Andrée A. Michaud : Baignades. Réunion de famille.
Même si l'on n'apprécie pas forcément les Beach Boys, il n'en demeure pas moins que l'on n'écoutera plus jamais Wouldn't It Be Nice de la même manière, au terme de ce roman intense. Et plus que le cadre magique de ces plages californiennes, nos pensées dériveront désormais, à l'écoute de cette chanson iconique, davantage vers le ponton de ce bord du lac perdu au milieu d'une forêt canadienne, environnement tragique que la romancière s'est approprié avec le talent qu'on lui connaît. Et c'est sans doute dans ce registre de force évocatrice qu'Andrée A. Michaud excelle en faisant en sorte de s'approprier le moindre détail qui nourrit son intrigue pour en extraire une espèce de quintessence de l'inquiétude, parfois même de l'angoisse qui imprègne ses récits. On parle ici d'une chanson des Beach Boys, dans ce nouveau roman Baignades, mais il va de soi que l'on ne peut manquer d'évoquer la forêt qui devient le fil rouge d'une majeure partie de son oeuvre. Et là également, on appréciera que ce cadre forestier prenne, à chaque reprise, une toute autre allure que ce soit avec Bondrée (Rivages/Noir 2016) où l'on ressent cette espèce d'aura maléfique tandis que l'angoisse est plus prégnante dans Riviere Tremblante (Rivages/Noir 2018) et bien plus âpre lorsque l'on découvre Proies (Rivages/Noir 2023) tandis qu'avec Tempête (Rivages/Noir 2019) on se retrouve à la lisière du fantastique. Native du Québec, il est impossible de ne pas évoquer la richesse de la langue d'Andrée A. Michaud et plus particulièrement ses expressions locales qu'elle insère dans le fil des dialogues sans jamais abuser du procédé, ce qui fait que l'on se retrouve dans une justesse de ton qui accentue la profondeur d'âme de ses personnages qu'elle esquisse en y agrégeant cette touche d'humanité qui rejaillit de manière omniprésente et plus particulièrement dans le contour des individus les plus inquiétants, ce qui leur confère davantage de substance tout en s'accrochant à une veine naturaliste à laquelle elle ne déroge jamais.
Le grand moment de l’année pour Laurence et Max, c’est de partir en vacances en camping car avec leur petite fille Charlie qui, une fois arrivée sur le berges du Lac aux sables, se précipite dans les flots afin de profiter de la fraîcheur de l’eau tout en s’en donnant à coeur joie. Mais les festivités vont s’interrompre brutalement avec le propriétaire du camping qui prend les parents à partie parce qu’ils ont ont osé laisser la fillette se baigner toute nue. Et c’est une enchaînement de mauvaises décisions qui vont entraîner Laurence et Max sur cette route forestière étroite tandis que les nuages s’amoncellent annonciateur d’un violent orage et d’une succession de dérapages qui vont foudroyer leur existence à tout jamais.
En dramaturge accomplie, Andrée A. Michaud nous entraîne sur le registre peu commun de deux parties, se déroulant à quelques années d’intervalle et paraissant, de prime abord, totalement dissemblables jusqu'à ce que les liens émergent peu à peu au fil d'une seconde intrigue stupéfiante s'articulant autour de l'intimité de ses personnages et d'où émane la certitude que tout cela va mal finir sans pouvoir être en mesure de définir les contours de la tragédie à venir s'achevant, comme elle avait commencé dans la première partie, par une baignade ce qui explique la forme pluriel du titre Baignades qui a donc toute son importance. Ce qui émane de cette première partie du récit, c'est cet engrenage infernal que la romancière met en scène avec une efficacité redoutable se conjuguant avec une simplicité salutaire qui s'inscrivent une nouvelle fois dans ce réalisme qui fait froid dans le dos tout en générant cette tension permanente, véritable fil conducteur de l'ensemble de l'intrigue à l'atmosphère à la fois pesante et envoûtante. Tout cela se met en place avec une impressionnante justesse de ton que ce soit dans les dialogues, dans l'enchaînement dramatique des situations mais surtout dans l'attitude de chaque protagoniste dont les caractéristiques communes se définissent sur le registre du désarroi, du doute et de la colère aveugle qui en découlent en devenant les thèmes centraux de Baignades où, après le drame prenant l'allure d'un fait divers terrible, on observe, dans ce qui apparaît comme un long épilogue, le devenir des victimes et des bourreaux qui se révèlent dans leur terrible humanité faite d’incertitude et que la romancière transcende avec une effroyable acuité qui va vous glacer le sang jusqu'à la dernière ligne d'un roman maîtrisé de bout en bout. C'est ça le style Andrée A. Michaud nous emportant une nouvelle fois vers les méandres complexes et la beauté singulière de ces forêts luxuriantes, vectrices des drames les plus terrifiants et les plus intimes.
