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  • Manu Larcenet / Cormac McCarthy : La Route. De cendre et d'os.

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    "Il n'y a pas de Dieu et nous sommes ses prophètes."

     

    Lors de l'un des rares entretiens télévisés qu'il accorde pour le Oprah Winfrey Show, au gré d'un échange extrêmement convenu et quelque peu décevant, Cormac McCarthy révélait la difficulté d'être père à l'âge de 73 ans en observant son fils endormi, ce qui aurait été pour lui la source de son inspiration dans l'écriture de La Route (l’Olivier 2008), son roman post-apocalyptique d'une noirceur absolue, récompensé par le prix Pulitzer en 2007. Mais à la lecture du long monologue final du shérif Ed Tom Bell dans No Country For The Old Man (l’Olivier 2007) où il évoque son rêve dans lequel il est à cheval en traversant un défilé enneigé, en pleine nuit, dans une atmosphère sombre et glaciale, alors que son père le dépasse en éclairant le chemin à l'aide d'une flamme se consumant dans une corne, ne trouve-t-on pas déjà quelques esquisses de ce périple crépusculaire qui va marquer les esprits ? Monument de la littérature nord-américaine, La Route est salué de par le monde comme l'œuvre emblématique de l'auteur, même si certains détracteurs lui reprochent son côté "commercial", ce d'autant plus qu'il s'est vendu à plusieurs millions d'exemplaires, ce qui serait manifestement un gage d'une qualité moindre ou d'une attitude suspecte d'un écrivain en a route,cormac mccarthy,manu larcenet,éditions dargaud,éditions points,éditions de l'olivierquête de reconnaissance. On mettra de côté ces assertions puériles, ce d'autant plus que la puissance de ce texte saisissant et épuré ne semble nullement être remis en cause par celles et ceux que le succès rebute. Il faut parler ici de saisissement, parce que, si la fureur ainsi que la sauvagerie ont toujours imprégné les récits intenses de Cormac McCarthy, La Route se distingue par la prégnance de son désespoir profond, au sein d'une humanité qui se dissout dans une violence aveugle, teintée d'une forme de mysticisme féroce. Pour celles et ceux qui l'ont lu, on connait tous le symbolisme de La Route, cette ligne de vie fragile sur laquelle chemine un père et son fils qui détiendrait un reliquat d'humanité que la figure paternelle s'emploie à entretenir tout en lui inculquant les règles impitoyables de la survie dans ce milieu hostile où les hommes s'entredévorent. Projeté brutalement dans cet univers de mort et de destruction dans lequel évolue quelques cohortes de sectes s'adonnant au cannibalisme, on suit pas à pas le parcours de ces deux individus dans leur quotidien dépourvu de perspective si ce n'est que de se rendre vers le sud en quête d'un surcroît de chaleur, promesse bien incertaine. L'une des forces du récit, réside dans le fait que l'on ignore complètement les raisons qui ont conduit le monde dans un tel précipice de cendre et de mort, ce que ne respecte pas l'adaptation cinématographique de John Hillcoat, avec Viggo a route,cormac mccarthy,manu larcenet,éditions dargaud,éditions points,éditions de l'olivierMortensen dans le rôle principal, qui se révèle quelque peu décevante pour un film trop bavard laissant planer quelques lueurs d'espoir dont le roman est totalement dépourvu mais qui répond aux canons hollywoodiens de la famille idéale américaine. A partir de là, on pouvait réellement avoir quelques craintes avec l'annonce d'une adaptation sous la forme d'une BD par Manu Larcenet, même si le dessinateur nous a régulièrement ébloui avec des œuvres originales telles que Blast (Dargaud 2009 – 2013) et Le Combat Ordinaire (Dargaud 2003 – 2008), ou une adaptation somptueuse comme Le Rapport de Brodeck de Philippe Claudel (Dargaud 2015 – 2016) ou les illustrations incroyables que l'on trouve dans Le Journal D'Un Corps de Daniel Pennac (Futuropolis 2013).

     

    Plus personne ne se souvient du monde d'autrefois et de ce qu'il s'est produit pour qu'il plonge dans le chaos. Désormais, il ne reste plus que des terres arides et des ruines calcinées qu'arpentent quelques sectes et hordes barbares suivies d'une troupe d'esclaves constituant leur garde-manger. Dans ce décor apocalyptique où le soleil disparait derrière un rideau de cendre, un père chemine sur la route, accompagné de son enfant en poussant un caddie contenant leurs maigres affaires. En quête de nourriture, ils fouillent dans les décombres avec à la clé quelques découvertes parfois macabres. Et puis il y a ce froid perpétuel qu'il faut affronter ce d'autant plus qu'il n'est pas toujours possible de faire un feu afin de ne pas attirer l'attention. Ils se rendent donc vers le sud avec cette hypothétique espoir d'y trouver une vie meilleure. Mais pour cela, il faut éviter ces maraudeurs cherchant à s'emparer de leurs modestes possessions et qu'ils repoussent avec cet antique revolver qui ne contient que deux balles qu'il ne faut pas gaspiller car nécessaire pour mettre fin à leurs jours si le besoin s'en fait sentir.

