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03. Roman policier - Page 32

  • Zygmunt Miloszewski : Les Impliqués. Sous le ciel de Varsovie.

    Capture d’écran 2015-05-15 à 15.58.09.pngLe ghetto de Varsovie, la révolte ouvrière de Gdansk, Solidarnosc … De prime abord on a une image bien sombre de la Pologne qui reste à bien des égards un pays méconnu que l’on peut désormais découvrir par le biais des excellents romans policiers de Zygmunt Miloszewski. L’auteur connaît un succès retentissent et mérité avec Un Fond de Vérité paru cette année aux éditions Mirobole. Même s’il n’est pas indispensable à la compréhension du récit, il serait pourtant dommage de passer à côté du premier roman de la série intitulé Les Impliqués, paru en 2013, mettant en scène le procureur Teodore Szacki officiant dans la ville de Varsovie.

     

    Un patient retrouvé mort, avec une broche à rôtir plantée dans l’œil, met fin à la thérapie de groupe dirigée par le Dr Rudzki. Sous sa conduite le groupe s’était retiré dans un ancien monastère pour pratiquer une méthode de mise en situation appelée « Constellation familiale ». Cette thérapie d’un nouveau genre serait-elle allée trop loin ? S’agirait-il d’un cambriolage qui aurait mal tourné ? C’est ce que le procureur Teodore Szacki va devoir déterminer. Mais en mettant à jour des éléments enfouis dans un passé pas si lointain, le fonctionnaire de justice va raviver les souvenirs douloureux d’un pays autrefois sous le joug d’influences idéologiques inquiétantes. Car malgré une transition pacifique, les réseaux secrets d’un régime à présent honni ont-ils vraiment tous disparus ?

     

    Les Impliqués est un récit qui se déroule  sur une quinzaine de jours en juin 2005. Si l’enquête du procureur Szacki débute de manière laborieuse avec les aspects  fastidieux d’un traditionnel « mystère de la chambre close » il ne faut pas se décourager et persévérer dans cette lecture qui s’avèrera plus enrichissante qu’il n’y paraît de prime abord. En introduction aux différentes journées, l’auteur dresse avec maestria un panorama de l’actualité du pays et de la ville de Varsovie pour poser le contexte dans lequel vont évoluer ses personnages. L’approche est pertinente et nous incite donc à découvrir la suite d’un récit destiné initialement à un lectorat local. Zygmunt Miloszewski prend son temps pour installer son personnage principal et le faire évoluer dans les rouages complexes d’une entité judiciaire où il peine à trouver sa place tant les affaires courantes sont monotones avec son cortège de violences domestiques et d’agressions entre ivrognes.  Par petites touches subtiles, nous découvrons le quotidien de ce procureur au travers des enquêtes parallèles qu’il doit mener en marge de son affaire principale. Szacki est un personnage en proie aux doutes que ce soit dans le système judiciaire de son pays, que dans tous les aspects de sa vie familiale et sentimentale. Il évolue ainsi dans une ville de Varsovie que l’auteur décrit sans complaisance ce qui lui donne d’avantage de crédibilité. On est donc loin de la carte postale idyllique ou pittoresque et du héro sans peur et sans reproche. C’est là toute la force de ce roman où l’on découvre de manière subtile les problèmes journaliers auxquels doit faire face ce fonctionnaire peu sympathique, séducteur dans l’âme et surtout très imbu de lui-même.

     

    Entre un début plutôt hésitant et une transition finale quelque peu brutale, on déplorera le manque d’équilibre entre les différentes parties du roman. Mais l’enquête comporte son lot de rebondissements et de fausses pistes qui nous entrainent dans le passé d’un pays qui se remet doucement des affres du communisme mais qui est loin d’avoir réglé ses comptes avec les évènements tragiques qui l’ont amené à se libérer du joug totalitaire. On regrettera d’ailleurs que l’auteur ne s’attarde pas suffisamment sur ses aspects historiques qu’il amenait pourtant avec beaucoup de talent sur le devant de la scène. Edulcorés, certains évènements réels méritaient peut-être d’avantage de développement pour le lecteur peu au fait de l’histoire contemporaine polonaise. Néanmoins, l’auteur installe une dose de suspense teinté de paranoïa qui donne du dynamisme à un récit brillant dont le final s’avèrera aussi surprenant qu’un célèbre roman d’Agatha Christie dont la référence ne saurait être citée afin de ne pas gâcher la surprise.

