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Rechercher : le pendu de la treille

  • NICOLAS FEUZ : EUNOTO, LES NOCES DE SANG. L’INCOHERENCE AU SERVICE DE L’INDIGENCE.

    Capture d’écran 2017-10-26 à 18.22.42.pngLes ouvrages de Nicolas Feuz me font penser à ces fameux concepts de télé réalité que l’on désigne sous le terme péjoratif de « télé poubelle » qui nous fascine et nous rebute à la fois au vu de l’indigence du contenu. Et il faut donc avouer que c’est avec une curiosité presque coupable que j’ai lu Eunoto, dernier roman en date du procureur neuchâtelois bien décidé à publier un livre par année. Nous voilà prévenus. Difficile d’ailleurs de passer à côté de cet ouvrage ornant les étalages des grandes librairies romandes et faisant l’objet d’une importante couverture médiatique. Alors bien sûr, j’ai débuté cette lecture avec quelques réticences, tout en me disant, avec l'optimisme qui me caractérise, qu’il était difficile pour l’auteur de faire pire que Horrora Borealis, son précédent ouvrage. Mais force est de constater que je me suis trompé et qu’il ne faut jamais sous-estimer les capacités du "Maxime CHATTAM suisse". Pourtant il y avait des indices quant à la qualité du roman et il faut admettre que l’on partait déjà un peu perdant avec cet article du Journal du Jura où la journaliste nous livre ses considérations à propos d’Eunoto : « Même s’il ne s’agit pas là de grande littérature ou d’une intrigue nimbée de critique sociale … Eunoto se classe indubitablement dans le genre de récit qui accroche »[1]. Propos qui font écho à ceux que tient Nicolas Feuz en affirmant que « les polars c’est pas forcément de la grande littérature »[2]. Il faudra donc bien que l’on m’explique un jour ce qu’est cette fameuse littérature que l’on dit grande. Mais si la définition inclut, entre autre, des notions faisant état de récits cohérents et de textes convenablement rédigés, l’œuvre de Nicolas Feuz n’entre effectivement pas dans cette catégorie.

     

    Brent Wenger est-il bien le terrible psychopathe que l’on surnomme le Monstre de Saint-Ursanne ou s’agit-il d’un homme innocent, victime d’un coup monté ? C’est ce que devrait établir la révision de son procès qui s’apprête à débuter. Au même moment les polices cantonales neuchâteloises et fribourgeoises sont sur les dents avec la découverte de jeunes filles décapitées sur leurs territoires respectifs. A Genève, les forces de l’ordre ne sont pas en reste puisque l’un des leurs est sauvagement assassiné devant l’hôpital cantonal. Qui sont ces jeunes filles et quel est le lien entre ces trois affaires ? Jeune inspecteur de police Michaël Donner est rapidement impliqué dans une spectaculaire enquête intercantonale qui le conduira notamment du côté de Lausanne et du domaine skiable des Quatre Vallées. Un périple romand qui va se révéler sanglant.

     

    Difficile de venir à bout de ce thriller qui ne manque pas d’actions et de rebondissements racoleurs mais dont l’écriture insipide et approximative, au service d’un texte bancal, suscite l’ennui, parfois l’agacement et de temps à autre quelques éclats de rire. Mais Nicolas Feuz s’affranchit de ces problèmes d’écriture en expliquant sur les réseaux sociaux : « pondre de belles phrases pour pondre de belles phrases ne m’intéresse pas ». Absence d’intérêt ou manque de capacité, peu importe. Il convient toutefois de signaler que les belles phrases ne servent pas seulement à faire joli mais permettent de mettre en place un décor ou une atmosphère sans que l’on ait l’impression de lire l’extrait d’un dépliant touristique ou de doter les personnages d’une stature et d’un caractère sans que l’on ait la sensation d’avoir à faire à des protagonistes stéréotypés jusqu’à la caricature, comme on le constate tout au long de ce récit laborieux. Il faut également préciser que les belles phrases ne sont pas forcément incompréhensibles et que l’auteur doit faire confiance à son lectorat qui n’aura donc pas nécessairement besoin de les relire à quatre reprises pour en saisir le sens. Par contre il n’est pas exclu que le lecteur soit contraint de se creuser la tête pour déchiffrer la syntaxe lacunaire de Nicolas Feuz. En voici un petit florilège amusant, loin d’être exhaustif :

    Michaël Donner possède la capacité de s’extraire de son corps (page 30) :« L’espace dégagé entre deux autre filins était désormais suffisant pour y passer mon corps.»

    L’arme sans maître (page 41) : « Son conducteur craignit de l’arme sans maître un second coup de feu accidentel, qui ne vint pas. »

    On découvre les pavés gigantesques de La Gruyère  (page 154): « Même en hiver, les pavés de la cité grouillaient de monde.»

    Dialogue confus (page 270) :« - Etes-vous innocent ? Le provoqua Lara. - Ca dépend, ne se laissa-t-il pas décontenancer. Qu’en pensez-vous sergent Pittet ? »

    Mais comme le recommande l’auteur, lorsqu’il est égratigné sur la forme, il importe de se concentrer sur le « fond du livre » (sic) qui recèle « tant de choses intéressantes à dire », notamment sur les déficiences de la justice, sur le sort de victimes devenant bourreaux et sur les problèmes immobiliers en lien avec une loi controversée. Mais en guise de fond, le lecteur devra se contenter de considérations et de réflexions dignes des conversations du café du commerce, dont certaines pourraient figurer dans un recueil de Brèves De Comptoir. Rapidement, on comprendra que le roman se concentre principalement sur une succession d’événements et de rebondissements tous plus spectaculaires les uns que les autres mais manquants singulièrement de cohérence. En voici quelques exemples qui restent le plus vague possible mais qui dévoilent tout de même des éléments de l’intrigue.

     

    Tout d’abord on s’interrogera sur le rôle de Michaël Donner dans la prise d’otages de l’hôtel de police à Neuchâtel et l’on se demandera pourquoi il manque d’énuquer un de ses collègues alors qu'il s'agit d'un exercice ! Toujours en lien avec ce même contexte, on peinera à comprendre le sens de la conversation entre le responsable de l’intervention policière et le conseiller d’état qui ne semble pas avoir compris qu'il s'agit d'un entraînement. On prend peur quant au type de munition qu’emploie la police dans le cadre de cet exercice.

     

    Pour l’épisode genevois il paraît étrange que le meurtrier enduise la plaque d’un verni afin de dissimuler l’immatriculation de la voiture qu’il doit avoir volé (à moins qu'il ait pris le risque insensé de prendre son automobile). Et une fois son forfait accompli (le meurtre d’un policier tout de même) il est étonnant que l’auteur du crime ne se débarrasse pas du véhicule qu'il réutilisera dans la région du Jura où il sera repéré (un hasard absolument extraordinaire).

     

    A Lausanne, en plein centre-ville, aux alentours de 21h00, on se demande comment le meurtrier parvient à forcer discrètement la porte de la cathédrale tout en maîtrisant une jeune fille qu'il a enlevée et en transportant un appareil de dialyse afin de commettre son forfait tranquillement sur l’autel de l’édifice religieux. Et au niveau de l’intervention policière on s’étonnera que les deux policiers neuchâtelois (ils sont présents au bon moment et au bon endroit grâce à une histoire fumeuse de chocolat chaud) ou que les collègues vaudois ne fassent pas appel à la police municipale lausannoise pour boucler le périmètre.

