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MON ROMAN ? NOIR ET BIEN SERRE ! - Page 2

  • ALEXANDRE TAYLOR : GASPING RIVER. TRAQUE ET NAUFRAGE.

    Capture d’écran 2025-05-15 à 21.56.51.pngElle vient de fêter ses 20 ans d'existence ce qui n'est pas une évidence lorsque l'on est une maison d'éditions indépendante qui parvient à s’imposer au sein d'un paysage littéraire en ébullition en proposant tout d'abord des romans d'auteurs américains s'inscrivant dans ce courant de "nature writing" qui ont fait la réputation de Gallmeister. Mais tout d'un coup, voilà que débarque Pike (Gallmeister 2012) de Benjamin Whitmer prenant pour cadre ce décor urbain extrêmement âpre des bas-fonds de la ville de Cincinnati et qui intègre tout d'abord la collection générale Americana avant d'inaugurer la collection Néo Noir qui compte désormais une douzaine de romans mais qui n'a malheureusement pas perduré, faute d'un lectorat suffisant sans doute en partie dû à une maquette un peu trop sombre, malgré le bel aspect original de la typographie qui faisait un appel du pieds aux amateurs de romans noirs exclusivement. Quoiqu'il en soit, c'est dans cette collection Néo Noire qu'apparaît Le Verger De Marbre (Gallmeister 2016), premier roman d'Alex Taylor qui fait figure de baroudeur ayant arpenté l'immensité de l'état du Kentucky d'où il est originaire en effectuant des métiers variés et qui enseigne désormais à l'université de Western Kentucky tout en se consacrant à son métier d'écrivain. On avait été marqué par ce formidable roman noir, à la lisière d'une dimension fantastique, se déroulant dans la région rurale de la Gasping River, dans le Kentucky justement, où un jeune homme, après avoir tué le fils d'un truand notoire qui tentait de le dévaliser, se retrouvait traqué par un tueur impitoyable flanqué de trois chiens féroces. Et si la collection Néo Noir a disparu, on se demandait ce qu'il advenait d'Alex Taylor, jusqu'à ce que débarque sur les étals des libraires, Le Sang Ne Suffit Pas (Gallmeister 2020), un roman d'aventure aussi époustouflant que féroce, aux allures de western, narrant le périple dantesque d'un voyageur s'aventurant dans les contrées enneigées de l'ouest de la Virginie durant la période chaotique du milieu du XVIIIème siècle. Et puis encore une fois, on pensait qu'Alex Taylor disparaissait du paysage de Gallmeister, ce d'autant plus que la maison d'éditions prenait un virage éditorial plutôt déroutant en s'ouvrant à la littérature en provenance d'autres contrées que celles des Etats-Unis, en s'aventurant du côté de la réédition de classiques avec une collection Litera aussi belle qu'onéreuse, en "empruntant" parfois quelques auteurs à d'autres maisons d'éditions, tout en se focalisant sur le marché des nouvelles traductions d'ouvrages emblématiques à l'instar de La Promesse du dramaturge suisse Friedrich Dürrenmatt publié dans la collection poche Totem et qui a rencontré un grand succès public grâce au travail du traducteur Alexandre Pateau qui s'est penché sur cinq autres textes de l'auteur bernois. Mais pour en revenir à Alex Taylor, après cinq ans de silence, le romancier revient avec la parution de Gasping River qui s’inscrit dans la confluence de ses deux précédents romans puisque le déroulement de l’intrigue se déploie sur deux époques, contemporaine pour l’une et au milieu du XIXème siècle pour la seconde, avant de s’entremêler au détour d’une fresque inachevée représentant le naufrage du Handsome Molly, un bateau à aube qui a sombré dans la Gasping River à la suite de l’explosion de la chaudière en surchauffe. Ainsi, si Gallmeister prend de l’essor en se diversifiant afin de capter un plus grand lectorat, il est réjouissant de constater que la maison d’éditions conserve son identité éditoriale originelle même si de tels récits se diluent davantage dans le flux plus important des thrillers et autres cosy mystery agrémentant désormais son imposant catalogue de 20 ans qui continue de nous séduire et qui va s’étoffer très prochainement d’une collection jeunesse tout en bénéficiant, pour l’ensemble de ses ouvrages, de son propre canal de diffusion Séquoia, titre évocateur, s’il en est, des valeurs fondamentales de l’entreprise. 

