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Auteurs F - Page 2

  • Nic Pizzolatto/Cary Fukunaka : True Detective. La série fétiche d’Obama.

    True detective, HBO, Matthew Mcconaugey, Woody Harrelson, Rust Cohle, Martin Hart, Nic PizzolattoCoup de pub, coup de bluff, il semble tout de même à peu près certain que le président de la première puissance mondiale possède le magnifique privilège de pouvoir demander au patron de la chaine HBO de lui fournir  les derniers épisodes de True Detective qui n’ont pas encore été diffusés, afin de découvrir le dénouement de cette série que l’on peut d’ores et déjà qualifier de culte.

     

    La première particularité de cette série réside dans le fait qu’elle se déroule sur une saison contenant 8 épisodes qui se concentrent uniquement sur une enquête dont l’enjeu consiste à découvrir qui serait ce Yellow King qui s’en prendrait de manière abjecte à des jeunes filles paumées de la Louisiane. Au cœur de l’enquête vous allez suivre les pérégrinations de deux détectives désormais mythiques que sont Rust Cohle et Martin Hart interprétés respectivement par Matthew McConaughey et Woody Harrelson. Une saison, c’est assez salutaire d’autant plus lorsque c'est diffusé par une chaine comme HBO qui n’hésite pas à annuler purement et simplement des séries comme Deadwood ou Carnivàle pour manque rentabilité au détriment des spectateurs qui resteront sur leur faim. Ce ne sera donc pas le cas avec True Detective.

     

    Une énième histoire de sérial killer ? Détrompez-vous, True Detective avec ses arches elliptiques, son style pernicieux, sa mise en scène flamboyante transcendent toutes les séries que vous avez vu jusqu’à maintenant.

     

    Il y a tout d’abord ce générique somptueux où les personnages se confondent avec le paysage apocalyptique d’une Louisiane minée par l’industrialisation et la putréfaction d’une nature marécageuse qui n’est pas sans rappeler les méandres nauséeux de cette sordide affaire de meurtres en série.  Avec une forte influence de Johnny Cash, la chanson Far From Any Road interprétée par The Handsome Family sublime encore d’avantage ces magnifiques images qui donnent le ton et toute l’identité de cette série qui sort de l’ordinaire.

     

    A propos d’images on est immédiatement séduit par le rendu granuleux et les couleurs saturées qui restituent cette tonalité malsaine à l’ensemble des épisodes et avec ces plans larges et sa profondeur de champ  True Detective n’a rien à envier aux meilleurs films produits récemment.

     

    Du point de vue scénaristique on est bien évidemment déstabilisé par l’orientation que prend l’histoire au fil des épisodes. On pense acquérir quelques bases pour se retrouver complètement désorienté par la tournure que prend l’histoire à l’épisode suivant. Rien n’est jamais acquis sans toutefois tomber dans le piège du rebondissement choc qui truste la plupart des autres séries. Car True Detective prend son temps pour s’installer au rythme de dialogues d’une profondeur sans commune mesure avec tout ce que l’on pu voir précédemment. Il faut écouter Rust Cohle (Matthew McConaugey) digresser sur les thématiques du mal et de la religion sous le regard perplexe de son partenaire. Cette lenteur pourra peut-être en rebuter quelques un, mais comme pour défier ces séries déjantées et nerveuses il faudra s’attarder sur l’hallucinant plan séquence de la fin de l’épisode 4 où l’on voit Rust Cohle évoluer au cœur d’une fusillade nocturne qui se déroule dans un ghetto de la Louisiane. Un message sans appel des créateurs de la série pour dire qu’au niveau de l’action ils n’ont pas grand chose à apprendre des autres !

     

    Tout le monde sera immédiatement séduit par le côté décalé, voire halluciné du personnage brillamment interprété par Matthew McConaugey mais il faut rendre également hommage à Woody Harrelson qui avec son  rôle plus terre à terre transcende encore d’avantage le jeu décalé de son partenaire. Bien évidemment l’interprétation magistrale de ces deux acteurs monstrueux dessert quelque peu les seconds rôles qui paraissent moins inspirés encore que certaines gueules de truands resteront encore longtemps gravées dans nos mémoires.

     

    Youg Men Dead, Steve Earl, The 13th Floor Elevator, Grinderman, Bosnian Rainbow voici quelques uns des artistes qui alimentent la bande originale de  True Detective, avec un rock mordant et malsain à l’image de cette série atypique dont vous n’aurez pas fini d’entendre parler.

     

     

    Nic Pizzolatto/Cary Fukunaka : True Detective. Série diffusée sur HBO et OCS City.

