Frédéric Paulin : Que S'Obscurcissent Le Soleil Et La Lumière. Samedi soir à Beyrouth.

Service de presse.
On ne sait plus trop quoi dire à son sujet, tant l'on a décliné de superlatifs élogieux pour encenser cette seconde trilogie trouvant sa conclusion dans la fusion des couvertures des deux précédents ouvrages où la sublime mosaïque orientale se décline désormais sur la palette des trois couleurs du drapeau du Liban tandis que le silhouette emblématique du cèdre s'imprègne d'une teinte sanguinolente lourde de sens. Avec Que S'Obscurcissent Le Soleil Et La Lumière, Frédéric Paulin achève donc de manière magistrale, cette fresque de la guerre civile du Liban qu'il entamait il y a de cela une année avec Nul Autre Ennemi Que Mon Frère (Agullo 2024) s'articulant autour des origines de ce conflit fratricide tandis que l'on en découvrait toute son ampleur dans Rares Ceux Qui Echappèrent A La Guerre (Agullo 2025) où les attentats et les prises d'otage se succèdent en prenant une dimension internationale. Pour les frileux qui n'oseraient aborder cet ensemble de textes magistrales, tant pour des raison pécuniaires que pour des motifs plus abscons de thèmes obscurs et peu compréhensibles, on signalera tout d'abord que le premier volume est désormais disponible en version poche chez Folio policier et que loin d'être ardue, Frédéric Paulin déploie une intrigue solide où les faits historiques s'entremêlent à une fiction dynamique qui nous éclaire d'une manière à la fois sobre et convaincante sur les entournures d'un conflit aux ramifications complexes. Ainsi, au terme de Que S'Obscurcissent Le Soleil Et La Lumière, on prendra la mesure des différents enjeux qui animent l'ensemble de cette région du Moyen-Orient et des conflits qui perdurent en s'inscrivant désormais dans la terrible actualité d'une autre guerre qui déciment les populations. Autant dire que la trilogie libanaise de Frédéric Paulin a valeur de document dans ce qui apparaît comme une guerre civile où seule l'amertume subsiste en résonnant comme une tragique défaite s'inscrivant dans le parcours de chacun des personnages d'un récit éblouissant.
A la fin de l'année 1986, ce sont les attentats ravageant Paris qui rythment la vie du commissaire Nicolas Caillaux et de sa femme la juge d'instruction Sandra Gagliaco qui découvrent peu à peu que s'il faut retrouver rapidement les coupables pour calmer l'opinion publique, c'est désormais la raison d'état qui prévaudra sur la vérité en privilégiant l'improbable piste Abdallah afin de ménager les susceptibilités du gouvernement iranien se livrant désormais à une guerre ouverte des ambassades à laquelle la France ne compte pas céder. De son côté, le député Michel Nada ä fort à faire dans les négociations obscures pour la libération des otages français détenus depuis plusieurs années au Liban alors que Chirac et Mitterand se livrent à une course cynique pour s'en attribuer le mérite en vue des élections présidentielles de 1988. A Beyrouth, l'ancien attaché d'ambassade Philippe Kellermann constate avec amertume que la guerre reprend de plus belle avec des luttes fratricides au sein des milices chrétiennes mais également au sein des factions chiites conduisant à la formation de deux gouvernements que tout oppose. De toute manière pour Kellerman, seul compte le devenir de Zia, cette femme Chiite affiliée au Hezbollah, qui l'ensorcelle. Il n'y a donc plus d'avenir dans ce pays à feu et à sang où Dixneuf, ancien agent des service secrets, va régler ses comptes en comptant sur l'appui d'un allié inattendu. Il n’est d’ailleurs pas le seul à vouloir en finir avec toute cette folie dans une ultime déflagration de violence destructrice.
