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rivages - Page 2

  • Stuart Neville : Collusion. Dans le brasier de la rédemption.

    stuart neville,ireland,collusion,fantôme belfast,rivagesPour aborder Collusion, dernier opus de Stuart Neville, il apparaît absolument nécessaire de lire son premier roman, les Fantômes de Belfast, chroniqué ici, afin de comprendre le déroulement de cette histoire qui se déroule trois mois plus tard en reprenant les mêmes personnages.

     

    Le roi de la pègre Bull O’Keane s’est peu à peu remis de sa confrontation avec le terrible ex tueur de l’IRA Gerry Fegan. Désormais paralysé, il veut éliminer tous les protagonistes qui ont été témoin de sa déchéance. Pour cela, il a engagé un prédateur terrifiant, surnommé le Voyageur qui va accomplir ce terrible travail en traquant notamment la petite Ellen en fuite avec sa mère. De cette manière Bull O’Keane compte bien attirer Gerry Fegan dans les mailles de son filet et accomplir sa vengeance. 

     

    Si une suite des Fantômes de Belfast ne s’avérait pas vraiment utile, on peut saluer l’auteur qui a su mettre au second plan les personnages principaux de son premier roman pour mettre en avant deux nouveaux personnages qui donnent à ce dernier récit toute sa saveur. Nous découvrirons donc, ce policier, Jack Lennon, père de la petite Ellen qu’il a refusé de reconnaître du fait que la mère était protestante. Bourré de remord, il va tout faire, au travers de son enquête pour retrouver et protéger cette fille qu’il n’a jamais connue. C’est à travers lui que s’articule la majeure partie du roman. Pour supplanter un héro terrifiant comme Gerry Fegan, il lui fallait un alter ego absolument abominable comme le Voyageur. Finalement il s’agit du personnage central du livre qui lui donne d’ailleurs toute son amplitude. Un sociopathe de la pire espèce qui n’a absolument aucune considération pour la vie humaine, ne serai-ce que la sienne. Même blessé, il préfère poursuivre ses proies plutôt que de se faire soigner. C’est dans cette vulnérabilité qu’apparaît l’inhumanité de ce psychopathe terrifiant qui occupera une place de choix dans la galerie des méchants qui ont émaillé les pages du polar et du roman noir.

     

    Dans Collusion, Stuart Neville se concentre principalement sur l’histoire de traque pour délaisser l’aspect politique et social de la ville de Belfast ce qui donne beaucoup moins de relief à ce récit qui n’en demeure pas moins extrêmement prenante et c’est la thématique de la rédemption qui prendra tout son sens dans un final flamboyant.

     

    Personnage très discret dans le récit, c’est désormais la jeune Ellen qui amène un petit côté fantastique à ce récit. Néanmoins, l’équilibre entre le fantastique, le roman noir et le thriller est beaucoup plus maîtrisé et font de Collusion un roman extrêmement bien ficelé que vous aurez du mal à lacher.

     

    Stuart Neville : Collusion. Editions Rivages/Thriller 2012. Traduit de l'anglais (Irlande) par Fabienne Duvigneau.

    A lire en écoutant : Theme from Harry’s Game. In a Lifetime / Best of Clannad. BMG UK & Ireland ltd 2003.

  • CHRISTIAN ROUX : L’HOMME A LA BOMBE. DEFLAGRATION EXPRESS !

    christian roux,l'homme à la bombe,rivagesLes crises ont  toujours été un terreau fertile pour les analystes économiques et les auteurs de romans noirs et celle qui secoue l’Europe actuellement ne déroge pas à la règle. Délaissons la première catégorie avec leurs sempiternelles théories cycliques teintées de la seule valeur absolue qui transparaît dans leurs propos : l’incertitude, pour nous pencher sur la seconde catégorie, vers ceux qui nous racontent les actes extrêmes d’hommes et des femmes plongés dans le chaos économique. Parmi ces auteurs, il y a Christian Roux qui vient de publier son dernier roman, L’Homme à la Bombe.