     


    a route,cormac mccarthy,manu larcenet,éditions dargaud,éditions points,éditions de l'olivierOn peut le dire, l'annonce de Manu Larcenet se lançant dans cette adaptation graphique de La Route a fait grand bruit sur les réseaux sociaux et constitue l'un des grands événements littéraires de cette année 2024 que l'on attendait avec une certaine fébrilité. D'ailleurs, à l'occasion de cette parution, les éditions Points ont réédité le roman dans une version collector reliée avec l'ajout d'un cordon marque-page noir tandis que le texte est agrémenté d'une vingtaine d'illustrations de Manu Larcenet. On aurait bien évidemment souhaité qu'il s'agisse d'illustrations originales plutôt qu'extraites de la bande dessinée et quitte à se montrer pénible jusqu'au bout, la couverture aurait mérité d'être toilée avec un aspect rugueux qui aurait mieux convenu. Mais quoiqu'il en soit, il faut lire ou relire le roman dans cette version pour s'approprier ainsi l'univers respectif de ces deux génies qui se rencontrent autour de ce texte imprégné de la noirceur du romancier se diluant dans celle de l'illustrateur avec cette impressionnante sensation de symbiose. Et puis il faut bien appréhender l'album en tant que tel qui se décline également sous la forme d'une édition limitée qu'il faut absolument acquérir si vousa route,cormac mccarthy,manu larcenet,éditions dargaud,éditions points,éditions de l'olivier êtes en fond. En noir et blanc, cette version contient un cahier où figure des croquis ainsi que quelques planches qui n'ont pas été retenues dans l'édition définitive. Toujours dans ce tirage limité, on appréciera les gros plans du profil du père et du fils figurant sur la couverture et sur le dos de cet ouvrage somptueux et dont la minutie dans chaque trait nous rappellent les gravures de Gustave Doré ou d'Albrecht Dürer auxquels Manu Larcenet fait d'ailleurs référence, même si l'on pense également, dans une certaine mesure, aux illustrations de Bernie Wrightson. On fera donc l'acquisition des deux albums, mais s'ił faut choisir, on adoptera la version en couleur avec cette spectaculaire nuance de gris absorbant les quelques lueurs rougeâtres ou jaunâtre parfois bleuâtres éclairant certaines planches en offrant ainsi plus de profondeur à l'ensemble du récit et plus d'intensité dramatique sur quelques scènes clés de l'intrigue comme cet instant où le père et son fils observent cette colonne de barbares défilant sur La Route. Comme une espèce de lever et de tomber de rideau ponctuant le début et la fin d'un spectacle aux accents dramatiques, il y a cette espèce d'abstraction fascinante dans la contemplation de ces nuages de cendre qui vont d'ailleurs nous accompagner tout au long de 156 planches composant l'album restituant avec une rigueur incroyable l'ensemble de la trame narrative du roman de Cormac McCarthy qui font que le monde de l'écrivain se confond avec l'univers de Manu Larcenet. Sans être expert dans le graphisme, à la contemplation de chacune des planches, de chacune des cases de La Route, on mesure la progression du dessinateur, dans sa veine réaliste depuis Blast, qui a abandonné l'encre et le papier en adoptant la palette graphique depuis quelques années, en voulant explorer a route,cormac mccarthy,manu larcenet,éditions dargaud,éditions points,éditions de l'olivierl'infinie richesse de cette technologie numérique, pour un rendu plus précis dans le trait tout en devinant le travail considérable et cette créativité sous jacente qui émane de son oeuvre. Ce qui ne change pas, c'est le désespoir, la douleur et les tourments dont le dessinateur ne fait pas mystère et qui imprègnent son travail au gré de cette adaptation où rien ne nous est épargné comme cette scène où le père apprend à son fils comment mettre fin à ses jours avec le revolver qu'ils détiennent ou ce festin macabre qu'ils découvrent dans un campement abandonné. On appréciera également le soin apporté aux dialogues qui se déclinent dans une proportion congrue, comme dans le roman d'ailleurs, en nous laissant de longues plages de silence où l'on contemple l'immensité terrible de la désolation des lieux qui absorbent les personnages. Et puis au milieu de cette noirceur, il y a quelques instants lumineux comme cette baignade au pied de la cascade où la maigreur des corps nous renvoie à une autre époque de barbarie des camps de concentration tandis que le festin que le fils et le père dégustent dans un bunker inutilisé, nous rappelle cet instant de grâce dans le film Soleil Vert où Charlton Eston et Edward G. Robinson se délectent de quelques aliments frais devenus introuvables. Tout cela s'inscrit dans cette volonté exigeante de transcender le récit de Cormac Mccarthy dans ce qu'il y a de plus désespérant pour nous plonger dans un nihilisme absolu en nous laissant sur le bord de La Route au terme d'une scène finale encore plus incertaine que celle du romancier et qui font de l'adaptation de Manu Larcenet une oeuvre aussi magistrale qu'éprouvante. C'est peut-être l'une des définitions du terme chef-d’oeuvre.