Immanquablement, au terme de cette série de trois romans aux titres évocateurs, se pose la question de savoir sur quel sujet Frédéric Paulin va-t-il se pencher et sur sa capacité à faire aussi bien, si ce n'est mieux que la trilogie Benlazar et cette trilogie libanaise s'achevant dans ce qui apparaît comme un récit magistral qui vous coupe le souffle. Il faut dire que l'on a accompagné durant une année cette galerie de personnages déchirés par les événements tragiques de ce conflit qui marquent leurs vies respectives et auxquels l'on s'est attaché en dépit de cette vertigineuse perte de repère les entraînant, pour la plupart d'entre eux, dans une spirale de violence incontrôlable. Avec Que S'Obscurcissent Le Soleil Et La Lumière, on découvre donc les enjeux politiques autour des otages français détenus au Liban ainsi que les soubassements de cette guerre des ambassades entre la France et l'Iran en lien avec l'affaire Wahid Gordji mettant en perspective les entrelacs d'un pouvoir judiciaire malmené par la raison d'état qui s'invite au sein d'une procédure complexe visant ä faire la lumière sur les véritables commanditaires de la série d'attentats à Paris, dont celui de la rue de Rennes, durant la période entre 1985 et 1986. Et c'est autour de chacun de ses personnages fictifs, qu'il soit juge, policier, diplomate ou membre des milices libanaises, que Frédéric Paulin projette ce contexte historique dans ce qui apparaît comme un agrégat vertigineux de réalité et de fiction nous permettant de saisir toute la complexité des enjeux géopolitique de cette guerre du Liban dont il nous livre toutes les bassesses en compromissions au terme d'une intrigue extrêmement sombre, chargée d'amertume. Mais l'autre enjeu de Que S'Obscurcissent Le Soleil Et La Lumière, consiste bien évidemment à connaitre le devenir de ces individus marquants et tourmentés que sont la juge Sandra Gagliaco et son compagnon le commissaire Nicolas Caillaux, l'attaché d'ambassade Phillipe Kellermann, le commandant Dixneuf, la milicienne chiite Zia al-Faqîh et son chef Abdul Rasool al-Amine ainsi que le député Michel Nada dont les destinées se fracassent dans un entrelacs de confrontations saisissantes. Tout cela se décline au gré d'un texte à la fois sobre et rythmé permettant de digérer la chaos de cette guerre du Liban que Frédéric Paulin restitue à la hauteur de ces femmes et de ces hommes qui nous marqueront à tout jamais. Un roman prodigieux.
Frédéric Paulin : Que S'Obscurcissent Le Soleil Et La Lumière. Editions Agullo 2025.
A lire en écoutant : Samedi soir à Beyrouth de Bernard Lavillier. Album : Samedi soir à Beyrouth. 2008 Barclay.
A chaque reprise, lorsqu'il est question de ses romans, il n'est pas possible d'omettre
Aux Marquises, lorsqu'il atteint le plateau de Terre Rouge qui domine la vallée de Hakaui pour chasser les chèvres sauvages, Teìki Bambridge découvre le corps sans vie de Paiotoka O'Connor, une jeune femme de la région qu'il connaît bien. En tant qu'OPJ de la gendarmerie basé à Papeete, c'est le lieutenant Tepano Morel qui est dépêché sur place pour diriger l'enquête, secondé par les autorités locales dont la sous-officière de gendarmerie Poerava Wong, native de l'île de Nuku Hiva. Très rapidement, la piste du meurtre commis par le petit ami de la victime est privilégiée quand bien même son alibi semble inattaquable. Et à mesure qu'il met à jour certains aspects de la personnalité de Paiotoka, le lieutenant Morel va s'orienter vers d'autres suspects tout en prenant conscience de l'envers du décor de ce paradis marquisien qu'il apprend à connaître et dont sa mère défunte est originaire avant de séjourner définitivement en France après avoir épousé un homme de la Métropole, mais dont tout le monde se souvient encore. En quête de son passé qui émane des lieux, l'officier de gendarmerie découvre ainsi un pays marqué par la colonisation et les essais nucléaires français, ce qui explique cette méfiance à l'égard des autorités et cette réticence à confier des secrets bien gardés.
Lyon, hiver 1979, Victor Bromier traîne sur le quai Saint-Antoine à Lyon avant de s'engouffrer dans un bar-tabac afin de s'enfiler un demi pour lui donner du courage. Commercial au sein d'une entreprise de parapluie, il vient de se faire lourder et ne sait pas trop comment annoncer la nouvelle à sa femme Monique, ce d'autant plus qu'à l'annonce de son licenciement il n'a rien trouvé de mieux que de casser la gueule à son patron. Préférant se taire, Victor trimballe désormais sa carcasse dans les rues lyonnaises, en faisant croire à son épouse ainsi qu'à sa fille, qu'il se rend au travail. Mais alors qu'il écluse quelques verres sur le comptoir du rade dans lequel il a désormais ses habitudes, voilà qu'il tombe sur Corinne, une jeune femme aussi belle que fougueuse. Une rencontre détonante suivie d'un coup de foudre réciproque entre ce représentant de commerce bien rangé et celle qui se révèle être une véritable révolutionnaire qui va l'initier à la lutte des classes à sa manière bien tranchée. Abandonnant tout derrière lui, pour vivre cette passion tumultueuse, Victor Bromier découvre qu'il n'y a rien de mieux que de braquer des banques avec celle qu'il aime et qui s'y connaît bien dans le domaine. S'ensuit un parcours fait de braquages, de cavales et de rencontres déroutantes. Faudrait être cinglé que de vivre autrement sous le gouvernement de ce brave Giscard !