     

    Dès le chapitre 12, on détecte un sérieux problème de temporalité puisque le meurtrier et son complice se retrouvent simultanément impliqués dans une course poursuite entre Porrentruy et Bienne puis subitement occupés à torturer leur victime à Nendaz en faisant ainsi l’impasse sur un trajet de plus de deux heures[3].

     

    Prélèvements de moyens de preuve totalement farfelus, histoire d'ADN complètement abracadabrante, évasion rocambolesque, écoute illégale, interventions et coordinations policières complètement foireuses, il y aurait encore beaucoup à dire sur cette enquête bancale qui se dispense de toute vraisemblance contrairement à ce qu’affirme Nicolas Feuz dans une interview de l’Express[4]. Outre un nombre impressionnant d’invraisemblances, l’intrigue ne doit son salut qu’à une somme de hasards circonstanciés absolument extraordinaires achevant de décrédibiliser un auteur qui, en définitive, nous livre un travail bâclé mettant en exergue les limites de l’auto-édition.

     

    Nicolas Feuz sera présent au festival Lausan’noir et dédicacera ses superbes romans le vendredi 27 octobre de 14h00 à 17h30, le samedi 28 octobre de 11h00 à 14h00 et de 16h00 à 18h30 et le dimanche 29 octobre de 13h00 à 16h30. 


    Nicolas Feuz : Eunoto, Les Noces De Sang. The BookEdition 2017.

    A lire en écoutant : Mad About You de Hooverphonic. Album : Hooverphonic With Orchestra. Sony Music Entertainment 2012.

     

    [1] Journal du Jura, 28.09.2017

    [2] RSR La Première, Les Beaux Parleurs, 04.12.2016

    [3] Reconstitution de la journée du meurtrier et de son complice : 10h00 : procès à Porrentruy – 13h00 : fin du tour de parole de 3 heures (page 283) – 14h00 environ : fin des délibérations (au minimum 1 heure) – 14h30 environ : fin des formalités et des interviews – exécution d’une avocate et enlèvement d’un individu. 14h35 – 14h45 environ : course-poursuite. 14h55 – 15h15 : abandon du véhicule sur les hauts de Bienne – vol d’un autre véhicule – transfert de la victime. Vingt minutes plus tard soit à 15h35 le complice sort de son travail à Nendaz pour se rendre à son appartement où il retrouve le meurtrier et leur victime.

    [4] L’Express du 16.10.2017

     

  • KANAE MINATO : LES ASSASSINS DE LA 5e B. L’ECOLE DE LA VENGEANCE.

    les assassins de la 5e B, Seuil, Kanae Minato, polar japonais, école japonIl y a cette atmosphère étrange et parfois malsaine qui se dégage des romans asiatiques qui sied parfaitement à l’univers du noir en offrant de nouvelles perspectives narratives comme ce roman de la japonaise Kanae Minato reprenant avec Les Assassins de la 5e B, la structure si particulière de la nouvelle Dans le Fourré de son illustre compatriote,  Akutagawa Ryûnosuke. Chaque chapitre rapporte le point de vue des protagonistes de l’histoire dans une chorale sinistre et inquiétante. Outre la vision divergente, ce schéma narratif permet d’explorer la personnalité des différents acteurs face au drame auquel ils sont confrontés.

     

    les assassins de la 5e B, Seuil, Kanae Minato, polar japonais, école japon

    Dans son discours d’adieu à sa classe, Mme Moriguchi jette un froid en accusant, sans les nommer, deux de ses élèves d’avoir sciemment assassiné sa petite fille de 4 ans. Loin d’être désemparée, l’institutrice annonce avoir la ferme intention de se venger sans pour autant faire appel aux autorités. Dans un climat de suspicion et de non-dit on lira la lettre que la déléguée de classe adresse à son enseignante, puis le journal de la mère d’un des deux meurtriers. On prendra ensuite connaissance du témoignage du premier adolescent qui revit en flash-back des événements traumatisants de son enfance. On découvrira les sinistres desseins du second coupable, jeune génie du mal, qui trouveront une réplique surprenante avec un coup de téléphone de Mme Moriguchi.

     

    Une jeunesse délaissée et fascinée par la violence reste le thème majeur de l’ouvrage avec en toile de fond cette attirance pour la mort et le suicide, dans un pays industrialisé qui possède l’un des plus forts taux pour ce type de mortalité. L’atmosphère est pesante dans un univers scolaire qui semble en complet décalage à l’instar de ce professeur qui ne parvient pas à prendre la mesure du drame qui se joue autour de lui. La pression sociale et la solitude sont également deux aspects qui entraînent ces jeunes adolescents dans des dynamiques destructrices parfois surprenantes. On perçoit également l’absence du père qui consacre tout son temps au travail en dormant d’ailleurs fréquemment au bureau. Tout repose sur les épaules d’une mère traditionaliste qui ne peut accepter un éventuel dysfonctionnement de sa progéniture. Dans un aveuglement sans commune mesure, cette femme surprotège son fils en acceptant qu’il n’aille plus à l’école, sans pour autant en faire part à son mari et à sa fille aînée. Le drame se joue donc désormais dans une dissimulation meurtrière. Le second meurtrier évolue également dans un cadre de dysfonctionnement familial avec cet abandon maternel qu’il ne peut accepter. Sa logique meurtrière s’inscrit donc dans une recherche de visibilité et de reconnaissance que personne ne semble être en mesure de lui accorder. Cette attention il l’obtiendra finalement à son corps défendant dans une cruelle et abrupte confrontation finale.

     

    Les Assassins de la 5e B s’oriente d’une manière machiavélique sur une dynamique vengeresse qui prend des tonalités différentes selon la vision des intervenants avec des rebondissements surprenants en passant de l’empoisonnement à la stigmatisation pour s’achever dans une scène aussi surprenante qu'explosive. Un livre décoiffant et perturbant.

     

    Kanae Minato : Les Assassins de la 5e B. Editions Seuil/Policiers 2015. Traduit du japonais par Patrick Honnoré.

    A lire en écoutant : Past Mistake de Tricky. Album : Knowle West Boy. Domino Records 2008.

  • Alain Bagnoud : De La Part Du Vengeur Occulte. L'art de la politique.

    alain bagnoud,de la part du vengeur occulte,bsn pressA la lecture du trio final de la sélection du prix du Polar romand 2022, certains membres du milieu littéraire ont probablement dû s'étrangler en apprenant qu'il s'agissait de trois romans issus de la maison d'éditions BSN Press avec Dans L'Etang De Souffre Et De Feu de Marie-Christine Horn, Les Inexistants de Catherine Rolland et De La Part Du Vengeur Occulte d'Alain Bagnoud qui débarque ainsi dans le monde de la littérature noire en emportant l'adhésion du jury décidant de récompenser ce premier roman policier de l'auteur. Mais certains esprits chagrins, dont je fais partie, ont pu se dire que le jury célèbre une nouvelle fois un primo-romancier du polar au détriment de ceux qui naviguent dans le milieu depuis de nombreuses années sans obtenir de reconnaissance puisque le prix du Polar romand est l'une des rares récompenses célébrant la littérature noire romande. Mais il faut bien admettre qu'à la lecture de ce roman policier se déroulant dans le milieu de l'art à Genève on comprend très rapidement l'adhésion d'un jury probablement séduit par la qualité d'écriture exceptionnelle d'Alain Bagnoud qui fait partie des grandes figures de la littératures romandes et dont on espère qu'il réitérera son incursion dans le milieu du polar. Quoiqu'il en soit, la sélection célèbre également le travail de l'éditeur charismatique de BSN Press, Giuseppe Merrone dont j’imagine la mine réjouie à l’annonce d’un tel résultat. 

