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JOEL DICKER : LE LIVRE DES BALTIMORE. LE ROMAN QUI FAIT PSCHITT.

Capture d’écran 2015-10-28 à 05.00.39.pngDepuis plusieurs semaines nous avons droit à la ligne marketing type succès-story pour le lancement du dernier ouvrage de Joël Dicker, Le Livre des Baltimores. Il est beau, il a vendu des millions d’exemplaires de son précédent roman, La Vérité sur L’affaire Harry Quebert, son nouveau livre est tiré à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires et en terme de succès il est en passe de détrôner la saga Harry Potter. Finalement cette dernière assertion est assez symptomatique en ce qui concerne le contenu car après lecture on peut aisément classer Le Livre des Baltimores dans la catégorie des romans destinés aux adolescents en le comparant à un honnête Club de Cinq en Amérique.

 

Quatre ans après l’affaire Harry Quebert, on retrouve Marcus Goldman en Floride où il séjourne afin de s’atteler à son prochain roman. Il y rencontre, par hasard, Alexandra Neville, un amour de jeunesse qu’il abandonna avant qu’elle ne devienne une célèbre chanteuse. Encore éperdu d’amour, Marcus tente de comprendre les circonstances qui l’ont conduit à rejeter cette sublime jeune femme. Plongé dans ses souvenirs d’enfance, il dresse ainsi le portrait de famille des Goldman-de-Baltimore, dont il vouait une admiration sans borne et qui lui a permis de connaître la jeune Alexandra. Lui-même issu de la modeste famille des Goldman-de-Montclair, Marcus repense ainsi à ses cousins, à son oncle Saul qu’il adule, aux vacances extraordinaires à Miami ou dans les Hamptons et entame ainsi un périple dans le passé. Mais au fil de ses réflexions, il met également à jour les terribles circonstances qui ont conduit certains membres de cette famille au cœur d’un Drame terrible. Car derrière ce vernis de bohneur, la famille Goldman-de-Baltimore dissimule les fissures intimes de la rancœur et des ressentiments. 8 ans après le Drame, que va donc découvrir Marcus Goldman derrière le portrait lustré de cette famille.

 

Avec La Vérité sur L’affaire Harry Quebert, Joël Dicker devenait le chantre du suspense en façonnant un «page-turner» sur un schéma finalement assez simple débutant avec l’assassinat d’une jeune femme, suivi d’une enquête conduisant à la découverte d’un coupable. Il s’agissait donc d’une structure narrative propre au roman policier que l’auteur se défendait pourtant d’avoir écrit de manière consciente.

 

Le problème avec Le Livre des Baltimore réside dans le fait que Joël Dicker a voulu conserver les recettes du suspense sans que cela n’apporte une quelconque plus-value à l’histoire. Pour se démarquer de son précédent roman, l’auteur a donc élaboré une histoire dramatique en dressant le portrait d’une famille américaine dont la pierre angulaire est ce fameux Drame inscrit en lettre majuscule afin d’en souligner l’importance et qui ne sera dévoilé qu’en toute fin de récit alors que dès le début, tous les protagonistes en connaissent le déroulement. Ce décalage brouille d’ailleurs les motivations qui poussent les personnages à agir d’une certaine manière sans que l’on en comprenne les raisons. Mais qu’à cela ne tienne, Joël Dicker abuse du procédé, jusqu’à la nausée, en nous rappelant tout au long de l’histoire qu’il va y avoir un Drame dont le déroulement s’étalera sur quelques pages à peine. C’est d’autant plus navrant que lorsque le lecteur découvre les prémisses de ce fameux Drame, bon nombre d’entre eux  en devineront les principaux contours, anéantissant ainsi la mécanique de ce soi-disant suspense. Mais qu’importe, Joël Dicker utilisera toutes les grosses ficelles pour distiller ce fameux suspense en brouillant par exemple la chronologie du récit jusqu’à le rendre indigeste, voire même  incompréhensible tant il est dénué de références dans une Amérique qui semblerait dépourvue d’histoire, hormis l’élection de Bill Clinton et l’interpellation musclée de Rodney King. Ce qui fait bien peu pour un roman se déroulant sur plus d’une trentaine d’années. Toujours dans le but de nourrir la tension dramatique, la propension quasiment permanente consistant à interrompre le cours de révélations parfois secondaires, comme de savoir qui va occuper la maison voisine des Goldman dans les Hamptons, s’avère également extrêmement agaçante et nuit à la lisibilité d’un récit qui manque de tenue.

 

Les personnages sont totalement dépourvus de relief à l’instar de cette description superficielle d’Alexandra Neville, ancien amour de Marcus Goldman qui donne une idée du côté paillette parfois insupportable de ce laborieux roman. « A moins de vivre dans une grotte, vous avez forcément entendu parler d’Alexandra Neville, la chanteuse et musicienne la plus en vue de ces dernières années. Elle était l’idole que la nation avait attendue depuis très longtemps, celle qui avait redressé l’industrie du disque. Ses trois albums s’étaient écoulés à 20 millions d’exemplaires ; elle se trouvait, pour la deuxième année de suite, parmi les personnalités les plus influentes sélectionnées par le magazine Time et sa fortune personnelle était estimée à 150 millions de dollars ». Mais à l’exception d’un poster de Tupac Shakur, on ne connaîtra ni les influences, ni le style de musique qu’interprète cette chanteuse un peu nunuche qui affuble le personnage principal de sobriquets ridicules comme Markikette.