Au début des années 1990, dans le lotissement des Acacias de la localité Saint-Auch, située non loin de Toulouse, il y a cette maison abandonnée au fond de l'impasse des Ormes exerçant une certaine fascination sur un groupe d'adolescents qui redoutent d'y pénétrer. Pourtant à la mort d'un de leur camarade, Alexandre Fauré, Thomas Hernandez, Mehdi Belkacem et Maximilien Sentenac vont braver l'interdit en compagnie de Magdalena Mancini, nouvelle venue au sein de la communauté marquée par ce deuil terrible qui les bouleverse tous. Mais lorsqu'ils pénètrent dans les pièces abandonnées de la demeure comme figée par le temps, ils ne se doutent pas qu'ils vont réveiller quelques entités d'un univers organique étrange qui s'imprègnent de leurs désirs, de leurs espoirs mais également de leurs peurs animant des rêves qui deviennent de véritables cauchemars. Mais s'agit-il vraiment de songes ou d'une réalité qu'ils n'osent affronter ?
Dans les travées reliant les immeubles d'une banlieue décatie de Bornemouth, Abab, un jeune garçon exploité par des trafiquants d'êtres humains pakistanais, tente d'échapper à une bande de tueurs albanais qui viennent de liquider tous les occupants de l'appartement sordide où il logeait. Au cours de la fusillade, il a tout juste eu le temps de distinguer le visage de l'un d'entre eux dont il a croisé le regard. Désormais traqué par les assassins ainsi que par la police désireuse d'obtenir son témoignage, il trouve refuge dans l'appartement de Gloria, une femme trans qui ne sait pas trop quoi faire de ce jeune migrant clandestin indien bien trop encombrant pour intégrer son univers de solitude et de douleurs qu'elle intériorise depuis toujours. Chargé de démanteler un réseau mafieux albanais implanté à Londres, l'inspecteur David Burn est provisoirement affecté au commissariat de la ville balnéaire où le chef du gang aurait pris ses quartiers dans la région. De là à penser qu'il pourrait être le commanditaire de cette tuerie, il n'y a qu'un pas qu'il est prêt à franchir envers et contre tous.
On notera le fait qu'en abordant le thème des "grooming gangs" sévissant au Royaume-Uni, Gilles Sebhan s'attaque à un sujet délicat qui a suscité la polémique en lien avec le manque d'implication, voire la complicité des autorités, c'est peu de le dire, générant une récupération politique des partis d'extrême-droite par rapport au profil ethnique et religieux de ces individus qui ont mis en place ces réseau de prostitution en enlevant de leur famille ou des foyers auxquels il étaient confiés, des mineurs à la dérive. S'il n'édulcore en rien les aspects gênants de cette affaire notamment pour tout ce qui a trait à la communauté indo-pakistanaise ainsi que les licenciements de travailleurs sociaux ayant tenté d'alerter leur hiérarchie ou les instances policières et judiciaires du phénomène dramatique dont ils étaient témoins, Gilles Sebhan se concentre sur le profil des victimes que ce soit la jeune Amy en rupture avec sa famille et surtout Abad cet enfant pakistanais que sa famille a confié aux bons soins de son "oncle" Daddy qui en a fait un migrant clandestin qu'il exploite sans vergogne tout en assouvissant ses pulsions libidineuses au sein d'un appartement insalubre dans lequel s'entasse près de dizaine de
comparses d'infortune. C'est dans ce logement que débute l'intrigue de Night Boy prenant pour cadre la ville côtière de Bornemouth, dont la principale activité économique se décline autour des séjours linguistiques et qui se situe non loin de West Bay dont les falaises ont servi de décor pour la série Broadchurch auquel l'auteur fait d'ailleurs allusion.