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Suisse - Page 3

  • Nouvelles du front : Jean-Jacques Busino - Emmanuelle Robert - Olivier Beetschen - Stéphanie Glassey/Chrysotome Gourio - Séverine Chevalier - Jérémy Bouquin - Sébastien Gendron - Michèle Pedinielli.


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    Pour l'édition de février 2024, c'est Jean-Jacques Busino qui figure en première page avec Ego Te Absolvo, sublime texte sensible abordant le thème de la fin de vie et de l'euthanasie avec un narrateur passant en revue sa vie de couple, tandis que sa compagne agonise. Comme séverine chevalier,jérémy bouquin,sébastien gendron,jean-jacques busino,emmanuelle robert,olivier beetschen,stéphanie glassey,chrysotome gourio,michèle pedinielli,a l’envers,les fatals en concert,1976,tu m’as bien vu !,une campagne,ego te absolvo,le cortège,le chien,ours éditions,le journal le persiltoujours pour l'auteur de Un Café, Une Cigarette (Rivages/Noir 2017) et de Le Ciel Se Couvre (BSN Press 2022), on décèle dans cette nouvelle la
    quintessence de l'humanité de ses personnages extravagants entre ombre et lumière, autour de l'élaboration d'un monde enchanteur qui scelle la complicité d'un couple avec un vieux charpentier quelque peu bourru. 

     

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    Jean-Jacques Busino : Ego Te Absolvo. Journal Le Persil. Février 2024.

    Olivier Beetschen : Le Cortège. Journal Le Persil. Février 2024.

    Emmanuelle Robert : Le Chien. Journal Le Persil. Février 2024.

    Stéphanie Glassey/Chrysotome Gourio : Les Fatals En Concert. Ours Éditions. Collection Tête/Bêche 2024.

    Séverine Chevalier : Une Campagne. Ours Editions. Cousu-Main 2024.

    Jérémy Bouquin : Tu M'As Bien Vu ! Ours Editions. Cousu-Main 2023.

    Sébastien Gendron : 1976. Ours Editions. Cousu-Main 2023.

    Michèle Pedinielli : A L'Envers. Ours Editions. Cousu-Main 2023.

    A lire en écoutant : Pendant Que Les Champs Brûlent de Niagara. Album : Religion. 2010 Polydor

  • Joseph Incardona : Stella Et L'Amérique. Get Up !

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    Même si ce n'est pas l'apanage des seuls auteurs américains, on observe dans le parcours de Joseph Incardona cette diversité dans les professions exercées, nous rappelant les trajectoires de vie tumultueuses de ces baroudeurs qui ont effectué une multitude de métiers avant de se lancer dans l'écriture avec cette sensation d'aventure, de soif de liberté et d'indépendance que l'on retrouve d'ailleurs dans leurs textes tout en portant un regard décalé sur la société qui les entoure à l'instar de John Fante, de Charles Bukowski ou de Harry Crews pour n'évoquer que quelques-uns de ces écrivains nourrissant son inspiration. Tout cela, on le retrouve dans l'ensemble de son œuvre, à commencer par la trilogie André Pastrella, son double de papier, dont les tribulations prennent l'allure d'une autofiction déroutante où l'on perçoit cette volonté prégnante du personnage de faire de l'écriture son métier au détour d'une vie plus ou moins instable et forcément riche en péripétie. Et puis il y a les romans bien évidemment, tous plus dévastateurs les uns que les autres, où l'absurde côtoie le cynisme nous rappelant, une fois encore, certains récits de ces écrivains américains qu'il aime citer. Cette influence américaine, parfois mêlée d'une certaine fascination, on la retrouve de manière assez évidente dans des textes tels que Lonely Betty (Finitude 2023) où Joseph Incardona rend hommage à un monument de la littérature de ce pays, alors que Misty (La Baleine 2013) fait référence à l'image du détective hardboiled d'une ville de Los Angeles forcément dévoyée. Il s'agit de brefs récits bousculant les clichés du rêve américain où l'auteur décline ce mal de vivre que l'on retrouve également dans Les Poings (Zoé poche 2024) où l'on rencontre Frankie Malone, boxeur désenchanté qui, des plaines hivernales du Midwest aux contrées ensoleillées de la Californie, entame son come-back afin de remonter sur le ring pour remporter le combat de sa vie. Et si l'on veut savoir ce qu'il est advenu de ce personnage déchu, on croisera Frankie Malone dans Stella Et L'Amérique, tout nouveau roman de Joseph Incardona nous entraînant dans le sillage d'une prostituée dotée d'un don de guérison miraculeux se produisant lors de ses étreintes tarifées avec ses clients.  