     

    IMG_0983.jpegAncien boxeur, Glen fait office de "nettoyeur" pour le compte de Charlie Olinde, bookmaker et caïd local du Kentucky, qui compte sur lui pour faire disparaître le corps d'un individu qu'il vient de refroidir. Et alors que le vieil homme s'apprête à immerger le cadavre dans un bras de la Gasping River, voilà qu'apparaît Emmalene, une jeune fille de la région à la recherche de son grand-père et qui devient ainsi un témoin encombrant dont il ne sait que faire. Glen décide donc de l'emmener de force dans la vieille ferme décatie où il vit en attendant de recevoir des intrusions de son commanditaire. Emmalene découvre ainsi l'atelier de son ravisseur qui s'adonne depuis des années à la peinture et qui décide de lui monter la grande fresque qu'il réalise sur silo à grain abandonné du domaine représentant le naufrage du Handsome Molly en 1851 et dont il se met à  lui narrer les circonstances tragiques. Mais la jeune fille profite d'un moment d'égarement du vieil homme pour prendre la fuite. Devant tant d'adversités, Charlie Olinde estime qu'il est temps de se débarrasser de la jeune fille, mais également de son homme de main et lance ainsi à la trousse de Glen et d'Emmalene deux tueurs chargés de les éliminer.  

     

    Après avoir transité avec Le Sang Ne Suffit Pas, dans les environs de la Virginie à l'occasion d'un périple aux intonations aussi incandescentes que baroques, nous voilà de retour dans le Kentucky, sur les rives de la Gasping River qui fut déjà le théâtre, dans Le Verger De Marbre, des événements qu'affrontait Beam Sheetmire se heurtant à la pègre locale bien décidée à l'éliminer. On reste donc dans un registre similaire de règlements de compte avec Gasping River où Glen doit affronter Bobby et surtout Eart, deux tueurs à gage chargés de se débarrasser des personnes qui pourraient mettre en péril les activités de Charlie Olinde, leur commanditaire qui ne veux prendre aucun risque. Mais à l'occasion de ces confrontations assez brutales, émerge cette légende d'autrefois qui s'incarne dans la fresque que Glen peint sur un silo à grain délabré et qui raconte la légende du capitaine Orléan Maceuse, capitaine d'un navire abritant spectacles et tables de jeu et qui tombe fou amoureux de la chanteuse Lilac Mary, le poussant à détourner le navire afin de la garder auprès de lui le plus longtemps possible, ceci au détriment des armateurs qui souhaitent récupérer le bateau en déroute. La folie, ou pour le moins, la déraison, c'est ce qui anime d’ailleurs une bonne partie des personnages de cette intrigue chaotique où s'entremêle deux époques dans une certaine confusion se démarquant de cette usuelle et morne alternance où un chapitre consacré au passé succède à un chapitre consacré au présent pour s'inscrire dans une narration déroutante, où Glen révèle de longs segments des aventures du capitaine Maceuse. Il y a ce côté obsessionnel pour Glen aspirant à terminer cette fresque dantesque qui fascine littéralement Earl, ce tueur sans pitié, qui oublie toutes les règle de prudence pour connaître le destin du capitaine Maceuse. On navigue donc littéralement dans une atmosphère imprégnée d'absence totale de raison, au détour de confrontations brutales qu'Alex Taylor prend soin de mettre en scène dans un registre qui reste pourtant extrêmement réaliste sans partir dans des excès puisque la légende se suffit à elle-même dans ce qu'elle a de d’outrancier et de funeste au gré d'une singulière destinée qui vous coupe le souffle. Et s'il présente tous les aspects d’un récit entendu, au long fleuve tranquille, Gasping River, révèle en fait tout ce qu’il y a de plus tumultueux dans la fureur des hommes basculant dans la folie avec le déferlement d’une violence sourde et latente qui éclate soudainement et qu’Alex Taylor décline avec le talent déroutant qui est le sien en désarçonnant plus d’un lecteur. Un roman aux accents Southern Gothic, obscur et fascinant.

     

    Alex Taylor : Gasping River (The Belle And The Pomegranate). Editions Gallmeister 2025. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Fabienne Gondrand.

    A lire en écoutant : Not Only Human de Heather Nova. Album : Siren. 1998 V2 Music Limited.

  • Jérôme Leroy : La Petite Gauloise / La Petite Fasciste. La fin des temps.