    A lire en écoutant : Honey Bee interprété par Nick Cave & Grinderman. Album : Grinderman. Mute 2007.

     

  • Francesco De Filippo : L’Offense, la complainte d’un camorriste

     

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    On peut le dire sans conteste, le Parrain de Mario Puzo fut un chef-d’œuvre à partir duquel Francis Ford Coppola adapta son triptyque éponyme que l’on peut considérer comme un monument du cinéma. Malgré la violence des scènes et le sort tragique de certains personnages (pour l’époque) il faut néanmoins admettre que l’on pouvait avoir une certaine empathie pour cette famille Corléone qui s’opposait au trafic de drogue et tentait même de se racheter une conduite. D’un certain point de vue, et particulièrement dans le dernier épisode de la saga, on pouvait même considérer que c’était la mafia qui corrigeait les travers d’une société bien plus sordide que les membres de cette « belle famille ». Une mafia acceptable en quelque sorte !

     

    Pour déconstruire ce mythe, il fallut attendre bien des années avant que ne paraisse Gomorra de Roberto Saviano. Une véritable bombe littéraire que l’on ne peut pas considérer comme un roman noir, mais comme la réalité ultra sombre de ces empires mafieux qui gangrènent toutes les strates de la société. Personne n’oubliera le destin de ce tailleur qui façonne des vêtements de luxe pour les stars dans des ateliers clandestins dans lesquels travaillent les esclaves du 21ème siècle. Sa reconversion comme conducteur de camion nous entraine vers la problématique du traitement des déchets version camorra. L’adaptation cinématographique du livre est également époustouflante. Vous pourrez suivre l’ascension de deux jeunes camorristes issus de la Scampia, une des banlieues les plus sordides de Naples.

     

    C'est ainsi que l'on s'est éloigné de cette image édulcorée du mafieux en costume rayé et borsalino évoluant dans des cadres somptueux, que ce soit en Sicile, à New-York, Chicago, Long Island ou au Nevada.

     

    Pour poursuivre cette démarche de démystification, il y a l’Offense de Francesco De Filippo. Gennaro ne travaille pas, il se débrouille en rendant de menus services aux mafieux d’un quartier populaire de Naples où il vit avec sa femme et ses deux enfants. Satisfait de son sort, il se complait dans ce petit train-train quotidien qui lui permet de rester éloigner des "affaires". Mais Don Rafale, parrain du quartier en décide autrement et c’est ainsi qu’à 23 ans, le jeune homme devient membre de mafia. Sous la houlette, de Paolino, tueur psychopathe sans scrupule, Gennaro va entamer son apprentissage de camorriste et commencer son voyage en enfer. Au menu ce sont magouilles électorales, contacts avec immigrés clandestins, trafic de stups, intimidations en tout genre et torture. Il servira de prête-nom aux diverses sociétés que Don Rafale possède à travers le monde. Des voyages aux quatre coins de la planète pour prendre en charge des mules bourrées de cames par ses soins et une traversée de guérilla mafieuse achèveront de déshumaniser cet homme dépassé par l’horreur qu’il vit au quotidien. Il y perdra son âme, sa femme et ses enfants au cœur d’une région complètement ravagée par l’économie mafieuse.

     

    C’est tout d’abord un hommage à Naples et à son petit peuple que Francesco De Filippo a voulu rendre dans ce livre baroque et époustouflant. Et puis, il y a cette plongée hallucinante au cœur de l’appareil mafieux qui semble tellement irréaliste qu’elle ne peut être qu’inspirée de faits réels. Dans un univers de violence, de prostitutions, de viols et de drogue où la vie n’a plus aucune valeur, les hommes qui composent ce monde tentaculaire perdent rapidement pied et sombrent dans la folie et le désespoir, sans qu’il n’y ait aucune possibilité de rédemption. Le texte est particulièrement rythmé et intense et on peut saluer l’excellente traduction de Serge Quadruppani qui a su restituer le langage populaire des quartiers napolitains. Les scènes que l’on découvre au fil des chapitres sont parfois d’une violence extrêmement crue et presque troublante suscitant auprès du lecteur une palette de sentiments contradictoires qui varient entre la fascination et le dégoût. L’Offense de Francisco De Fillipano est grand roman noir aux couleurs baroques, dont les descriptions flamboyantes et terrifiantes n’ont pas encore fini de vous faire frissonner, même si l’on regrettera peut-être un épilogue un peu mièvre. Peu importe, vous serez secoué par cette complainte d’un camorriste dépassé par les forces noires d’une organisation tentaculaire qui a su altérer toutes les couches de cette magnifique cité napolitaine que l’auteur se plaît à nous décrire avec passion.