     

    Aux Etats-Unis, dans un bled paumé de la Georgie, il y a désormais toute une file d'éclopés en tout genre qui attendent devant le camping-car de Stella Thibodeaux, une jeune femme de 19 ans plutôt candide et plutôt jolie, exerçant le plus vieux métier du monde. Il faut dire que la nouvelle s'est rapidement répandue dans la région. Lors de ses séances tarifées, Stella guérit les malades et les paralysés en tout genre avec qui elle couche. L'un de ces miraculés se confie au père James Brown faisant remonter l'information à sa hiérarchie jusqu'à ce qu'elle parvienne aux plus hautes instances du Vatican. Entre dogme et sexe, le Saint-Père estime qu'il est plus approprié de faire de Stella une martyre dont on édulcorait le passé plutôt qu'une sainte encombrante. L'affaire est entendue et ce sont les jumeaux Bronski, tueurs dégénérés, qui vont se charger d'éliminer Stella en démontrant toute l'étendue de leurs compétences. Se rendant rapidement compte de son erreur, le père James Brown va prendre la jeune femme sous son aile et l'aider à fuir les tueurs lancés à ses trousses. Il faut dire que le prêtre, un ancien des Navy Seals, a de la ressource pour affronter tout ceux qui voudraient s'en prendre à sa protégée. Et pour contrer ses adversaires, le meilleur moyen de s’en sortir c’est de faire connaître le don de Stella au monde entier. Une histoire juteuse, un peu dingue, qui fleure bon le Pulitzer et que Luis Molian, journaliste pour le Savannah News, aimerait bien retranscrire en essayant de retrouver lui aussi les fuyards qui entament une course effrénée en traversant les contrées du sud du pays pour se rendre à Las Vegas, ville de tous les excès et de tous les pêchés. Les miracles n'ont pas de prix.

     

    Si La Soustraction Des Possibles (Finitude 2020) et Les Corps Solides (Finitude 2022), les deux précédents romans de Joseph Incardona, s'inscrivent dans un registre plus sombre et plus grave, Stella Et L'Amérique, avec son côté roman noir burlesque, nous rappelle davantage les tonalités déjantées que l'on trouvait dans Chaleur (Finitude 2018) avec ce concours improbable d'endurance dans un sana chauffé à 110 degrés. Cette noirceur qui nous fait grincer des dents, ce regard décalé sur le monde qui nous entoure, c'est ce que l'on apprécie chez l'auteur helvétique choisissant de nous entraîner dans les confins des état du sud d'une Amérique puritaine, dont il s'emploie à dynamiter les clichés qui en font sa légende. En croisant Santa Muerte la voyante et Tarzan le nonagénaire qui s'occupe des lions, ainsi que toute la galerie de freaks d'un cirque itinérant que Stella côtoie en sillonnant la région avec son camping-car lui permettant de travailler en toute indépendance, on pense bien évidemment à l'univers de Harry Crews pour rester dans le domaine littéraire, tandis que la violence émanant tant du père James Brown que des jumeaux Bronski nous rappelle, à certains égards, l'extravagance des films des frères Cohen. Autour d'un texte énergique aux ellipses vertigineuses, on apprécie cette marque de fabrique particulière de l'auteur interpellant directement le lecteur comme pour le secouer quelques instant avant de l'entraîner à nouveau dans le maelström de cette course-poursuite infernale. Et si l'action est omniprésente, Joseph Incardona prend le temps de la réflexion en abordant le thème de la foi et du dogme que l'on veut préserver à tout prix en l'opposant au désir et à la sexualité que l'on ne saurait concilier. On perçoit ainsi cette hypocrisie frappant les hautes instances religieuses préférant s'enfermer dans un déni meurtrier en s'autorisant à éliminer cette jeune prostituée encombrante faisant des miracles lors de l'exercice de son métier. Mais en jouant avec ces clichés imprégnés d'une dérision cinglante, Joseph Incardona évite l'écueil du pamphlet lourdingue en déclinant une atmosphère aux relents poisseux et âpres dans laquelle évolue ces personnages emblématiques du genre, mais dotés, pour certains d'entre eux, de caractéristiques dissonantes à l'image de ce prêtre James Brown, un nom pareil ça ne s'invente pas, incarnation de toutes nos contradictions. Cette opposition on la retrouve également dans les deux portraits de femmes qui traversent le récit avec tout d'abord Stella Thibodeaux, personnalité solaire se laissant porter par les événements, dont la générosité et la gentillesse se décline autour d'une certaine naïveté expliquant peut-être l'origine de ce don si encombrant dont elle est affublée, tandis que Brenda Moore, une inquiétante séductrice, manipule son entourage de tueurs et de commanditaires puissants pour parvenir à ses fins qui se révèlent peu honorables. Ainsi, au détour de cette tonitruante satyre sociale à la noirceur jubilatoire, Stella Et L’Amérique révèle, une fois encore, toute l’originalité d’un auteur talentueux qui ne cesse de se renouveler tout en nous bousculant dans nos certitudes.
     