     

     

    Bd : Manu Larcenet / Cormac McCarthy : La Route. Editions Dargaud 2024.

    Bd édition limitée (4000 exemplaires). Manu Larcenet / Cormac McCarthy : La Route. Editions Dargaud 2024.

    Cormac McCarthy : La Route (The Road). Editions Points 2024. Traduction de l'anglais (Etats-Unis) par François Hirsch. Illusrations de Manu Larcenet.

    A lire en écoutant : Chant of the Paladin de Dead Can Dance. Album : The Serpent's Egg. 2007 4AD Lt

  • Richard Lange : Les Vagabonds. Passagers de la nuit.

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    Service de presse.

     

    Dans les récits de vampires, il y a toujours eu un côté sophistiqué émanant de ce personnage fantastique traversant les âges, à l'image du plus emblématique d'entre eux, le comte Dracula donnant son titre au légendaire roman épistolaire de Bram Stoker. Endossant un profil assez semblable, on a pu également apprécier le fameux Lestat de Lioncourt un des protagonistes principaux d'Entretien Avec Un Vampire d'Anne Rice qui devient le premier opus de la série Chronique des Vampires comptant 12 volumes. Outre le thème de la vie éternelle, on observe aussi cet aspect de l'amour impossible particulièrement prégnant dans une série telle que Twilight de Stephenie Meyer, œuvre incontournable de la littérature Young Adult. S'inscrivant dans un registre plus âpre mais faisant indéniablement partie des références, on lira Salem de Stephen King ou Laissez-Moi Entrer du suédois John Ajvide Lindqvist. Tout aussi âpre, en abordant pour la première fois le genre du fantastique, alors qu'il publiait des romans sombres mettant en scène des marginaux évoluant dans un contexte très réaliste, Richard Lange met à mal les clichés du romantisme gothique entourant la personnalité de ces vampires qu'il désigne comme Les Vagabonds, titre éponyme de son dernier roman intégrant la récente collection Rivages Imaginaire dont on espère qu'elle va prendre son essor.

     

    Leur vie n'est qu'une longue errance, de ville en ville, de motels miteux en logements sordides. Cela fait 70 ans que cela dure pour Jesse et son frère Edgar, un colosse souffrant de troubles mentaux. Ils vivent la nuit, à la marge du monde, en saignant leurs victimes afin de s'en nourrir, ce qui leur confère une vie éternelle et un pouvoir de régénérescence lorsqu'ils sont blessés. Ce sont des vagabonds craignant plus que tout le soleil destructeur. A la recherche de marginaux pour assouvir leur inextinguible soif de sang, ils arpentent les contrées désertiques de l'Arizona dans le courant l'été 1976. Du côté de Phoenix, Jesse tombe sous le charme de Johona, une barmaid qui va bousculer leurs habitudes au grand dam d'Edgar qui ne voit pas ce que viendrait faire cette femme dans leur existence. Et puis il leur faut faire face à cette bande de motards, Les Démons, des êtres nocturnes tout comme eux, à qui ils ont volé leur bien le plus précieux. S'ensuit une traque sans relâche, ponctuée d'affrontements sanguinaires qui vont les conduire à Las Vegas où l'on célèbre, comme partout ailleurs, le bicentenaire des Etats-Unis. Ils y croiseront la route de Sanders, un père dévasté, à la recherche du meurtrier de son fils que l'on a saigné à blanc, et qui a découvert l'existence de ces êtres surnaturels qu'il a juré de détruire jusqu'au dernier.

     

