etats-Unis, Delphine est une quinquagénaire, veuve qui, par le biais de la rubrique du courrier du cœur s’intéresse particulièrement au domaine de la santé sexuelle tout comme son auteure.

     

    L’autre intérêt du roman, réside dans l’atmosphère parfois sombre d’une Suisse qui sort de l’ordinaire et qui n’est pas sans rappeler l’œuvre fameuse de Mary Shelley, particulièrement lorsque son héroïne se rend à Rarogne pour découvrir la tombe du célèbre poète autrichien Rainer Maria Rilke. Ce sont ces instants délicieux qui donnent une belle tonalité à ce roman qui sort des sentiers battus. Il faut l’avouer, les scènes se déroulant dans le canton du Valais sont vraiment très réussies.

     

    Hitchcock l’avait dit : « Meilleur est le méchant, meilleur est le film » et il faut admettre que c’est peut-être le point faible du roman avec cet homme d’extrême-droite qui manque d’envergure et qui arrive un peu trop tardivement dans le fil de l’intrigue pour pouvoir être développé de manière correcte. Un peu trop manichéen, le personnage manque de substance au regard des autres protagonistes du roman.

     

    De très beaux portraits de femmes, une intrigue bien maîtrisée pleine de suspense, avec Swiss Trafic, Mary Anna Barbey va vous entraîner dans la sombre enquête d’une lumineuse et pétillante Delphine que l’on espère retrouver très prochaînement dans de nouvelles aventures qui nous permettront de découvrir les aspects peu reluisants d’une Suisse des plus surprenante.

     

    Mary Anna Barber : Swiss Trafic. Editions des Furieux Sauvages 2013.

    A lire en écoutant : Guggisberglied interprété par Stefan Eicher. Album : My Place. Barclay 1989.

     

     

  • Shannon Burke : 911. Ambulanciers, pompiers et policiers : des fonctionnaires comme les autres.

    Capture d’écran 2014-07-15 à 19.31.24.pngJe me souviens de certaines histoires que l’on se racontait entre flics à la fin du service, des réquisitions tellement étranges que l’on se disait parfois que si l’envie nous prenait de les relater dans un récit, personne ne nous croirait. C’est exactement ce que l’on peut penser en lisant 911 de Shannon Burke qui conte le quotidien hallucinatoire d’une équipe d’ambulancier à Harlem au début des années 90. Mais que l’on ne s’y trompe pas, bien qu’il s’agisse d’un roman, 911 est bien basé sur le vécu de son auteur qui a été ambulancier à New-York. C’est d’ailleurs dans le prologue que l’on découvre le thème principal développé par l’auteur à savoir cette déshumanisation des protagonistes face à ce chapelet d’horreur auxquels ils doivent quotidiennement faire face et qui les éloigne petit à petit du monde réel qui les entoure et dans lequel ils ne se reconnaissent plus.

     

    A la suite de son échec à l’examen d’entrée en fac de médecine à New-York, Ollie Cross décide d’intégrer l’unité des ambulanciers de la station 18 à Harlem afin de parfaire ses connaissances médicales. Mais bien rapidement, la jeune recrue va se retrouver au cœur d’un univers de folie où les overdoses, scènes de crimes et lésions par balle se succèdent composant ainsi un quotidien infernal que partagent ses mentors. Ceux-ci luttent du mieux qu’ils le peuvent afin de ne pas sombrer dans un désespoir latent en adoptant les attitudes les plus triviales qui ne feront que déconcerter encore d’avantage le jeune Ollie qui aura bien du mal à faire face aux conséquences d’une tragédie qu’il devra pourtant surmonter du mieux qu’il le peut. Mais dans cet environnement désenchanté existe-t-il seulement le moindre espoir de rédemption ?

     

    Comme une espèce de main courante, le roman se décline en une succession d’interventions plus sordides les unes que les autres tout en découvrant le parcours du jeune Ollie qui débute dans le métier d’ambulancier. Il doit tout d’abord intégrer une équipe en surmontant les railleries teintées de bizutage de ses collègues qui lui en font voir de toutes les couleurs. Ce n’est qu’après ce passage obligé qu’Ollie fera son chemin en accompagnant son mentor,  le taciturne Rutkovsky, vétéran de la guerre du Viet-Nam qui au travers même de ses failles, incarne la figure du père spirituel tout comme Lafontaine, personnage odieux et raciste et Verdis, l’homme le plus altruiste de l’équipe. C’est auprès de ces trois hommes aux caractères quelque peu manichéens qu’Ollie trouvera sa place au sein de l’équipe.