    jérôme leroy,la manufacture de livres,la manu,la petite fasciste,la petite gauloise,éditions folioMaison d'éditions indépendante fondée et dirigée par Pierre Fourniaud, La Manufacture de livres s'enorgueillit désormais d'une collection un peu à part, intitulée La Manuf qui se consacre de manière plus marquée aux romans noirs et pour être plus précis à ce courant du néo-polar initié par des romanciers tels que Jean-Patrick Manchette et Jean-François Vilar et dans lequel se sont engouffrés des écrivains comme Thierry Jonquet, Jean Vautrin, ADG et Frédéric H. Fajardie pour n'en citer que quelques-uns qui sont parfois un peu trop vite oubliés. Héritier de ce mouvement littéraire dont il a côtoyé certains membres, il était évident que ce soit Jérôme Leroy qui inaugure cette collection lui qui a déjà publié deux romans noirs au sein de cette maison d'éditions, dont Les Derniers Jours Des Fauves (La manufacture de livres 2022), ouvrage remarquable et remarqué s'inscrivant dans une espèce de "comédie humaine" que Balzac n'aurait pas reniée. Il faut dire qu'avec le roman Le Bloc, paru en 2011 dans la collection Série Noire et qui lui a valu une certaine notoriété, Jérôme Leroy débute une sorte de grande  fresque sociale de la France de demain qui s'articule autour de l'émergence du Bloc Patriotique, un parti d'extrême-droite fictif arrivant aux porte du pouvoir et dont la structure ressemble furieusement au Front/Rassemblement National. A partir de là, on observe cette déliquescence du pouvoir politique, sur fond d'un dérèglement climatique de plus en plus prégnant accentuant cette sensation d'effondrement qui émane des textes que l'auteur a écrits par la suite, tels que La Petite Gauloise ou Les Derniers Jours Des Fauves et bien évidemment La Petite Fasciste où transitent les personnages avec une importance qui diffère en fonction des circonstances des différents récits qui s'inscrivent dans une dimension de roman noir aux entournures poétiques. Car outre son activité de romancier, cet ancien professeur de français, qui a exercé dans les zones prioritaires de Roubaix, a publié plusieurs recueils de poésie ainsi que des romans pour la jeunesse et s'est même essayé au scénario en collaboration avec Lucas Belvaux qui a adapté son roman Le Bloc en réalisant ainsi Chez Nous avec, dans le rôle principal, la regrettée Emilie Dequenne. Pour les personnes naïves, un brin écervelées, on dira que l’ensemble des romans de Jérôme Leroy prennent une allure dystopique alors que le terme anticipation semble tout de même plus approprié pour ce qui apparaît davantage comme une scénario probable dans le contexte d’une actualité où la montée de l’extrémisme de droite n’a plus rien d’une fiction.

     

    jérôme leroy,la manufacture de livres,la manu,la petite fasciste,la petite gauloise,éditions folioLa Petite Gauloise.
    Poursuivi dans les dédales de la cité d'une grande ville de l'ouest de la France, par une bande de djihadistes qui ont abattu sa source à coup de rafales de Kalachnikov, le capitaine Mokrane Méguelati pensait s'en tirer à la vue d’un équipage de la police municipale rappliquant sur les lieux mais qui ne trouve rien de mieux que de le descendre froidement d'un coup de fusil à pompe dans la tête. Il faut dire que dans cette municipalité tenue par le Bloc Patriotique, on n'aime pas trop les arabes qui agitent une arme à feu, fussent-ils affiliés à la Police Nationale. La bavure est d'autant plus regrettable que cet officier détenait des informations quant à l'imminence d'un attentat d'envergure dans cette région en effervescence. Et tandis que Le Combattant, chef du groupuscule terroriste, semble prêt à en découdre avec les sections de l'anti-terrorisme bien décidées à l'éliminer, les banlieues s'embrasent dans une succession d'émeutes alors que La Petite Gauloise attend son heure pour agir dans ce contexte explosif. Autant dire que ça va saigner. 

     

    C'est aussi bref que cinglant, en s'inscrivant dans un registre subversif qui se décline au gré d'une narration omnisciente aux tonalités ironiques, parfois même sarcastiques permettant de conjuguer cette thématique sombre du nihilisme jusqu'au-boutiste sous l'éclairage d'un texte d'une drôlerie mordante qui vise toujours juste. La Petite Gauloise débute sur le chapeaux de roue avec une scène de fusillade intense qui va vous plonger en apnée dans le déferlement d'une violence singulière sans vous laissez le temps de reprendre votre souffle tout en posant le contexte d'une climat délétère où une jeune femme, surnommée La Petite Gauloise, manoeuvre en côtoyant une mouvance djihadiste qu'elle manipule pour arriver à son but qui est d'exprimer tout le mal qu'elle pense du monde qui l'entoure. Tout cela se met en place au rythme expéditif d'une mise en scène d'une redoutable efficacité que Jérôme Leroy déploie également dans le huis-clos de l'Algeco d'un lycée en chantier dans lequel évolue quelques personnages déroutants à l'instar de Flavien Dubourg, ce professeur puceau peinant à maîtriser ses élèves plus que dissipés et qui espère bien avoir une ouverture avec la romancière Alizé Lavaux qu'il a invitée dans le cadre de son cours de français. Et autant dire que le romancier s'en donne à coeur joie avec ces deux protagonistes exerçant les mêmes métiers que lui et qui connaît donc bien ce climat scolaire qu'il restitue avec une certaine justesse au détour de la réaction parfois surprenante de certains élèves qui vont nous entraîner dans un répertoire de plus en plus tendu rappelant à certains égards un récit tel que Les Enfants Du Massacre de Giorgio Scerbanenco. Portrait au vitriol d'une société française qui se délite dans le contexte de ses convictions extrêmes, La Petite Gauloise est un roman noir aux allures de rouleau compresseur laissant apparaître la puissance du désarroi d'individus qui ne comprennent plus du tout le monde qui les entoure et qui sont bien décidés à l'éradiquer dans un déferlement d'une violence cathartique. 