     

    A Genève, Jean-Phillipe Meilat est un homme politique d'envergure qui aspire à écrire son autobiographie en vue des prochaines élections. C'est Alexandre, jeune gosthwriter ambitieux,  qui se charge de rédiger l'ouvrage lors d'entretiens réguliers avec le politicien. Mais celui-ci reçoit depuis quelques jours des photos expédiées par un individu mystérieux qui signe ses envois avec la mention : De la part du vengeur occulte. Ne comprenant pas le sens de la démarche, Jean-Philippe Meilat demande à Alexandre de découvrir l'identité de cet étrange expéditeur. L'enquête va entrainer le jeune homme dans le milieu élitiste de l'art contemporain avec sa cohorte d'artistes, collectionneurs et galeristes qui naviguent également dans le monde opaque des affaires et de la politique. Un univers aux codes bien établis sur lequel plane l'ombre de Massimov, un oligarque russe bien établi sur la place de Genève et qui peut se révéler plus dangereux qu'il n'y paraît. De fait, Alexandre ne va pas tarder à se retrouver mêler à deux assassinats qui vont bouleverser son existence bien tranquille.

     

    Outre son activité de romancier et d'enseignant, Alain Bagnoud à créé Blogre, un blog littéraire, tenu par un collectif d'écrivains romands, hébergé sur la même plateforme de la Tribune de Genève que Mon Roman ? Noir et Bien Serré ! Mais c'est sur le site à son nom que l'on trouvera quelques recensions sur les polars où figurent des auteurs tels que Thierry Jonquet, John R. Lansdale, Ed McBain et Ted Lewis pour n'en citer que quelques uns. Ainsi, l'on ne s'étonne plus guère qu'Alain Bagnoud se soit essayé au polar qu'il semble apprécier. Pourtant dans De La Part Du Vengeur Occulte, il faut bien reconnaître qu'Alexandre, personnage central du récit, présente toutes les caractéristiques du héros balzacien, autre passion de l'auteur, en évoluant dans ce microcosme genevois qu'il observe avec une certaine morgue ironique qui se traduit notamment dans les questions savoureuses ponctuant les chapitres du récit en lui conférant ainsi un certain humour acide extrêmement plaisant. Il faut admettre qu'Alain Bagnoud n'a pas son pareil pour saisir en quelques phrases bien senties les différents protagonistes fréquentant ce milieu de l'art contemporain qui a pris ses aises dans le quartier populaire de Plainpalais qui subit cette embourgeoisement avec une floraison de galeries improbables s'agglutinant autour du musée d'art moderne et contemporain. Et puisque l'on se situe à Genève, le récit va immanquablement prendre un tournure financière avec en toile de fond tout le business qui alimente ce marché de l'art plutôt lucratif dont une partie est gérée par quelques oligarques russes qui n'ont rien de fictionnels. On le voit ainsi, Alain Bagnoud restitue avec un regard acéré et extrêmement caustique tout le landerneau genevois dans un récit où l'enjeu se situe à définir qui se cache derrière ce vengeur occulte dont les actions vont également conduire notre jeune enquêteur du côté de la population précaire qui hante les rues genevoises en quête d'abris de fortune. Et puis il y a les crimes qu'il va falloir résoudre et dont on trouvera les réponses en toute fin de récit, au terme d'une enquête qui dépossédera le lecteur de toutes ses illusions quant au milieu politique côtoyant le monde impitoyable des affaires. Des personnages ambivalents à l'instar du magnifique Me Dumont, une intrigue bien orchestrée, pas de doute Alain Bagnoud est un grand auteur de polar.

     

     

    Alain Bagnoud : De La Part Du Vengeur Occulte. Editions BSN Press 2022.

    A lire en écoutant : Star Treatment d'Artic Monkeys. Album : Tranquility Base Hotel & Casino. 2018 Domino Recording Company Ltd.

  • URBAN WAITE : LA TERREUR DE VIVRE. RIEN QU'UNE AFFAIRE DE TRAQUE !

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    - Comment s'appelle le cheval brun avec une tache blanche sur le museau ?

    - Hermès.

    - Malin, dit Grady.

    On entendit le bruit de la mitraillette, une salve rapide de trois coups. Hunt n'entendit rien d'autre. Il n'entendit pas le cheval ni les impacts des balles. Le téléphone à la main, il se contentait d'écouter, sans trop savoir quoi dire.

    - Tu as combien de chevaux dans ton écurie ? demanda Grady.

    Hunt ne répondit pas.

    - Pour moi, c'est seulement des animaux, mais je parie qu'ils représentent beaucoup plus à tes yeux.

    - Pourquoi est-ce que tu ferais ça ?

    - Tu sais que je vais retrouver ta femme. Je vais la trouver et on pourra rejouer à ça. Tu veux que je te rappelle à ce moment-là ?

    - Si tu avais dû la trouver ce serait déjà fait. Tu espérais seulement qu'elle soit là.

    - Non c'est toi que j'espérais trouver ici.

    Hunt entendit l'arme tirer à nouveau. Cette fois-ci, il entendit le cheval hennir une fois. Puis une deuxième.

    - Je vais prendre mon temps avec celui-là, dit Grady.

    - Je vais te tuer, menaça Hunt en se disant qu'il était sérieux. Pour la première fois de sa vie, il le pensait sérieusement. Nouveau tir de l'arme automatique.

    - Il ira jamais au champs de courses.

    - T'es cinglé

    - Tu pourrais empêcher ça.

    - T'as rien et t'es désespéré.

    - Je pourrais commencer par ta femme, et puis je prendrais la fille, de toute façon, je serai sans doute obligé de la tuer pour lui sortir la drogue du bide. Je pourrais faire tout ça devant toi. Je t'obligerais sûrement à regarder. Tu veux sauver quelqu'un, tu veux sauver ce dernier cheval ? Tu devrais venir me retrouver ici. Je te promets que ça sera rapide. Tu es déjà mort de toute façon.

     

    Dans le roman noir et le roman policier, il est un moteur, une dynamique commune qui n'est autre que la traque. Le détective ou le policier cherchent à appréhender le criminel, tout comme le looser cherche à fuir un destin qui le rattrape obstinément pour le plonger dans la plus sombre des déchéances. Dans le polar tout comme dans le roman noir, on cherche, on fuit, on découvre, on dissimule...rien qu'une affaire de traque.