     

    On appréciera la qualité d’écriture de Shannon Burke qui nous décrit les scènes les plus atroces dans un style nerveux et efficace sans pour autant verser dans une espèce de dérive morbide outrancière à l’instar du film de Scorcese, A Tombeau Ouvert, auquel le roman est souvent comparé. L’intérêt de l’intrigue se concentre principalement sur ces personnages qui perdent pied au fur et à mesure des tragédies qui se succèdent à un rythme insoutenable. Mais voilà l’être humain s’habitue à tout en mettant en place des mécanismes de défense  comme cette indifférence insupportable que personne d’autre ne peut comprendre. Mais face à cette succession de morts, de vies brisées que peut-on faire d’autre ? C’est peut-être par le biais de ces petits textes en insert qui jalonnent tout le récit que l’on trouvera la réponse ou plutôt l’absence de réponse où une certaine résignation semble être de mise. Ces petits textes qui mettent en lumière les différentes phases de l’histoire donnent une résonnance tout autre au roman en habillant les scènes dantesques d’un certain réalisme.

     

    L’une d’entre elle est particulièrement significative pour tous les métiers d’urgence de rue comme les pompiers, ambulanciers ou policiers.

     

    « Il y a deux périodes de crise dans la carrière d’un ambulancier. La deuxième est graduelle, avec une période de gestation de dix à quinze ans. C’est le corps et l’esprit qui s’épuisent, qui vous font comprendre qu’ils en ont assez. Il existe peut-être des moyens de retarder cette espèce d’érosion – La médiation, de longues vacances, des passe-temps, une vie de famille épanouie – mais selon mon expérience, que ce soit au bout de dix ou vingt ans, cette deuxième crise finit toujours par arriver, et la seule chose intelligente à faire, c’est d’écouter son corps, et de se retirer. L’autre crise, la première, celle que, pour la plupart, vous affronterez très bientôt, est plus abrupte et, par certains aspects, plus dangereuse. Elles surviennent toujours au cours de la première année sans prévenir, et habituellement à la suite d’une erreur ou d’un acte inconsidéré. Pour la plupart, vous ferez quelque chose que vous regretterez. Et la vraie question est moins de savoir ce que vous en ferez ou en quoi cela vous sera préjudiciable, que de savoir ce que vous en tirerez. Certains deviennent plus forts. D’autres ne récupèrent jamais vraiment. Quelques uns ne s’en sortent tout simplement pas. »

     

    911 c’est le très bon roman noir de l’été que vous lirez peut-être au bord d’une piscine en ne pouvant pas vous empêcher de frissonner.

     

    Shannon Burke : 911. Editions Sonatines 2014. Traduit de l’anglais (USA) par Diniz Galhos.

    A lire en écoutant : Moment of Truth de Gang Starr. Extrait de la BO The Lincoln Lawyer. Lakeshore Records 2011

  • FRANK BILL : DONNYBROOK. FAIS MOI MAL JOHNNY !


    frank bill,donnybrook,gallimard,série noireIssu de la lignée des Daniel Ray Pollock, Benjamin Westhler et consort, voici Frank Bill qui nous plonge dans l’univers brutal des pugilistes avec Donnybrook. Le titre de l’ouvrage porte le nom d’un tournoi de combat à poing nu qui se déroule au cœur de l’Indiana où la particularité réside dans le fait qu’il n’y a aucune règle et aucun arbitre. Deux séries de combat où l’on met en scène 20 concurrents sur un ring entouré de fil de fer barbelé. Les deux survivants de chaque série doivent ensuite s’affronter au milieu d’un public défoncé à l’alcool et à la méthamphétamine.