     

    Les Impliqués c’est le début d’une nouvelle série policière qui se révèle être une des très agréables surprises qui vient désormais agrémenter le paysage du roman policier. Une belle découverte à ne manquer sous aucun prétexte.

     

    Zygmunt Miloszewski : Les Impliqués. Traduit du polonais par Kamil Barbarski. Mirobole éditions 2013.

    A lire en écoutant : II (Suspended Variations). Album : Suspended Night. Tomasz Stanko Quartet. ECM Records GmbH 2004.

  • SUNIL MANN : L’AUTRE RIVE. UN INDIEN A ZURICH.

    Capture d’écran 2015-05-02 à 22.24.35.pngLorsqu’une série démarre, il y a toujours un peu d’appréhension lors de la découverte du second opus comme c’est le cas pour L’Autre Rive de Sunil Mann qui nous livre la deuxième enquête de son détective privé d’origine indienne Vijay Kumar. C’était avec la Fête des Lumières que l’on avait rencontré ce détective atypique arpentant les rues d’une ville de Zürich désormais classée  au premier rang des cités les plus chères du monde et au second rang des villes possédant la meilleure qualité de vie. Dans ce contexte d’une Suisse aux villes florissantes, les récits de Sunil Mann prennent une certaine intensité en pointant tous les aspects peu reluisants d’une société qui se voudrait être un modèle du genre.

     

    Dans une forêt proche de l’aéroport de Zürich, on découvre le corps sans vie d’un jeune migrant. Congelée, les membres brisés, la victime semble être tombée d’un avion dans lequel elle se serait introduite clandestinement. C’est en tout cas à cette conclusion qu’arrive Vijay Kumar qui accompagne son ami journaliste José sur les lieux de la tragédie. L’affaire serait donc vite classée s’il n’y avait pas ce mystérieux commanditaire enjoignant le détective indien à faire la lumière sur les circonstances troubles de ce décès. D’une piste à l’autre, Vijay Kumar va évoluer dans le milieu gay pour traquer un mystérieux personnage souhaitant à tout prix dissimuler ses préférences sexuelles.

     

    Des notables de la ville, aux migrants vivant dans la clandestinité, Sunil Mann parvient, avec un rare talent, à dresser tous les portraits de la scène gay zurichoise, sans pour autant verser dans une vision caricaturale. Parfois sensible, drôle ou franchement glauque, nous découvrons les différentes castes de ces protagonistes empêtrés dans un lourd voile d’apparences et de bienséances. C’est sous le poids du conformisme que ces personnages, en lutte avec eux-mêmes, doivent évoluer dans une ville qui derrière son apparence bienveillante, peine à accepter la différence. Chasses et tabassages d’homos, reprogrammations spirituelles, Sunil Mann nous livre un portrait réaliste et sans concession d’une société en proie à de lourdes intolérances sur l’orientation sexuelle que d’ailleurs le droit pénal suisse ne sanctionne toujours pas au niveau des discriminations.

     

    Malgré la gravité du thème, il y a dans le texte de Sunil Mann cet humour corrosif qui émaille les dialogues en donnant à l’ensemble du récit une certaine légèreté. On apprécie toujours autant Vijay Kumar et son entourage, car il s’agit de personnages réalistes dont les évolutions s’avèrent particulièrement pertinentes en donnant d’avantage de relief à une histoire qui n’en manquait d’ailleurs pas. L’intégration d’une famille de migrants de première et seconde génération reste l’un des thèmes de prédilection de Sunil Mann. Avec un portrait poignant du père de Vijay, l’auteur parvient à nous exposer avec une belle sensibilité toute la problématique de l’insertion de ces premières vagues de migrants qui ont tout donné sans prendre le temps de s’intégrer, occupés qu’ils étaient à travailler sans compter pour le bien-être de leurs familles. Le Kreis 4 (arrondissement) où réside notre détective reste toujours aussi pittoresque, même si les lumières des bars à champagne et des sex-shops prennent des tonalités mélancoliques dans cette atmosphère hivernale d’une ville qui semble comme prête à s’endormir dans la quiétude des convenances.

     

    L’Autre Rive est un récit habile et dynamique qui ne manque pas de suspense, sans pour autant tomber dans les artifices des rebondissements outranciers. Un bel équilibre entre le portrait social, l’enquête policière et la comédie de mœurs font de Sunil Mann un auteur à part qui mérite le détour. Du bon polar helvétique !