    Dernièrement, ce sont les experts, analystes ou légistes qui pistent meurtriers en tout genre avec tout un bagage technologique et scientifique. Peu à peu ils ont remplacé les profilers torturés qui se plongeaient dans l'esprit des sérials killer. Parfois c'est l'inverse qui se produit, lorsque le tueur psychopathe se lance à la poursuite du héro. Dans ce domaine, la meilleure des traques n'est pas littéraire mais cinématographique, avec « La Nuit du Chasseur » où Robert Mitchum incarne le terrifiant révérend Harry Powell, poursuivant deux jeunes enfants qui seraient les seuls à détenir le secret de leur défunt père qui a dissimulé le butin d'un hold up. On se souvient tous de cette silhouette à la fois élégante et inquiétante, ainsi que des mots HATE et LOVE tatoués sur les doigts du prêcheur. Un film terrifiant donc réalisé en 1955 d'après l'excellent roman de David Grubb.

     

    Dans le même esprit, je parlais dans un précédent billet du roman de Cormac McCarthy, « No Contry for the Hold Man » où le terrifiant Chigurh exerçait ses « talents » avec une froideur toute méthodique.

     

    Et puis il y a cet ouvrage de Urban Waite, « La Terreur de Vivre ». A la frontière entre le Canada et les USA, Phil Hunt, éleveur de chevaux, arrondi ses fins de mois en faisant passer des cargaisons de drogue par des chemins de montagne. Il croisera le chemin du shérif  adjoint Bobby Drake qui après une traque épique contraindra Phil Hunt à prendre la fuite avec la drogue. Mais les commanditaires  dépêchent Grady Fisher afin de récupérer leur marchandise. Celui-ci est un adepte du découpage qu'il pratique aussi bien sur des animaux que sur des êtres humains. Il possède un étui à couteau qu'il emporte partout où il se rend et sème terreur et destruction sur son chemin. Une machine de guerre chaotique, insensible à la douleur et aux suppliques. On va  donc suivre le parcours haletant de ces trois personnages à travers tout l'état de Washington et l'on appréciera tout autant les passages où l'action fleure bon le testostérone, l'odeur cuivrée du sang mélangée à celle de la cordite que les moments plus calme où Hunt et Drake se questionnent sur le sens de leur vie respective tout en se demandant s'ils pourront échapper à leur destinée qui semble imprimée à l'encre indélébile.

     

    « La Terreur de Vivre » est le premier roman de Urban Waite. Il s'agit d'un thriller hallucinant et prenant qui se lit d'un coup, emporté que l'on est dans l'immensité de cette nature qui annihile toute l'humanité des protagonistes pour ne faire rejaillir que leur instinct primaire : vivre.  Un texte puissant résonnant comme le chien d'un flingue qui percute la balle s'apprêtant à jaillir du canon.

     

    Urban Waite : La Terreur de vivre. ACTES SUD /actes noirs 2010. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Céline Schwaller.

    A lire en écoutant : Titre : Gunfight. Album : Un Prophète (Bande originale du film). Compositeur : Alexandre Desplat

     

  • ARNALDUR INDRIDASON : LA MURAILLE DE LAVE, L’ECUEIL DE LA CUPIDITE BOREALE.

    islande,erlendur,muraille de lave,sigurdur oliDans le paysage du polar nordique, Arnaldur Indridason est sans doute l'un des fers de lance de cette littérature. Avec la Cité de Jarre, la Femme en Vert, La Voix et l'Homme du Lac, l'auteur nous a entrainé dans le sillage du mythique inspecteur Erlendur qui explorait au fil de ses enquêtes le fabuleux passé de cette Islande que l'on aurait pensé plus morne qu'il n'y paraît. Un personnage torturé que cet Erlendur qui est hanté par la perte de son frère, alors qu'ils étaient confrontés tous deux lorsqu'ils étaient enfants à une terrible tempête de montagne. Seul Erlendur a survécu. Un mariage raté, une fille toxicomane complète ce personnage solitaire et taciturne. La plupart des enquêtes démarrent souvent avec la découverte d'un squelette qui nous ramène à plusieurs dizaines d'années pour décourvrir des aspects surprenants du passé historique de l'Islande.

     

    Des histoires du passé, lestées d'une grande émotion sont la particularité des romans d'Arnaldur Indridason. La seconde particularité est de faire passer au premier plan, les équipiers de ce commissaire. Ainsi après Erlingborg, enquétrice bourrée d'empathie et fine cuisinière c'est au tour de Sigurdur Oli de mener l'enquête dans la Muraille de Lave. Il faut savoir que les faits se déroulent durant la même période où Erlingborg est au prise avec une affaire de viol  relatée dans le précédent opus de l'auteur : La Rivière Noire.

     

    Pour Sigurdur Oli, ce sera une afffaire de chantage et de mœurs qui le conduira à enquêter auprès des institutions banquaires de Reykjavik qui semblent désormais  au cœur d'un véritable tourbillon de cupidité qui frise la folie. On se retrouve donc avec un personnage qui est à l'antipode d'Erlendur. Sigurdur Oli est un pur produit de l'américanisation tourné vers l'avenir alors que son supérieur se concentre principalement sur le passé. Un enquêteur maladroit qui semble dépourvu d'une certaine humanité et qui va pourtant, au fil du récit, nous révéler ses failles et ses regrets. Avec en toile de fond une société islandaise en pleine effervescence économique, juste avant que la crise ne balaie l'île de sa tempête financière. C'est donc ces disfonctionements économiques que l'auteur s'emploie à nous décrire sans pourtant verser dans une technicité qui pourrait vite devenir laborieuse. Un roman bien ficelé également bourrée d'émotion avec le récit en parallèle d'un personnage apparut dans La Voix qui nous entrainera dans le méandres d'une vengeance sans issue. On découvrira donc les affres de la pédophilie du point de vue des victimes, mais également du point de vue des acteurs économiques qui donne un relief supplémentaire à ce roman que l'on ne saurait manquer. La Muraille de Lave c'est le mur terrifiant sur lequel la société islandaise s'est échouée, victime de la cupidité sans limite des prédateurs financiers d'un monde sans scrupule.

     

     

    Arnaldur Indridason : La Muraille de Lave. Edtions Métaillé 2012. Traduit de l'islandais par Eric Boury.

     

    A lire en écoutant : Hero (Bonus track) de Regina Spektor. Album : Begin To Hope (Sire 2006).

     

     

     

  • Cycle grands détectives de la BD : 3. Larcenet - Claudel : Le Rapport de Brodeck.

    Capture d’écran 2016-07-04 à 02.02.57.pngIl ne s’agit pas de savoir si le Rapport de Brodeck est un roman noir, ou si le personnage éponyme du roman est un enquêteur digne d’intégrer le cycle des grands détectives de la BD. Mais tous les prétextes sont bons, y compris les raccourcis les plus audacieux, pour évoquer une magistrale BD de Manu Larcenet dont le scénario est une adaptation du roman de Philippe Claudel évoquant cette période obscure autour d’une guerre qui n’a désormais plus de nom.