     

    jérôme leroy,la manufacture de livres,la manu,la petite fasciste,la petite gauloise,éditions folioLa Petite Fasciste.
    Francesca Crommelynck, surnommée La Petite Fasciste, aime Jugurtha Aït-Ahmed, un jeune arabe qu'elle côtoie depuis l'enfance mais qui ne cadre pas vraiment dans l'environnement familial  dans lequel elle évolue. On en est pas à une contradiction près dans cette région de la Flandres où le climat politique instable profite au Bloc Patriotique ainsi qu'au Bouclier un groupuscule d'extrême-droite érigeant la violence comme un art de vivre et que la jeune femme fréquente assidument. C'est donc à coup de tonfa sur des gauchistes indigents que la militante identitaire exprime sa rage après avoir perdu son amant ainsi que son frère Nils en pensant ne plus rien avoir à perdre. Mais pourtant le coup de foudre survient lors de la rencontre fortuite avec le député socialiste Bonneval qui remet son mandat en jeu sans trop y croire. Et quand on ne croit à plus grand chose, il est bon de laisser derrière soi toutes ses désillusions et de se laisser emporter par cet amour naissant. Ce d'autant plus lorsque le pays sombre dans une violence généralisée où tous les coups sont permis pour éliminer les rivaux politiques. 


    Après le nihilisme de La Petite Gauloise, place au relativisme de l'amour avec La Petite Fasciste qui emporte tout sur son passage. Mais que l'on ne s'y trompe pas, le récit n'a rien d'une romance niaise et sirupeuse et s'inscrit une nouvelle fois dans le registre du roman noir le plus affirmé qui soit en débutant sur la bavure cauchemardesque d'un tueur à gage se trompant de cible et virant au véritable jeu de massacre aux entournures burlesques qui ne manquera pas de vous secouer. On retrouve également ce narrateur omniscient aux pouvoirs divins qui s'adresse parfois au lecteur et qui peut définir l'avenir de ses personnages qu'il dépeint avec cette verve sardonique et saillante prêtant à sourire en dépit de la noirceur de l'environnement dans lequel on évolue. Pour l'occasion, Jérôme Leroy s'emploie de nouveau à mettre en pièce cet extrémisme de droite en passant en revue les différentes mouvances dont on distingue toutes les nuances au sein de la famille de Francesca Crommelynck, surnommée La Petite Fasciste, mais également en se penchant sur les activités du Bouclier, ce mouvement identitaire qui se démarque du Bloc Patriotique jugé par certains de ses membres comme bien trop complaisant notamment vis-à-vis des antifas avec lesquels ils estiment devoir employer la manière forte, ce qui déplaît à Stanko, l'ancien nervi du parti d'extrême-droite que l’on côtoyait pour la première fois dans Le Bloc, et qui semble s'être quelque peu assagi, du moins en apparence, en restant fidèle à Agnès Dorgelles qui dirige toujours le parti d'une main de fer, au grand désespoir d’un gouvernement plus que dévoyé. On pourra avoir une impression de redite avec La Petite Fasciste et on se montrera peut-être circonspect en accompagnant le parcours de ces deux amants aux convictions opposées, tout comme leurs âges respectifs d'ailleurs, d'où émerge cette image désuète de la jeune fille tombant amoureuse du séduisant sexagénaire revenu de tout. Mais en prenant garde à ne pas trop abuser du schéma classique, Jérôme Leroy nous emmène surtout sur le registre d'une fuite en avant où l'idée du lendemain ne compte guère, pour  nous renvoyer dans l'ornière d'un monde qui s'effondre doucement avec cette verve légèrement poétique qui définit son écriture et ces sursauts de violence électrisant ce texte de moins de 200 pages qui vous éblouit. Et puis on apprécie toujours ce petit côté érudit imprégnant ce récit qui se concentre autour de la personnalité de Francesca Crommelynck, cette khâgneuse fan de Drieu la Rochelle et du poète Jules Laforgue, en comprenant, peu à peu, qu'elle s'est engouffrée dans la voie identitaire davantage par atavisme que par conviction. Tout cela se décline sur les musiques désenchantées de Tinderstick ou de Joy Division qui composent la bande-son de La Petite Fasciste ouvrage sans faille d'une séduisante noirceur qui inaugure, de la plus belle des manières, cette nouvelle collection La Manuf à laquelle on souhaite un plein succès.

     

     

    Jérôme Leroy : La Petite Fasciste. Editions La Manufacture de livres/Collection La Manu 2025.

    Jérôme Leroy : La Petite Gauloise. Editions La Manufacture de livres 2018. Editions Folio/Policier 2019.

    A lire en écoutant : La Sentinelle de Luke. Album : La Tête En Arrière. 2005 Sony Music Entertainment France.