 

Le plus riche, le plus beau, le plus intelligent, le plus sportif, le plus généreux, la plus belle, la plus grosse voiture, la plus grande maison, les plus belles vacances, outre la vacuité des personnages engoncés dans de tristes sentiments de jalousie, Joël Dicker installe le lecteur dans un conte de fée sirupeux et délirant en nous livrant une succession de cartes postales surréalistes d’un monde idéal qui n’existe nulle part ailleurs que dans son imagination fertile. C’est d’autant plus regrettable que l’auteur survole les moments plus sombres d’une histoire qui vire parfois au grotesque à l’exemple de l’entretien entre un directeur d’école et son élève d’à peine dix ans qui vient de le découvrir dans une situation compromettante et qui met en place un chantage afin de faire inscrire son meilleur ami. Une situation à laquelle on ne croît guère et qui est loin d’être unique.

 

Doté d’une certaine émotion, parfois maladroite, Le Livre des Baltimore est un roman superficiel et dépourvu de style que le lecteur traversera avec le sentiment permanent et justifié d’avoir été manipulé jusqu’à l’excès. Un ouvrage décevant qui sera probablement vendu à des millions d’exemplaires car tout a été prévu pour qu'il en soit ainsi, marketing oblige. Joël Dicker en connaît bien les règles et les rouages. Champagne !

 

Joël Dicker : Le Livre des Baltimore. Editions de Fallois / Paris 2015.

A lire en écoutant : My Least Favorite Life de Lera Lynn. Album : True Detective (Music from the HBO Series). Harvest Records 2015.

Commentaires

  • Votre note est plutôt laborieuse et peu lisible, ce roman est superbe, tous les ingrédients sont réunis et impossible de le laisser 10 minutes sans y retourner !

    Encore meilleur que le précédent, à lire absolument !

    Quant à vos insinuations, "marketing", pas marketing, tous les producteurs de films lui courent après pour en faire des succès cinématographiques !

    Les attaques à l'encontre de Joël Dicker sont incompréhensible, c'est comme insulter des millions de lecteurs, à l'heure où le livre souffre comme jamais, préferiez-vous que tous ces lecteurs regardent RTS 1 et 2 ?

    Les lecteurs ne s'y trompent pas, ils courent chez leur libraire et ensuite attendent patiament le prochain livre de notre estimé genevois !

  • " Le Livre des Baltimore est un roman superficiel et dépourvu de style que le lecteur traversera avec le sentiment permanent et justifié d’avoir été manipulé jusqu’à l’excès"... Quand au vide et au style, on ne peut même pas en dire grand chose concernant votre critique. Mais le lecteur est seul juge alors on fera le bilan dans quelques mois.

  • Ayant lu par curiosité le premier livre de ce jeune auteur romand, j'ai à la fois compris les raisons de son succès (un récit efficace quoique convenu) et mesuré le hype totalement surfait autour d'un écrivain au final plutôt moyen, dans la veine d'un Musso ou d'un Lévy. Ce qui m'inquiète un peu pour lui est qu'après avoir feuilleté son nouvel ouvrage (ma curiosité à ses limites), je n'ai vu aucun progrès au niveau de l'écriture, qui reste assez naïve, voire parfois niaise. Cela n'empêchera certes pas ce roman de se vendre (ma coiffeuse m'a dit attendre avec impatience de le lire...) ni l'auteur de remplir les page people de notre bonne presse locale, mais il serait bon de savoir raison garder et d'arrêter de prétendre avoir ici déniché le nouveau Flaubert...

  • Ce qui plus que certain : il n'y aura pas un deuxième "Joël Dicker" à Genève et même en Suisse romande avant des décennies, si ce n'est pas des siècles !

  • Que faire,

    Je ne vais me donner la peine d'aller chercher les critiques de l'époque sur Flaubert, mais il y a comme un air de déjàvu !

    Ce qui n'enlève en rien, le génie de Flaubert !!

  • roman affligeant ! on est loin du premier roman , sur la critique de Cédric Segapelli , rien à dire, c'est parfait !

  • J'ai trouvé ce roman très agréable à lire. Et marketing, pourquoi pas ? Contrairement à Jérome Meisoz par exemple, je pense que la culture n'est pas et ne doit pas être une chasse gardée pour une certaine élite. Les musées se sont démocratisés, il y a maintenant des files d'attente souvent décourageantes et qui en font rager plus d'un (moi la première), mais c'est quand même une très bonne chose, non ? Et si la jolie gueule de Joël Dicker fait découvrir la lecture à des gens qui n'y sont pas habitués, tant mieux aussi ! Surtout, je déplore ce snobisme intello qui s'acharne sur un livre - peut-être pas le roman de la décennie, mais bien ficelé et agréablement écrit - sous prétexte qu'il marche fort. Derrière ce mépris, on devine les frustrés, les jaloux, et ce n'est pas à leur honneur.

  • J'ai adoré !!!
    Évidemment je fais partie de ces lecteurs Sans culture....

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