     

    Que s’est-il passé dans cette auberge de ce petit village isolé dans la montagne ? L’Anderer, comme le nommait les habitants, n’est plus. Une nuit de fracas, de fureur pour accomplir L’Ereigniës (l’exécution collective). Puis toutes traces de son passage ont désormais été effacées. Il ne reste plus qu’un souvenir tenu que Brodeck va devoir consigner dans un rapport relatant les événements. Il n’a pas d’autre choix, lui le paria tout juste toléré, que de faire ce que les villageois lui demandent, s’il ne veut pas disparaître à son tour. De plus, il est le seul à savoir manier les mots. Alors Brodeck écrit la venue des soldats, son retour des camps, sa femme enfermée dans le silence d’une folie quotidienne et surtout la venue de L’Anderer qui perturbe cette logique de l’oubli auxquels tous les habitants aspirent. Il raconte la lâcheté, la compromission, la collaboration. Consigner l’indicible horreur afin de pouvoir l’oublier à tout jamais. Alors Brodeck écrit surtout la peur.

     

    On est tout d’abord saisi par la beauté des deux objets composant l’ensemble de l’adaptation du roman de Philippe Claudel. Un fourreau cartonné, composé d’un assemblage de quelques cases tirées de la bande dessinée, protège un album relié au format italien qui n’est pas sans rappeler un de ces carnets d’antan sur lequel on rédigeait notes et récits.

     

    Capture d’écran 2016-07-04 à 02.03.42.pngAprès la quadrilogie crépusculaire de Blast, Manu Larcenet décline une fresque obscure et poétique au service de ce terrible conte de Philippe Claudel. La force évocatrice du dessin de Manu Larcenet permet de composer des séries de planches dépourvues du moindre texte. Une puissance tragique que l’on décèle dans ces paysages ravagés par les tempêtes, le froid et la peur ou dans l’obscurité de ces intérieurs dans lesquels les protagonistes confient leurs terribles manquements. Puis c’est à nouveau cette faune silencieuse et ces paysages figés par le gel qui deviennent les témoins muets de ces exactions que les hommes veulent oublier. Le trait est posé, précis presque sage, lorsque tout d’un coup, une explosion d’images aussi muettes que cauchemardesques évoquant l’atrocité des camps ou l’occupation du village par des soldats aux facies bestiaux, mettent en abîme la fragile humanité des protagonistes dans un contexte devenu intemporel. Car peu importe l’époque, seules persistent les dynamiques sordides et abjectes des relations entre victimes et oppresseurs, décortiquées jusqu’à l’os dans le silence d’illustrations singulières et oppressantes.

     

    Mais on ne saurait faire abstraction du texte mettant en perspective la déliquescence des trois institutions composant un village. Il y a ce curé qui a cessé de croire en dieu, cet instituteur couard, broyé par le remord et ce maire infâme qui n’aspire qu’à l’oubli. Des confidences froides et sincères mises en scène dans de terrifiants cadres clairs obscurs où la lumière semble quasiment absente hormis la faible lueur d’une bougie ou d’un foyer achevant de se consumer. Dans des confrontations parfois tendues Brodeck consigne ainsi la culpabilité de ces villageois sacrifiant sur l’autel de l’oubli cet Anderer venu raviver les remords enfouis aux tréfonds des âmes. Un personnage étrange qui suscite l’inquiétude et la méfiance au sein d’une communauté repliée sur elle-même peinant à accepter la différence qu’il distille par le biais de l’art et de la connaissance comme pour défier cet éternel obscurantisme. Comme pour éclairer ce sombre récit, on perçoit sur deux planches somptueuses, toute l’ouverture d’esprit d’un personnage atypique, ouvert au monde, qui parvient à sonder l’âme et l’esprit des personnes qui l’entoure.

     

    L’intensité sombre d’un roman transcendé dans l’indicible beauté de planches en noir et blanc, Manu Larcenet transpose ainsi avec Le Rapport de Brodeck toute la noirceur de l’âme humaine dans une incandescente et intense œuvre graphique bouleversante.

     

    Manu Larcenet /Philippe Claudel : Le Rapport de Brodeck. Tome 1 : L’Autre. Editions Dargaud 2015. Le Rapport de Brodeck. Tome 2 : L’Indicible. Editions Dargaud 2016.

    A lire en écoutant : Piano Quartet N° 1 in G Minor, Op. 25 I Allegro. Johannes Brahms interprété par The Villiers Quartet Piano. Etcetera 1989.

  • Pete Fromm : Le Lac De Nulle Part. Point de non-retour.

    pete fromm, le lac de nulle part, éditions gallmeisterIndéniablement, la nature fait partie intégrante de la vie de Pete Fromm qui s'était notamment distingué avec son premier roman Indian Creek, publié en 1993 et traduit en 2006 pour le compte des éditions Gallmeister. On découvrait un récit évoquant son hiver qu'il passa en 1978 au cœur des Rocheuses, plus précisément dans la région désolée d'Indian Creek dans l'Idaho, à s'occuper de saumons. Auteur baroudeur, cumulant des jobs comme maître-nageur ou ranger lui permettant de se consacrer à l'écriture, Pete Fromm nous offre donc une œuvre imprégnée de son expérience au sein de cette nature qu'il affectionne tant et qu'il restitue dans le cadre de ses récits issus du courant nature writing qu'il représente avec des romanciers tels que Edward Abbey, Peter Heller, Jim Harrisson, Joe Wilkins, Chris Offutt et David Vann pour n'en citer que quelques-uns. Dernier roman en date, Le Lac De Nulle Part ne fait pas exception à la règle puisque l'on va suivre le périple de Bill accompagné de sa fille Trig et de son fils Al qui s'embarquent en canoë sur la multitude de lacs sauvages du parc provincial de Quetico au Canada alors que l'hiver ne va pas tarder à prendre son emprise sur la région.

     

    Frère et sœur jumeaux, Trig et Al n'ont plus jamais eu beaucoup de contact avec leur père Bill, depuis que celui-ci a divorcé. Aussi sont-ils plutôt surpris d'avoir de ses nouvelles alors qu'il leurs réclame "une dernière aventure" en sillonnant ensemble en canoë les nombreuses étendues d'eau de la province de l'Ontario afin de retrouver les sensations de leur enfance lorsqu'ils s'aventuraient dans les contrées sauvages du pays. Intrigués par ces retrouvailles inattendues, les jumeaux retrouvent à l'aéroport de Minneapolis un père un peu perdu qui déambule dans le hall à la recherche de ses bagages. Mais qu'à cela ne tienne, ils embarquent finalement tous ensembles pour leur destination finale avec le sentiment diffus que quelque chose ne tourne pas rond et que l'expédition semble plutôt improvisée ce qui ne ressemble pas aux habitudes de leur père. Et puis les tensions surviennent à mesure qu'ils s'enfoncent dans l'immensité d'un parc provincial où la belle saison s'achève pour laisser la place à la rigueur de l'hiver qui rend l'expédition de plus en plus périlleuse. S'il faut faire face à une nature de plus en plus hostile, les jumeaux vont également devoir affronter de pénibles souvenirs qu'ils pensaient enfouis à tout jamais.