  • RICHARD MORGIEVE : LE CHEROKEE. LE DEMON DANS MA PEAU.

    richard morgiève; le cherokke,éditions joelle losfeld,editions gallimard,folio policier"Il y a un moment que je sais que tu t'es envolé dans les espaces supérieurs"

    Extrait d'une lettre de Jean-Patrick Manchette adressée à Richard Morgiève (1)

     

    Durant les années 80, après avoir commis cinq polars pour la défunte collection Sanguine chez Albin Michel ainsi que pour la collection Engrenage chez Fleuve Noir, il est repéré par Jean-Patrick Manchette et Michel Lebrun qui relèvent déjà son immense talent d'écrivain. Néanmoins, il s'était extrait de l’ornière de la littérature noire pour écrire une vingtaine de romans qui effleurent parfois le mauvais genre avec ce sentiment d'écorché vif émergeant de son œuvre qui n'est pas sans lien avec son parcours de vie, notamment pour ce qui a trait à la perte de ses parents dans des circonstances tragiques. Egalement dramaturge, scénariste et acteur, difficile de caser Richard Morgiève dans un genre littéraire même si Le Cherokee ainsi que Cimetière d'étoiles, publiés entre 2019 et 2021, s'inscrivent résolument dans une dimension de roman policier, ce qui a pu très certainement perturber quelques membres du landernau littéraire parisien dont certains ont décrété que ces deux récits dépassaient le cadre du simple polar, afin de se rassurer quant à ce crime de lèse-majesté où un auteur de littérature blanche se perdrait à nouveau dans les bas-fonds de la littérature noire. Quoiqu'il en soit, Le Cherokee obtient le Grand Prix de la Littérature Policière en célébrant ainsi ce livre désormais culte, extrêmement dense, qui rend un bel hommage à ces romans noirs américains de l'époque au gré d'une intrigue se déroulant dans les années cinquante et prenant pour cadre les contrées semi-désertiques de l'Utah dans lesquelles évolue ce shérif d'une localité perdue à la poursuite d'un tueur en série alors qu'une menace nucléaire pèse sur le pays.  

     

    richard morgiève; le cherokke,éditions joelle losfeld,editions gallimard,folio policierEn 1954, alors qu'il patrouille de nuit, sur les routes enneigées des contrées désertiques du comté du Garfield dans l'Utah où il officie comme shérif, Nick Corey tombe sur une Hudson Sedan verte abandonnée qui pourrait bien être le théâtre d'un crime. Tout à coup, il distingue un avion de chasse Sabre qui vole à basse altitude avant d'atterrir en catastrophe sur ce plateau aride, sans aucune lumière et surtout sans aucune présence du pilote. Après avoir avisé les autorités, l'armée débarque avec toute sa logistique pour récupérer l'avion, tandis que le FBI tente de faire la lumière sur cet événement sans précédent. On parle d'une manigance des russes ou des extra-terrestres. Pour ce qui concerne Nick Corey, il se retrouve à enquêter sur le conducteur de la voiture abandonnée qui pourrait bien être le tueur en série responsable de la mort de ses parents alors qu'il était enfant et qui a donc gâché son existence. Il se lance ainsi à sa poursuite en étant secondé par un haut cadre du FBI en quête du chargement disparu de l'avion qui pourrait causer des dommages irréversibles au pays.

     

    Avec Richard Morgiève, il faut s'attendre à être bousculé, déconcerté, voire même dérangé avec ce sentiment de graviter dans une dimension supérieure, sans trop bien comprendre de quoi il en retourne, mais en ressortant indubitablement bouleversé de ce voyage littéraire dans lequel vous vous êtes laissé entraîner, bien malgré vous, au gré d'un texte splendide devant lequel il ne vous reste plus qu'à vous incliner. Débutant comme un polar d'une époque révolue avec cette sensation d'avoir été traduit abruptement "à la hache" comme on pouvait le faire à la grande époque de la Série Noire des années 50-60, Le Cherokee ne déroge pas à cette puissance de feu émanant d'un romancier qui s'emploie pourtant à briser, de manière brutale et plutôt crue, l'archétype du héros américain viril que l'on percevait durant cette période et dont le patronyme Nick Corey, hommage évident au grand Jim Thompson, laisse pourtant présager quelques failles émergeant de ce personnage central apparaissant bien plus complexe qu'il ne le laisse paraître. A partir de là, l'intrigue policière prend une tonalité bien plus singulière avec cette perception de l'immensité des paysages d'où émane ce sentiment de liberté se heurtant à la paranoïa d'une population emmaillotée dans sa crainte de tout ce qui n'entre pas dans son cadre de référence et qui devient une menace incarnée par cette frayeur d'une éventuelle invasion des russes ou des extra-terrestres selon la crédulité de chacun. Dans ce climat anxiogène habilement mis en scène, on ressent une espèce de folie obsessionnelle dans laquelle baigne ce shérif Nick Corey aux apparences bourrues qui s'est mis en tête de traquer un tueur en série qui a égorgé ses parents alors qu'il n'était qu'un enfant et qui semble avoir repris du service dans sa juridiction pour l'entraîner dans tous les recoins de la région qu'il arpente en chevauchant une Harley tout en croisant une galerie de personnages aux archétypes bien marqués mais qui se désagrègent parfois d'une manière saisissante. Et comme si cela ne suffisait pas, le policier doit également faire face à un complot de militaires dissidents qui se sont mis en tête de secouer le pays de ce qui apparaît pour eux comme une forme de léthargie face à la menace communiste. Tout cela peut prendre une allure foutraque, presque échevelée avec cette sensation de se perdre dans toute une succession d'événements saillants qui s'inscrivent pourtant dans une tension de plus en plus prégnante tout en se demandant si l'on ne va pas perdre pied soudainement à mesure que l'on progresse dans le fil d'une intrigue extrêmement consistante qui pourrait apparaître comme bien trop chimérique. Mais en digne maître de la narration, Richard Morgiève ne lâche rien quant à la bonne tenue d'un récit dont les différents aspects prennent finalement tout leur sens au terme d'une scène finale marquante mettant en perspective tous les aléas du parcours tragique d'un homme marqué par le sceau de l'amour, thème essentiel dont le romancier aborde les préceptes avec cette extraordinaire sensibilité rejaillissant tout au long d'une intrigue policière peu commune qui demeure inoubliable.