    Indéniablement, on appréciera avant tout l'originalité d'un roman tel que Les Vagabonds où l'auteur s'écarte de manière radicale, du genre extrêmement codifié du vampire dont il n'est d'ailleurs jamais fait mention dans l'ensemble d'un texte chargé d'énergie, mais aussi imprégné d'une forme de douleur omniprésente. Oubliez donc les teints livides et les crocs aiguisés pour suivre les parcours erratiques et incertains projetant l'ensemble de ces marginaux, qu'ils soient humains ou dotés de pouvoirs surnaturels, sur les grandes routes des Etats-Unis en évoluant dans une atmosphère extrêmement tourmentée et glauque. Dans une alternance de points de vue, on suivra donc l'errance de Jesse accompagné de son frère Edgar, un simple d'esprit se révélant plutôt encombrant, puis la chevauchée de cette bande de bikers aussi brutaux que démoniaques, et pour finir, la vaine recherche de ce père de famille voulant mettre à tout prix la main sur celui qui a assassiné son fils. C'est au détour d'une succession de confrontations d'une violence inouïe, que l'intrigue prend l'allure d'une course-poursuite dantesque où l'on règle ses comptes à coups de flingue, de poignard ou de scie à métaux pour décapiter ces individus surnaturels se désintégrant dans la poussière de ces contrées désertiques. Le tout est d'autant plus réjouissant que l'on évolue dans cette ambiance décadente et rock'n'roll propre à la période des seventies en conférant au récit un supplément d'explosivité outrancière nous rappelant à certains égards quelques scènes d'un film tel qu'Une Nuit En Enfer de Roberto Rodriguez avec l'aspect burlesque en moins. Il faut admettre que Richard Lange n'a pas son pareil pour dépeindre la vulnérabilité de ses personnages de la marge, quelle que soit leur condition, avec cette sensation d'accablement émanant de bon nombre d'entre eux. Une sensation d'autant plus prégnante lorsque l'on prend en considération cette vie éternelle qui ne mène nulle part, même si certains de ces individus fantasmagoriques semblent vouloir tirer leur épingle du jeu comme tend à le démontrer un épilogue aux allures mélancoliques qui va nous apaiser quelque peu après cette vague de violence saisissante. Mais bien au-delà de ces scènes tonitruantes, Les Vagabonds devient un récit fantastique d'une toute autre envergure en intégrant les réflexions de Jesse sur son devenir d'homme voué à la vie éternelle dont il ne sait plus que faire et qui en arrive à l'inéluctable dénouement parachevant cette intrigue d'une force déroutante. Un roman brillant qui sort des sentiers battus.

     

    Richard Lange : Les Vagabonds (Rovers). Editions Rivages/Imaginaire 2024. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par David Fauquemberg.

    A lire en écoutant : Riders On The Storm de The Doors. Album : L.A. Woman. 2021 Rhino Entertainment Company.

  • CHRIS OFFUTT : LES FILS DE SHIFTY. PARADIS ARTIFICIELS.

    chris offut,les fils de shifty,éditions gallmeisterSans parler d'une école des Appalaches, il y a quelques similarités qui apparaissent dans l'œuvre d'écrivains tels que Ron Rash et David Joy comme cet amour de ces contrées perdues de la Caroline du Nord qu’ils distillent tout en abordant, avec une sobriété toute poétique, les vicissitudes de leur communauté qu'ils côtoient depuis toujours. Plus au nord, mais toujours situé dans le cadre de cette région montagneuse de l'est des Etats-Unis, on parlera plutôt d'une influence ou bien d'un courant littéraire qui englobe également l'œuvre de Chris Offutt dépeignant, avec un souffle similaire, les territoires escarpés du Kentucky où l'on observe la déshérence d'hommes et de femmes de la marge évoluant dans le marasme du déclin économique qui touche une population fortement précarisée. Alors forcément, dans un tel contexte, on parlera bien évidemment de romans noirs que l'on désigne parfois sous l'appellation réductrice de "country dark" en lien avec l'environnement dans lequel se déroule l'ensemble de ces récits. Country Dark, c'est d'ailleurs le titre de la version originale de Nuits Appalaches (Gallmeister 2019) roman emblématique de Chris Offut qui a contribué à sa renommée en France tout comme le recueil de nouvelles Kentucky Straight (Gallmeister 2018) ainsi que, dans une moindre mesure, Le Bon Fils (Gallmeister 2018) marquant ses débuts dans l'écriture. Au-delà de ses romans, on trouve le nom de Chris Offutt au générique de séries telles que Treme, True Blood ou Weeds, en tant que scénariste et producteur durant sa période où il a cédé aux sirènes d'Hollywood pour faire bouillir la marmite avant de s’installer dans le Mississippi. C'est désormais autour de ce qui s'annonce comme une trilogie que l'on retrouve Chris Offutt avec un premier opus intitulé Les Gens Des Collines mettant en scène Mick Hardin, vétéran de la guerre d'Irak et d'Afghanistan, devenu enquêteur pour le compte de l'armée et qui retourne dans la région de son enfance pour constater que son mariage est brisé tout en investiguant pour le compte de sa sœur Linda, shérif du comté, au sujet du meurtre d’une jeune veuve qui risque d’embraser la communauté prompte à faire justice elle-même. C'est peu dire que l'on avait apprécié d'évoluer dans l'univers à la fois âpre et attachant de ces collines boisées du Kentucky et que l'on se réjouit donc de retrouver Mick et sa sœur Linda dans Les Fils De Shifty, second ouvrage de la série.