     

    Pour en savoir plus sur la mafia et les hommes qui la combatte, vous pouvez également découvrir une livre passionnant sur ce sujet :  Les Hommes de l'Antimafia écrit par mon collègue Christian Lovis, qu'il définit comme un essai romancé sur ces hommes et ces femmes courageux qui osent se dresser contre cet "ordre établi" et pourtant inacceptable dans un état de droit. Vous pouvez vous rendre sur son site très riche en articles édifiants sur ce monde méconnu et inquiétant de la mafia  : http://leshommesdelantimafia.wordpress.com/

     

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    Francesco De Fillippo : L’Offense. Editions Métalié/Noir 2011. Traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

     

    Christian Lovis : Les Hommes de l'Antimafia. Mon Petit Editeur 2011.

     

    A lire en écoutant : Titre : Herculaneum – Auteur : DJ Pandaj – Album : Herculaneum Record Kids 2007

     

  • ZULU : LA DOULEUR TRAGIQUE DES TOWNSHIPS

     

    920779-gf.jpgUne plongée dans les townships d’Afrique du Sud avec ce polar de Caryl Férey où l’ombre sinistre de l’apartheid plane encore dans ses rues poussiéreuses chargées de misère.

     

    Avec Zulu, l’action débute comme une enquête classique où Ali Neumann, flic Zoulou, doit résoudre le meurtre abjecte d’une jeune fille blanche massacrée après qu’elle ait absorbé une drogue de synthèse aux propriétés effrayantes. Pourtant en marge de cette enquête résonne l’histoire de ce pays miné par la violence et le sida. Truffés de références historiques le récit n’en pas moins prenant et même terrifiant lorsque l’auteur évoque les expériences terribles du Dr Wouter Basson !

     

    Wouter Basson est un personnage réel, surnommé « Docteur La Mort ». Durant le régime de l’apartheid, il a été chargé de concevoir un programme d’armement chimique afin de contrer le concept de Mandela : Une voix – un vote. Pour inverser le processus démographique qui leur était défavorable les autorités chargèrent Basson de développer un projet afin d’éliminer les militants anti-apartheid et de réduire l’importance de la populations noire, ayant pour nom de code : Project Coast. Le nombre des victimes de ce personnage, considéré comme le Dr Mengele d'Afrique du Sud, est à ce jour encore inconnu. Avec son équipe composée d’environ 200 chercheurs il a élaboré, entre autre, des études pour stériliser les femmes noires via l’alimentation en eau, pour propager des maladies infectieuses. Arrêté alors qu’il était en possession de grosses quantité d’ecstasy, Wouter Basson sera accusé de meurtres, tentatives de meurtre, trafic et possession de drogue et fraude. Il sera acquitté des tous les chefs d’accusation et vit actuellement à Prétoria.

     

    C’est avec cette triste réalité que le roman de Caryl Férey prend une dimension tragique au travers de laquelle émerge, après la période de transition et de réconciliation, des secrets sinistres que l’on a peut-être voulu enterrer bien trop rapidement.

     

    Ali Neuman le personnage central du récit est un flic torturé au propre comme au figuré qui, dans sa jeunesse a dû fuir les milices de l’Inkatha qui était en guerre contre l’ANC. Avec sa mère, il est le seul survivant des tueries de ces milices. Aujourd’hui, chef de la police criminelle il est accompagné dans son enquête des inspecteurs africaner Brian Epkeen et de Dan Flectcher. Des personnages forts qui ne sortiront pas indemnes de toute cette terrible histoire.

     

    Une écriture et une construction classique (peut-être trop classique) qui contraste avec des descriptions très précises des mœurs et des paysages de ce pays qui, bien plus qu’un guide touristique, nous donne envie de découvrir ces contrées lointaines en toute connaissance de cause. La violence y est omniprésente et parfois un peu trop complaisante, mais elle n’enlève rien à la profondeur de la tragédie sociale que l’auteur a voulu décrire. Une Afrique du Sud qui doit encore relever de très nombreux défis si elle veut être cette nation arc-en-ciel si chère à Nelson Mandela et Desmond Tutu.

     

    Caryl Férey, grand voyageur qui a travaillé pour le guide du Routard, n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il a écrit deux autres polars : Haka et Utu qui se déroulent en Nouvelle-Zélande et en Australie.

     

    Cary Férey : Zulu. Edition Série Noire / Gallimard 2008.