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Auteurs B - Page 9

  • FRANK BILL : DONNYBROOK. FAIS MOI MAL JOHNNY !


    frank bill,donnybrook,gallimard,série noireIssu de la lignée des Daniel Ray Pollock, Benjamin Westhler et consort, voici Frank Bill qui nous plonge dans l’univers brutal des pugilistes avec Donnybrook. Le titre de l’ouvrage porte le nom d’un tournoi de combat à poing nu qui se déroule au cœur de l’Indiana où la particularité réside dans le fait qu’il n’y a aucune règle et aucun arbitre. Deux séries de combat où l’on met en scène 20 concurrents sur un ring entouré de fil de fer barbelé. Les deux survivants de chaque série doivent ensuite s’affronter au milieu d’un public défoncé à l’alcool et à la méthamphétamine.

     

    C’est sur une série de portraits de types féroces que se concentre le récit avec Marine, le père désespéré qui braque une armurerie (seul commerce qui n’a pas encore péricliter dans une région ravagée par le chômage) pour s’emparer de la somme nécessaire pour s’inscrire au tournoi. Il y a également Angus, l’ex combattant légendaire et invaincu qui s’est reconverti dans la fabrication de meth. C’est l’explosion de son labo et la trahison de Liz, sa nymphomane de sœur, aussi cinglée que lui qui contraindra Angus à retourner au Donnybrook. D’autres protagonistes vont venir des quatre coins des Etats-Unis pour se mesurer les uns aux autres dans un enfer de violence et de perdition.

     

    Pour vous faire une idée du roman, on peut évidemment penser à Doux, Dur et Dingue ou Ca Va Cogner avec Clint Eastwood dans le rôle de Philo. Mais la vague d’une crise  sans fin et la déferlante toxique du cristal meth ont assombri le tableau  d’une Amérique du Midwest que Frank Bill a su parfaitement nous dépeindre par le biais de ses personnages aux caractères abrasifs qui ne sont porteur que de leur propre désespoir.

     

    Frank Bill, Donnybrook, gallimard, série noire, Avec Donnybrook, ne cherchez pas de messages sous-jacent ou universels sur le bien ou le mal. Il n’y a que noirceur et violence au travers de scènes dantesques qui transporteront le lecteur d’un bout à l’autre d’une histoire dépourvue de la moindre lueur d’espoir. Le récit est âpre et brûlant sans aucune pause que ce soit durant les parcours de chaque protagoniste ou durant le combat qui clôturera l’intrigue dans une suite de confrontations qui paraissent sans fin.

     

    Le parti pris de Frank Bill c’est l’action et rien d’autre, il laisse les considérations philosophiques et autres réflexions humanistes sur les bords de ces routes sombres de l’Indiana et du Kentucky pour porter une espèce de conte funeste uniquement centré sur les actes désespérés de ses personnages qui ont depuis bien longtemps mis de côté toutes les considérations morales en évoluant dans univers qui en est totalement dépourvu.

     

    Méchant, sale et violent, Donnybrook de Frank Bill est un roman tout aussi déroutant que percutant qui saura surprendre le lecteur peu habitué à cette vision amorale d’une Amérique perdue dont le chapitre final laisse présager une suite. Finalement Donnybrook c’est un bon direct du droit bien assaisonné dans la mâchoire qui n’a pas fini de vous faire grincer des dents.

     

    Frank Bill : Donnybrook. Gallimard/Série Noire 2014. Traduit de l’anglais (USA) par Antoine Chainas.

    A lire en écoutant : Yong Men Dead de The Black Angels. Album : Passover. Light in the attic Records/2006.

  • NURY/BRÜNO : TYLER CROSS. LÀ OÙ FINISSENT LES FLEUVES.

    Capture d’écran 2014-02-12 à 17.22.32.pngUn braquage de came qui tourne au carnage. Une échappée dans le désert pour un truand qui trouve refuge dans un bled paumé aux mains d’une famille de tarés congénitale. Un règlement de compte sanglant dans un train bourré de mafieux. Une histoire digne des meilleurs films de Peckinpah ou des meilleurs scénarios de Jim Thompson ou Donald Westlake, c’est ce que vous allez découvrir avec Tyler Cross, grande découverte du 9ème art de Brüno et Nury.