     

    La vie de Larry n’est plus qu’une succession d’entretiens d’embauche aussi mornes qu’infructueux. Il ne supporte plus ces hommes, ces femmes qui lui font face et ces rituels conventionnels qui ne débouchent sur rien. Pour détruire cette mécanique relationnel de façade, Larry décide de fabriquer une bombe. Bien sûr, il ne s’agit pas d’un véritable engin explosif, mais lui seul le sait. Et même s’il s’agit d’une folie, cet ancien ingénieur s’en moque éperdument car il n’a plus rien à perdre. Un mariage insipide qui se délite au rythme des rentrées d’argent de plus en plus rare, une vie sociale qui s’est dissoute à l’instant même où il a perdu son emploi, Larry est désormais seul avec sa bombe, l’image évanescente de sa fille et le souvenir d’un amour passé qui s’est terminé tragiquement. Après avoir tenté l’expérience et semé la panique lors d’une de ces entrevues stériles, Larry décide d’aller plus loin en braquant une banque. Il y rencontrera Lu, jeune fille explosive, qui elle également, accompagnée de trois complices, braque le même établissement que Larry. Un couple improbable se forme et les deux comparses s’enfuient en sillonnant toutes les régions d’une France désenchantée.

     

    Sur la base d’un canevas classique, la fuite éperdue d’un couple d’amants terribles, que l’on peut retrouver dans les romans de Jim Thompson, Christian Roux a truffé son récit de toute une série d’anti cliché qui donne cette saveur particulière à une histoire qui claque comme un coup de feu. Un livre très court, dans lequel l’auteur se concentre sur l’essentiel, à savoir Larry, pour nous décrire les réflexions d’un homme emporté par des événements qui le dépasse. Afin de condenser le récit, les autres personnages sont relégués au plan secondaire mais n’en demeure pas moins représentatif d’un pays qui ne compte plus ses ombres cabossées par la vie. Plus qu’une fable sociale, L’Homme à la Bombe est une trajectoire tragique qui conduira Larry vers un destin que l’on devine funeste et que Christian Roux déclinera sur un ultime clin d’œil plein d’ironie.

     

    Dans une dédicace l’auteur rend hommage à Jim Thompson et David Goodis, qui lui ont ouvert les portes du roman noir. Mais bien plus que ces deux immenses écrivains c’est à Manchette que l’on pense car tout comme Georges Gerfaut, antihéros du Petit Bleu de la Côte Ouest, Larry est un homme de son temps et de son espace.

     

    Christian Roux : L’Homme à la Bombe. Editions Rivages/Noir 2012.

    A lire en écoutant : La Bombe Humaine. Téléphone. Album : Crache ton Venin/EMI 1979.

  • JAMES LEE BURKE : SWAN PEAK, L’OUBLI DANS LA GRANDEUR DE LA NATURE.

    swan peak,rivages,james lee burke,robicheaux,purcell,montanaIl aura fallu un ouragan pour que Dave Robicheaux, sa femme Molly et son inénarrable compagnon Clete Purcell quittent momentanément les terres submergées de la Nouvelle Orléans et de New Ibéria pour se ressourcer dans l'ouest du Montana. Loin de trouver le repos, les deux compères se retrouvent aux prises avec les frères Wellstone, riches propriétaires terriens entourés de personnages patibulaires qui ont jadis frayé avec la mafia. Les fantômes du passé ressurgissent alors qu'un tueur en série sévit dans la région, tandis qu'un prisonnier fugitif, traqué par un gardien inquiétant, tente de retrouver sa petite amie désormais mariée à l'un des frère Wellstone. Des passés obscurs, des rancœurs enfouies et des faits divers terrifiants vont semer le trouble dans la région.

     

    En Louisiane ou dans le Montana, on se complaît dans les atmosphères envoutantes des récits de James Lee Burke car cet auteur de talent parvient toujours à nous séduire que ce soit par ces descriptions lyriques d'une nature somptueuse ou par le charme de personnages qui deviennent toujours plus complexes au fil de ses ouvrages.

     

    Swan Peak ne déroge pas à la règle, bien au contraire. Il s'agit de l'un des romans le plus abouti de ce grand écrivain. Toutefois n'espérez pas trouver d'intrigues tarabiscotées ou de grandes doses d'adrénaline dans ce 17ème opus des aventures de Dave Robicheaux. L'histoire s'installe tranquillement comme une de ces rivières du Montana où l'on aime à pêcher à la mouche, un rythme fait de quiétudes et de sursauts à l'ombre des Mission Mountains. Certains pourront reprocher l'attitude très en retrait des personnages principaux qui deviennent presque spectateur des trames qui se jouent tout autour d'eux, mais on ne pourra qu'apprécier l'ambiguïté et les contrastes des acteurs secondaires qui prennent le devant de la scène en renouvelant ainsi la structure usuelle des récits de James Lee Burke.

     

    L'action se déroule donc non loin de Missoula qui est également le second lieu de résidence de l'auteur et qui semble être devenue la Mecque de bon nombre d'écrivains nord-américains, comme feu James Crumley, Richard Ford, Thomas McGuane et Jim Harrison. Ce n'est d'ailleurs pas la première incursion dans cet état, puisque James Lee Burke avait déjà fait évoluer le personnage de sa seconde série, Billy Bob Holland, dans la région avec Bitterrott.

