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polar japonais

  • KANAE MINATO : LES ASSASSINS DE LA 5e B. L’ECOLE DE LA VENGEANCE.

    les assassins de la 5e B, Seuil, Kanae Minato, polar japonais, école japonIl y a cette atmosphère étrange et parfois malsaine qui se dégage des romans asiatiques qui sied parfaitement à l’univers du noir en offrant de nouvelles perspectives narratives comme ce roman de la japonaise Kanae Minato reprenant avec Les Assassins de la 5e B, la structure si particulière de la nouvelle Dans le Fourré de son illustre compatriote,  Akutagawa Ryûnosuke. Chaque chapitre rapporte le point de vue des protagonistes de l’histoire dans une chorale sinistre et inquiétante. Outre la vision divergente, ce schéma narratif permet d’explorer la personnalité des différents acteurs face au drame auquel ils sont confrontés.

     

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    Dans son discours d’adieu à sa classe, Mme Moriguchi jette un froid en accusant, sans les nommer, deux de ses élèves d’avoir sciemment assassiné sa petite fille de 4 ans. Loin d’être désemparée, l’institutrice annonce avoir la ferme intention de se venger sans pour autant faire appel aux autorités. Dans un climat de suspicion et de non-dit on lira la lettre que la déléguée de classe adresse à son enseignante, puis le journal de la mère d’un des deux meurtriers. On prendra ensuite connaissance du témoignage du premier adolescent qui revit en flash-back des événements traumatisants de son enfance. On découvrira les sinistres desseins du second coupable, jeune génie du mal, qui trouveront une réplique surprenante avec un coup de téléphone de Mme Moriguchi.

     

    Une jeunesse délaissée et fascinée par la violence reste le thème majeur de l’ouvrage avec en toile de fond cette attirance pour la mort et le suicide, dans un pays industrialisé qui possède l’un des plus forts taux pour ce type de mortalité. L’atmosphère est pesante dans un univers scolaire qui semble en complet décalage à l’instar de ce professeur qui ne parvient pas à prendre la mesure du drame qui se joue autour de lui. La pression sociale et la solitude sont également deux aspects qui entraînent ces jeunes adolescents dans des dynamiques destructrices parfois surprenantes. On perçoit également l’absence du père qui consacre tout son temps au travail en dormant d’ailleurs fréquemment au bureau. Tout repose sur les épaules d’une mère traditionaliste qui ne peut accepter un éventuel dysfonctionnement de sa progéniture. Dans un aveuglement sans commune mesure, cette femme surprotège son fils en acceptant qu’il n’aille plus à l’école, sans pour autant en faire part à son mari et à sa fille aînée. Le drame se joue donc désormais dans une dissimulation meurtrière. Le second meurtrier évolue également dans un cadre de dysfonctionnement familial avec cet abandon maternel qu’il ne peut accepter. Sa logique meurtrière s’inscrit donc dans une recherche de visibilité et de reconnaissance que personne ne semble être en mesure de lui accorder. Cette attention il l’obtiendra finalement à son corps défendant dans une cruelle et abrupte confrontation finale.

     

    Les Assassins de la 5e B s’oriente d’une manière machiavélique sur une dynamique vengeresse qui prend des tonalités différentes selon la vision des intervenants avec des rebondissements surprenants en passant de l’empoisonnement à la stigmatisation pour s’achever dans une scène aussi surprenante qu'explosive. Un livre décoiffant et perturbant.

     

    Kanae Minato : Les Assassins de la 5e B. Editions Seuil/Policiers 2015. Traduit du japonais par Patrick Honnoré.

    A lire en écoutant : Past Mistake de Tricky. Album : Knowle West Boy. Domino Records 2008.

  • OTSUICHI : RENDEZ-VOUS DANS LE NOIR. JE NE TE VOIS PAS ET TU NE ME PARLES PAS !

    Capture d’écran 2014-07-21 à 18.21.17.pngC'est d'un ton assez péremptoire que l'on peut affirmer que l’avenir du roman noir et du roman policier se dessine du côté des pays asiatiques comme le Japon ou la Corée. Des cultures différentes et des états d’esprit  singuliers brisent régulièrement les codes de ces genres littéraires pour les transcender comme Otsuichi (nom de plume de Hirotaka Adachi), écrivain japonais que j’ai découvert un peu par hasard au détour du présentoir de ma librairie favorite.

     

    Capture d’écran 2014-07-21 à 18.24.04.pngL’un des ouvrages de Otsuichi, Goth, adapté pour un manga a déjà été traduit en français, mais n’étant pas un familier de ce support littéraire, je l’ai découvert par le biais d’un roman, Rendez-Vous Dans le Noir, publié par une petite maison d’édition spécialisée dans la littérature asiatique.