     

    Joseph Incardona : Stella Et L'Amérique. Editions Finitude 2024.

    A lire en écoutant : Get Up I Feel Like Being A Sex Machine de James Brown. Album: Funk Power 1970: A Brand New Thang (feat. The Original J.B.s).1996 UMG Recordings, Inc.

  • Daniel Abimi : La Saison Des Mouches. Nouvel ordre.

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    Service de presse.


    En 2009, il n'y a guère que Corinne Jaquet, Jean-Jacques Busino, Michel Bory et Marie-Christine Horn qui s'inscrivent dans le paysage de la littérature noire helvétique lorsque débarque Daniel Abimi chez Bernard Campiche Editeur qui publie Le Dernier Echangeur où apparait Michel Rod, journaliste localier arpentant les rues lausannoises tout comme son auteur qui a fréquenté les salles de rédaction de la capitale vaudois
    e ainsi qu'un grand nombre d'estaminets de la ville pour recueillir les confidences de ses interlocuteurs et rédiger les sujets de ses articles tout en consommant quelques boisson alcoolisées. C'est une époque où les collections polars ou romans noirs n'existent pas au sein des éditeurs romands, encore épargnés par la déferlante de récits ineptes à venir. On publie du polar l'air de rien, comme le fait d'ailleurs Bernard Campiche expliquant que les textes de Daniel Abimi ne sont pas des romans policiers car il sont trop bien écrits, suscitant indignation mais également intérêt de ma part. Il faut dire que le talentueux éditeur vaudois aussi chevronné que solitaire (sa marque de fabrique) sait de quoi il parle, puisqu'il a déjà publié les intrigues policières d'Anne Cunéo, ouvrages qui sont malheureusement épuisés. Avec plus de 30 ans d’expérience, en s’imposant ainsi comme un éditeur passionnée et expérimenté ayant publié les plus grand noms de la littérature romande dont le légendaire Jacques Chessex, Bernard Campiche vantait les indéniables qualités d’écriture de Daniel Abimi, tout en percevant, sans nul doute, les frémissements de la vague d’auteurs médiocres se profilant dans le registre de la littérature noire romande pour déferler sur les étals des librairies avec, au final, ce phénomène de saturation qui touche désormais le genre, ceci dans le secret espoir de reproduire le modèle commercial de leurs idoles que sont devenus Joël Dicker, Marc Voltenauer et autres écrivains du même acabit. Incontestablement, Daniel Abimi ne s’inscrit pas dans cette mouvance, privilégiant davantage l’écriture que la promotion, ce que l’on pourrait presque lui reprocher, ceci même s’il a rencontré un succès d’estime enthousiaste à la sortie de ce premier roman composant ce que l’on peut désormais désigner comme la trilogie lausannoise qui se poursuit avec Le Cadeau De Noël (Bernard Campiche Editeur 2012), pour s’achever, après onze ans d’attente, dans le fracas d’un roman policier magistral, La Saison Des Mouches, où l’on retrouve donc Michel Rod, désormais abstinent, ainsi que Mariani, chef de la brigade criminelle, qui soigne toujours son mal-être à coup d’antidépresseurs. 