     

    Sunil Mann : L’Autre Rive. Traduit de l’allemand par Ann Dürr. Editions des Furieux Sauvages 2015.

    A lire en écoutant : Pass Them By de Agnes Obel. Album : Aventine. Agnes Obel released 2013. PIAS Entertainment group.

  • Fred Vargas : Temps Glaciaires. La dure loi des séries.

    Capture d’écran 2015-04-11 à 13.15.36.pngDix ouvrages, pas un de plus. C’est le nombre de romans auquel l’auteur a droit pour développer un personnage récurent.  Cette règle, ce n’est pas moi qui l’énonce, mais John Harvey dans l’interview « en roue libre » de Velda dont vous découvrirez l’intégralité sur son blog que l’on peut considérer comme l’une des références dans l’univers des sites dédiés à la littérature policière. Dans cet entretien édifiant, l’auteur britannique se livre avec une franchise presque déconcertante sur l’aspect commercial de ces séries. La règle, qu’il n’a d’ailleurs pas respectée (et c’est bien dommage), se base sur les dix ouvrages mettant en scène Martin Beck dans le Roman d’un Crime. Même si cette série s’est achevée à la suite de circonstances tragiques, on s’accordera pour dire qu’il s’agit effectivement d’une règle parfaitement valable puisqu’elle fait référence à l’un des chefs-d’œuvre du roman policier. C’est peut-être à cause de la « règle des dix » que Fred Vargas a mis tant de temps à livrer Temps Glaciaires,  la onzième enquête du commissaire Adamsberg si l’on compte les trois affaires que l’on peut retrouver dans le recueil de nouvelles Coule la Seine. La crainte de fournir l’ouvrage de trop.

     

    C’est sur la base des intuitions d’un collègue commissaire que débute l’enquête d’Adamsberg qui se lance sur les traces d’un tueur qui maquille ses crimes en suicide, mais ne peut s’empêcher d’apposer un mystérieux signe en forme de « H ». L’équipe bringuebalante du commissaire peut s’accorder à faire des rencontres toujours aussi déroutantes que ce soit avec Marc le sanglier ou la réincarnation de Robespierre afin de résoudre cette série de meurtres. Elle en a vu d’autre. Mais parviendra-t-elle à accepter que leur chef de file quitte le commissariat pour se rendre en Islande parce qu’il estime avoir été convoqué par l’afturganga, une entité démoniaque du pays qui n’a rien de folklorique. Une îlot islandais embrumé, des reconstitutions historiques des assemblées de la Terreur, il n’y a qu’un homme comme Adamsberg pour percevoir les liens entre ces deux univers diamétralement opposés. Mais parviendra-t-il à convaincre son équipe de le suivre dans ses délires. Rien n’est moins sûr !

     

    Que l’on se rassure avec Temps Glaciaires, nous allons retrouver tous nos personnages hauts en couleur. Le commissaire Adamsberg reste toujours aussi décalé et rêveur, Danglard l’hypermnésique est toujours aussi porté sur la boisson et Veyrenc continue de déclamer ses alexandrins. Oui vous pouvez compter sur la présence de tous les personnages qui sont chers à votre cœur. Même le chat du commissariat fait son apparition. Au final, vous en aurez pour votre argent. Et c’est en cela que l’on rejoint les propos de John Harvey évoquant la facilité et l’absence de créativité. Le problème désormais de Fred Vargas est que son univers décalé est devenu, au fil des onze enquêtes de son commissaire fétiche, terriblement convenu. Il ne nous reste donc que l’intrigue et c’est peu dire qu’elle s’avère bringuebalante, tant l’auteur peine à conjuguer les deux univers que sont l’Islande et la reconstitution des périodes de la Terreur. L’enquête se déroule sur trois lieux à savoir Paris, Le Creux dans les Yvelines et l’Islande et si l’auteur admet n’avoir jamais « foutu les pieds » dans ce pays c’est paradoxalement la partie du roman la plus aboutie. On y retrouve le souffle du mystère et une atmosphère décalée qui fait particulièrement défaut lors de la partie parisienne de l’enquête. Ce qui faisait le charme de Vargas c’est qu’elle convoquait l’histoire au travers des lieux comme dans Pars Vite et Revient Tard ou L’Armée Furieuse et que l’aspect historique de la Terreur en est totalement dépourvu pour se concentrer sur le personnage de Château/Roberspierre qui manque terriblement d’épaisseur. On s’y ennuie à mourir et les anecdotes concernant ce fameux personnage historique n’amènent que très peu d’éléments pertinents pour compléter une intrigue assez bancale dont le dénouement  s’avérera peu convaincant. Sans vouloir dévoiler quoique ce soit de ce dénouement, je vous laisse imaginer Maigret dégommant ses adversaires à coup de flingue pour avoir une idée de l’incongruité de la confrontation finale.