     

    Richard Morgiève : Le Cherokee. Joëlle Losfeld Editions 2019 et collection Folio policier 2019.


    I Drink Alone de Georges Thorogood & The Destroyers. Album :  Maverick. 1989 Capitol Records, LLC.

     

    (1) Lettres Du Mauvais Temps. Correspondance 1977-1995. Jean-Patrick Manchette. Editions de La Table Ronde, 2020.

  • Marto Pariente : Balanegra. Bonneteau.

    marto pariente,balanegra,série noireOn dit de lui qu'il a officié au sein de la Guardia Civil durant 22 ans et qu'il vit avec sa femme et ses enfants du côté d'Alovera, petite localité tranquille de Guadalajara, une province de l'Espagne qui devient d'ailleurs le cadre de La Sagesse De L'Idiot, son premier roman traduit en français par le romancier Sébastien Rutès. Mais si l'on examine, quelque peu son parcours, on découvrira que Marto Pariente a publié en 2015 son premier roman intitulé Una Bala Para Riley qui n'a encore jamais été traduit en français tout comme Las Horas Crueles qui paraît en 2023 dans sa langue d'origine en prenant également pour cadre la région de Guadalajara et en s'inscrivant davantage dans un registre d'enquête policière que de roman noir. Et quand bien même La Sagesse De L'Idiot a été encensé, à juste titre, par les lecteurs et la critique, tout en étant couronné de quelques prix prestigieux de la littérature noire, on ne trouvera guère d'entretiens du romancier qui reste assez discret. Il faudra s'armer de son traducteur Google et écumer les sites espagnols où l'on apprendra qu'il apprécie Dashiell Hammett ainsi que Jim Thompson dont on retrouve certains éléments de noirceur dans ces textes ainsi que James Ellroy qui d'un certaine façon l'aurait poussé à se lancer dans l'écriture. En tant que lecteur, Marto Pariente semble davantage porté vers cette littérature âpre incarnée par le roman noir plutôt que vers le thriller et met en avant, sur les réseaux sociaux, des textes de Daniel Ray Pollock et de John R. Lansdale possédant ce sens aigu de l’intrigue, tout comme lui. Mais s’il suffisait de lire de bons  livres pour faire de vous un romancier accompli, cela se saurait et il faut bien évidemment saluer ce sens de la narration qui s'inscrit dans une espèce de boucle où évoluent les différents protagonistes avant d'entrer dans une collision pleine de fureur et d'éclats d'une violence burlesque qui vous bousculent et que l'on retrouve plus particulièrement dans Balenegra, nouveau roman de Marto Pariente qui nous plonge encore une fois dans cet univers de truands décalés et cruels.  

     

    marto pariente,balanegra,série noireEn se rendant à l'enterrement de son frère, dans la localité perdue de Balanegra, Coveiro a hérité de sa fonction de fossoyeur qu'il a endossé avec un certain fatalisme pour s'occuper de son neveu Marco, un jeune garçon autiste, désormais orphelin, qui connaît par coeur chacune des inscriptions des pierres tombales du cimetière. Tout pourrait aller pour le mieux pour ce vieil homme usé qui aspire à une certaine tranquillité mais qui voit sa routine bousculée avec l'enlèvement de Marco dont il est témoin, ceci au lendemain de l'enterrement d'un homme politique accusé de pédophilie et dont le décès, lors d'une reconstitution judiciaire, apparaît pour le moins étrange. Pour faire la lumière sur cette succession d'événements surprenants, le vieux fossoyeur n'a pas d'autre choix que de fourbir les armes et de retrouver ses anciens réflexes de tueur à gage afin de secouer les truands et même les flics qui s'en sont pris à son neveu. Et autant dire que ça va saigner méchamment dans les chaumières, car Coveiro ne fait preuve d'aucune indulgence vis-vis des adversaires qui croisent son chemin, ceci pour leur plus grand malheur.