     

    Michiru est une jeune femme aveugle et solitaire qui vit recluse dans une grande maison à proximité d’une gare lorsqu’elle apprend qu’un homme a été poussé sous un train alors qu’il attendait sur le quai. Peu de temps après, Michiru ressent comme une présence dans sa maison. L’effroi passé, elle va tenter d’instaurer une espèce de dialogue silencieux avec cette mystérieuse présence qui s’obstine à rester muette  et qui semble attendre quelque chose. Mais s’agit-il vraiment du meurtrier et pourquoi Michiru s’obstine à ne pas signaler cette présence aux quelques connaissances qui viennent encore lui rendre visite ?

     

    Rendez-Vous Dans le Noir est un roman à la fois déroutant et ingénieux où l’auteur plonge ses deux personnages principaux dans une introspection tout en nuance et en subtilité qui met en exergue toute la problématique de l’absence de communication dans cette froide période de Noël. L’un des éléments qui surprendra le lecteur c’est de ne pas connaître exactement les circonstances du drame au moment où il se produit. Otsuichi interrompt le récit par une longue série de points de suspension pour passer sous silence cet élément capital. Cette ponctuation déroutante signale une manipulation importante de l’intrigue sans toutefois la dissimuler dans une série de faux semblants abscons. Un processus assez radical qui pourra ravir ou rebuter le lecteur. L’autre surprise du livre provient de cette rencontre muette entre Michiru et cet inconnu où l’absence de dialogue est compensée par une multitude de petits gestes qui donneront la tonalité des attitudes que devront adopter les deux protagonistes afin de s’apprivoiser au-delà de leurs handicaps respectifs. C’est tout l’enjeu de l’ouvrage qui se construit sur le passé et notamment l’enfance de ces deux personnages dont la rencontre ne s’avérera finalement pas si fortuite que cela. Et c’est bien là toute la force de ce roman où les « hasards » se révèleront être des mécanismes subtiles alimentant ainsi la série de rebondissements raffinés qui constituent l’intrigue.

     

    On regrettera peut-être la faiblesse des personnages secondaires à l’instar de la meilleure amie de Michuru dont le caractère infantile semble peu crédible nuisant ainsi à la qualité de l’histoire. Ce caractère puéril on le retrouve chez d’autres personnages qui jalonnent le récit comme ce jeune employé d’une imprimerie qui ne paraît absolument pas réaliste. Dans un texte aussi court ces petits défauts nuisent à la qualité de l’ensemble sans toutefois péjorer l’atmosphère mélancolique et angoissante de ce roman insolite.

     

    A l’instar d’un James Ellroy qui a ravivé les couleurs du roman noir dans les années quatre-vingts, il faudra peut-être un auteur d’une certaine envergure, une espèce de chef de file, pour amener le roman noir ou le polar asiatique sur les devants de la scène. Ce n’est qu’une question de temps et de traductions car les talents semblent être légion dans ces contrées lointaines.

     

    Otsuichi : Rendez-Vous Dans le Noir. Editions Philippe Picquier/Poche 2014. Traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako.

    A lire en écoutant : Ryuichi Sakamoto : Playing The Orchestra. UK Box. Virgin 1989.

     

  • KEIGO HIGASHINO : UN CAFÉ MAISON ; NOIR ET BIEN SERRE ET AVEC UNE POINTE D’ARSENIC !

     

    Faites monter l'arsenic

    Faites monter le mercure

    Faites monter l'aventure

    Au-dessus de la ceinture

    Et les pépites

    Jetez les aux ordures

                      Alain Bashung

     

    keigo higashino,un cafe maison,polar japonais,actes noirsAvec Keigo Higashino tout est dans la classe et la distinction avec ce raffinement si particulier d'une bourgeoisie japonaise qui n'est pas sans rappeler les ambiances des ouvrages d'Agatha Christie. Son dernier livre paru en français s'intitule Un Café Maison et l'on retrouve ce duo improbable que forme l'inspecteur Kusanagi à l'esprit cartésien et l'original physicien Yukawa qui avait déjà résolu une affaire complexe que l'on avait découvert dans Le Dévouement du Suspect X.

     

    Yoshitaka Mashiba est retrouvé mort dans son appartement. A ses côtés une tasse de café renversée dans laquelle on découvre des traces d'arsenic. Tout désigne son épouse Ayané, grande créatrice de patchwork qu'il avait l'intention de quitter. Le problème c'est que cette dernière était absente depuis quelques jours et que ses parents et ses amis confirment son alibi. Un crime parfait ? C'est ce que l'on peut penser à mesure que l'enquête avance et que toutes les suppositions émises par les enquêteurs aboutissent à une impasse. Face à ce crime déconcertant, c'est la jeune inspectrice Kaoru Utsumi qui décide de faire appel au physicien Yukawa d'autant plus que doté d'une grande sensibilité elle s'aperçoit que  son collègue, l'inspecteur Kusanagi semble être tombé sous le charme de la belle Ayané.