     

    Rocksalt, Kentucky. Victime d'une blessure de guerre à la jambe, Mick Hardin tente de trouver un peu de réconfort auprès de sa sœur Linda qui l'héberge dans la maison familiale où ils ont vécu durant toute leur enfance. Avant de reprendre du service au sein de l'armée, il doit se débarrasser de son addiction aux antidouleurs, régler la procédure d'un divorce douloureux et gérer la nervosité de sa sœur qui est en pleine campagne électorale pour sa réélection au poste de shérif du comté. C'est peut-être la découverte du cadavre d'un dealer local sur un parking de la ville qui va sortir Mick Hardin de son marasme, ce d'autant plus qu'il s'agit du fils de la veuve Shifty Kissick qu'il connaît très bien. Estimant qu'il s'agit d'un énième règlement de compte entre dealers, la police ne compte pas enquêter, raison pour laquelle la veuve Shifty demande à Mick de découvrir le coupable. Des indices l'incite rapidement à penser qu'il s'agit d'une mise en scène, ce qui le pousse à fouiner dans les collines environnantes et plus particulièrement dans le secteur d'une mine abandonnée. Le temps presse, ce d'autant plus que le second fils Kissick est lui aussi abattu de deux balles. Qui peut bien en vouloir aux membres de la famille de Shifty ? Mick Hardin a intérêt à le découvrir rapidement s'il veut éviter toute escalade de la violence au sein d'une population qui a pour habitude de faire parler la poudre pour régler ses comptes. 

     

    De la crise des opioïdes frappant les Etats-Unis depuis 1995, Chris Offutt nous en rapporte les conséquences, par petites touches, au détour de l'addiction à l'oxycodone de Mike Hardin qui tente, tant bien que mal, de se sevrer de ce médicament qu'on lui a prescrit pour lutter contre ses douleurs à la jambe. C'est également cette implantation de dealers d'héroïne, ceci même dans les paysages les plus reculés de la région du Kentucky, qui nous permet de prendre la mesure de ce phénomène touchant l'ensemble d'une communauté semblant comme résignée face à une telle ampleur. Dans cet environnement en déshérence, on observe également que les perspectives d'avenir se résumant à intégrer les forces armées ou à se lancer dans le trafic de drogue tandis que les mines abandonnées servent de dépôts pour les résidus hautement toxiques de la fracturation hydraulique de schiste. Avec l'économie des mots que le caractérise, c'est donc autour de ces thèmes que Chris Offutt nous entraîne au gré d'une intrigue à la fois épurée et solide nous permettant de parcourir les collines de son enfance qu'il dépeint avec ce soupçon de poésie où l'on saisit quelques instants de grâce comme la voltige de quelques oiseaux du coin ou cette brise caressant les branches des arbres dans un balancement majestueux. Dans un bel équilibre, sans jamais glisser vers un misérabilisme ambiant ou une verve poétique outrancière, l'auteur conjugue la beauté des paysages du Kentucky, cher à son cœur, à la noirceur d'une intrigue policière violente prenant parfois l'allure d'un western contemporain notamment durant un règlement de compte final explosif. Et puis il y a tous ces personnages attachants que l'on voit évoluer dans leur quotidien à l'exemple de Johnny Boy Tolliver, adjoint du shérif tenant ses dossiers méticuleusement à jour, de son cousin Jacky Turner, un inventeur de génie, un peu barré, un brin "complotiste" qui remet en état le pick up Chevy 63 de Mick Hardin ou de Raymond Kissick, soldat au sein du corps de Marines, unique survivant de la fratrie qui va faire son coming-out auprès de sa mère, au détour d'un échange savoureux, imprégné de pudeur et d'une certaine tendresse. Mais Mick Hardin, en enquêteur tenace et impliqué parfois trop entêté, est également entouré de femmes qui lui tiennent la dragée haute, à l’instar de sa soeur Linda remettant régulièrement en cause son attitude renfermée et bien trop centrée sur lui-même, tout en endossant la fonction de shérif du comté et dont on suit le quotidien ordinaire ponctué de diverses obligations officielles en vue de sa réélection. Dotée d’un caractère tout aussi affirmé, endossant le rôle de matriarche d’une famille décimée par une succession de tragédies en lien avec le trafic de drogue, on apprécie le personnage de la veuve Shifty, et plus particulièrement cette dignité, mais également cette colère intérieure qui bout en elle, à l’annonce de la mort de ses deux fils. De tout cet ensemble parfaitement mis en scène, il émane une atmosphère âpre, imprégnant tant les personnages que l’environnement dans lequel ils évoluent au gré d’un texte d’un justesse sidérante. La drogue bien sûr, la guerre en arrière-plan, l’abandon économique et ces éclats de violence au sein d’un cadre somptueux, ce sont tous ces thèmes que Cris Offut aborde avec Les Fils De Shifty pour nous livrer le portait saisissant de vérité d’une Amérique désenchantée, mais pas désespérée.

     

     

    Chris Offutt : Les Fils De Shifty (Shifty's Boys). Editions Gallmeister 2024. Traduit de l'anglais (Etat-Unis) par Anatole Pons-Reumaux.

    A lire en écoutant : Release de Pearl Jam. Album : Ten. 1991 Sony Music Entertainment Inc.

  • Raymond Chandler : La Dame Dans Le Lac. Entre deux eaux.