     

    Digne successeur de Parker, Tyler Cross balade sa froide carcasse anguleuse dans ce scénario de Nury qui prend vie avec le dessin de Brüno pour donner une bande dessinée époustouflante qui reprend avec brio tous les archétypes du roman noir abordant la thématique du braqueur solitaire et sans pitié. Malgré cela on entrevoit au tréfonds de l’âme de ce personnage énigmatique un semblant d’humanité dans cet instant sublime où Tyler Cross se sépare de sa belle complice CJ Harper. Un mélange de cruauté et de romantisme qui frise la perfection avec un hommage appuyé à Robin Cook et James Ellroy comme Nury l’explique ici en commentant l’une des plus belle page de l’ouvrage.

     

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    Que l’on ne s’y trompe pas le dessin stylisé, presque naïf, de Brüno ne sert qu’à mettre d’avantage en relief la noirceur, la cruauté et la duplicité des personnages qui jalonnent le récit. La BD n’est d’ailleurs pas à mettre entre les mains de lecteurs trop jeunes. On oscille entre humour noir et violence crue au gré des planches dont le découpage n’est qu’une longue référence cinématographique aux meilleurs films du genre.

     

    Bien sûr on pourrait reprocher d’avoir lu ou revu mille et une fois cette même histoire de braquage foireux qui tourne à la confrontation sanglante. Mais c’est sans compter la maîtrise scénaristique de Nury qui parvient avec un fulgurance inouïe à nous transporter d’un bout à l’autre de son récit sans que l’on aie le temps de prendre conscience de quoique ce soit tant cette histoire trépidante vous secoue vos neurones qui n’auront donc pas le loisir de restituer la moindre analyse critique cohérente durant la lecture.

     

    Bref, Tyler Cross c’est une BD qui a du punch et qui vous coupe le souffle comme le direct d’un boxeur. Il n’y a rien d’autre à en dire.

     

    Dessin : Brüno / Scénario : Fabien Nury / Couleurs : Laurence Croix : Tyler Cross. Editions Dargaud 2014.

    A lire en écoutant : Back to Black. Amy Winehouse. Album : Back to Black. Island Records 2006.

  • JEAN-JACQUES BUSINO : UN CAFE, UNE CIGARETTE. LE ROMAND NOIR.

    jean-jacques busino, un café une cigarette, rivages, orphelinat naplesJ’ai connu Jean-Jacques Busino bien avant qu’il ne se lance dans l’écriture alors qu’il trônait derrière le comptoir de son magasin de disque ABCD qui se situait à proximité de la gare. Une époque bénie où l’on ne vendait pas du disque au kilo et où l’on prenait le temps de vous raconter des histoires. Car Jean-Jacques était déjà un conteur d’histoire qui vous déclamait son amour pour Frank Zappa et le Thallis Scholar en vous servant des cafés noirs et bien serrés. Un regard aussi sombre que sa chevelure vous évaluait en quelques secondes avant de vous dispenser ses conseils avisés dans les domaines musicaux les plus variée. Un passionné l’ami Busino que j’ai perdu de vue après la fermeture de son magasin.

     

    C’est en 1994, sur le présentoir d’une librairie que j’ai eu de ses nouvelles en découvrant son premier roman Un café, une cigarette qui se lit le temps de consommer l’un et l’autre en découvrant les tourments d’une bande de gamins écumant les ruelles de la ville de Naples. Un récit fulgurant qui vous sonne avec la brutalité d’une balle de 44 Magnum.

     

    Largué par sa fiancée qui lui a laissé leur fille à peine âgée d’un an, André quitte la Suisse pour retrouver son cousin napolitain qui se fait fort de lui remonter le moral. Car Massimo est un petit caïd de la ville haut en couleur qui survit en fourguant des couteaux suisses qu’André lui fait parvenir. Un commerce florissant qu’il partage avec une bande de gosses cabossés par la vie. Avec Massimo comme guide, André va percevoir les malheurs quotidiens de ces enfants perdus qui survivent comme ils peuvent dans cette ville tentaculaire qui broie les âmes sans aucune pitié. Loin de se résigner, le jeune suisse, tout aussi borderline qu’idéaliste, va monter avec l’aide de son cousin un orphelinat pour abriter cette jeunesse condamnée à assouvir les vices d’adultes sans scrupule. Mais pour mener à bien ce projet, les deux jeunes garçons devront livrer un combat sans merci contre la mafia. L’histoire d’une rédemption au travers d’une guerre perdue d’avance.

