Alan Parks : Janvier Noir. Mauvais garçon.
Après avoir travaillé durant une vingtaine d'année dans l'industrie de la musique, sa première passion, en s'occupant notamment de Llyod Cole and the Commotions en tant que directeur créatif et manager pour la Warner, c'est avec l'effondrement des ventes des CD qu'il est licencié et qu'il retourne en Ecosse du côté de Glasgow où il a vécu durant toute une partie de son enfance. De là à dire qu'à toute chose malheur est bon, il n'y a qu'un pas, puisqu'Alan Parks se lance dans l'écriture en publiant Janvier Noir (Rivages/Noir 2018), premier roman d'une série mettant en scène l'inspecteur Harry Vincent McCoy officiant au sein de la police de Glasgow durant les années 70 qui va défrayer la chronique littéraire tant l'ouvrage suscite un engouement auprès des lecteurs et des critiques qui en redemandent tout comme sa maison d'éditions lui recommandant de concocter des récits intégrant dans leur titre tous les mois de l'année. Ainsi paraissent L'Enfant De Février (Rivages/Noir 2020), Bobby Mars Forever (Rivages/Noir 2022), Les Morts D'Avril (Rivages/Noir 2023), Joli Mois De Mai (Rivages/Noir 2024) et tout récemment Mourir En Juin (Rivages/Noir 2025) qui font désormais d'Alan Parks un candidat sérieux pour intégrer le fameux Tartan noir si tant est que ce groupe, dans lequel figurerait Ian Rankin et William McIlvanney, existe vraiment. Quoiqu'il en soit, Alan Parks revendique une certaine influence des romans de William McIlvanney que son père possédait à l'époque et qu'il a lu à son tour en le conduisant très certainement à reprendre cet environnement social du Glasgow des années 70 dans lequel il a évolué et dont il évoque certains lieux aujourd'hui disparus. Mais que l'on ne s'y trompe pas, la ville qu'Alan Parks dépeint n'a rien d'un personnage ou d'une espèce de guide touristique au charme suranné et s'inscrit plutôt comme le décor âpre d'une société en mutation où les usines disparaissent avec la perte d'emploi qui en résulte et la misère qui en découle, tandis que la zone périurbaine s'entend jusqu'à absorber les petites villes et villages environnants. C'est donc dans ce contexte qu'évolue l'inspecteur McCoy en ce début d'année 1973 glacial où l'on observe cette détresse d'individus marginaux que les nantis de la région n'hésitent pas à exploiter pour assouvir leurs plus bas instincts.
Au premier jour de l'année 1973, l'inspecteur McCoy se rend à la prison de Barlinnie pour apprendre d'un détenu qu'une jeune fille prénommée Lorna et travaillant dans un restaurant chic du centre-ville de Glasgow risquait d'être éliminée demain, sans autre précision. Néanmoins, après avoir identifié la victime potentielle qu'il ne parvient pas à joindre, le policier se rend à la gare routière où elle devrait débarquer du bus qui l'amène à son travail. Mais alors qu'il la distingue dans la foule du matin, un jeune homme surgit en exhibant un pistolet pour finalement ouvrir le feu en abattant la jeune femme avant de retourner l'arme contre lui et de s'effondrer aux pieds de McCoy qui n'a rien pu faire. Un événement qui fait les choux gras de la presse mais qui suscite des interrogations quant au mobile qui apparaît comme inexplicable. Ne se satisfaisant pas d'un pseudo "crime passionnel" McCoy et son adjoint Wattie vont enquêter dans les soubassements de la ville, malgré l'opposition de leurs supérieurs désireux de classer cette affaire où des notables semblent impliqués. Mais contre vent et marée, McCoy ne transigera pas quitte à faire appel à l'un des caïds de la ville avec qui il entretient des rapports plutôt troubles en matière de collusion. Mais que ne ferait-on pas pour un ami d'enfance ?
