Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Auteurs O - Page 2

  • OTSUICHI : RENDEZ-VOUS DANS LE NOIR. JE NE TE VOIS PAS ET TU NE ME PARLES PAS !

    Capture d’écran 2014-07-21 à 18.21.17.pngC'est d'un ton assez péremptoire que l'on peut affirmer que l’avenir du roman noir et du roman policier se dessine du côté des pays asiatiques comme le Japon ou la Corée. Des cultures différentes et des états d’esprit  singuliers brisent régulièrement les codes de ces genres littéraires pour les transcender comme Otsuichi (nom de plume de Hirotaka Adachi), écrivain japonais que j’ai découvert un peu par hasard au détour du présentoir de ma librairie favorite.

     

    Capture d’écran 2014-07-21 à 18.24.04.pngL’un des ouvrages de Otsuichi, Goth, adapté pour un manga a déjà été traduit en français, mais n’étant pas un familier de ce support littéraire, je l’ai découvert par le biais d’un roman, Rendez-Vous Dans le Noir, publié par une petite maison d’édition spécialisée dans la littérature asiatique.

     

    Michiru est une jeune femme aveugle et solitaire qui vit recluse dans une grande maison à proximité d’une gare lorsqu’elle apprend qu’un homme a été poussé sous un train alors qu’il attendait sur le quai. Peu de temps après, Michiru ressent comme une présence dans sa maison. L’effroi passé, elle va tenter d’instaurer une espèce de dialogue silencieux avec cette mystérieuse présence qui s’obstine à rester muette  et qui semble attendre quelque chose. Mais s’agit-il vraiment du meurtrier et pourquoi Michiru s’obstine à ne pas signaler cette présence aux quelques connaissances qui viennent encore lui rendre visite ?

     

    Rendez-Vous Dans le Noir est un roman à la fois déroutant et ingénieux où l’auteur plonge ses deux personnages principaux dans une introspection tout en nuance et en subtilité qui met en exergue toute la problématique de l’absence de communication dans cette froide période de Noël. L’un des éléments qui surprendra le lecteur c’est de ne pas connaître exactement les circonstances du drame au moment où il se produit. Otsuichi interrompt le récit par une longue série de points de suspension pour passer sous silence cet élément capital. Cette ponctuation déroutante signale une manipulation importante de l’intrigue sans toutefois la dissimuler dans une série de faux semblants abscons. Un processus assez radical qui pourra ravir ou rebuter le lecteur. L’autre surprise du livre provient de cette rencontre muette entre Michiru et cet inconnu où l’absence de dialogue est compensée par une multitude de petits gestes qui donneront la tonalité des attitudes que devront adopter les deux protagonistes afin de s’apprivoiser au-delà de leurs handicaps respectifs. C’est tout l’enjeu de l’ouvrage qui se construit sur le passé et notamment l’enfance de ces deux personnages dont la rencontre ne s’avérera finalement pas si fortuite que cela. Et c’est bien là toute la force de ce roman où les « hasards » se révèleront être des mécanismes subtiles alimentant ainsi la série de rebondissements raffinés qui constituent l’intrigue.

     

    On regrettera peut-être la faiblesse des personnages secondaires à l’instar de la meilleure amie de Michuru dont le caractère infantile semble peu crédible nuisant ainsi à la qualité de l’histoire. Ce caractère puéril on le retrouve chez d’autres personnages qui jalonnent le récit comme ce jeune employé d’une imprimerie qui ne paraît absolument pas réaliste. Dans un texte aussi court ces petits défauts nuisent à la qualité de l’ensemble sans toutefois péjorer l’atmosphère mélancolique et angoissante de ce roman insolite.

     

    A l’instar d’un James Ellroy qui a ravivé les couleurs du roman noir dans les années quatre-vingts, il faudra peut-être un auteur d’une certaine envergure, une espèce de chef de file, pour amener le roman noir ou le polar asiatique sur les devants de la scène. Ce n’est qu’une question de temps et de traductions car les talents semblent être légion dans ces contrées lointaines.

     

    Otsuichi : Rendez-Vous Dans le Noir. Editions Philippe Picquier/Poche 2014. Traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako.

    A lire en écoutant : Ryuichi Sakamoto : Playing The Orchestra. UK Box. Virgin 1989.

     

  • Jean-Hugues Oppel : French Tabloïds. Elections : vous en rependrez bien encore un peu ?

    FRENCH TABLOÏDS

    arton36-e82c8.jpg

    Après des élections municipales bien trempées et pour ceux qui ne seraient pas saturés de slogans ravageurs sur l'insécurité, cap sur la France avec un polar où vous pourrez passer en revue les gros titres des médias français auxquels nous avons eu droit entre mars 2001 et avril 2002, année où un certain Jacques C. a obtenu un score stalinien de 82 % des suffrages contre un certain Jean-Marie Le P.

     

    Dans ce contexte voici le point de vue d'un auteur pour expliquer comment les électeurs ont été contraint à un tel choix : « French Tabloïds » de Jean-Hugues Oppel.

     

    Avec ce roman, Jean-Hugues Oppel nous entraine dans les arcanes des agences de communication, des services secret et de la police qui œuvrent toutes pour que le grand raout des élections présidentielles ne soient plus qu'une formalité. On y suit également le parcours d'un homme solitaire qui glisse doucement dans une paranoïa démente.

     

    L'auteur parvient à mêler habilement  fiction et faits d'actualité en s'inspirant du style de James Ellroy. En fait, il s'agit, ni plus ni moins, d'un hommage réussi à l'un des maîtres du polar. Outre le titre qui fait évidemment référence à American Tabloïds, on trouve le même rythme dans l'écriture et chaque chapitre est précédé d'une série de gros titres extraite des divers médias qui ont ponctué la vie des français durant cette période.

     

    Sans être aussi dense et aussi détaillé que l'œuvre à laquelle elle fait référence, cette histoire bien menée et bien rythmée se lit d'une traite. Jean-Hughes Oppel décrit sans concession la grande manipulation des masses et les magouilles étatiques pour y parvenir et que l'on y adhère ou pas, on se laisse emporter pour suivre les tribulations de l'infâme commissaire Jacques Lerois, du lieutenant de police Hélène Carvelle, du machiavélique Piers Goodwhille, de la mystérieuse agence PML Consulting et surtout du banal mais très inquiétant Victor Courcaillet. Une histoire qui n'a presque aucun rapport avec notre actualité politique locale !

     

    A l'exception des aficionados du roman noir, Jean-Hugues Oppel n'a pas la reconnaissance qu'il mérite alors que c'est un auteur majeur du polar français. Six Pack (dont on a tiré une médiocre adaptation au cinéma), Brocéliande-sur-Marne, Chaton : Trilogie et Cartago sont quelques un de ses romans dans lesquels gravitent fréquemment héros dépassés et sinistres criminels diaboliques. Mais pas de détective, flic ou méchants récurrents au gré de histoires. Un pari courageux lorsque l'on voit les succès commerciaux de certains auteurs qui usent parfois leurs personnages principaux jusqu'à la corde (non je ne donnerai pas de noms).

     

    Avec Jean-Hugues Oppel vous vous plongerez dans des récits engagés, tous plus originaux les un que les autres où l'auteur marie très fréquemment politique et polar qui ne font jamais très bon ménage.

     

    Jean-Hugues Oppel : French Tabloïds. Edition Rivages/Thriller 2005.