     

    Après un voyage épique en Thaïlande, Michel Rod a cessé de boire et est de retour à Lausanne au sein de la rédaction d'un journal moribond où il conserve son emploi grâce à sa tante richissime détenant des parts de l'entreprise. En pleine période estivale et caniculaire, la ville est plutôt calme lorsqu'une tuerie se déroule dans un cinéma porno où un tireur solitaire fait un carnage avant de se donner la mort. Acte isolé ou projet terroriste d'envergure, c'est au commissaire Mariani, en charge de l'enquête de le déterminer. Bien vite, le policier tout comme le journaliste mettent à jour les réseaux nauséabonds d'un vieux négationniste néonazi pédophile ainsi qu'une inquiétante congrégation d'évangélistes fanatiques. C’est également autour de la personnalité du juge Sandoz, un éminent juge à la retraite, que les deux hommes vont prendre la mesure des événements tragiques qui vont les marquer à tout jamais tandis que leurs certitudes s’effondrent au sein d’une société dans laquelle ils ne se reconnaissent plus.

     

    L'intrigue de La Saison Des Mouches s'inspire d'un fait divers qui s'est déroulé à Lausanne en 2002 et où un individu a ouvert le feu dans le cinéma porno Le Moderne en faisant deux morts et deux blessés. Mais c'est également en s'inspirant du parcours de Gaston-Armand Amaudruz, militant néonazi et négationniste lausannois notoire, que Daniel Abimi façonne son personnage de Georges Amaudruz en lui permettant d'aborder le thème de l'extrémisme de droite ainsi que les dérives du fanatisme religieux d'une congrégation chrétienne tout en évoquant le sujet de la pédophilie au gré d'une intrigue extrêmement sombre où l'on croise également des figures du nazisme telles que Paul Werner Hoppe, commandant d'un camp de concentration qui a trouvé refuge en Suisse après la guerre, en travaillant comme jardinier-paysagiste, de Jenny-Wanda Barkmann gardienne de camp condamnée à la pendaison et exécutée à Gdansk ainsi que Bruno Kittel un officier SS chargé de liquider le ghetto de Vilnius et qui disparut mystérieusement en 1945. C'est donc autour de ce fait divers et de ces personnalités historiques que Daniel Abimi bâtit une intrigue solide où le réalisme s'imbrique parfaitement dans la fiction qui prend l'allure d'un thriller rythmé au gré d'une succession d'attentats qui vont secouer cette ville de Lausanne  qu'il sait si bien dépeindre en évitant l'écueil du polar régional qui semble fleurir dans les librairies romandes. Il émane ainsi du texte, une atmosphère oppressante et crépusculaire où l'on arpente les bas-fond de la ville avant de se rendre dans les quartiers aisés pour côtoyer cette bourgeoisie locale que le juge Sandoz ainsi que Marie-Anne Barbier, la fameuse tante fortunée de Michel Rod dont on avait fait connaissance dans Le Cadeau De Noël, incarnent à la perfection. Cette justesse dans le ton et l'incarnation des personnages, on la retrouve bien évidemment chez Michel Rod et le commissaire Mariani, protagonistes centraux de la trilogie, évoluant dans leurs environnements professionnels respectifs sans jamais vraiment outrepasser les limites d'une amitié qui se désagrège au fil du temps, tout comme leurs certitudes vis à vis du milieu journalistique pour l'un et des institutions policières pour l'autre et dont l'auteur restitue les fonctionnements avec des accents criants de vérité. On observe ainsi cette fragilité qui imprègne ces deux héros en bout de course qui semblent constamment dépassés par les événements ce qui suscite cette sensation de malaise accentuée par la touffeur caniculaire de cette saison estivale qui résonne comme un glas sur une époque finissante et dont Daniel Abimi nous restitue ce sentiment de désarroi jusqu'aux dernières lignes d'un récit d'une incroyable maîtrise baignant dans un effroyable pessimisme qui vous foudroie implacablement. La quintessence de la littérature noire helvétique.

     


    Daniel Abimi : La Saison Des Mouches. Editions Bernard Campiche 2023.