     

    D'entrée de jeu, on apprécie la sobriété du style de Pete Fromm nous livrant un texte chargé d'une tension narrative omniprésente qui nous permet d'appréhender ce récit sous la forme d'un thriller où l'adversaire n'est rien de moins que les intempéries qui vont frapper les membres de cette famille d'aventuriers s'élançant en canoë sur les lacs d'un parc provincial du Canada sur le point de fermer avec l'achèvement de la belle saison. Avec Le Lac De Nulle Part, on se situe sur deux dimensions que sont l'immensité du décor et l'intimité de la famille dont on découvre de plus en plus d'aspects à mesure que les protagonistes s'éloignent de la civilisation pour s'enfoncer dans les méandres de ces étendues d'eau entrecoupées de portages et de campements qui ponctuent leur journée. On observe ainsi l'émergence des souvenirs qui touchent particulièrement Al se confiant à son frère tandis que leur père se comporte de manière de plus en plus étrange. L'enjeu se situe donc sur les caractères et relations de ces trois individus qui s'observent et vont devoir composer avec les révélations de leurs situations respectives tout en parcourant en canoë le décor majestueux qui les entoure. Dans un contexte chargé de tension, il faut bien avouer que le lecteur devinera aisément certains aspects du roman sans pour autant savoir comment tout cela va-t-il se conclure au terme d'un épilogue laissant entrevoir quelques ambiguïtés salutaires. Et puis il y a ces intempéries que sont la neige, le brouillard et même le gel qui deviennent des obstacles redoutables que Trig et Al vont devoir contourner au gré d'une course contre la montre chargée d'un certain suspense qui rythme la dernière partie d'un récit trépident qui ne manque pas d'allure.

     

    Pete Fromm : Le Lac De Nulle Part (Lake Nowhere). Editions Gallmeister 2022. Traduit de l'américain par Juliane Nivelt.

    A lire en écoutant : Pyramid Song de Radiohead. Album : Amnesiac. 2001 XL Recording Ltd.

  • Quentin Mouron : Trois Gouttes de Sang et un Nuage de Coke. L’Age de l’Héroïne. L’exégèse du néant.

    Capture d’écran 2016-08-03 à 12.25.14.pngLa nouvelle édition de L’Histoire de la Littérature en Suisse Romande publiée sous la direction de Roger Francillon contient désormais un chapitre consacré au polar romand, ceci grâce à l’expertise avisée de Giuseppe Merrone. Puis s’il faut s’éloigner de nos régions et s’ouvrir au monde, je ne saurais que trop conseiller Le Dictionnaire des Littératures Policières, rédigé sous le contrôle expert de Claude Mesplède permettant ainsi de se familiariser avec un genre littéraire extrêmement vaste qui ne supporte guère les assertions généralistes de Quentin Mouron, jeune auteur suisse romand inspiré, faisant état d’une absence de style due, entre autre, à la piètre qualité des traductions. Mais qu’à cela ne tienne, avec Trois Gouttes de Sang et un Nuage de Coke et L’Age de l’Héroïne, ce romancier prometteur et ambitieux aspire à relever le niveau avec deux polars narrant les tribulations d’un jeune dandy désenchanté, féru d’ouvrages anciens et exerçant la profession de détective privé.

     

    A Watertown, obscure banlieue de Boston, on découvre, dans son pick-up, le corps mutilé d’un retraité sans histoire. En charge de l’enquête, le shérif McCarthy va tout mettre en œuvre pour découvrir l’auteur de ce meurtre odieux. Il croisera sur son chemin Franck, un jeune détective dandy qui entretient son spleen à grands coups de lignes de cocaïne. Un jeune homme désabusé, un shérif en proie aux doutes existentiels, les deux hommes vont mener leurs investigation en parallèle. Il faut dire que les démarches de Frank manquent parfois d’une certaine ligne déontologique.

     

    A n’en pas douter, Quentin Mouron tient son pari en nous livrant un texte au style aussi affirmé qu’enflammé. Les phrases sont belles, ciselées avec soin et régulièrement agrémentées du mot précis, parfois un brin désuet donnant à l’ensemble cette belle sensation de maîtrise linguistique. Pourtant le verbe soyeux, la phrase racée ne sauraient masquer longuement cette indigence de taille qu’est l’absence totale d’intrigue que l’on perçoit très rapidement au fur et à mesure de la progression d’un roman dissonant et décousu. Car Trois Gouttes de Sang et un Nuage de Coke débute véritablement comme un roman policier avec un crime à résoudre par un duo d’enquêteurs menant leurs diverses investigations. Mais loin de vouloir exploser les codes du genre, Quentin Mouron s’en désintéresse totalement pour se lancer dans une diatribe sociale extrêmement convenue, virant parfois à la farce, comme cette confrontation entre Franck et le célèbre auteur de polars James Ellsor. C’est d’ailleurs probablement au travers du portrait peu flatteur de ce romancier grossier, aux manières frustres, que l’on perçoit toute la considération que l’auteur porte pour le genre policier. Dès lors, on pourrait estimer que Quentin Mouron s’oriente vers le roman noir, type social. Mais il n’en est rien car les thématiques exposées n’entrent aucunement dans une logique visant à alimenter le crime ou l’intrigue d’une histoire échevelée. Ainsi le lecteur est rapidement désorienté comme livré aux réflexions d’un auteur qui ne parvient plus à se dissimuler derrière ses personnages, donnant cette impression confuse de faire face à un être protéiforme qui endosserait les différentes personnalités de protagonistes totalement désincarnés. L’art et la critique, l’obsolescence programmée d’une vie morose et le clivage social des différentes castes composant une société seront autant de thèmes évoqués dans une série d’analyses sociétales aussi pompeuses que prétentieuses.

     

    Capture d’écran 2016-08-03 à 12.27.24.pngAvec cet étrange enquêteur dandy, on pense bien évidemment au chevalier Dupin, personnage récurrent des contes d’Edgar Allan Poe lui-même natif de Boston, ville dans laquelle se déroule une partie du récit de Quentin Mouron. Force est de constater qu’il s’agit de références bien trop pesantes, mettant davantage en exergue cette indigence narrative à laquelle le lecteur est confronté. On se tournera dès lors vers le second opus de Quentin Mouron, L’Age de l’Héroïne où l’on retrouve pour la seconde fois notre détective privé atypique.

     

    Brad Medley a du souci à se faire. Il n’a jamais récupéré la drogue livrée par les mexicains. Un manque à gagner considérable qui risque de plomber sa petite entreprise et de le conduire rapidement du côté du cimetière. Il charge donc Franck de récupérer la marchandise qui aurait disparue lors d’un échange dans la région de Tonopah, un trou paumé du Nevada. Il y rencontrera Léah, un jeune serveuse farouche qui officie au Jenny’s Dinners, un routier miteux où viennent échoir quelques âmes brisées. Une rencontre qui ravive l’intérêt de Franck pour le genre humain. Mais il y a la cargaison d’héroïne qu’il faut retrouver rapidement.

