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  • DAVID JOY : NOS VIES EN FLAMMES. GENERATIONS PURDUE

    david joy,nos vies en flamme,sonatineAux Etats-Unis, on parle désormais de crise, voire même d'épidémie des opioïdes pour évoquer le désastre sanitaire déferlant depuis près d'une vingtaine d'années sur le pays, en faisant référence à la surconsommation, avec ou sans prescription, de médicaments incorporant cette substance dont les fameux OxyContin, Vicodin et Fentanyl provoquant une impressionnante vague de surdoses meurtrières avec des consommateurs qui se sont tournés notamment vers l'héroïne pour pallier des addictions dont ils étaient victimes avec ces comprimés. Un thème abordé dans la série Dopesick dont l'action se déroule en Virginie du Sud, dans les Appalaches au cœur d'une région particulièrement touchée par le phénomène à l'instar de la Caroline du Nord où vit le romancier David Joy qui situe l'ensemble de son œuvre dans le comté de Jackson où il est principalement question de pauvreté et de dépendance aux narcotiques, deux problèmes endémiques étroitement liés. Comme il l'a souvent expliqué, David Joy n'écrit sur rien d'autre que ce qu'il connaît et l'entoure comme ce fut le cas notamment avec son premier roman Là Où Les Lumières Se Perdent (Sonatine 2015) où l'on appréciera cette écriture à la fois dense et épurée qui le caractérise et que l'on retrouvera dans Le Poids du Monde (Sonatine 2017) et Ce Lien Entre Nous (Sonatine 2018). C'est donc en l'espace de trois ouvrages que David Joy est devenu l'une des grandes voix de l'Amérique du Nord avec des récits d'une grande noirceur, imprégné d'une tragédie évoluant dans le milieu de la toxicomanie comme c'est d'ailleurs le cas avec Nos Vies En Flammes où les incendies ravageant les forêts du comté deviennent l'allégorie de vies consumées par la consommation de stupéfiants.

     

    Vivant isolé, à l'orée d'un bois d'où il peut entendre les cris des coyotes, Ray Mathis, un vieux colosse au crépuscule de sa vie, entretient le souvenir de sa femme défunte dans son humble demeure régulièrement visitée par son fils, unique membre de la famille qu'il lui reste. Désespérément accro à l'héroïne, le jeune homme dépouille la maison de son père de tout ce qu'il peut revendre pour assouvir son vice. Mais un soir, Ray reçoit l'appel d'un dealer réclamant son dû en échange de la vie de son rejeton. S'acquittant de la dette, le vieil homme exige que l'on cesse de fournir son fils en héroïne. Une exigence qui restera vaine en poussant ainsi Ray sur le chemin de la révolte, bien décidé à faire sa propre justice. Un embrasement de colère faisant écho à ces incendies qui ravagent les forêts environnantes, symboles d'un pays sur le déclin.

     

    Outre le fait d'être romancier, David Joy écrit parfois quelques articles sur l'american way of life en confiant ses expériences que ce soit dans le domaine des armes à feu ou sur ce qui a trait à la pauvreté et à la délinquance dans sa contrée des Appalaches. Vous trouverez donc en forme de postface dans Nos Vies En Flammes, un article intitulé "génération opioïde", publié au printemps 2020 dans la revue America qui traite de "ces enfants dont les premières drogues qu'ils ont prises étaient prescrites par des médecins" avec l'assentiment des grands laboratoires pharmaceutiques à l'instar de l'entreprise Purdue Pharma qui s'est ingéniée à minimiser les risques d'addiction de ses médicaments à base d'opioïde. Lire un tel article permettra aux lecteurs de mettre en perspective les récits tragiques d'un auteur qui dépeint son environnement à la manière d'un naturaliste talentueux restituant l'atmosphère de son environnement social dramatique ainsi que le faste de cette nature sauvage qui l'entoure.