     

    On pouvait espérer que l’auteur démonterait la mécanique bien huilée qui régit l’équipe du commissaire Adamsberg avec ce petit vent de contestation soufflant dans le commissariat. Mais ce vent s’avérera n’être qu’une légère brise qui n’interfèrera guère sur l’architecture des relations qui lie le personnage principal à ses acolytes. Il faut bien que la série continue sans mettre le lecteur dans un inconfort trop perturbant. Car l’enjeu est de taille. On a pu le percevoir avec la confrontation entre l’auteur et son ancienne éditrice Viviane Hamy lors du changement de maison d’édition orchestré par son agent François Samuelson. Car si l’auteur s’en défend, il y a tout de même une histoire de gros sous qui se cache derrière la série Adamsberg. Et à nouveau on peut mettre en perspective les propos de John Harvey évoquant les tentations financières des auteurs qui se retrouvent prisonniers de leurs personnages. Fred Vargas ne dit pas autre chose lorsqu’elle déclare à la presse «qu’elle n’en a pas finit avec Adamsberg ». On imagine la tête de l’équipe Flammarion si elle avait évoqué la conclusion de la série avec Temps Glaciaires. Mais que l’on se rassure, rien ne pourra perturber l’attente des lecteurs, pas même la couverture de l’ouvrage qui ressemble furieusement aux couvertures précédentes, des fois que le consommateur louperait la muraille de livre qui trône régulièrement en bonne place dans les librairies. Il va bien falloir les écouler ces centaines de milliers d’exemplaires … même si les moyens manquent parfois d'une certaine élégance.

     

    Capture d’écran 2015-04-11 à 13.19.37.pngCapture d’écran 2015-04-11 à 13.15.36.png

     

    Fred Vargas : Temps Glaciaires. Editions Flammarion 2015.

    A lire en écoutant : The Anchor Song de Bjork. Album : Début. One Little Indian 1993.

  • PETER GUTTRIDGE : ABANDONNES DE DIEU. LE MYSTERIEUX TUEUR DE LA MALLE DE BRIGHTON.

    peter guttridge, la trilogie de brighton, le dernier roi de brighton, promenade du crime, abandonnes de dieu, Babel Noir, Rouergue NoirIl existe des villes qui sont irrémédiablement associées à l’aura maléfique de tueurs mystérieux qui y ont sévis à l'exemple de Jack l’Eventreur pour Londres, du Zodiac pour San Francisco et sa région ou de l’Etrangleur de Boston à … Boston. Pour Brighton, ville balnéaire excentrique du sud de l’Angleterre, ce fut le Tueur de la Malle qui défraya la chronique en 1934 et auquel Pierre Mac Orlan consacra un grand reportage qui s’intéressait d’avantage au climat social de la ville et à son atmosphère qu’à l’investigation à proprement parler.

    Basée sur ce fait divers tragique, Abandonnés de Dieu conclut la trilogie de Brighton que Peter Guttridge avait entamée en 2012 avec Promenade du Crime, suivie en 2013 du Dernier Roi de Brighton. Il est important de préciser que les trois livres sont étroitement liés entré eux  et ne sauraient être lus dans le désordre, raison pour laquelle il convient d’ailleurs de faire un résumé de la trilogie plutôt que de chacun des ouvrages.

    La police donne l’assaut d’une villa située au cœur d’une banlieue défavorisée de Brighton où serait retranché un dangereux criminel. L’opération tourne au carnage puis à l’émeute contraignant le chef de la police, Robert Watts, à démissionner alors que plusieurs officiers ayant participé à l’assaut disparaissent mystérieusement. Estimant avoir été piégé, Robert Watts va tenter de faire la lumière sur cette affaire que les autorités politiques et policières vont s'employer à enterrer. Pour y parvenir, il va s’adjoindre les compétences de Kate Simpson, jeune journaliste radio, qui vient de retrouver de vieilles archives policières concernant le mystérieux Tueur de la Malle qui défraya la chronique en 1934 à l’époque où le père de Robert Watts, auteur de thriller à succès, travaillait comme policier. Dans un échange de bons procédés, Robert et Kate, aidés de plusieurs comparses, vont essayer de démêler les écheveaux complexes de ces deux affaires qui ont en point commun de mettre en exergue les liens occultes entre le monde de la politique et celui de la pègre qui gangrène depuis toujours la ville de Brighton. Eblouissantes, les lumières du Pier ne sauraient dissimuler le parfum de mort et de corruption qui règne sur la cité balnéaire.