     

    C’est sur une série de portraits de types féroces que se concentre le récit avec Marine, le père désespéré qui braque une armurerie (seul commerce qui n’a pas encore péricliter dans une région ravagée par le chômage) pour s’emparer de la somme nécessaire pour s’inscrire au tournoi. Il y a également Angus, l’ex combattant légendaire et invaincu qui s’est reconverti dans la fabrication de meth. C’est l’explosion de son labo et la trahison de Liz, sa nymphomane de sœur, aussi cinglée que lui qui contraindra Angus à retourner au Donnybrook. D’autres protagonistes vont venir des quatre coins des Etats-Unis pour se mesurer les uns aux autres dans un enfer de violence et de perdition.

     

    Pour vous faire une idée du roman, on peut évidemment penser à Doux, Dur et Dingue ou Ca Va Cogner avec Clint Eastwood dans le rôle de Philo. Mais la vague d’une crise  sans fin et la déferlante toxique du cristal meth ont assombri le tableau  d’une Amérique du Midwest que Frank Bill a su parfaitement nous dépeindre par le biais de ses personnages aux caractères abrasifs qui ne sont porteur que de leur propre désespoir.

     

    Frank Bill, Donnybrook, gallimard, série noire, Avec Donnybrook, ne cherchez pas de messages sous-jacent ou universels sur le bien ou le mal. Il n’y a que noirceur et violence au travers de scènes dantesques qui transporteront le lecteur d’un bout à l’autre d’une histoire dépourvue de la moindre lueur d’espoir. Le récit est âpre et brûlant sans aucune pause que ce soit durant les parcours de chaque protagoniste ou durant le combat qui clôturera l’intrigue dans une suite de confrontations qui paraissent sans fin.

     

    Le parti pris de Frank Bill c’est l’action et rien d’autre, il laisse les considérations philosophiques et autres réflexions humanistes sur les bords de ces routes sombres de l’Indiana et du Kentucky pour porter une espèce de conte funeste uniquement centré sur les actes désespérés de ses personnages qui ont depuis bien longtemps mis de côté toutes les considérations morales en évoluant dans univers qui en est totalement dépourvu.

     

    Méchant, sale et violent, Donnybrook de Frank Bill est un roman tout aussi déroutant que percutant qui saura surprendre le lecteur peu habitué à cette vision amorale d’une Amérique perdue dont le chapitre final laisse présager une suite. Finalement Donnybrook c’est un bon direct du droit bien assaisonné dans la mâchoire qui n’a pas fini de vous faire grincer des dents.

     

    Frank Bill : Donnybrook. Gallimard/Série Noire 2014. Traduit de l’anglais (USA) par Antoine Chainas.

    A lire en écoutant : Yong Men Dead de The Black Angels. Album : Passover. Light in the attic Records/2006.

  • NURY/BRÜNO : TYLER CROSS. LÀ OÙ FINISSENT LES FLEUVES.

    Capture d’écran 2014-02-12 à 17.22.32.pngUn braquage de came qui tourne au carnage. Une échappée dans le désert pour un truand qui trouve refuge dans un bled paumé aux mains d’une famille de tarés congénitale. Un règlement de compte sanglant dans un train bourré de mafieux. Une histoire digne des meilleurs films de Peckinpah ou des meilleurs scénarios de Jim Thompson ou Donald Westlake, c’est ce que vous allez découvrir avec Tyler Cross, grande découverte du 9ème art de Brüno et Nury.

     

    Digne successeur de Parker, Tyler Cross balade sa froide carcasse anguleuse dans ce scénario de Nury qui prend vie avec le dessin de Brüno pour donner une bande dessinée époustouflante qui reprend avec brio tous les archétypes du roman noir abordant la thématique du braqueur solitaire et sans pitié. Malgré cela on entrevoit au tréfonds de l’âme de ce personnage énigmatique un semblant d’humanité dans cet instant sublime où Tyler Cross se sépare de sa belle complice CJ Harper. Un mélange de cruauté et de romantisme qui frise la perfection avec un hommage appuyé à Robin Cook et James Ellroy comme Nury l’explique ici en commentant l’une des plus belle page de l’ouvrage.

     

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    Que l’on ne s’y trompe pas le dessin stylisé, presque naïf, de Brüno ne sert qu’à mettre d’avantage en relief la noirceur, la cruauté et la duplicité des personnages qui jalonnent le récit. La BD n’est d’ailleurs pas à mettre entre les mains de lecteurs trop jeunes. On oscille entre humour noir et violence crue au gré des planches dont le découpage n’est qu’une longue référence cinématographique aux meilleurs films du genre.