    A lire en écoutant : Messe en Si Mineur de Jean-Sebastien Bach. Album : Michel Corboz, Ensemble Vocal de Lausanne, Ensemble instrumental de Lausanne. 2009 Mirare.

  • GERALD BRIZON : UNE BALLE DANS LE BIDE. HAUTE TENSION.

    gerald brizon, une balle dans le bide, éditions cousu moucheDerrière la maison d'édition genevoise Cousu Mouche, on trouve, sous la forme d'une association, un comité de lecture composé de passionnés de littérature qui ont à cœur de sélectionner des textes de qualité en se focalisant plus particulièrement sur les primo-romanciers locaux qu'ils vont accompagner dans leurs premiers pas d'écrivain. Au-delà du modèle éditorial généreux et altruiste qui le caractérise, on aurait tort de sous-estimer l'aspect professionnel de cet éditeur indépendant qui se distingue depuis presque 20 ans en proposant désormais plus de 70 ouvrages au style affirmé et à l'univers un peu décalé. On trouve de tout chez Cousu Mouche : des romans bien sûr, des recueils de nouvelles et de poésies, des récits, de la science-fiction et même quelques romans noirs qui trouvaient d'ailleurs leur place dans une collection dédiée au genre, ceci jusqu'en 2013. Il n'en demeure pas moins que la maison d'édition continue à proposer des récits à la noirceur affirmée, à l'instar d'En Eau Salée (Cousu Mouche 2015) de Fabien Feissli dont l'intrigue se déroule sur un porte-conteneurs théâtre de plusieurs crimes en huis-clos ou de L'Altitude Des Orties (Cousu Mouche 2019) rédigé dans une cabine téléphonique par un collectif de huit auteurs se rencontrant dans le cadre du festival La Fureur de Lire à Genève pour se relayer jour et nuit, durant 50 heures, afin de produire un texte cohérent, débutant avec la disparition d'un enfant sur la route des vacances. Dans ce vivier littéraire singulier, on ne s’étonnera pas du fait qu’un roman noir comme Une Balle Dans Le Bide, premier roman de Gérald Brizon, détonne (le mot n’est de loin pas galvaudé) dans le paysage du polar helvétique avec un texte énergique et cinglant qui vous secoue comme la décharge mortelle d’une ligne de haute tension.

     

    C'est sur les berges du Rhône, non loin de la banlieue genevoise du Lignon, que l'échange doit avoir lieu. Une cargaison de téléphones portables dernier cri que l'on échange contre une substantielle somme d'argent afin de les écouler sur un marché parallèle. Chargé de superviser la transaction, Sapdj est un truand de la vieille école qui se doute bien que quelque chose ne tourne pas rond, lorsque tout à coup une fusillade éclate en dézinguant ses partenaires. Et puis il y a la douleur qui le contraint à prendre la fuite à travers les bois tandis qu'une bande de tueurs se lancent à ses trousses. Mais ça ne va pas être simple de semer ses poursuivants, parce que lorsque cela a défouraillé, Spadj s'est récolté une balle dans le bide. De Genève à Berne, en passant par le Jura, les règlements de compte s'enchaînent sur un rythme effréné pour contrer une bande de malfrats dirigés par un mafieux russe bien décidé à s'implanter dans la région.  

     