     

    Dans L’Age de l’Héroïne, on retrouve immédiatement la qualité d’écriture de Quentin Mouron. Les phrases sont plus courtes, plus incisives, mais le style est puissant et flamboyant. Néanmoins, L’auteur renonce toujours à cette envie de nous raconter une histoire et se contente du service minimum avec une intrigue archi convenue. On a la sensation de lire des chutes de plusieurs textes inachevés que l’on aurait rassemblés tant bien que mal pour fournir un roman bancal. C’est d’autant plus regrettable que l’ouvrage n’est pas exempt de quelques belles scènes originales à l’instar de la rencontre entre Franck et une libraire allemande, spécialisée dans les livres anciens et dont le funeste destin laissait présager quelques bons moments de lecture. Puis sans crier gare, de Berlin, on se retrouve dans ce trou perdu du Nevada pour passer en revue quelques personnages stéréotypés qui ne présentent aucun intérêt à l’exception de Léah, cette jeune serveuse mystérieuse. Malgré ce beau personnage qui aurait mérité davantage de développement, le récit s’enlise dans une tragique banalité qui, rapidement, ne présente plus aucun intérêt hormis peut-être ce constat cruel que le polar n’est pas à la portée de tous les écrivains, aussi talentueux soient-ils.

     

    Un style allié à une absence d’intrigue. Avec les deux romans de Quentin Mouron le lecteur aura la désagréable sensation d’avoir fait l’acquisition de deux belles boîtes savamment travaillées ne contenant que du vide. Tout ça pour ça. Dommage.

     

    Quentin Mouron :

    Trois Gouttes de Sang et un Nuage de Coke. Editions La Grande Ourse 2015.

     

    L’Age de l’Héroïne. Editions La Grande Ourse 2016.

     

    A lire en écoutant : Wild Is The Wind interprété par Nina Simone. Album : The Best Of Nina Simone. 1969 UMG Recording Inc.

    L'Histoire de la Littérature en Suisse Romande. Nouvelle édition publiée sous la direction de Roger Francilion. Editions Zoé 2015.

    Claude Mesplède : Dictionnaire des Littératures Policières. Editions Joseph K. 2008.

     

  • SEBASTIEN BARRY : AU BON VIEUX TEMPS DE DIEU. CRIMEN PESSIMUM.

    Capture d’écran 2023-10-15 à 17.58.25.pngAux éditions Joëlle Losfeld, on aborde parfois le genre policier avec un certain bonheur comme à la lecture des romans de Richard Morgiève nous entraînant du côté de l'Utah avec Le Cherokee (Joëlle Losfeld 2019) ou du Texas avec Cimetière D'Etoiles (Joëlle Losfeld 2021) au gré de récits d'une intensité peu commune qui pourront déconcerter certains lecteurs de polars qui n'apprécieraient pas d'être un peu bousculé. Cette intensité on la retrouve sans nul doute chez Sebastian Barry, romancier irlandais, mais également dramaturge et poète qui aborde dans son dernier roman Au Bon Vieux Temps De Dieu, le thème de la pédophilie des prêtes en Irlande avec un récit aux allures de roman policier se concentrant autour des souvenirs défaillants d'un policier retraité qui se voit contraint de se remémorer son passé à son corps défendant. Récipiendaire à deux reprises du Costa Book Award, prix prestigieux distinguant les grands auteurs du Royaume Uni comme Salman Rushdie ou Philipp Pullman, Sebastian Barry se distingue dans son écriture de haute volée avec un texte au lyrisme envoûtant, nécessitant une attention particulière pour appréhender la densité de la personnalité de Tom Kettle qui nous entraîne dans les méandres échevelés de ses pensées.

     

    C’est du côté de Dalkey, petit village côtier situé à la périphérie de Dublin, que Tom Kettle a choisi de passer sa retraite en emménageant dans la modeste annexe de Queenstown Castel que le propriétaire, Mr Tomelty, a divisé en plusieurs  logements. Ayant perdu sa femme June ainsi que ses deux enfants Winnie et Joseph et hormis ses voisins qu'il croise de temps à autre, cet ancien policier décline sa solitude en contemplant la mer et la faune depuis son fauteuil en rotin délavé. Engoncé dans ses souvenirs, Tom Kettle ne s'attendait pas à la visite de deux policiers venus lui demander son avis sur un ancien dossier d'abus sexuel au sein de l'Eglise en faisant ressurgir ainsi un passé douloureux qu'il tente d'occulter ce d’autant plus que l’affaire a été enterrée. Mais difficile d'effacer les années de maltraitance des prêtre de l'orphelinat et surtout les viols successifs dont June a été victime lorsqu'elle n'était qu'une enfant. Et ce nom du bourreau qui revient sans cesse : Le père Matthews dont on a retrouvé le corps dans les landes. Et tandis qu’un témoin affirme qu’il était présent aux abords des lieux du crime, Tom Kettle passe soudainement du statut de consultant au rôle de suspect.

     

    Avec Au Bon Vieux Temps De Dieu il n'y aura pas à proprement parler d'enquête policière mais une plongée assez immersive dans les pensées de Tom Kettle se remémorant, d'une manière quelque peu chaotique, le courant de sa vie déclinante au seuil de la vieillesse, en convoquant quelques fantômes qui semblent l'accompagner en permanence. Situé à la période des années 90, au moment où une commission d'enquête faisait la lumière sur la situation endémique des abus sexuels au sein des institution catholiques du pays, Sebastian Barry aborde donc ce sujet sensible avec une délicatesse saisissante, en évoquant plus particulièrement cette loi du silence qui protégea les diocèses durant tant d'années ainsi que les meurtrissures des victimes mais également des proches qui ne se sont jamais remis de ces événements tragiques. Il faudra donc tout d'abord dompter ce flot de souvenirs submergeant un Tom Kettle désarçonné dont la raison oscille entre sa projection de la réalité et les faits qu'on lui rapporte tandis qu'il se remémore les circonstances terribles de la disparition de ses proches dont il distingue portant la présence dans ce cadre magnifique de Dalkey que Sebastian Barry dépeint avec la pointe de nostalgie émanant d'un lieu qu'il a fréquenté durant son enfance. Une fois que l'on a dompté le mode de pensée de Tom Kettle, on se laisse littéralement emporter dans le courant de cette écriture au lyrisme envoûtant pour s'insinuer au coeur de la trajectoire de ce policier vieillissant qui remet à jour les fragments d'une mémoire défaillante. C'est ainsi que l'on prend la pleine mesure de ce scandale dont Sebastian Barry se garde bien de nous en faire l'étalage sordide pour se concentrer sur la douleur des victimes et de leur entourage en faisant également ressurgir cette colère sourde qui imprègne l'ensemble du texte avec cette certitude foudroyante que rien ne pourra jamais être réparé et dont il ne reste qu'à en faire le compte-rendu pour mettre à jour des décennies de souffrance. Et malgré cette douleur sous-jacente, il émane de ce roman une beauté indicible qui nous saisira tout au long de cette lecture éprouvante s’achevant de manière magistrale sur une scène aux contours surréalistes à l’image d’un récit à la fois flamboyant et mélancolique. Sebastian Barry incarne sans nul doute cette magie de l’écriture. 

     


    Sebastien Barry : Au bon Vieux Temps De Dieu ( Old God's Time). Joëlle Losfeld  Editions 2023. Traduit de l'anglais (Irlande) par Laetitia Devaux.