     

    Bien sûr on pourrait reprocher d’avoir lu ou revu mille et une fois cette même histoire de braquage foireux qui tourne à la confrontation sanglante. Mais c’est sans compter la maîtrise scénaristique de Nury qui parvient avec un fulgurance inouïe à nous transporter d’un bout à l’autre de son récit sans que l’on aie le temps de prendre conscience de quoique ce soit tant cette histoire trépidante vous secoue vos neurones qui n’auront donc pas le loisir de restituer la moindre analyse critique cohérente durant la lecture.

     

    Bref, Tyler Cross c’est une BD qui a du punch et qui vous coupe le souffle comme le direct d’un boxeur. Il n’y a rien d’autre à en dire.

     

    Dessin : Brüno / Scénario : Fabien Nury / Couleurs : Laurence Croix : Tyler Cross. Editions Dargaud 2014.

    A lire en écoutant : Back to Black. Amy Winehouse. Album : Back to Black. Island Records 2006.

  • JEAN-JACQUES BUSINO : UN CAFE, UNE CIGARETTE. LE ROMAND NOIR.

    jean-jacques busino, un café une cigarette, rivages, orphelinat naplesJ’ai connu Jean-Jacques Busino bien avant qu’il ne se lance dans l’écriture alors qu’il trônait derrière le comptoir de son magasin de disque ABCD qui se situait à proximité de la gare. Une époque bénie où l’on ne vendait pas du disque au kilo et où l’on prenait le temps de vous raconter des histoires. Car Jean-Jacques était déjà un conteur d’histoire qui vous déclamait son amour pour Frank Zappa et le Thallis Scholar en vous servant des cafés noirs et bien serrés. Un regard aussi sombre que sa chevelure vous évaluait en quelques secondes avant de vous dispenser ses conseils avisés dans les domaines musicaux les plus variée. Un passionné l’ami Busino que j’ai perdu de vue après la fermeture de son magasin.

     

    C’est en 1994, sur le présentoir d’une librairie que j’ai eu de ses nouvelles en découvrant son premier roman Un café, une cigarette qui se lit le temps de consommer l’un et l’autre en découvrant les tourments d’une bande de gamins écumant les ruelles de la ville de Naples. Un récit fulgurant qui vous sonne avec la brutalité d’une balle de 44 Magnum.

     

    Largué par sa fiancée qui lui a laissé leur fille à peine âgée d’un an, André quitte la Suisse pour retrouver son cousin napolitain qui se fait fort de lui remonter le moral. Car Massimo est un petit caïd de la ville haut en couleur qui survit en fourguant des couteaux suisses qu’André lui fait parvenir. Un commerce florissant qu’il partage avec une bande de gosses cabossés par la vie. Avec Massimo comme guide, André va percevoir les malheurs quotidiens de ces enfants perdus qui survivent comme ils peuvent dans cette ville tentaculaire qui broie les âmes sans aucune pitié. Loin de se résigner, le jeune suisse, tout aussi borderline qu’idéaliste, va monter avec l’aide de son cousin un orphelinat pour abriter cette jeunesse condamnée à assouvir les vices d’adultes sans scrupule. Mais pour mener à bien ce projet, les deux jeunes garçons devront livrer un combat sans merci contre la mafia. L’histoire d’une rédemption au travers d’une guerre perdue d’avance.

     

    Que l’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas d’un énième roman sur la mafia qui apparaît d’ailleurs de façon presque fantomatique tout au long du roman. Jean-Jacques Busino se focalise exclusivement sur ces enfants malmenés qui hantent les rues de Naples. Avec la rencontre de la Suisse et de l’Italie par le biais de la verve endiablée de Massimo et la réserve silencieuse d’André c’est tout d’abord cette dualité que l’on découvre tout au long de ce récit comme si l’auteur faisait remonter l’ambivalence de ses origines. Et puis il y a cette violence qui monte crescendo au fil des seize chapitres du roman. On la trouve dans les propos simplistes de Massimo qui parvient à résumer en quelques mots tout le fonctionnement d’une ville qui broie ses enfants perdus et fait écho à la révolte désespérée d’André qui ne peut accepter ce que son entourage considère comme une fatalité. Puis c’est au rythme de la fureur des tueries et du cri des armes à feu que l’on assiste à l’apothéose d’un final aussi brutal que trivial qui ne nous offre aucune concession.