    En tant qu’auteur débutant, on ne sait rien de Gérald Brizon hormis le fait qu’il a probablement baigné dans un jus littéraire bien corsé qui transparaît ainsi dans Une Balle Dans Le Bide avec un titre reflétant parfaitement l’aspect âpre et cinglant de cette intrigue nerveuse se distinguant parmi les romans plutôt convenus de la littérature noire helvétique. Pour le côté béhavioriste imprégnant ses personnages et les situations qui se présentent à eux, on pense bien évidemment à Jean-Patrick Manchette, et plus particulièrement à Martin, personnage central figurant dans La Position Du Tueur Couché (Série Noire 1981), ce d’autant plus que l’on retrouve également ce regard social acide, plein d’intelligence, qui caractérisait l’œuvre du fondateur du néo-polar. Mais pour compléter le registre des références, on s'orientera également vers les auteurs hispaniques, à l'instar de romans comme Entre Hommes (La Dernière Goutte 2016) de German Maggiori ou de Pssica (Asphalte 2017) d'Edyr Augusto, pour la nervosité qui s'en dégage ainsi que pour son abord parfois outrancier plus que plaisant. On se réjouira tout d'abord de l'absence de clichés en parcourant ces régions helvétiques dont on appréciera la froide sobriété donnant encore plus d'allure à cette intrigue survoltée où les fusillades s'enchaînent à un rythme soutenu. Il faut bien reconnaître qu'en accompagnant Spadj dans son parcours chaotique de survivant, au bord de l'agonie, on découvre un individu d'apparence plutôt antipathique n'hésitant pas à flinguer à tout-va, en faisant quelque victimes collatérales. Mais au-delà de cet à priori, on finit pourtant  par s'attacher à ce tueur vieillissant qui aspire à autre chose, en renouant peut-être avec sa fille adolescente tout en s'émancipant de Pippo son mentor qui va lui faire payer le prix fort. Il en va d'ailleurs de même avec ses partenaires Gomina et Cervelle dont les patronymes improbables trouvent leurs origines dans des explications burlesques que Gérald Brizon distille avec une efficacité redoutable que l'on retrouve également dans des dialogues incisifs et corrosifs. Et comme pour conjurer la masculinité propre à ce milieu de truands, l'auteur nous propose quelques portraits de femmes au caractère bien affirmé comme en témoigne Sandrine, une rencontre fortuite que fait Spadj au cours de sa fuite éperdue, et plus particulièrement Laïdna, superbe maîtresse d'un mafieux russe, qui n'a rien d'un faire-valoir, bien au contraire, en devenant l'adversaire cruelle qu'il faut éliminer à tout prix. Tout cela fait de Une Balle Dans Le Bide, un roman noir furieusement insolite se déclinant dans un bel équilibre de violence explosive et d'humour ravageur qui secoue le lecteur à chaque instant.  

     

    Gérald Brizon : Une Balle Dans Le Bide. Editions Cousu Mouche 2023.

    A lire en écoutant :  A lire en écoutant :  Hurt de Trent Reznor interprété par Johnny Cash. Album : American IV: The Man Comes Around. 2002 American Recording Company, LLC.

  • Nicolas Verdan : La Récolte Des Enfants. Pédomazoma.

    Capture d’écran 2023-11-06 à 20.40.39.pngPartageant ses origines entre la Suisse où il est né, et la Grèce où il séjourne régulièrement, le journaliste Nicolas Verdan emprunte la plume du romancier pour poser, avec Le Mur Grec (Bernard Campiche 2015) les enjeux de la frontière et des drames qui en découlent en 2010, dans la région de l'Evros désormais bordée d'une clôture de fer et de barbelé, financée par l'Union européenne. Publié en 2015, bien avant que l'on ne s'alarme sur les conditions de réfugiés parqués dans des camps insalubres, et bien avant que l'on ne dénonce les dérives de l'agence Frontex, Le Mur Grec met en lumière, sous l'allure d'un roman policier, l'incurie d'un gouvernement dépassé par le flux migratoire qu'elle ne peut contrôler tandis que plane, en arrière-plan, les préludes d'un crise financière structurelle qui va ravager le pays. C'est dans ce contexte que l'on fait donc la connaissance d'Evangelos Moutzouris un enquêteur rattaché auprès du service des renseignements, proche de la retraite, mais bien plus opiniâtre qu'il n'y parait alors qu'il s'apprête à devenir grand-père. Salué unanimement par la critique romande, traduit en anglais et en italien, Le Mur Grec suscite un intérêt marqué en France en faisant l'objet d'une réédition au sein de la collection Fusion des éditions l'Atalante en 2022 puis d'un  retour, après huit ans de silence, d'Evangelos Moutzouris que l'on retrouve dans La Récolte Des Enfants, dernier roman de Nicolas Verdan. 