    Capture.PNG« Je vis une vague de cheveux blonds qui, pendant un bref instant, se déroula dans l'eau, s'allongea avec une lenteur calculée, puis s'enroula de nouveau sur elle-même. La chose roula sur elle-même encore une fois ; un bras vint écorcher la surface de l'eau et ce bras se terminait par une main boursouflée qui était celle d'un fantôme. "

    Traduction de Michèle et Boris Vian en 1948.

     

    "Je vis une vague de cheveux blond foncé se raidir dans l'eau et demeurer immobile un bref instant, avec un effet comme calculé, puis tourbillonner à nouveau en un enchevêtrement. La chose roula une fois de plus et un bras écorcha la surface de l'eau et ce bras se terminait par une main enflée qui était une main de monstre. "

    Traduction de Nicolas Richard en 2023.

     

    Il semble que ce soit François Guérif, alors directeur de la collection Rivages/Noir, qui se préoccupe en tout premier lieu de la qualité des traductions en offrant de nouvelles versions françaises notamment en ce qui concerne des auteurs anglo-saxons tels que Jim Thompson et Donald Westlake. Du côté de chez Gallmeister, Jacques Mailhos nous propose désormais une autre lecture en français des romans de James Crumley tandis que chez Gallimard, le célèbre romancier Dashiel Hammett bénéficie d'une nouvelle traduction intégrale à l'occasion de la parution de son œuvre intégrant la collection Quarto. Dans cette même collection, on trouve également la totalité des romans de Raymond Chandler en notant que les enquêtes de Philippe Marlowe font l'objet d’une traduction révisée par Cyril Laumonier à l'exception des versions de Michèle et Boris Vian, suscitant ainsi une certaine frustration. Car sans remettre en cause l'apport essentiel de ces deux traducteurs qui ont grandement contribué à l’essor de la littérature noire nord-américaine en France, il est difficile de comprendre cette espèce de sacralisation du travail du couple Vian que l'on serait incapable de remettre en question, ceci au détriment de récits emblématiques du roman policier que sont Le Grand Sommeil et La Dame Du Lac qui méritaient un nouvel éclairage en matière de traduction. C’est désormais chose faite avec la Série Noire qui inaugure sa collection Classique en sollicitant deux traducteurs chevronnés afin de retranscrire, d’une manière plus rigoureuse, l’essence des textes d’origine de ces deux polars hard-boiled légendaires. Avec de nombreux ouvrages traduits depuis 1990, dont ceux de Harry Crews, de James Crumley, de Hunter S Thompson et de Richard Powers, pour n’en citer que quelques-uns, le romancier et traducteur Nicolas Richard n’a rien d’un amateur dans le domaine et s’est donc attelé à nous offrir ce que l’on peut désormais considérer comme la voix française de Raymond Chandler en ce qui concerne La Dame Du Lac, titre auquel il a restitué le « in » de la version originale (The Lady In The Lake) en devenant ainsi La Dame Dans Le Lac.

     

    Derace Kingsley, directeur d’une grosse entreprise de parfumerie à Los Angeles, ne se fait plus beaucoup d’illusion au sujet de Crystal, son épouse volage, qui a disparu de la circulation. Tout de même inquiet, il engage le détective privé Philip Marlowe afin de la retrouver. Pour débuter ses recherches, l’enquêteur charismatique se rend à Puma Point, dernier point de chute de la disparue qui séjournait dans sa résidence secondaire du bord du lac. Une fois sur place, Philip Marlowe va à la rencontre de Bill Chess, homme à tout faire et gardien du chalet Kingsley, noyant son chagrin dans la bouteille depuis que sa femme a mis les voiles en laissant un message laconique en guise d’adieu. Après avoir fouillé les lieux en vain, les deux hommes se promènent au bord du lac lorsqu'ils distinguent une forme étrange flottant entre deux eaux, à proximité de ce qui apparaît comme la structure d'un ponton immergé. Se pourrait-il qu’il s’agisse d'un cadavre ?

     

