DANIEL ABIMI : LE DERNIER ECHANGEUR. LAUSANNE BLUES.
S’emparer d’une ville pour en décrire ses noirs secrets est une des thématiques majeurs du polar mais elle prend d’avantage d’intérêt lorsqu’il s’agit d’une cité propre et lissée comme Lausanne qui nous apparaît si calme et si tranquille.
Pourtant Daniel Abimi, natif de Lausanne et ayant travaillé des années durant comme journaliste pour un quotidien de la ville va bousculer les clichés de cette fameuse quiétude helvétique.
Avec Le Dernier Echangeur, nous partageons les pérégrinations de Michel Rod, journaliste porté sur la boisson, qui enquête sur la mort d’un médecin dont le cadavre sauvagement massacré est retrouvé au cœur d’un parc en périphérie de la cité. Avec l’aide de son ami l’inspecteur Mariani, Michel Rod va tenter de débrouiller l’écheveau complexe d’une vengeance qui tourne vite au jeu de massacre et c’est dans l’univers sordide d’une bande de bourgeois aux mœurs dissolues qu’il trouvera peut-être la réponse.
Même s’il joue parfois trop sur les expressions locales, il faut saluer la qualité d’écriture délicate de Daniel Abimi qui parvient à nous immerger dans les méandres d’une bourgeoisie qui tente de tromper son ennui au gré de partouzes sordides sans pour autant forcer le trait. Un peu à la manière de Claude Chabrol, l’auteur nous décrit, sur un ton détaché et sardonique, ce petit monde lausannois où tout le monde se connaît et s’observe avec une morgue assassine. Il y a pourtant un certain déséquilibre dans ce récit où le nombre de meurtre (plus d’une dizaine), comme pour mieux relancer l’histoire, frise le grotesque et le guignolesque. Observation d’une société ou fresque burlesque, le lecteur peine à se situer dans ce récit oscillant parfois involontairement entre le premier et le second degré. C’est bien dommage.
Ce déséquilibre on le retrouve également dans le portrait des personnages qui jalonnent le roman. On appréciera l’humanité de Michel Rod et de son ami Emile qui au travers de leurs failles affectives donnent une tonalité encore plus sombre à cette ville peuplée d’âmes solitaires en quête d’amour. L’auteur ne cède d’ailleurs pas aux mirages de la rédemption ou d’une quelconque qualité qui pourrait nous donner l’envie d’apprécier le personnage principal. Pétrit de défauts et de travers, Michel Rod promène sa grasse carcasse et son mal de vivre en enquêtant parfois de manière plus que maladroite sur la vie de son entourage sans pour autant s’en intéresser complètement. Détacher de tout, sans le moindre idéal, Michel Rod est l’anti-héro parfait. C’est le paradoxe de ces personnages fort bien élaborés qui mettent en exergue les autres protagonistes de ce récit qui virent à la caricature à l’instar de ce promotteur immobilier qui est pourtant l’une des pièces maitresses du roman, sans parler des truands qui semblent sortis d’un film de Tarantino.
Présentée comme un guide touristique, la ville de Lausanne peine à touver ses marques dans ce récit. Il ne suffit pas de décliner une succesion d’établissements ou de rues pour faire de la cité une espèce de personnage qui donnerait du relief au roman. A quelques exceptions, comme la description des différentes diasporas qui la constitute, la ville reste en marge d’une histoire qui peine à convaincre.
Parfois brouillon dans sa trame narrative, Le Dernier Echangeur souffre d’un manque de consistance de l’auteur qui peine à se prendre au sérieux. Entre Ken Bruan et James Ellroy il faut parfois choisir ou posséder suffisement de talent pour parvenir à concilier les deux. Mais qu’à cela ne tienne, Le Dernier Echangeur servira d’introduction à l’excellent second roman de Daniel Abimi, intitulé, Le Cadeau de Noël qui fera l’objet d’une prochaine chronique.
Daniel Abimi : Le Dernier Echangeur. Edition Bernard Campiche 2009.
A lire en écoutant : César Franck : Piano Quintet in F Minor, M. 7 : III. Idil Biret & London String Quartet. 2010 Idil Biret Archive.
T’es pas vraiment un écrivain. Tu n’as écrit que des polars. Qu’à cela ne tienne on va te sortir du ghetto. On va t’extraire, t’extirper de la fange. Tu vas paraître enfin dans la lumière. T’es dans le trend mon ami. Un récit qui se déroule peu après la première guerre mondiale. T’as même pas idée. En plein Centenaire tu vas passer sans problème. T’es dans l’actualité coco ! Même Céline avec son voyage s'inclinerait pour te céder la place. C'est couru d'avance !

Une nouvelle fois, Adrian McKinty mêle habilement fiction et réalité en évoquant également la guerre des Malouines, la fermeté du gouvernement Tatcher et les chances de l’équipe d’Irlande du Nord lors de la coupe du Monde de 1982, le tout saupoudré d’une bande sonore détonante qui agrémente tous les chapitres du roman. Hormis la qualité narrative, c’est bien évidemment l’humour parfois corrosif du sergent Sean Duffy qui donne cette tonalité si particulière au récit. Un personnage attachant qui n’est pas sans rappeler le célèbre détective Philip Marlowe au regard de sa solitude, de sa loyauté tenace et de son penchant pour les boissons alcoolisées. Mais contrairement au personnage de Chandler, Adrian McKinty plonge son héro dans des situations si inextricables qu’elles ne peuvent pas être sans conséquence néfaste comme le démontrera l’ultime chapitre qui laisse peu d’espoir quant au devenir du sergent Sean Duffy. C’est avec ces dernières pages que l’on saisira tout le talent d’un auteur qui sait mettre en perspective la tragédie quotidienne d’habitants qui n’ont plus aucun espoir et la vaine action de policiers enchaînés dans une spirale de violence sans fin.
S’il ne pensait pas à Ramuz, Joseph Incardona avait probablement en tête l’œuvre d’un autre romancier lorsqu’il a écrit ce thriller. Un écrivain en panne d’inspiration, isolé dans la montagne avec femme et enfant, ça ne vous rappelle rien ? Si vous ne trouvez pas, vous découvrirez la réponse dans Lonely Betty, autre roman de Joseph Incardona qui se déroule dans le Maine le soir de Noël et qui narre le dernier jour de Betty, une institutrice retraitée et centenaire. Soixante ans après la disparition de trois enfants, Betty s’apprête à faire des révélations surprenantes qui concernent un de ses anciens élèves devenu célèbre. Un magnifique hommage qui se lit d’une traite.