     

    En toile de fond, il y a toujours cette inquiétude pour la préservation d'une nature qui semble menacée par les feux de forêts, les mines à ciel ouvert et l'exploitation du pétrole ainsi que la problématique de l'élevage intensif. Et puis on retrouve cette lutte permanente des personnages principaux qui tentent de refréner la résurgence de leurs démons intérieurs en cherchant en vain l'endroit idéal pour déposer les bagages encombrants d'un passé qu'ils ne peuvent oublier.

     

     

    James Lee Burke : Swan Peak. Editions Rivages / Thriller 2012. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Christophe Mercier.

     

    A lire en écoutant : One Time One Night - Los Lobos - Wolf Track : The Best of Los Lobos. Rhino 2006.

     

     

  • Giorgio Scerbanenco, Les Enfants du Massacre, tragique jeunesse

    9782743622831FS.gifLorsque j'avais lu la première version des Enfants du Massacre de Giorgio Scerbanenco, édité dans la collection 10/18 Grands Détectives, j'avais été frappé par l'actualité du sujet et par la modernité du texte, car il faut savoir que ce roman avait été écrit en 1968. Il s'agissait de l'avant-dernier opus de la série mettant en scène Duca Lamberti.

    Drôle de parcours pour ce personnage radié de l'Ordre des médecins et condamné à trois ans de prison pour euthanasie après avoir cédé à la demande d'une patiente souffrant d'un cancer en phase terminale. Au fil des récits, Duca Lamberti passera par le statut d'enquêteur privé,  avant d'intégrer la Questure de Milan avec l'appui du Commandant Carrua. Malgré son statut de policier, ses collaborateurs persisteront à l'appeler Dottore faisant preuve d'un immense respect pour cet homme atypique.

    Beaucoup considèrent les Enfants du Massacre comme étant le meilleur roman de la série et je ne peux que confirmer ce choix. L'histoire débute dans une salle de classe déserte devenue la scène d'un crime abominable et abjecte après qu'une enseignante aient été violée et massacrée par ses 11 élèves du cours du soir. Bouleversé, Duca Lamberti va procéder à l'interrogatoire de ces jeunes adolescents en rupture sociale pour établir la responsabilité de chacun. La loi du silence va rendre son travail difficile et il devra faire preuve de tout son talent d'enquêteur pour établir la vérité qui n'est pas forcément celle que l'on croit. Enquête d'autant plus difficile pour Duca Lamberti qui sera confronté à la douleur de la perte de sa nièce âgée de 2 ans.

     

    Bonne idée pour Rivage/Noir d'avoir réédité la série Duca Lamberti qui bénéficie d'une nouvelle traduction. La trame sociale reste toujours le moteur principal des récits avec en toile de fond cette violence terrifiante au cœur d'une Italie en pleine expansion. La modernité du texte provient également de sujets très forts, comme la délinquance juvénile, que Scerbanenco dénonçait déjà dans les années 60 et qui reste toujours un des sujets principales de l'actualité.

     

    Il y a aussi cette grande ville de Milan, monstre tentaculaire, que Scerbanenco s'attache à nous décrire au fil de ses romans. La cité, personnage à part entière, tantôt attachante, tantôt repoussante, mais toujours pleine d'un certain charme mélancolique devient le théâtre tragique des enquêtes de Duca Lamberti.

     

    Dans la foulée, Rivage/Noir a également édité le dernier récit des enquêtes de Duca Lamberti, les Milanais Tuent le Samedi qui, sans être du même calibre que les Enfants du Massacre, reste un roman extrêmement sombre qui traite de la problématique de la prostitution avec la disparition et la mort d'une jeune femme souffrant d'une déficience mentale.

     

    Venus Privée et Ils Nous Trahirons Tous, sont les deux premiers romans de la série Duca Lamberti et ont également été réédité aux éditions Rivages/Noir. Sombres intrigues, société en pleine mutation, crimes sordides, ce sont les principaux éléments des récits de Giorgio Scerbanenco qui font que cet auteur est devenu l'un des grands maîtres du polar italien.

     

    Planqués au fond des rayonnages les plus élevé de ma bibliothèque j'ai eu tout de même du plaisir à retrouver les éditions 10/18 de ces 4 romans dont la typographie surannée rend le texte peu lisible. Souvenir de lecture de jeunesse, on ne peut que saluer l'initiative des éditions Rivages/Noir d'avoir remis au goût du jour ce magnifique auteur de polar.