    La Dame Dans Le Lac. Si l'on ne peut reprocher l'exactitude de la traduction, il est pourtant difficile d'assimiler ce nouveau titre, sans doute lié à l'affect de l'ancienne version française à laquelle on a pu s'attacher et qui résonnait d'une manière particulière avec la découverte de ce corps décomposé aux allures surnaturelles partiellement immergé dans le lac. On remarquera d'ailleurs, en comparant les deux traductions figurant en préambule de cette chronique, que l'on passe d'une main ressemblant à un fantôme pour passer à celle d'un monstre, en rendant justice au mot "freak" que mentionnait Chandler dans son texte. C'est d'ailleurs cette rigueur, cette précision ainsi qu'un grand travail de réflexion pour restituer l'essence du texte original que l'on va retrouver tout au long de cette nouvelle version française. Quatrième roman mettant en scène Philip Marlowe et publié en 1943, quelques mois après l'attaque de Pearl Arbor dont on devine les stigmates avec la présence de soldats aux abords d'un barrage ainsi que la réquisition du caoutchouc ornant les trottoirs de la ville, La Dame Dans Le Lac a la particularité de se dérouler, en grande partie, à l'extérieur de Los Angeles en entraînant le détective privé du côté de Bay City (ville fictive correspondant à l'agglomération de Santa Monica) ainsi qu'à Puma Point, petite localité de montagne que Raymond Chandler situe dans les hauteurs de San Bernardino. On y croise d'ailleurs le fameux shérif Patton qui se révèle beaucoup moins lourdaud qu'il n'y paraît en balayant ainsi cette image de péquenot propre à l'archétype de tels personnages ainsi que la journaliste locale Birdie Keppel travaillant également comme esthéticienne et dont on apprécie la vivacité d'esprit. Et puis, dans une succession de faux-semblants, on distingue les personnalités évanescentes de Muriel Chess et de Crystal Kingsley bouleversant avec une redoutable efficacité les codes de la femme fatale tout en se confrontant à la brutalité du lieutenant-détective Degarmo dont le rôle ambigu ne fait qu'accentuer le caractère inquiétant du personnage. Tout comme certains de ses romans précédents, La Dame Dans Le Lac est un assemblage de plusieurs nouvelles, parues notamment dans le fameux magazine Black Mask, dont l'enchevêtrement d'intrigues se révèle tout de même beaucoup moins complexe que Le Grand Sommeil et dont on appréciera le rythme ainsi que la pluralité des lieux que l'on parcourt au gré du récit demeurant, sur beaucoup d'aspects, d'une surprenante modernité. Tout cela, Nicolas Richard nous le restitue en français avec une remarquable perfection pour mettre en exergue la classe et l'humour caractérisant le mythique détective privé, cette vivacité dans les dialogues, désormais dépourvus de ce jargon démodé et de cette gouaille antédiluvienne, ainsi que ce soin apporté aux descriptions et phases de réflexions très fréquemment détaillées et parfois imprégnées de nuances poétiques, véritables cartes maitresses de l'élégance du style inimitable de Raymond Chandler qui demeure l'une des plus grandes figures de la littérature noire et à qui l'on rend tout son éclat avec cette magistrale traduction.

     

     

    Raymond Chandler : La Dame Dans Le Lac (The Lady In The Lake). Editions Gallimard/Collection Série Noire Classique 2023. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard.

    A lire en écoutant : Blues de Franz Waxman. Album : Crime In The Streets. 1956 UMG Recording, Inc.

     

  • David Grann : Killers Of The Flower Monn/La Note Américaine. Les coyotes.

    Capture d’écran 2023-10-24 à 15.50.15.pngC’est cette obsession du détail véridique et cette manière si particulière de nourrir sa narration sous une forme romancée qui font du journaliste et écrivain David Grann un auteur emblématique de ce que l’on désigne comme de la narrative nonfiction, ou en français de l’enquête littéraire, trouvant notamment sa place dans les colonnes du prestigieux magazine New Yorker où il travaille toujours. Mais ce sont bien évidemment autour de ses ouvrages que David Grann connaît une certaine notoriété, ce d’autant plus que bon nombre d’entre eux font l’objet d’adaptations au cinéma à l’instar de Trial By Fire (Allia 2010) réalisé par David Lowery ainsi que La Cité Perdue De Z (Points 2020) mis en scène par James Grey. Mais l’actualité de David Grann se focalise autour de deux événements que sont la sortie de son dernier ouvrage Les Naufragé du Wager (Sous-sol 2023) dont on annonce l’adaptation par Martin Scorsese qui vient de réaliser Killers Of The Flower Moon inspiré de l’avant-dernier récit de l’auteur. A l’occasion de la sortie sur les écrans de cet événement cinématographique, les éditions Globe ont donc réédité La Note Américaine en reprenant son titre original, Killers Of The Flower Moon, faisant référence aux fleurs tapissant les immenses prairies de ces contrées appartenant aux indiens Osages, objets de toutes les convoitises après la découverte de champs pétrolifères au début du XXème siècle, mais également aux meurtriers qui se sont employés à dépouiller les membres de cette communauté autochtone de toutes leurs richesses.