Andrée A. Michaud : Baignades. Editions Rivages/Noir 2025.
A lire en écoutant : Exchange de Massive Attack. Album : Mezzanine. 2019 Virgin Records Limited.
Ce qui est amusant avec ces auteurs et ces romancières qui s’aventurent dans les lisières du mauvais genre, ce sont les gesticulations de certains intellectuels du microcosme de la littérature blanche parisienne et des autres régions d’ailleurs, qui vont vous expliquer que celle ou celui qu’ils adulent s’inscrit dans la « grande tradition romanesque » en soulignant le caractère social du texte qui va bien au-delà du "simple" roman policier ou encore pire, du "vulgaire" thriller. Laurent Mauvignier n’échappe pas à ces effets de manche quand bien même l’auteur assume pleinement le registre dans lequel il s’inscrit puisqu’à l’occasion de la sortie de son roman
Du côté de La Bassée, il y a le hameau "des trois filles seules" où vit depuis toujours Bergogne, un éleveur qui a repris le domaine familial tandis que sa femme Marion travaille au sein d'une imprimerie et qu'ils élèvent leur fille Ida fréquentant le lycée de la région. Dans la maison voisine, on trouve Christine, une artiste peinte vieillissante qui a quitté Paris il y a de cela des années pour fuir l'agitation citadine en privilégiant la quiétude que lui offre cette contrée rurale. Mais il y a ces lettres anonymes que l'on dépose désormais devant sa porte, ceci depuis plusieurs semaines et qui l'incite à se rendre à la gendarmerie, accompagnée de Bergogne qui, en bon voisin, lui sert de chauffeur, pour savoir ce qu'il convient de faire. Ce n'est pourtant pas ces événements qui assombriront cette journée davantage dédiée aux préparatifs de l'anniversaire de Marion qui fête ses quarante ans. Et tandis que chacun vaque à ses occupations, il y a ces inconnus qui rôdent autour du hameau. Que peuvent-ils bien vouloir ?