On connaissait déjà le Glasgow rude et obscur, aux pubs parfumés à la clope sans filtre des seventies que William McIlvanney déclinait au gré des enquêtes de l'inspecteur Jack Laidlaw donnant d'ailleurs son titre Laidlaw (Rivages/Noir 2015) au premier roman de la série. Si le décor et le contexte social y sont toujours aussi prégnants, place à un Glasgow encore plus brutal, encore plus rythmé que Harry McCoy arpente sur une bande son rock'n roll, héritage du passé musical d'Alan Parks qui intègre donc le craquement du diamant sur le sillon des disques de Bob Dylan, des Rolling Stones et plus particulièrement de The Animals dont le titre emblématique The House Of The Rising Sun restera gravé dans vos mémoire avec cette scène finale d'anthologie qui résume bien l'extrême tension qui imprègne l'ensemble du récit. On y distingue même David Bowie passant par la plus grande ville d'Ecosse pour y donner un concert. Mais au-delà de l'anthologie musicale de l'époque, il faut bien admettre qu'Alan Parks possède le talent inné de mettre en place une intrigue policière diablement efficace qui s'inscrit dans les codes du polar solide qu'il dézingue parfois, même si l'on retrouve l'image du flic défiant la hiérarchie, buvant quelques bières de trop et s'acoquinant avec un ami d'enfance devenu caïd de la ville avec lequel il a une relation ambigüe. Néanmoins si les codes habituels du genre émergent de l'ensemble d'un roman comme Janvier Noir, il faut saluer le fait que l'auteur écossais prend soin de faire le petit pas de côté afin de déstabiliser le lecteur dans le climat d'une violence sourde et délétère que l'on observe au gré d'une enquête dans le milieu de la pornographie et de la prostitution en mettant en exergue cette lutte des classes où les nantis semblent bénéficier de tous les droits au détriment des marginaux qui en sont les victimes et dont on perçoit le désarroi au gré des investigations de l'inspecteur McCoy qui doit également faire face à la corruption endémique qui frappe l'institution policière dans laquelle il évolue. Et que ce soit pour l'inspecteur McCoy et son entourage, mais également pour ses adversaires, on appréciera cette pointe de vulnérabilité que l'on distingue dans chacun des personnages en faisant en sorte de conférer à l'ensemble du roman cette étincelle d'humanité qui rejaillit parfois au milieu d'un environnement sordide en n'épargnant absolument personne. A partir de ce constat, on ne manquera pas d'être touché par Janey, jeune prostituée dont McCoy s'est amouraché, qui devient l'incarnation de cette jeunesse libre basculant dans les dérives de la drogue, dont l'héroïne, nouvellement débarquée en ville en faisant rapidement des ravages au sein de la population, ou même de Teddy Dunlop, ce jeune aristocrate dont l'enfance malmenée nous renvoie, dans un autre registre, à celle de Harry McCoy et de son camarade Steve Cooper issus tous deux d'une institution religieuse où les services à l'égard des enfants étaient la norme. S'il ne révolutionne pas le genre, Janvier Noir incarne ce qui fait de mieux dans le domaine du roman policier poisseux qui vous bouscule au rythme d'une intrigue extrêmement sombre où les meurtres et les disparitions s'enchainent dans un climat social des séventies admirablement restitué et dont on découvrira l'enchainement qui se décline déjà sur une série de six ouvrages que l'on ne manquera pas de dévorer.
Alan Parks : Janvier Noir (Bloody January). Editions Rivages/Noir. Traduit de l'anglais (Ecosse) par Olivier Deparis.
A lire en écoutant : The House of the Rising Sun de The Animals. Album : The Best of The Animals. 2000 Parlophone Records Ltd.
Lors de la tenue de festivals tels que celui des Quais Du Polar à Lyon, il y a ces moments magiques où l'on se livre à quelques considérations autour de la littérature noire avec tout ce petit monde du livre, en partageant le verre de l'amitié et en dégustant les spécialités de la région quand les restaurateurs daignent bien vouloir nous servir ce qui n'a rien d'une évidence dans la Capital des Gaules où l'accueil se révèle parfois légèrement bancal dans ce domaine. Quoiqu'il en soit, c'est l'occasion de belles rencontres comme celle avec Lionel Destremau qui a officié dans le monde de l'édition parisienne durant une vingtaine d'années avant de retourner à Bordeaux, ville de ses origines, où il dirige notamment le fameux festival Lire en Poche de Gradignan qui est le premier événement littéraire français exclusivement dédié à ce format et qui célèbre ses vingt ans d'existence. Mais outre ses activités dans les univers de l'édition et des manifestations littéraires, Lionel Destremau a publié trois recueils de poésie chez Tarabuste éditions, entreprise indépendante officiant depuis quarante ans dans la région du Centre-Val de Loire. On notera également la part active qu'il prendra à l'élaboration, durant cinq ans, de la revue de critique littéraire Prétexte qu’il a animé en collaboration avec Jean-Christophe Millois, et dans laquelle on trouve notamment quelques dossiers dédiés au mauvais genre comme Les marges du polar, littérature blanche ou noire ? C'est d'ailleurs probablement dans cette marge que s'installe Lionel Destremau publiant son premier roman noir, Gueules D'Ombre (La Manufacture de livres 2022) prenant pour cadre un pays fictif dans lequel évolue, au milieu des décombres d'une guerre sans nom, un enquêteur chargé de découvrir l'identité d'un soldat plongé dans le coma. Un récit décalé à l'image de la superbe couverture de l'ouvrage tout comme celle ornant Jusqu'à La Corde (La manufacture de livres 2023), second livre de l'auteur qui s'inscrit dans le même registre insolite de la ville fictive de Caréna. Mais c'est dans l'agglomération bien réelle de Lyon, durant les années trente, que se déroule Un Crime Dans La Peau, son troisième ouvrage que l'on peut définir comme le récit d'un fait divers au procédé narratif déconcertant puisque Lionel Destremau navigue une nouvelle fois à la marge des genres entre fiction et réalité de l'époque qu'il restitue avec une impressionnante habilité.