     

    Alors qu'ils vivaient sur des terres situées dans les états du Kansas, de l'Arkansas et du Missouri, les indiens Osages sont finalement parqués sur un territoire aride de l'Oklahoma afin de laisser leur place aux colons bénéficiant de l'appui du gouvernement dans le cadre d'une conquête de l'ouest débridée. Famines et maladies déciment cette population autochtone. Pourtant avec la découverte du plus grand gisement de pétrole des Etats-Unis au début du XXème siècle, les chose changent pour les Osages qui détiennent désormais une véritable fortune leur permettant d'acquérir des biens matériels considérables, d'envoyer leurs enfants faire des études dans les universités les plus prestigieuses et d'employer une cohorte de domestiques blancs qui sont à leur service. Mais en 1921, certains membres de la communauté disparaissent dans des conditions dramatiques. Empoisonnements, exécutions par arme à feu, attentat à l'explosif, les meurtres s'enchainent sans qu'aucune enquête sérieuse ne vienne mettre un terme à cette terrible série noire. C'est le règne de la terreur qui régit désormais le quotidien de ces riches Osages terrorisés allant jusqu'à demander de l'aide auprès du président afin que cesse ces exactions meurtrières. Le dossier est finalement confié au Bureau of Investigation dirigé par un jeune fonctionnaire ambitieux Edgar J Hoover qui voit là une opportunité de mettre en avant ce service de police qui deviendra en 1935 le fameux Fédéral Bureau of Investigations (FBI). C'est donc une équipe d'enquêteurs aguerris qui va débarquer dans le comté d'Osage afin de démasquer les auteurs de ces crimes abominables.

     

    Il fallait bien un film d'une durée de plus de trois heures à la mise en scène solide pour restituer certains aspects de cette enquête magistrale évoquant la série de meurtres qui a secoué la communauté des indiens Osages au début du XXème siècle. Une belle adaptation donc avec quelques acteur formidables tels que Lilly Gladstone et Jesse Plemons devant absorber les interprétations parfois outrancières d'un Robert De Niro plutôt inspiré et d'un Leonardo Di Caprio qui a tendance à surjouer avec à la clé toute une série de mimiques devenant rapidement insupportables. Difficile néanmoins d'intégrer tout les éléments d'un récit d'une densité peu commune que David Grann décline avec une véritable maestria en décortiquant les moindres détails d'une époque trouble qu'il restitue avec une précision peu commune. Il faut donc saluer cette initiative toute commerciale des éditions Globe pour remettre au goût du jour Killers Of The Flower Moon/La Note Américaine publié et 2018 et désormais orné d'une nouvelle couverture et d'un bandeau faisant la promotion d'un film qui reprend la première chronique d'un ouvrage en comptant trois. Cette première chronique prend véritablement l'allure d'une intrigue policière qui s'articule autour de la personnalité de Molly Burkhart témoin impuissante des débuts du Règne de la terreur entrainant la disparition de ses proches. Qui donc commet ces meurtres ? A qui profite le crime ? C'est autour de ces questions que David Grann dresse le contexte social de l'époque tout en déclinant la trajectoire  historique du peuple Osage et de ses richesses nouvellement acquises avec la découverte de cette manne pétrolière que l'on se transmet par héritage au sein des familles autochtones. Pour s'emparer de ses richesses ou au moins en contrôler le flux, les Blancs mettent en place un système inique de tutelle auquel chaque Osage est soumis, tandis qu'une faune de gens peu scrupuleux gravitent autour d'eux afin de faire main basse sur leur fortune. On prend ainsi la mesure du choc des cultures et des crimes odieux qui se perpétuent dans un contexte rendu encore plus délétère par la prohibition dont on contourne allègrement les règles. Il émane ainsi une atmosphère sauvage de non droit rendue encore plus prégnante par des autorités incompétentes et pour la plupart du temps complètement corrompues. La seconde chronique dresse le portrait de Tom White, chargé par Hoover de faire enfin la lumière sur les meurtres qui déciment la communauté des Osages donnant l'occasion à David Grann de nous expliquer les arcanes politiques de ces investigations permettant de mettre en avant les compétences du Bureau of Investigation, ancêtre du légendaire FBI. Pressions et déterminations sont les moteurs de cette enquête d'envergure et des procès qui s'ensuivent en mettant en exergue les jeux d'intimidations de la partie adverse bien décidée à tout faire pour éliminer les témoins gênants. En nous projetant dans le présent, la dernière chronique s'intéresse au devenir des descendants des différents protagonistes qui ont joué un rôle dans ce Règne de la terreur avec ce sentiment indicible de gâchis qui imprègne encore les membres de la communauté Osage qui n'a rien oublié de cette terrible époque. Mais bien plus qu'un fait divers qui mettrait en cause quelques individus abjects David Grann met en lumière une machinerie institutionnelle odieuse destinée à spolier, de manière systémique, les avoirs des indiens Osages. 

     

    Ainsi, Killers Of The Flower Moon/La Note Américaine, dresse le portrait d'une Amérique inique prête à tout pour s'emparer des richesses des autochtones dans un climat de terreur et de violence qui perdure à travers le temps, comme une espèce d'ADN immuable phagocytant l'ensemble des communautés qui composent le pays. Une enquête d'une impitoyable clairvoyance.

     

     

    David Grann : La Note Américaine (Killers Of The Flower Moon). Editions Globe 2023. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Cyril Gay.

    A lire en écoutant : Still Standing de Robbie Robertson. Album : Killers Of The Flower Monn (Soundtrack from the Apple Original Film). 2023 Masterworks, a label Of Sony Music Entertainment.