On pourra bien parler de la polarisation et des clivages entre les communautés, de la colère et de la haine qui en découlent et de cette violence qui imprègne le pays comme s'il s'agissait d'une espèce d'ADN immuable se nourrissant d'un passé historique où il n'est question que de fureur et de conquêtes sanglantes. Mais pour éclairer cette part sombre des Etats-Unis, il projette cette lumière d'espoir et d'amour alimentant l'ensemble d'une oeuvre où il est question de tolérance sans pour autant édulcorer les rancœurs de ces populations de la marge confinées dans ces ghettos où la solidarité est de mise. Romancier et scénariste, mais également compositeur de jazz et saxophoniste, James McBride intègre donc dans ses récits l’essence même d’une existence au croisement des cultures dont il évoque le contexte dans La Couleur De L’Eau (Gallmeister 2020), récit autobiographique au succès fracassant d’où émerge les racines juives et polonaises de sa mère ainsi que les origines chrétiennes et afro-américaines de son père et qui ont élevé une famille de douze enfants à Brooklyn dans le quartier défavorisé de Red Hook. Outre son autobiographie, c’est dans un roman comme
En 1972, à la veille de l'ouragan Agnès qui va balayer la côte Est des Etat-Unis,, des ouvriers découvrent les restes d'un corps au fond d'un puit de la ville de Pottstown, plus précisément à Chicken Hill où réside le vieux Malachi, l'un des derniers résidents de la communauté juive qui est devenu, par la force des choses, la mémoire et l'âme de ce quartier défavorisé. C'est donc vers lui que la police se tourne pour en savoir plus sur la découverte de ce cadavre auprès duquel on a retrouvé une mezouzah en argent. Pour le vieil homme, c'est l'occasion de se remémorer cette époque d'autrefois où juifs et noirs se côtoient dans une effervescence migratoire qui rassemblent les plus précarisés. de se souvenir de Moshe propriétaire d'une salle de spectacle, et de son épouse Chona qui tient la petite épicerie du Paradis Sur Terre. De cette position privilégiée, le couple observe tous les mouvements de cette vie foisonnante tout en étant à l'écoute de cette population bigarrée. Alors quand Chona apprend que Dodo, une jeune garçon sourd et muet, va être placé en institution, elle se met en tête de le soustraire aux autorités afin de le protéger. Dans sa tâche, elle pourra compter sur Nate le concierge de la salle de spectacle, qui officie également comme leader informel de la communauté afro-américaine et qui va l'appuyer dans cette démarche salvatrice. Mais peut-on véritablement lutter contre cette Amérique blanche et chrétienne qui dicte ses règles sur l'ensemble du pays ?
Sa femme l'ayant trompé avec son associé, Ilias a tout perdu à Athènes que ce soit son affaire mais également sa place au sein du foyer familial. Et lorsque l'on a cinquante-trois ans, il n'est pas facile de refaire sa vie en Grèce, ce qui le contraint à retourner dans son village natal de Delvinaki qui se situe à proximité de la frontière avec l'Albanie. Démuni, il loge donc chez sa mère, une femme âgée qui peine à joindre les deux bouts et qui se soucie de son fils qui peine à rebondir en s'éloignant même de ses deux filles avec qui il n'a plus que des contacts téléphonique et épistolaires. Ilias promène donc son lot de désillusions au gré de ses promenades solitaires en parcourant cette contrée montagneuse de l'Epire où l'on retrouve le corps sans vie d'une jeune femme sauvagement mutilée que l'on a abandonné non loin de la route au bord de laquelle il a aperçu deux hommes du village qu'il connaît bien et dont l'un semblait sous le coup de l'émotion. Se peut-il qu'il s'agisse des meurtriers ? Ilias va bien tenter de faire la lumière sur cette affaire. Mais il va devoir faire face à l'hostilité de certains villageois et composer avec l'amitié qui se conjugue parfois avec la trahison.
"Il y a un moment que je sais que tu t'es envolé dans les espaces supérieurs"
En 1954, alors qu'il patrouille de nuit, sur les routes enneigées des contrées désertiques du comté du Garfield dans l'Utah où il officie comme shérif, Nick Corey tombe sur une Hudson Sedan verte abandonnée qui pourrait bien être le théâtre d'un crime. Tout à coup, il distingue un avion de chasse Sabre qui vole à basse altitude avant d'atterrir en catastrophe sur ce plateau aride, sans aucune lumière et surtout sans aucune présence du pilote. Après avoir avisé les autorités, l'armée débarque avec toute sa logistique pour récupérer l'avion, tandis que le FBI tente de faire la lumière sur cet événement sans précédent. On parle d'une manigance des russes ou des extra-terrestres. Pour ce qui concerne Nick Corey, il se retrouve à enquêter sur le conducteur de la voiture abandonnée qui pourrait bien être le tueur en série responsable de la mort de ses parents alors qu'il était enfant et qui a donc gâché son existence. Il se lance ainsi à sa poursuite en étant secondé par un haut cadre du FBI en quête du chargement disparu de l'avion qui pourrait causer des dommages irréversibles au pays.