     

    jean-jacques busino, un café une cigarette, rivages, orphelinat naplesL’Alfa Spider de Massimo, le 44 Magnum 12 pouces d’André, Jean-Jacques Busino s’attarde sur ces petits éléments à la manière d’un auteur comme Manchette auquel il emprunte également toute la noirceur et talentueuse simplicité d’un récit brutal.

     

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    Un café, une cigarette c’est l’emblème même du roman noir dans toute sa splendeur que vous retrouverez dans ses quatre autres romans édités aux éditions Rivages car Jean-Jacques Busino est un artisan de l’écriture qui va à l’essentiel avec tout ce que cela signifie en regard de ces auteurs qui travaillent avec une pléthore de collaborateurs recherchistes pour nous pondre des récits alambiqués à la limite de l’incompréhension.

     

    Jean-Jacques Busino : Un café, une cigarette. Editions Rivages/Noir 1994.

    A lire en écoutant : Guarda Che Luna interprété par Petra Magoni & Ferrucio Spinetti. Album : Musica Nuda. Bonsaï Music 2004.

     

     

  • James Lee Burke : L’Arc-en-Ciel de Verre. Les héros sont fatigués (suite et fin)


    james lee burke,l'arc-en-ciel de verre,robicheaux,purcell,louisianne,new iberiaIl est indéniable que James Lee Burke est un monument dans le paysage du polar et tout le monde se met au garde-à-vous lors de la sortie annuelle des aventures de son héros fétiche, l’innénarable Lieutenant de police de New Ibéria, Dave Robicheaux.

     

    Le talent principal de l’auteur réside dans le fil tortueux de ses longues phrases magiques qui traduisent tout l’amour qu’il porte à sa Louisianne chérie à un point tel que je suis parti il y a de cela quelques années visiter cet état extraordinaire. J’ai retrouvé les paysages, les odeurs, les saveurs et les endroits fréquentés par le célébrissime lieutenant de police et il se peut même que j’aie croisé, au détour des marais brumeux, la silhouette fantomatique de quelques personnages imaginés par l’auteur. Il y a donc une émotion particulière qui se dégage lors de chaque nouvelle lecture et une joie de retrouver des personnages qui nous ont accompagné pendant plus d’une décennie.

     

    Mais voilà après dix-sept volumes, il faut bien admettre que le filon s’épuise, même si personne ne semble vouloir le reconnaître. On ne touche pas aux monuments de la littérature ! Pour L’arc-en-Ciel de Verre, dernier roman de James Lee Burke, critiques et bloggeurs s’accordent à dire que l’auteur est au sommet de son art, même si l’on reconnaît parfois une espèce de répétion dans le nœud de l’intrigue. Dans cet ouvrage, nous retrouvons Dave Robicheaux et Clete Purcell confrontés à une famille nantie, avide de terres et d’argent, un serial killer qui œuvre dans l’ombre et un bâteau fantomatique qui hante les marais. Ce condensé simpliste vous pourriez le retrouver, à quelques nuances près, pour résumer plusieurs romans de l’auteur dont le fameux Dans la Brume Electrique avec les Morts Confédérés adapté avec maestria au cinéma  par Bertrand Tavernier. Hormis Swan Peak où l’auteur changeait de décor, et bien évidemment La Nuit la Plus Longue qui relatait avec beaucoup d’émotions les affres d’une Louisianne balayée par l’ouragan Katerina et abandonnée par le reste du pays, James Lee Burke ne parvient plus à sortir du schéma qui a fait son succès. Il y a donc comme une espèce de routine qui s’installe lorsque l’on lit ce dernier ouvrage qui finit par dégager une espèce de déception que l’on peine à accepter. Disons le tout net, même si l’on retrouve toute la ferveur des convictions de l’auteur et toute la mécanique relationnel de différents personnages récurrents de la série, c’est vraiment sur le plan de l’intrigue à mainte fois répétée et qui ne récèle donc plus aucune surprise, que l’on ressent un malaise que la fluidité du phrasé et la beauté des descriptions ne parviennent plus à masquer.