A l'occasion de la visite du musée des Techniques policières d'Edmond Locard à Lyon, le jeune officier de police en devenir Eric Mailly, passionné de tatouage, découvre deux ouvrages qui ont été retirés de la vente aux enchères d'une collection privée. Il s'agit notamment d'une étrange pochette ayant appartenu au médecin légiste et criminologue Jean Lacassagne qui présente la particularité d'avoir intégré dans sa reliure la peau tatoué d'un homme, ce qui en interdit toute commercialisation. En se penchant sur les origines de l'ouvrage, Eric Mailly découvre que le tatouage ornait le corps de Louis Rambert, coupable de l'effroyable double meurtre de deux personnes âgées, crime qui avait défrayé la chronique judicaire lyonnaise des années trente. Et en poursuivant ses recherches, le jeune élève de l'école de police constate avec stupeur que le complice prénommé Gustave porte le même nom que lui. Se pourrait-il qu'il s'agisse d'un de ses aïeuls ? ainsi, en se plongeant dans les archives, dont celles de la presse qui a relaté le procès, Eric Mailly va découvrir certains pans de la vie tumultueuse de Louis Rambert et de Gustave Mailly, deux vauriens qui ont fini par commettre l'irréparable. S'agit-il d'un parcours prédestiné ? Et que sont-ils devenus après avoir été condamnés ?
Service de presse.
Prague qui a inspiré Milan Kundera. Il n'en demeure pas moins que les événements tombent dans l'oubli ou demeurent méconnus à l'instar de cette opération Kamen des services de renseignement de la
République tchécoslovaque qui ont mis en place de faux passages frontaliers afin d'intercepter les femmes et les hommes qui tentaient de passer à l'Ouest durant la guerre froide. C'est autour de ce thème que s'est penché la romancière Petra Klabouchová, considérée comme la nouvelle voix du polar tchèque, en se focalisant également sur le sort réservé aux femmes incarcérées et exécutées dans l'enceinte de la prison de Pankrác et dont les corps ont été ensevelis dans des fosses communes du cimetière de Dáblice, Près Du Mur Nord, enceinte qui donne son titre à ce roman aux allures de thriller gothique s'inspirant du témoignage réel de ces prisonnières politiques.
Si les faits remontent à plus d'une cinquantaine d'année, l'Homme au cœur troué n'a rien oublié de ces opposants politiques dont les corps furent jetés dans des fosses communes du cimetière de Dáblice, au nord de Prague. On parle de centaines d'hommes mais également de femmes, d'enfants et même de nourrissons enterrés à la va-vite dans ce qui apparaît comme une décharge. Et quand bien même le registre du cimetière aurait mystérieusement disparu dans un incendie l'Homme au cœur troué est capable de se remémorer toutes les circonstances de cette purge du gouvernement communiste qui a effacé toute trace de leur existence en privant ainsi les familles d'un lieu de recueillement. Il a même constitué six dossiers concernant les bourreaux impunis afin de faire justice lui-même en les éliminant un par un. De son côté, La Soignante des Mourants s'occupe des patients d'une maison de retraite et observe des phénomènes étranges au sein de l'établissement qui convergent tous vers une vielle femme grabataire dont la raison s'est disloquée mais qui semble pourtant tourmentée par de terribles souvenirs.
Elle vient de fêter ses 20 ans d'existence ce qui n'est pas une évidence lorsque l'on est une maison d'éditions indépendante
Ancien boxeur, Glen fait office de "nettoyeur" pour le compte de Charlie Olinde, bookmaker et caïd local du Kentucky, qui compte sur lui pour faire disparaître le corps d'un individu qu'il vient de refroidir. Et alors que le vieil homme s'apprête à immerger le cadavre dans un bras de la Gasping River, voilà qu'apparaît Emmalene, une jeune fille de la région à la recherche de son grand-père et qui devient ainsi un témoin encombrant dont il ne sait que faire. Glen décide donc de l'emmener de force dans la vieille ferme décatie où il vit en attendant de recevoir des intrusions de son commanditaire. Emmalene découvre ainsi l'atelier de son ravisseur qui s'adonne depuis des années à la peinture et qui décide de lui monter la grande fresque qu'il réalise sur silo à grain abandonné du domaine représentant le naufrage du Handsome Molly en 1851 et dont il se met à lui narrer les circonstances tragiques. Mais la jeune fille profite d'un moment d'égarement du vieil homme pour prendre la fuite. Devant tant d'adversités, Charlie Olinde estime qu'il est temps de se débarrasser de la jeune fille, mais également de son homme de main et lance ainsi à la trousse de Glen et d'Emmalene deux tueurs chargés de les éliminer.
Maison d'éditions indépendante fondée et dirigée par Pierre Fourniaud, La Manufacture de livres s'enorgueillit désormais d'une collection un peu à part, intitulée
La Petite Gauloise.
La Petite Fasciste.