     

    Ce qu'il y a d'édifiant avec les ouvrages de Keigo Hishigano c'est qu'à mesure que l'on découvre l'intrigue, l'auteur s'amuse à détruire les suppositions que l'on élabore avec une implacable maestria. Nos points de vue sont faussés à un point tel que pour Un Café Maison on se demande même si la principale suspecte est bien celle que l'on croit. C'est vraiment l'originalité de cet écrivain talentueux qui distille une intrigue aussi serrée qu'un café noir bien corsé.

     

    Beaucoup de sensibilité et de séduction dans ce roman au parfum étrange et subtile avec des dialogues tout en finesse qui relève les duels auxquels se livrent les différents protagonistes de cette captivante enquête. L'histoire s'installe doucement comme un de ces patchworks qu'Ayané assemble patiemment, sans aucune précipitation pour donner à l'ensemble une inéluctable beauté tragique.

     

    Un grand roman ! Noir et bien serré avec une pointe d'arsenic comme je les aime !

     

    Keigo Higashino : Un Café Maison. Editions Actes Sud/Actes Noirs 2012. Traduit du japonais par Sophie Refle.

    A lire en écoutant : Faites Monter d'Alain Bashung. Album : L'Imprudence. Barclay Records 2002.

     

     

     

  • KEIGO HIGASHINO : LE DEVOUEMENT DU SUSPECT X, LA MALEDICTION DU FACTEUR HUMAIN.

     

    keigo higashino,dévouement suspect x,polar japonaisVoilà c'est fait : une erreur réparée en abordant pour la première fois la littérature policière japonaise, avec le Dévouement du Suspect X de Keigo Higashino. Pour cette première, il s'agit d'une enquête à la « Colombo », puisque, d'emblée, nous connaissons l'auteur du crime, ainsi que ses motivations.

     

    Yasuko Hanaoka vit seule avec sa fille, dans un modeste appartement. Elle tente en vain, de se soustraire au harcèlement  infernal de son ex-mari qui ne cesse de lui réclamer de l'argent. Une confrontation de trop tourne au drame, lorsque l'ex-mari s'en prend à sa belle-fille. Sous l'emprise de la fureur et de l'affolement, Yasuko Hanoaka commet l'irréparable en tuant cet odieux personnage. Ishigami, voisin de Yasuko, va mettre son talent de mathématicien de génie au service de sa voisine, dont il est amoureux, pour maquiller le crime.

     

    Un homme nu, dont les mutilations rendent l'identification impossible est découvert au bord du fleuve. C'est l'inspecteur Kusanagi qui est chargé de l'enquête. Pour l'aider, il consulte fréquemment son ami  Yukawa, brillant physicien doté d'une très grande facultés de déduction. Une joute fascinante mais impitoyable va s'engager entre le mathématicien et le physicien afin d'établir une vérité qui n'est pas si évidente que ne laisse paraître les apparences. Une confrontation entre la froide logique mathématicienne et la bouillonnante ivresse de la passion.

     

    Du respect et de la dignité, c'est ce qui ressort des rapports sociaux qui régissent cette société nippone où la pudeur des sentiments ne fait qu'exacerber l'intensité de la passion. C'est bien ce qui transparaît au travers des personnages de ce roman  dont la construction est somme toute assez classique. Pourtant, au fil des pages, l'intrigue faite de déductions logiques, nous dévoile les émotions des différents protagonistes jusqu'au dénouement finale qui cristallise toute l'ampleur des sacrifices consentis au nom de l'amour. C'est l'un des thèmes majeur de l'ouvrage de Keigo Higashino qui met en relief l'antagonisme entre la rigueur du raisonnement scientifique et l'instabilité du facteur humain qui peut tout remettre en question.

     

    L'autre talent de l'auteur est de nous transporter, d'une apparence à une autre au gré de petites allusions bien placées, sans nous en dévoiler les tenants et les aboutissants. Des faux-semblants qui piègeront le lecteur jusqu'au dénouement final. Un bel ouvrage, tout en passion et en sensibilité capable de pulvériser l'implacable constance des axiomes mathématiques et physiques. Maudit facteur humain !

     

     Keigo Higashino ; Le Dévouement du Supect X. Editions ACTES SUD/Actes noirs 2012. Traduit du japonais par Sophie Refle.

    A lire en écoutant : Risky de Ryuichi Sakamoto. Album : Néo Géo. CBS Records, 1987.