     

    Même si elle est omniprésente, il n'y a jamais d'excès dans la violence que David Joy décline dans ses romans à la fois âpres et somptueux. Elle devient l'essence de l'ensemble de ses intrigues étroitement liées à la pauvreté d'une région où les habitants entretiennent tout de même un esprit de solidarité afin de lutter contre les afflictions qui frappent une population particulièrement vulnérable. On en prend la pleine mesure avec Nos Vies En Flammes et plus particulièrement au travers du désarroi de Ray Mathis qui observe son entourage s'embraser tout comme les forêts environnantes. Mais plutôt que la résignation, c'est désormais le sentiment de révolte qui habite ce personnage central qui va lutter à sa manière contre ceux qui ont détruit la vie de son fils Ricky. En parallèle, on découvrira les contours d'une enquête policière se focalisant sur le Supermarché, surnom donné à un conglomérat de mobile homes délabrés qui servent de point de deal à l'ensemble des toxicomanes de la région. Situé sur une réserve indienne, le lieu donne l'occasion à David Joy d'évoquer tout l'aspect dramatique du sort réservé aux amérindiens vivant en autarcie grâce notamment à l'apport économique d'un casino qui blanchit l'argent de la drogue. Malgré cet apport, on découvre une population tout aussi fragilisée que celle du comté de Jackson et dont un certain nombre de jeunes qui ont sombré dans les méandre de l'addiction aux stupéfiants à l'instar de Denny tentant de lutter contre ses démons du mieux qu'il peut. 

     

    Avec Nos Vies En Flammes, on retrouve donc toute la ferveur vibrante de David Joy pour sa région et qui décline cette ambivalence entre une nature somptueuse qui se consume et une galerie de personnages qui charrient leur désespoir dans un quotidien offrant, en dépit de tout, quelques maigres lueurs d'optimisme au gré d'un roman noir chargé d'émotions. 

     

    David Joy : Nos Vies En Flammes (When These Mountains Burn). Editions Sonatine 2022. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau.

    A lire en écoutant : Play It All Night Long de Drive-By Truckers. Album : The Fine Print. 2009 New West Records.

  • Simone Buchholz : Béton Rouge. Encagés.

    simone Buchholz, collection fusion, éditions atalante, béton rougeDepuis quelques années, on ne peut que se réjouir de la place de plus en plus prépondérante qu'occupent désormais les romancières dans le domaine de la littérature noire. Bien plus qu'une simple histoire de quota, on observe surtout avec ces romancières l'apparition d'héroïnes qui n'auraient pu, sans nul doute, ne voir le jour que sous la plume d'une femme s'interrogeant sur la place qu'elle occupe au sein de notre société tout en dénonçant certaines dérives qui ont bousculé les devants de l'actualité. Il peut s'agir tout simplement d'une question de look, mais également de rapport avec l'alcool ou de positionnement quant à l'absence de désir de maternité à l'instar de Ghjulia Boccanera, cette détective privée libertaire et haute en couleur émergeant de l'écriture affûtée de Michèle Pédinielli, romancière désormais aguerrie qui bouscule l'air du temps à coup de récits engagés. Dans un registre similaire, on apprécie désormais la singularité du profil de la procureure Chastity Riley, officiant à Hambourg, que l'on a découvert avec Nuit Bleue, première publication de la collection Fusion nous proposant polars et romans noirs aux entournures atypiques pour le compte de la maison d'éditions l'Atalante. Avec une écriture parfois laconique, toujours précise et surtout imprégnée d'une certaine forme de poésie, sa créatrice Simone Buchholz  décline une nouvelle fois tout le charme de sa ville de Hambourg et plus particulièrement de son quartier populaire de Sankt Pauli en nous invitant à retrouver sa magistrate "destroy" dans Béton Rouge, dernier opus d'une série détonante.

     

    A Hambourg, non loin du Bismarckdenkmal, on signale une cage déposée devant l'entrée de l'immeuble abritant les bureaux de Mohn & Wollf, un grand groupe d'éditions propriétaire de nombreux titres de presse. Dans la cage, on découvre le corps dénudé d'un homme portant de nombreux stigmates laissant à penser que l'individu déboussolé a été torturé. Toujours chargée de la protection des victimes, l'enquête échoit à la procureure Chastity Riley qui sera secondée d'Ivo Stepanovic du bureau des Affaires spéciales. Licenciements économiques implacables semblent dicter la logique de cette grande entreprise qui peut compter sur le management impitoyable d'un service RH tout acquis à la cause financière du groupe. Le mobile paraît donc assez clair. Mais une seconde victime découverte dans des conditions similaires va orienter les deux enquêteurs du côté de la Bavière en mettant à jour les carences d'un pensionnat pour enfants où la maltraitance entre jeunes résidents semble être devenu la norme.