     

    C'est donc bien décidé, au terme des Fête de fin d'année, Andromède, la fille d'Evangelos Moutzouris, quitte Zürich pour retourner définitivement en Grèce avec son mari et sa fille Zoi, âgée de 15 ans. Une joie pour ce vieux flic retraité à qui l'on confie la voiture familiale de luxe afin de la rapatrier au pays. Mais alors qu'il fait un détour en Albanie et qu'il essaie de se frayer un chemin sur les routes sinueuses des monts Gramos balayés par une tempête de neige, Evangelos apprend que sa petite-fille a disparu à la sortie de l'école. Des Balkans où il croise la route de ceux qui veulent rejoindre le califat de Daech, à Zürich où il tente de retracer le parcours de Zoi avant qu'elle ne disparaisse, Evangelos va retrouver ses réflexes de policier pour affronter toute une gamme de prédateurs déterminés qui entraînent les enfants dans leur folie.

     

    On commençait à se languir de Nicolas Verdan qui n'avait plus donné de ses nouvelles depuis cinq ans, après la publication de La Coach qui obtenait le prix du polar romand en 2018. Et puis voilà qu'apparaît coup sur coup Cruel (BSN Press/Okama 2023), un roman noir féroce autour d'un rapt d'enfant et de bien d'autres crimes se déroulant en Suisse romande ainsi que La Récolte Des Enfants qui s'inscrit dans un registre similaire avec ce qui apparaît désormais comme une série mettant en scène l'attachant personnage d'Evangelos Moutzouris dont on découvre certains traits de sa personnalité au gré d'une intrigue policière prenant la forme d'un road-trip entre Zürich et Athènes en passant par l'Albanie et la région des monts Gramos, bastion communiste durant la Guerre civile grecque en 1949. Le lieu n'a rien d'anodin, puisque Nicolas Verdan va développer toute une thématique en lien avec l'enlèvement d'enfants dans le cadre des rafles d'autrefois en évoquant la dictature des colonels ainsi que cette fuite de plusieurs milliers d'enfants grecs qui ont émigré, plus ou moins contraints, dans les contrées du bloc de l’est avec ce système de Pédomazoma en grec ou Devshirme en turc pour désigner une pratique odieuse sévissant déjà au sein l'empire Ottoman. Autour de cette résurgence de l’histoire, Nicolas Verdan nous renvoie vers le présent où l’on croise, sur cette route des Balkans, une mère entrainant son jeune fils vers les territoires occupés par l’Etat islamique tout en abordant le thème de l’influence parfois néfaste des réseaux sociaux sur les jeunes pour finalement revenir vers le passé, mais cette fois-ci en Suisse, afin de parler des internements forcés de mineurs au sein d’institutions douteuses. On le voit, Nicolas Verdan dépeint ainsi un large panorama de la maltraitance des enfants, en évitant tous les aspects racoleurs propre à un tel sujet, au risque parfois de se perdre dans les méandres d'une intrigue foisonnante et riche en péripéties mais qu'il parvient pourtant à contenir en se concentrant sur les réflexions et le point de vue d'Evangelos ainsi que sur son rapport avec sa petite fille Zoi dont la disparition va devenir le fil conducteur d'un récit extrêmement dense révélant quelques aspects de la jeunesse de son personnage central comme son incorporation dans les rangs de la police militaire de la junte des colonels où il croise l'une des victimes de la fusillade de l'école de polytechnique à Athènes en 1973. On se laisse ainsi balloter sur cette route tumultueuse des Balkans au gré de ces rencontres impromptues ponctuant ce roman d'une atmosphère nostalgique indicible, émanation d'un périple méditerranéen au charme indéniable que l'auteur a sans nul doute parcouru à maintes reprises en croisant toute une population de migrants turcs, albanais et grecs en quête de retrouvailles dans leur pays d’origine. Ainsi, autour d'une intrigue policière savamment orchestrée, aux contours sociaux et historiques captivants, Nicolas Verdan signe son grand retour avec La Récolte Des Enfants en nous permettant de retrouver Evangelos Moutzouris, vieil enquêteur humaniste grec, dont les investigations s'inscrivent désormais dans le cadre d'une série prometteuse. 

     

    Nicolas Verdan : La Récolte Des Enfants. Editions L'Atalante/Collection Fusion 2023.

    A lire en écoutant : Kindertotenlieder interprétés par Lauren Newton. Album : Kindertotenlieder de Gustave Mahler - Henning Schmiedt - Wolfgang Schmiedt - feat. Jörg Luke - Ulrich Moritz. 2005 KangRäume.