     

    Bonne année et bonnes lectures

     

    Giorgio Scerbanenco : Les Enfants du Massacre. Editions Rivages/Noir 2011. Traduit de l'italien par Gérard Lecas.

    A lire en écoutant : Madre Terra, Madre Perla de Ricardo del Fra. Album : Roses an Roots/MFA 2004.

     

     

  • SEAN DOOLITTLE : RAIN DOGS, OÙ S’ECHOUENT LES ÂMES BRISEES ?

    sean doolittle,rain dogs,tom waits,rivagesSi vous me demandez la raison pour laquelle j'ai acheté Rain Dogs, je ne vous ferai pas de réponses alambiquées en prétendant avoir fait un examen complexe pour dégotter un bon polar. Ce livre a piqué ma curiosité tout simplement parce qu'il porte le même titre qu'un album de Tom Waits datant des années 80 et que les chansons cabossées du chanteur à la voix rauque pouvaient correspondre aux fêlures du personnage principale de Sean Doolitle. De toute manière avec un roman édité aux éditions Rivages/Noir, je ne prenais pas de gros risques en matière de déconvenue.

     

    Après la mort de sa petite fille et le départ de sa femme, Tom Coleman, ancien journaliste à Chigago, est un homme qui ne trouve le réconfort que dans le fond d'une bouteille d'alcool. En reprenant une petite exploitation de location de canoës, perdue au fin fond du Nebraska, héritée de son grand-père, il n'aspire qu'à s'enterrer d'avantage dans son chagrin. Mais panser ses plaies en retournant sur les lieux de son enfance n'est pas une chose aisée, surtout lorsque l'on retrouve son amour de jeunesse. Elles les sont d'autant moins lorsque, à proximité du domaine, explose un laboratoire de came clandestin et que des flics ripoux s'en prennent à l'un de ses employés. Ces magnigances ne vont qu'attiser la curiosité de l'ancien journaliste d'investigation et tant pis s'il le fait à ses propres risques et périls.

     

    On pourrait reprocher le style très classique de Rain Dogs, mais c'est ce qui en fait sa force. Exit les intrigues tarabiscotées et les rebondissements douteux. Avec Rain Dogs on retrouve le classicisme du polar nord-américain dans ce qu'il a de plus noble et de plus efficace. Chaque mot est pesé avec soin, les dialogues sont forts bien construits et cette efficacité dans l'écriture nous permet de nous plonger dans ce coin perdu du Nebraska où, au travers des superbes descriptions de l'auteur, l'on se surprend à deviner les tumultes de la rivière dissimulée derrière un bouquet de chênes noueux et de pins odorants. Une histoire simple, des personnages familiers, cela pourra dérouter plus d'un lecteur bien trop habitué aux récits sophistiqués de certains auteurs plus soucieux du nombres d'exemplaires écoulés que de la qualité de leurs textes.

     

    C'est dans les liens qui unissent les personnages que l'on trouvera l'émotion à fleur de peau qui caractérise Rain Dogs et l'on frissonnera particulièrement avec cette relation posthume entre un grand-père et son petit-fils pouvant évoquer une enfant que la maladie a emporté bien trop rapidement. En guise d'introduction au récit, il y a cette du lettre du vieil homme qu'il adresse à son petit-fils. A elle seule, elle donne un avant-goût de la sobriété talentueuse d'un écrivain méconnu, mais bourré de talent.

    « Thomas,

    Aujourd'hui tu enterres ta petite. J'imagine que tu as le cœur brisé et je suis bigrement désolé. J'aimerais te dire que j'aurais aimé être là, mais en fait, non. Plus le temps passe, et moins je supporte les gens. Je suppose que cette rivière est probablement ce qu'il y a de mieux pour un vieux chien sans collier comme moi. Peut-être que tu ne voudras rien avoir à faire avec cet endroit. De toute manière, la terre, les bâtiments et le camion sont à toi. Fais en ce que tu veux. Peu importe, moi je suis sous terre. Pas grand-chose à ajouter. Bonn chance fiston.

    Parker Coleman »

     

    Où vont s'échouer les âmes brisées ? Probablement au bord d'un rivière perdue au cœur du Nebraska. Sean Doolittle : un nom à retenir.

     

     Sean Doolittle : Rain Dogs. Editions Rivages/Noir 2011. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Sophie Aslanides.

    A lire en écoutant : Tom Waits : Jockey Full Of Bourbon / Album : Rain Dogs / Island Records 1985.

    Tom Waits : Jersey Girls / Album : Heartattack and vine / Asylum Records 1980.