     

    Tout est étonnant avec Simone Buchholz s'ingéniant à nous surprendre avec une écriture acérée qui rythme la singulière brièveté de chapitres aux titres évocateurs où chacune des phrases semblent avoir été construite en choisissant soigneusement chaque mot résonnant avec l'efficacité, mais également la poésie d'un haïku. Tout comme Bleu Nuit, on retrouve dans Béton Rouge le groupe d'amis qui accompagne Chastity Riley en lui conférant ainsi un supplément de personnalité dont on découvre les contours au gré de ses échanges prenant parfois la forme de conversations SMS, comme c'est le cas avec Faller, son mentor, et qui ne sont pas moins révélateur de l'état d'esprit d'une procureure qui ne cesse de se remettre en question. Des rapports qui prennent parfois une tournure surprenante comme ceux qu'elle entretient avec Klatsche qui va d'ailleurs remettre en question leur relation au cours d'une discussion intense et bouleversante confirmant le talent d'une romancière qui sait distiller subtilement l'émotion de ses personnages à fleur de peau.

     

    Au rythme d'une intrigue concise, Béton Rouge s'articule autour du thème de la maltraitance d'enfants que Simone Buchholz aborde avec beaucoup de pudeur sans s'étaler sur le côté sordide des faits qui se suffisent à eux-mêmes. Sans édulcorer, la romancière sait parfaitement appuyer là où cela fait mal, tout comme elle le démontre d'ailleurs en évoquant le démantèlement de la presse qui devient de moins en moins rentable, autre sujet que traite Simone Buchholz dans Béton Rouge, ceci de manière assez frontale avec des bourreaux transposant leur "savoir-faire" dans le domaine du management. Nouveau venu dans l'entourage de Chastity Riley, le lecteur appréciera la dynamique qui s'instaure entre Chastity Riley et Ivo Stepanovic lors de leur périple en Bavière qui nous donne l'occasion de découvrir une autre partie de l'Allemagne. Mais il va de soi que c'est la ville de Hambourg qui est célébrée au gré des pérégrinations d'une procureure mélancolique dont le spleen déteint sur la cité, ou inversement, jusqu'à opérer une sorte de fusion qui nous permet de découvrir les multiples facettes de la ville tout comme celles de Chastity Riley, personnage au charme indéniable. 

     


    Simone Buchholz : Béton Rouge (Beton Rouge). Editions L'Atalante, collection Fusion 2022. Traduit de l'allemand par Claudine Layre.

    A lire en écoutant : Holding On de Gregory Porter. Album : Take Me To The Alley. 2016 Gregory Porter.

  • HUGUES PAGAN : LE CARRE DES INDIGENTS. LA MISERE DU MONDE.

    Capture d’écran 2022-01-16 à 14.48.50.pngAfin d'amorcer la rentrée littéraire sous les meilleurs auspices, les éditions Rivages/Noir ont pris pour habitude de convoquer en début d'année l'un des ténors de leur prestigieuse collection comme cela avait été le cas en 2021 avec Hervé Le Corre qui publiait Traverser La Nuit, un roman d'une noirceur latente dont chacune des pages est imprégnée d'une humanité saisissante émanant de personnages bouleversants. Pour cette année, c'est Hugues Pagan qui revient sur le devant de la scène, pour notre plus grand plaisir, avec Le Carré Des Indigents signant ainsi le retour de l'inspecteur Schneider. Il importe de souligner que l'on découvrait ce personnage dans La Mort Dans Une Voiture Solitaire (Rivages/Noir 1992), premier roman de l'auteur publié en 1982 dans la défunte collection Engrenage de Fleuve Noir. Avec un sort scellé au terme du récit, la série Schneider prend dès lors la forme d'une remontée dans le temps avec Vaines Recherches (Rivages/Noir 1999) dont l'action se déroule en 1982. Après un silence d'une vingtaine d'année où il travaille comme scénariste pour des séries télévisuelles comme Police District, Mafiosa ou Nicolas Le Floch, Hugues Pagan reprend son personnage de Schneider que l'on retrouve en 1979 dans Profil Perdu (Rivages/Noir 2018). Au cours d'un récit débutant en novembre 1973, Hugues Pagan poursuit donc sa remontée dans le temps avec Le Carré Des Indigents, dont l'intrigue est imprégnée d'une atmosphère de fin de règne de l'ère Pompidou qui colle parfaitement à l'ambiance d'un roman noir captant cette misère quotidienne des petites gens. 