    Outre le fait de l’appréhender dans l’ordre, il est recommandé de lire la trilogie d’une traite, tant le découpage est laborieux ce qui contraint le lecteur à garder en mémoire des éléments qui apparaissent lors du premier opus et qui trouveront leurs résolutions dans le dernier ouvrage de la série ce qui est loin d’être aisé car l’auteur assène son récit d’une foultitude de détails qu’il faudra garder à l’esprit tout au long de l’histoire. Outre un récit dense et riche qui part dans toutes les directions il sera également nécessaire de se mémoriser un panel impressionnant de protagonistes qui n’ont pas la même importance en fonction des divers opus de la trilogie.


    peter guttridge, la trilogie de brighton, le dernier roi de brighton, promenade du crime, abandonnes de dieu, Babel Noir, Rouergue NoirAvec Promenade du Crime l’auteur pose les deux axes principaux que l’on retrouvera tout au long de la trilogie. Il y a tout d’abord le massacre dans une villa qui se déroule de nos jours et en contrepoint, des extraits d’un journal récemment découvert qui évoque l’affaire sanglante du Tueur de la Malle qui se produisit en 1934. C’est particulièrement l’atmosphère du Brighton des années 30 que l’on appréciera dans cette première partie, même si l’on déplore quelques petites incohérences lorsque l’auteur du journal exprime des regrets au sujet d’évènements qui ne se sont pas encore produit.

     

    Le Dernier roi de Brighton évoque essentiellement l’ascension d’un fils de gangster tout au long des années 60. C’est l’un des passages les plus réussi du roman où l’on découvre une ville de Brighton bercée par la musique de Beatles et des Pink Floyd sur fond d’émancipations et de désillusions. La seconde partie du roman permet de découvrir certains éléments qui ont rapport avec le massacre de la villa. On y découvre également en préambule, la préparation minutieuse ainsi que  l’importance des moyens en homme et en matériel afin d’empaler une victime, ce qui donne à cet épisode sanglant une tournure très réaliste peu coutumière.

     

    peter guttridge, la trilogie de brighton, le dernier roi de brighton, promenade du crime, abandonnes de dieu, Babel Noir, Rouergue NoirAbandonnés de Dieu nous permettra de découvrir l’identité du Tueur de la Malle dont on suit le parcours tragique durant son incorporation dans les premiers contingents de soldat engagés lors de la première guerre mondiale. Il s’agit de la meilleure partie du roman avec une succession de passages sanglants émaillés d’instants poignants où nombre de soldats démobilisés et perturbés psychiquement embrassent la carrière de malfrats pour subvenir à leurs besoins. Une autre partie du récit se déroule en Italie durant la fin de le seconde guerre mondiale tout en faisant quelques incursions de nos jours afin de conclure l’affaire du massacre de la villa.

     

    Finalement la trilogie de Brighton sera l’écho de toute une époque qui résonne à travers le monde et dont les retentissements impacteront tous les protagonistes de ce récit bigarré qui manque parfois de cohésion et dont le rythme inégal peu parfois perturber le lecteur qui ne regrettera toutefois pas ce voyage à travers le temps.

     

    Petert Guttridge : La Trilogie de Brighton.

    Promenade du Crime. Editions Babel Noir 2012. Traduit de l’anglais par Jean-René Dastugue.

    Le Dernier Roi de Brighton. Editions Babel Noir 2013. Traduit de l’anglais par Jean-René Dastugue.

    Abandonnés de Dieu. Editions Rouergue Noir 2014. Traduit de l’anglais par Jean-René Dastugue.

     

  • IAN RANKIN : DEBOUT DANS LA TOMBE D’UN AUTRE. LE RETOUR DE L’INSPECTEUR JOHN REBUS.