     

    Que l’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas d’un énième roman sur la mafia qui apparaît d’ailleurs de façon presque fantomatique tout au long du roman. Jean-Jacques Busino se focalise exclusivement sur ces enfants malmenés qui hantent les rues de Naples. Avec la rencontre de la Suisse et de l’Italie par le biais de la verve endiablée de Massimo et la réserve silencieuse d’André c’est tout d’abord cette dualité que l’on découvre tout au long de ce récit comme si l’auteur faisait remonter l’ambivalence de ses origines. Et puis il y a cette violence qui monte crescendo au fil des seize chapitres du roman. On la trouve dans les propos simplistes de Massimo qui parvient à résumer en quelques mots tout le fonctionnement d’une ville qui broie ses enfants perdus et fait écho à la révolte désespérée d’André qui ne peut accepter ce que son entourage considère comme une fatalité. Puis c’est au rythme de la fureur des tueries et du cri des armes à feu que l’on assiste à l’apothéose d’un final aussi brutal que trivial qui ne nous offre aucune concession.

     

    jean-jacques busino, un café une cigarette, rivages, orphelinat naplesL’Alfa Spider de Massimo, le 44 Magnum 12 pouces d’André, Jean-Jacques Busino s’attarde sur ces petits éléments à la manière d’un auteur comme Manchette auquel il emprunte également toute la noirceur et talentueuse simplicité d’un récit brutal.

     

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    Un café, une cigarette c’est l’emblème même du roman noir dans toute sa splendeur que vous retrouverez dans ses quatre autres romans édités aux éditions Rivages car Jean-Jacques Busino est un artisan de l’écriture qui va à l’essentiel avec tout ce que cela signifie en regard de ces auteurs qui travaillent avec une pléthore de collaborateurs recherchistes pour nous pondre des récits alambiqués à la limite de l’incompréhension.

     

    Jean-Jacques Busino : Un café, une cigarette. Editions Rivages/Noir 1994.

    A lire en écoutant : Guarda Che Luna interprété par Petra Magoni & Ferrucio Spinetti. Album : Musica Nuda. Bonsaï Music 2004.

     

     

  • James Lee Burke : L’Arc-en-Ciel de Verre. Les héros sont fatigués (suite et fin)


    james lee burke,l'arc-en-ciel de verre,robicheaux,purcell,louisianne,new iberiaIl est indéniable que James Lee Burke est un monument dans le paysage du polar et tout le monde se met au garde-à-vous lors de la sortie annuelle des aventures de son héros fétiche, l’innénarable Lieutenant de police de New Ibéria, Dave Robicheaux.

     

    Le talent principal de l’auteur réside dans le fil tortueux de ses longues phrases magiques qui traduisent tout l’amour qu’il porte à sa Louisianne chérie à un point tel que je suis parti il y a de cela quelques années visiter cet état extraordinaire. J’ai retrouvé les paysages, les odeurs, les saveurs et les endroits fréquentés par le célébrissime lieutenant de police et il se peut même que j’aie croisé, au détour des marais brumeux, la silhouette fantomatique de quelques personnages imaginés par l’auteur. Il y a donc une émotion particulière qui se dégage lors de chaque nouvelle lecture et une joie de retrouver des personnages qui nous ont accompagné pendant plus d’une décennie.

     

    Mais voilà après dix-sept volumes, il faut bien admettre que le filon s’épuise, même si personne ne semble vouloir le reconnaître. On ne touche pas aux monuments de la littérature ! Pour L’arc-en-Ciel de Verre, dernier roman de James Lee Burke, critiques et bloggeurs s’accordent à dire que l’auteur est au sommet de son art, même si l’on reconnaît parfois une espèce de répétion dans le nœud de l’intrigue. Dans cet ouvrage, nous retrouvons Dave Robicheaux et Clete Purcell confrontés à une famille nantie, avide de terres et d’argent, un serial killer qui œuvre dans l’ombre et un bâteau fantomatique qui hante les marais. Ce condensé simpliste vous pourriez le retrouver, à quelques nuances près, pour résumer plusieurs romans de l’auteur dont le fameux Dans la Brume Electrique avec les Morts Confédérés adapté avec maestria au cinéma  par Bertrand Tavernier. Hormis Swan Peak où l’auteur changeait de décor, et bien évidemment La Nuit la Plus Longue qui relatait avec beaucoup d’émotions les affres d’une Louisianne balayée par l’ouragan Katerina et abandonnée par le reste du pays, James Lee Burke ne parvient plus à sortir du schéma qui a fait son succès. Il y a donc comme une espèce de routine qui s’installe lorsque l’on lit ce dernier ouvrage qui finit par dégager une espèce de déception que l’on peine à accepter. Disons le tout net, même si l’on retrouve toute la ferveur des convictions de l’auteur et toute la mécanique relationnel de différents personnages récurrents de la série, c’est vraiment sur le plan de l’intrigue à mainte fois répétée et qui ne récèle donc plus aucune surprise, que l’on ressent un malaise que la fluidité du phrasé et la beauté des descriptions ne parviennent plus à masquer.