     

    En novembre 1973, l'inspecteur principal Claude Schneider est de retour dans la ville de sa jeunesse en trimbalant les stigmates de la guerre d'Algérie dont il revient avec le grade de lieutenant assorti d'une légion d'honneur qu'il se refuse de porter. Un tournant dans sa carrière de policier qu'il aurait pu poursuivre à Paris au sein de brigades prestigieuses. Mais en intégrant le "Bunker", nom désignant l'hôtel de police de l'agglomération, il prend la tête du Groupe criminel et se retrouve confronté à la disparition de Betty, une jeune fille sans histoire dont son père, un modeste cheminot, est sans nouvelle depuis plusieurs jours ce qui n'a rien d'habituel. Les deux hommes, sans illusion, partagent le même pressentiment, pour eux il ne fait aucun doute que Betty est morte. Et les faits ne vont pas tarder à leur donner raison avec le signalement d'un cadavre découvert à l'extérieur de la ville. Schneider a beau être flic, il ne s'habitue pas à la mort ceci d'autant plus lorsqu'il s'agit d'une adolescente de 15 ans dont le visage de chaton orne désormais le tableau mural de son bureau. Mais au-delà de la résolution de l'affaire, il ne reste que les souvenirs et les regrets dont on ne se remet jamais vraiment et qui vous collent à la peau comme un vieil imperméable trop étriqué dont on ne peut plus se débarrasser.

     

    Quand on lit Le Carré Des Indigents on ne peut s'empêcher de se référer, sur le fond, à La Misère Du Monde de Bourdieu, tant Hugues Pagan parvient à saisir l'indigence de ces petites gens qu'il dépeint avec un réalisme saisissant que l'on retrouve également dans le quotidien de ces policiers dont il a fait partie durant de nombreuses années et qui ne l'ont pas empêché de jeter un regard critique sur le métier comme c'est d'ailleurs le cas avec ce roman dénonçant notamment les descentes de la police à l'encontre des indigents qui dérangent les notables et les édiles de la ville. On retrouve ce réalisme, cette humanité dans les rapports qu'entretient Schneider avec André Hoffmann, père de la victime, et tout son entourage au cours des repas avec la famille qui se réunit autour du souvenir de Betty. Ce sont ces instants qui donnent encore davantage de dimension au personnage central de Schneider, dont le caractère mutique révèle quelques failles que l'on décèle autour de ce fait divers tragique qui touche l'ensemble de l'équipe du Groupe criminelle. Ce réalisme, on en prend également la pleine mesure autour du profil des criminels et des marginaux qui vont intervenir tout au long d'un récit où les affaires, parfois sordides, s'enchainent au gré d'une intrigue habilement construite. Mais au-delà du réalisme qui s'incarne aussi dans le cliquetis des machines à écrire rythmant les interrogatoires, il y a toute cette déclinaison d'émotions que Hugues Pagan distille par le biais d'une écriture à la fois intense et pudique prenant la forme d'un long blues suintant d'une noirceur troublante qui imprègne l'ensemble des personnages. S'entrecroisent ainsi affaires de meurtres et de braquages que l'inspecteur Schneider va démêler avec l'aide d'une équipe soudée qui doit composer avec une hiérarchie autoritaire voyant d'un très mauvais oeil l'attitude charismatique de ce chef de groupe mutique refusant de composer avec ses supérieurs. Tous ces aspects se déclinent donc autour de cet individu emblématique à la séduction discrète et dont les rapports avec les femmes et plus particulièrement l'une d'entre elle va sceller son destin et donner une tout autre dimension à l'ensemble d'une série qu'il faut découvrir impérativement. 

     

    Ainsi, Le Carré Des Indigents nous donne à nouveau l'occasion de nous retrouver au coeur de cette ville du bord de mer qui ne porte pas de nom, pour croiser la route de Schneider, cet inspecteur à la fois emblématique et énigmatique, dont le parcours crépusculaire n'a pas fini de nous séduire. Envoûtant. 

     

    Hugues Pagan : Le Carré Des Indigents. Editions Rivages/Noir 2022.

    A lire en écoutant : Saint James Infirmary Blues interprété par Jon Batiste. Album : Hollywood Africans. 2018 Naht Jona, LLC.