    Capture d’écran 2015-01-14 à 00.07.40.pngAvec dix-huit aventures au compteur, on peut dire que John Rebus a fait pas mal de chemin dans le paysage de la littérature policière et semble être devenu un personnage bien trop encombrant pour son auteur qui ne sait plus trop bien comment il pourrait s’en débarrasser. Tout comme la série Dave Robichaux de James Lee Burke, le personnage fétiche de Ian Rankin a vu le jour en 1987 et outre cette particularité commune, les deux personnages affichent un certain vague à l’âme qui frise l’état dépressionnaire.

     

    Bien qu’encensée, adulée et récompensée, la série a souffert d’un certain manque de constance au niveau de la qualité des intrigues. Mais L’Ombre du Tueur et Fleshmarket Close peuvent être considérés comme les deux excellents romans qui doivent orner les rayons de votre bibliothèque. Et puis il faut également admettre que la série Rebus ne se concentre pas uniquement sur l’aspect de la dramaturgie de l’histoire puisque son auteur s’intéresse également aux caractéristiques sociologiques et folkloriques de la ville d’Édimbourg qui dégage un climat singulier et envoutant. En dehors de ses aventures rien n’est plus prenant que de suivre John Rebus parcourant les rues de la ville lors de ses pérégrinations nocturnes où il rencontre, dans ses bars et pubs favoris, toute une série de camarades de boisson atypiques, puis de le retrouver seul dans son appartement en distillant un mélange de réflexions teintées mélancolie et enrobées d’une bande sonore issue de son extraordinaire collection de vinyls.

     

    Debout Dans la Tombe d’un Autremarque donc le retour de John Rebus qui a quitté les forces de police pour prendre une retraite, certes méritée, mais qu’il ne souhaitait pas. Loin de renoncer à ce qui l’anime depuis toujours, Rebus est  désormais affecté à un service civil qui examine les enquêtes classées non élucidées. L’une d’entre elles attire son attention lorsqu’une mère de famille tente de persuader le service de retrouver sa fille disparue. C’est ainsi que Rebus renoue avec ses collègues de la brigade criminelle lorsqu’il met à jour toute une série de disparitions ayant pour point commun de se situer à proximité de la portion d’autoroute A9 reliant Perth à Inverness. Ses habiles intuitions pourraient permettre à Rebus de réintégrer la police, mais sa nonchalance et son aversion pour toute forme d’autorité lui valent les foudres de sa hiérarchie et la suspicion de Malcom Fox, des affaires internes, qui apprécie peu le fait que l’inspecteur Rebus ait noué des liens étroits avec son adversaire d’autrefois, Morris Gérald « Big Ger » Cafferty.

     

    Il faut reconnaître que malgré un sentiment de répétition on ne peut s’empêcher de se réjouir du retour de l’insolent inspecteur Rebus et de son humour mordant qui lui confère un charme si particulier. Dans Debout Dans la Tombe d’un Autre, Ian Rankin conjugue l’univers de Rebus avec celui de Fox dans une confrontation qui ne rendra guère hommage à ce dernier. Outre cet aspect, l’auteur nous embarque dans une affaire de disparitions en série et évoque un cas de pédophilie que Rebus parvient à mettre en évidence dans une suite de déductions plus que hasardeuses.  La manière dont l’inspecteur résout une partie de l’affaire s’avère également plus que douteuse voir même peu convaincante en matière de procédures policières, même si l’une des scènes finales donne son titre au roman.

     

    Debout Dans la Tombe d’un Autre ne figurera donc pas parmi les ouvrages indispensables de la série Rebus même s’il s’en dégage une atmosphère assez particulière qui envouteront les lecteurs. Car Ian Rankin connaît les ficelles du métier lui permettant de séduire son lectorat afin de l’entraîner dans le sillage de cet inspecteur atypique. Outre le fait de désigner une des scènes du roman, le titre du dernier opus de l’auteur rend hommage au chanteur écossais Jackie Leven qui a composé et interprété une chanson intitulée, Standing in Another Man’s Rain. Car c’est aussi l’un des talents de l’auteur que de parvenir à nous glisser subtilement, au fil des pages, une bande sonore toujours extrêmement soignée qui anime de manière dynamique les enquêtes de l’inspecteur Rebus.

     

    Ian Rankin : Debout Dans la Tombe d’un Autre. Editions du Masque 2014. Traduit de l’anglais (Ecosse) par Freddy Michalski.

    A lire en écoutant : Standing in Another Man’s Rain de Jackie Leven. Album : Oh What a Blow That Phantom Dealt Me. Cooking Vinyl 2006.