     

    Il serait injuste de dire que les romans de Marto Pariente sont de « bons petits polars » comme on a pu le lire ici ou là en parlant de La Sagesse De L’Idiot ou de Balanegra qui confirme pourtant le talent de Marto Pariente qui s’ingénie à mettre en place des mécaniques narratives extrêmement bien façonnées qui s’inscrivent dans un registre de violence sombre au réalisme cinglant. Ainsi émerge dans Balanegra, l’image du tueur vieillissant reprenant du service, bien éloigné pourtant de cette efficacité redoutable qui entoure ce genre d’individus déterrant régulièrement un équipement composé d’armes sophistiquées. Il n’en sera rien avec Coveiro qui n’a pour seule arme qu’un fusil de chasse à double canon qu’il va scier afin qu’il soit moins encombrant en lui permettant de faire face à toute une escouade de truands bien déjantés à l’exemple de Double Mickey, fils instable de Rubí de Miguel, une matriarche qui dirige son entreprise agroalimentaire de viande comme une officine mafieuse tout en s’affichant avec un porcelet tenu en laisse, où figure la mention « I love bacon » tatoué sur le flanc de l’animal. On voit bien que le profil des protagonistes du roman demeurent bien marqués, en saluant le fait que Marto Pariente joue habilement avec les clichés qui se rapportent à chacun d’entre eux pour nous entraîner dans le corps d’une intrigue dynamique imprégnée d’éclat sanglants qui ne manquent pas de saveur. Ainsi, même s’il s’inscrit dans une démarche de rédemption, Coveiro n’apparaît pas comme un homme particulièrement attachant, surtout lorsqu’il emploie des moyens de torture aussi simples qu’efficaces pour faire parler les adversaires détenteurs d’informations lui permettant de localiser son neveu. On appréciera d’ailleurs le fait que Marto Pariente reste dans une dynamique très sobre pour tout ce qui a trait aux rapports qu’entretient le vieux tueur fatigué avec son neveu autiste sans trop basculer dans une dimension émotionnelle larmoyante. C’est peut-être là que réside le talent du romancier qui fait en sorte de coller à son intrigue avec une écriture sèche et percutante, sans la moindre once de fioriture inutile. Et puis il y a cette inventivité  tonitruante qui donne lieu à des scènes savoureuses ou à des analepses improbables nous permettant de découvrir les parcours respectifs de chacun des protagonistes du roman qui resteront gravés dans la mémoire, tout en intégrant des événements réels qui ont secoué l’Espagne à l’instar de l’incendie de la tour Windsor à Madrid. Tout cet ensemble, à l’apparence faussement disparate, va prendre corps autour de l’enterrement de León de Miguel, un politicien sulfureux, dont on va découvrir tous les moyens mis en œuvre afin de ne pas ternir sa réputation en dépit d’actes  pédophiles meurtriers. Ainsi, aussi bref que saisissant, Balanegra se révèle être un roman noir à l’efficacité redoutable qui bouscule tous les clichés propre au tueur à gage vieillissant, dans un florilège de scènes déroutantes, parfois brutales, qui ne manqueront pas de vous secouer avec ce côté burlesque qui prête à sourire jaune dans ce contexte de noirceur sans concession.

     

    Marto Pariente : Balanegra (Hierro Viejo). Editions Série Noire 2025. Traduit de l'espagnol par Sébastien Rutès.

    A lire en écoutant : Touch de Noiseworks. Album : Touch. 1988 Sony Music Productions Pty. Ltd. 

  • LUCA BRUNONI : EN SURFACE. SORTIE DE ROUTE.

    luca brunoni,en surface,éditions finitudeIl est apparu sur la scène littéraire avec la voix française de Joseph Incardona qui a traduit de l'italien Les Silences publié par la maison d'éditions bordelaise Finitude intégrant donc au sein de son catalogue un second ressortissant suisse. Natif du Tessin, Luca Brunoni s'est essayé très jeune à l'écriture tant dans le domaine du scénario, des nouvelles et des romans tout en exerçant le métier d'enseignant à Neuchâtel où il vit après avoir effectué des études dans le domaine du droit et de la littérature. Second roman rédigé en Italien et donc repéré par Joseph Incardona qui nous en a livré la version en français, c'est peu dire que l'on avait été marqué par Les Silences, un texte à la beauté âpre où l'auteur se penchait sur le destin d'une fillette placée de force dans une ferme d'un village de haute montagne faisant ainsi écho à ce scandale d'état qui entache encore le pays qui a interné durant des décennies, un nombre encore à ce jour indéterminé d'enfants en les arrachant à leur famille que l'Etat jugeait inapte, ceci sans autre forme de procès. A certains égards, Luca Brunoni, dans cette économie du mot alimentant son texte qui sonne toujours juste, rappelle ces auteurs américains du Country noir qui s'inscrivent dans l'efficacité d'une histoire intense plutôt que dans les fioritures d'un style surchargé qui dilue l’intrigue. On retrouve d'ailleurs cette émotion sobre dans En Surface que le romancier a choisi de rédiger directement en français pour dépeindre la trajectoire de Leila, cette mère de famille qui décide de prendre de la distance avec les siens pour émerger d'une espèce de longue phase de sommeil tout en se questionnant sur les répercussions du drame qui touche l'un de ses proches.