     

    C’est donc avec cet auteur monumental que j’achève cette série de héros fatigués qui trustent le paysage de la littérature policière, même si l’on pourrait en évoquer bien d’autres comme Harry Bosch de Michael Connelly, Lincoln Rhyme de Jeffery Daever, Alex Cross de James Patterson ou même Kurt Wallander de Henning Mankell qui a courageusement mis un terme à sa série. Une démarche téméraire qui a le mérite pour l’auteur de se remettre sur les rails de la créativité en tournant le dos aux sirènes du markéting.

     

    James Lee Burke : L’Arc-en-Ciel de Verre. Editions Rivages/Thriller 2013. Traduit de l’anglais (USA) par Chrsitophe Mercier.

    A lire en écoutant : Trème Song de John Boutté. Album : Jambalaya. CD Baby 2003.

     

  • JAMES LEE BURKE : SWAN PEAK, L’OUBLI DANS LA GRANDEUR DE LA NATURE.

    swan peak,rivages,james lee burke,robicheaux,purcell,montanaIl aura fallu un ouragan pour que Dave Robicheaux, sa femme Molly et son inénarrable compagnon Clete Purcell quittent momentanément les terres submergées de la Nouvelle Orléans et de New Ibéria pour se ressourcer dans l'ouest du Montana. Loin de trouver le repos, les deux compères se retrouvent aux prises avec les frères Wellstone, riches propriétaires terriens entourés de personnages patibulaires qui ont jadis frayé avec la mafia. Les fantômes du passé ressurgissent alors qu'un tueur en série sévit dans la région, tandis qu'un prisonnier fugitif, traqué par un gardien inquiétant, tente de retrouver sa petite amie désormais mariée à l'un des frère Wellstone. Des passés obscurs, des rancœurs enfouies et des faits divers terrifiants vont semer le trouble dans la région.

     

    En Louisiane ou dans le Montana, on se complaît dans les atmosphères envoutantes des récits de James Lee Burke car cet auteur de talent parvient toujours à nous séduire que ce soit par ces descriptions lyriques d'une nature somptueuse ou par le charme de personnages qui deviennent toujours plus complexes au fil de ses ouvrages.

     

    Swan Peak ne déroge pas à la règle, bien au contraire. Il s'agit de l'un des romans le plus abouti de ce grand écrivain. Toutefois n'espérez pas trouver d'intrigues tarabiscotées ou de grandes doses d'adrénaline dans ce 17ème opus des aventures de Dave Robicheaux. L'histoire s'installe tranquillement comme une de ces rivières du Montana où l'on aime à pêcher à la mouche, un rythme fait de quiétudes et de sursauts à l'ombre des Mission Mountains. Certains pourront reprocher l'attitude très en retrait des personnages principaux qui deviennent presque spectateur des trames qui se jouent tout autour d'eux, mais on ne pourra qu'apprécier l'ambiguïté et les contrastes des acteurs secondaires qui prennent le devant de la scène en renouvelant ainsi la structure usuelle des récits de James Lee Burke.

     

    L'action se déroule donc non loin de Missoula qui est également le second lieu de résidence de l'auteur et qui semble être devenue la Mecque de bon nombre d'écrivains nord-américains, comme feu James Crumley, Richard Ford, Thomas McGuane et Jim Harrison. Ce n'est d'ailleurs pas la première incursion dans cet état, puisque James Lee Burke avait déjà fait évoluer le personnage de sa seconde série, Billy Bob Holland, dans la région avec Bitterrott.

     

    En toile de fond, il y a toujours cette inquiétude pour la préservation d'une nature qui semble menacée par les feux de forêts, les mines à ciel ouvert et l'exploitation du pétrole ainsi que la problématique de l'élevage intensif. Et puis on retrouve cette lutte permanente des personnages principaux qui tentent de refréner la résurgence de leurs démons intérieurs en cherchant en vain l'endroit idéal pour déposer les bagages encombrants d'un passé qu'ils ne peuvent oublier.

     

     

    James Lee Burke : Swan Peak. Editions Rivages / Thriller 2012. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Christophe Mercier.

     

    A lire en écoutant : One Time One Night - Los Lobos - Wolf Track : The Best of Los Lobos. Rhino 2006.