     

    C’est donc avec cet auteur monumental que j’achève cette série de héros fatigués qui trustent le paysage de la littérature policière, même si l’on pourrait en évoquer bien d’autres comme Harry Bosch de Michael Connelly, Lincoln Rhyme de Jeffery Daever, Alex Cross de James Patterson ou même Kurt Wallander de Henning Mankell qui a courageusement mis un terme à sa série. Une démarche téméraire qui a le mérite pour l’auteur de se remettre sur les rails de la créativité en tournant le dos aux sirènes du markéting.

     

    James Lee Burke : L’Arc-en-Ciel de Verre. Editions Rivages/Thriller 2013. Traduit de l’anglais (USA) par Chrsitophe Mercier.

    A lire en écoutant : Trème Song de John Boutté. Album : Jambalaya. CD Baby 2003.

     

  • JAMES LEE BURKE : SWAN PEAK, L’OUBLI DANS LA GRANDEUR DE LA NATURE.

    swan peak,rivages,james lee burke,robicheaux,purcell,montanaIl aura fallu un ouragan pour que Dave Robicheaux, sa femme Molly et son inénarrable compagnon Clete Purcell quittent momentanément les terres submergées de la Nouvelle Orléans et de New Ibéria pour se ressourcer dans l'ouest du Montana. Loin de trouver le repos, les deux compères se retrouvent aux prises avec les frères Wellstone, riches propriétaires terriens entourés de personnages patibulaires qui ont jadis frayé avec la mafia. Les fantômes du passé ressurgissent alors qu'un tueur en série sévit dans la région, tandis qu'un prisonnier fugitif, traqué par un gardien inquiétant, tente de retrouver sa petite amie désormais mariée à l'un des frère Wellstone. Des passés obscurs, des rancœurs enfouies et des faits divers terrifiants vont semer le trouble dans la région.

     

    En Louisiane ou dans le Montana, on se complaît dans les atmosphères envoutantes des récits de James Lee Burke car cet auteur de talent parvient toujours à nous séduire que ce soit par ces descriptions lyriques d'une nature somptueuse ou par le charme de personnages qui deviennent toujours plus complexes au fil de ses ouvrages.

     

    Swan Peak ne déroge pas à la règle, bien au contraire. Il s'agit de l'un des romans le plus abouti de ce grand écrivain. Toutefois n'espérez pas trouver d'intrigues tarabiscotées ou de grandes doses d'adrénaline dans ce 17ème opus des aventures de Dave Robicheaux. L'histoire s'installe tranquillement comme une de ces rivières du Montana où l'on aime à pêcher à la mouche, un rythme fait de quiétudes et de sursauts à l'ombre des Mission Mountains. Certains pourront reprocher l'attitude très en retrait des personnages principaux qui deviennent presque spectateur des trames qui se jouent tout autour d'eux, mais on ne pourra qu'apprécier l'ambiguïté et les contrastes des acteurs secondaires qui prennent le devant de la scène en renouvelant ainsi la structure usuelle des récits de James Lee Burke.

     

    L'action se déroule donc non loin de Missoula qui est également le second lieu de résidence de l'auteur et qui semble être devenue la Mecque de bon nombre d'écrivains nord-américains, comme feu James Crumley, Richard Ford, Thomas McGuane et Jim Harrison. Ce n'est d'ailleurs pas la première incursion dans cet état, puisque James Lee Burke avait déjà fait évoluer le personnage de sa seconde série, Billy Bob Holland, dans la région avec Bitterrott.

     

    En toile de fond, il y a toujours cette inquiétude pour la préservation d'une nature qui semble menacée par les feux de forêts, les mines à ciel ouvert et l'exploitation du pétrole ainsi que la problématique de l'élevage intensif. Et puis on retrouve cette lutte permanente des personnages principaux qui tentent de refréner la résurgence de leurs démons intérieurs en cherchant en vain l'endroit idéal pour déposer les bagages encombrants d'un passé qu'ils ne peuvent oublier.

     

     

    James Lee Burke : Swan Peak. Editions Rivages / Thriller 2012. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Christophe Mercier.

     

    A lire en écoutant : One Time One Night - Los Lobos - Wolf Track : The Best of Los Lobos. Rhino 2006.