     

    luca brunoni,en surface,éditions finitudeC'est au bord de ce lac traversant la vallée que Leila a trouvé refuge, où restent gravés dans sa mémoire quelques souvenirs de son séjour durant un été de son adolescence. Un endroit idéal pour poursuivre son travail de traduction d'un contrat et surtout se questionner au sujet de ce qu'elle doit faire avec son fils Alex, responsable d'un accident de la route mortel. Mais Giorgio, son mari, ne l'entend pas de cette oreille et la harcèle de messages l'enjoignant fermement à revenir à la maison. Pourtant, Leila se doute bien que son mari, tout comme son fils, lui cachent des choses au sujet de cet accident dont certains aspects lui paraissent troublants. Et puis il y a cette sensation d'un cadre familial qui l'étouffe, qui la maintient dans un état second, comme asphyxiée peu à peu avant de s'éteindre. C'est donc lors de promenades qu'elle émerge à la surface de sa vie en sillonnant les chemins de cette station touristique en léthargie durant la basse saison et où elle croise cet homme à tout faire un peu rugueux qui s'en prend régulièrement à ce snowboarder à la gloire passée qui l'accompagne parfois dans ses travaux d'entretien. Et lorsqu'elle fait une pause au tee-room du coin, Leila fait également la connaissance de Surya qui y travaille comme serveuse en mettant de côté, depuis trop longtemps, la thèse qu'elle semble prête à abandonner. Des âmes un peu cabossées, comme elle, qui vont pourtant l'aider à y voir plus clair et qui lui permettront de savoir si son fils Alex mérite une seconde chance. Mais quelle sera le prix à payer pour y parvenir ?

     

    En Surface apparaît comme un récit chargé d'une mélancolie douce imprégnant cette atmosphère hors saison qui entoure cette localité fictive d'une Suisse qui n'en a d'ailleurs pas le nom mais dont on devine certains contours puisque Luca Brunoni évoque une nouvelle fois la douleur de ces enfants placés par l'entremise de ce texte Pourri Brûlé que Leila découvre et entreprend de traduire en allemand tant elle a été bouleversée par le récit romancé de cette mère célibataire à qui l'on a arraché son enfant. Il s'agit là d'une intrigue secondaire qui s'agrège à la trajectoire de cette mère de famille qui a pris la décision de s'extirper du carcan familial qui l'empêchait de respirer et dont elle prend conscience à la suite de cet accident de la route impliquant son fils dont elle s'est finalement éloignée sans qu'elle ne s'en rende compte, en lien avec l'attitude de son mari Giorgio. Sans doute s'agit-il d'un autre aspect d'une violence conjugale beaucoup plus larvée qui s'inscrit dans un autoritarisme permanent qui asservi le conjoint jusqu'à l'étouffement final lorsque les mains de Giorgio enserra la gorge de Leila l'espace de quelques secondes, lors d'une dispute au sujet de ce qu'il convient de faire au sujet de leur fils. Et c'est à partir de cet élément que démarre la démarche de Leila qui s'inscrit dans une phase de réflexion quant au sens de sa vie bien évidemment, mais également quant au dilemme qui lui échoit à mesure qu'elle découvre les circonstances entourant cet accident mortel qui implique Alex. Tout cela, Luca Brunoni le distille dans le rythme apaisant, mais parfois tendu, d'une narration solide où il prend le temps de creuser en profondeur la personnalité de chacun des protagonistes qui vont apparaître dans En Surface avec cette sensation d'émergence comme pour mieux respirer avant de reprendre en main le cours de leur existence dans une démarche d'entraide salutaire. Et puis, on ne peut manquer de percevoir le travail précis du texte où chaque mot est pesé afin de laisser la place aux nombreux thèmes abordés que sont la résilience, le dilemme et les secrets larvés qui s'insèrent parfaitement dans le déroulement d'un roman se révélant aussi concis que maîtrisé où la force de l'émotion se conjugue dans une pudeur chargée de nuance que l'on ne manquera pas d'apprécier. 

     

    Luca Brunoni : En Surface. Editions Finitude 2025.

    A lire en écoutant : Human Touch de Bruce Springsteen. Album : Human Touch. 1992 Bruce Springsteen.