    A lire en écoutant : Kol Nidrei, Op. 47 de Max Bruch - Steven Isserlis, Olivia Jaggeurs et Connie Shih. Album : A Golden Cello Decade, 1878-1888: Dvorák, R. Strauss, Bruch, Le Beau. Steven Isserlis, Connie Shih. 2022 Hyperion Records Limited.

  • PIERRE PELOT : LOIN EN AMONT DU CIEL. DU SANG ET DE LA BOUE.

    loin en amont du ciel, pierre pelot, éditions gallimard, collection la noireA la fin des années 60, Sergio Leone règne en maître dans le domaine du western avec des films emblématiques et légendaires comme Le Bon, La Brute Et Le Truand ou Il Etait Une Fois Dans L'Ouest qui marqueront d'une manière indélébile l'histoire du cinéma. La BD francophone n'est pas en reste puisque l'on assiste à l'émergence du Lieutenant Blueberry scénarisé par Charlier et dessiné par Giraud tandis qu'au début des années 70, Hermann se lance, avec Greg au scénario, dans la série Comanche et que Michel Blanc-Dumont et Laurence Harlé mettent en scène les aventures de Jonathan Cartland et puis qu'apparait le personnage de Buddy Longway créé par Derib. A la même époque, s’inscrivant dans cette effervescence du genre, il faut également compter sur Pierre Pelot débutant sa carrière de romancier avec une série mettant en scène Dylan Stark un métis moitié cherokee, moitié français qui, au terme de la guerre de sécession, se jette à corps perdu dans une longue quête de vengeance après avoir découvert, en revenant au pays, que toute sa famille a été massacrée. Au gré des 22 ouvrages publiés, on remarquera que certains d'entre eux sont illustrés par Hermann tandis que dans d'autres publications on trouvera les dessins de Michel Blanc-Dumont ou de Michel Auclair, autre auteur de BD, qui se distinguera avec les aventures de Simon Du Fleuve, dans un genre post-apocalyptique aux allures de western. On notera que l'ensemble de la série Dylan Stark n'est malheureusement plus disponible mais que l'on peut les retrouver sur le marché de l’occasion, en constatant d'ailleurs que le 17ème volume, Le Tombeau De Satan (Marabout 1969), est préfacé par Hergé. Après cette incursion notable dans le western, il sera difficile de résumer la suite de la carrière littéraire de Pierre Pelot s'étalant sur plus de cinq décennies en publiant pas moins de deux cents ouvrages pour s'aventurer sur des registres variés tels que la science-fiction, le polar, le roman noir mais également du côté de la littérature blanche avec ces phrases redoutables, presque sans fin qui envoûtent le lecteur en l’entrainant dans la splendeur d'un récit tel que Braves Gens Du Purgatoire (Héloïse d’Ormesson 2019) dont on retrouvera les caractéristiques dans Loin En Amont Du Ciel, dernier ouvrage de l'auteur qui renoue avec le western aux accents crépusculaires où apparaît, de manière lointaine, la silhouette de Dylan Stark dont la trajectoire s’insinue dans celle de trois sœurs se lançant à la poursuite de la bande de renégats qui ont pillé leur ferme et assassiné leurs proches.

     

    Si la guerre de Sécession a pris fin et que le pays se reconstruit peu à peu, on voit apparaître des anciens combattants qui se sont reconvertis dans le meurtre et le pillage en formant des bandes de hors-la-loi sans foi ni loi. L'une d'entre elles est commandée par Captain Sangre de Cristo qui peut notamment compter sur l'appui d'une sorcière sanguinaire que ses comparses surnomment Mother. Déferlant désormais dans la vallée des Orzak, cette horde de pillards sèment terreur et désolations en s'en prenant plus particulièrement aux fermes isolées, dont celle appartenant à la famille McEwen après avoir massacré les parents ainsi que la cadette des filles sous le regard impuissant des trois sœurs survivantes. Bien décidées à se venger, Enéa McEwen ainsi que les deux jumelles Aïleen et Erin vont traquer sans relâche chaque membre de cette bande de renégats qui poursuivent leurs exactions dans tous les recoins des états du Sud. Ainsi, au fil de leur périple, les sœurs McEwen croisent d'autres femmes, également victimes de cette horde sauvage, qui se joignent à leur croisade vengeresse où le fracas des armes rugira pour solde de tout compte.

     

    Dans la collection La Noire on trouve notamment Méridien De Sang (Gallimard/La Noire 1992) de Cormac McCarthy et Deadwood (Gallimard/La Noire 1994) de Peter Dexter, représentatifs de ce fameux courant western gothique caractérisant ces deux romans légendaires. Il y a donc une cohérence certaine à ce que Pierre Pelot intègre cette collection mythique avec ce western aux accents âpres et crépusculaires dont il décline l'atmosphère à la fois lourde et violente au détour d'un texte tempétueux et d'une saisissante intensité s'articulant autour de la destinée des trois soeurs McEwen bien décidées à faire payer le prix fort à tous ceux qui ont massacré leur famille. Et puis, comme une mise en abime vertigineuse, on observe également le parcours d'Anton Deavers, journaliste pour The True Republican New Chronicle et qui a déjà rédigé les aventures du lieutenant Dylan Stark pour s'intéresser désormais au devenir de ces trois femmes qui ont pris les armes pour former une milice comptant de nombreuses comparses qui s'abattent sur leurs adversaires avec une farouche détermination. Et comme pour donner davantage d'assise et de réalisme au récit, Pierre Pelot convoque la personnalité historique de William Quantrill qui dirigea une horde déchaînée de hors-la-loi sévissant dans le Missouri et le Kansas et dont certains membres formèrent par la suite le redoutable gang James-Younger. Avec un tel personnage, l'auteur s'inspire de cette sauvagerie, propre à l'époque, pour mettre en scène les exactions de Captain Sangre De Cristo, ancien membre de la bande Quantrill, et de Mother, une furie sanguinaire qui éprouve une certaine prédilection à éventrer tous les individus qu'elle croise, en lançant quelques imprécations furieuses pour invoquer tous les démons de l'enfer. Tout cet ensemble s'embrase au détour d'un texte aux longues phrases tumultueuses que l'auteur façonne avec cette passion sans égale du mot juste dont il reprend parfois à son compte la signification pour l'insérer parfaitement dans la scène qu'il dépeint, que ce soit ces paysages majestueux, ces recoins sordides et bien évidemment ces éclats d'une violence flamboyante et outrancière comme en témoigne le pillage de la ferme McEwen ou le règlement de compte entre Enéa et Mother prenant une allure dantesque au cour d'un affrontement déchainé entre bandes rivales s'affrontant au sein d'un saloon ravagé par la multitude de coups de feu qui éclatent de toute part. Ainsi, Pierre Pelot, en pleine maitrise de la langue et du récit, vous entraine dans la sauvagerie de cette période tumultueuse au gré d'une succession d'événements d'une envergure peu commune vous coupant le souffle et vous laissant sans voix au milieu de ces éclats de boue et de sang qui semblent toujours vous coller à la peau même une fois l'ouvrage terminé.

     

    Pierre Pelot : Loin En Amont Du Ciel. Editions Gallimard/Collection La Noire 2023.

    A lire en écoutant : You Will Be My Ain True Love de Alison Krauss. Album : A Hundred Miles Or More: A Collection. 2007 Rounder Records.