  • Mise au point 2022 : Toujours d'attaque.

    eau rouge.jpgCapture d’écran 2022-01-06 à 18.51.58.pngAu terme de l'année, on découvre dans certaines revues, les classements des dix meilleurs ouvrages publiés durant cette période qui se focalisent sur le nombre d'exemplaires vendus avec, au bout du compte, les sempiternelles têtes de gondole trustant la scène littéraire. Il en va de même pour la littérature noire avec des listes égrenants les best-sellers annuels d'auteurs puisant leur succès dans cet exercice comptable vertigineux et parmi lesquels figure Franck Thilliez qui nous revient avec un préquel de la série Sharko, intitulé sobrement 1991 et que j'ai eu l'occasion Capture d’écran 2022-01-06 à 18.49.21.pngCapture d’écran 2022-01-06 à 18.50.27.pngde lire avec un sentiment de consternation qui ne m'a pas quitté tout au long d'une lecture que j'aurai l'occasion d'évoquer dans une chronique prochaine. Mais pour en revenir à ces classements, loin d'être décourageants ceux-ci donnent davantage de sens aux démarches des multiples blogs et revues littéraires spécialisés dans le domaine du polar en proposant des ouvrages sortant des sentiers battus afin de vous inciter à farfouiller dans les rayons de vos librairies préférées. Pour vous orienter dans le choix de vos lectures je ne saurais trop vous recommander de consulter quelques sites comme Encore Du Noir de Yan Lespoux, The Killer Inside Me du journaliste Christophe Laurent qui publie de Capture d’écran 2022-01-06 à 18.51.20.pngCapture d’écran 2022-01-06 à 19.04.03.pngnombreux articles consacrés au genre dans Corse Matin, Evadez-moi de Lau Lo, Actu Du Noir de Jean-Marc Laherrère, Passion Polar de Bruno Le Provost, Le Polar De Velda de Catherine Dô-Duc et Fondu Au Noir de Caroline Benedetti et Emeric Cloche pour n'en citer que quelques uns. Vous pouvez également vous abonnez à quelques magazines tels que 813 ou L'Indic qui vous permettront d'affiner vos choix et de découvrir des articles passionnant consacrés à la littérature noire.

     

    Capture d’écran 2022-01-06 à 19.04.40.pngCapture d’écran 2022-01-06 à 19.05.52.pngDurant une année pourtant riche en publications, le blog a connu une certaine léthargie avec à peine plus d'une trentaine d'ouvrages chroniqués, ce qui n'a rien de mirobolant. Contraintes professionnelles et priorités familiales expliquent ce manque de productivité qui a tout de même connu un certain sursaut durant les derniers mois. Une année pourtant riche en surprises avec le retour de quelques ténors de la littératures noire mais également la découverte de primo romanciers talentueux à l'instar de Yan Lespoux qui nous a éblouis avec Presqu'îles son recueil de nouvelles préfacé Capture d’écran 2022-01-06 à 19.06.22.pngCapture d’écran 2022-01-06 à 19.06.44.pngpar Hervé Le Corre dont on a apprécié le dernier ouvrage intitulé Traverser La Nuit. Il faut également évoquer Rosine Une Criminelle Ordinaire, premier roman de Sandrine Cohen. Même s'il n'est pas un débutant, on aura également été époustouflé par L'Eau Rouge, de Jurica Pavičić, avec un premier ouvrage croate traduit en français. Belle surprise également en lisant Les Femmes N'Ont Pas D'Histoire d'Amy Jo Burns, une romancière talentueuse. Il faut également souligner le retour d'Adrien McKinty avec Ne Me Cherche Pas Demain, troisième  opus des enquêtes de l'inspecteur Sean Duffy. Autre retour très attendu que celui de Lance Weller qui nous a bluffé avec Le Cercueil De Job, un roman époustouflant tout comme Deacon King Kong de James McBride et le détonnant True Story de Kate Reed Petty. 

     


    Capture d’écran 2022-01-07 à 18.33.50.pngCapture d’écran 2022-01-07 à 18.34.12.pngIl faut également saluer la nouvelle collection Fusion au sein de la maison d'éditions de l'Atalante qui a publié deux ouvrages détonnants que sont Nuit Bleue De Simone Buchholz et Clark d'Anouk Langaney. Et puis il y a toujours cet intérêt pour la littérature noire japonaise qu'il faut souligner avec le retour de Tetsuya Honda qui nous propose avec Invisible Est La Pluie, une troisième enquête de la lieutenante Reiko Himekawa, une valeur sûre des éditions Akatombo. Valeurs sûres également avec Agullo et le retour du commissaire Soneri dans La Maison Du Commandant de Valerio Soneri, celui du Kub dans Les Ombres de Wojciech Chmielarz et surtout le dernier roman de Frédéric Paulin qui aura marqué les esprits avec La Nuit Tombée Sur Nos Ames

     

    Capture d’écran 2022-01-07 à 18.34.56.pngCapture d’écran 2022-01-07 à 18.35.38.pngToujours en retard dans mes lectures, j'ai eu le plaisir de découvrir les romans de Michèle Pedinielli avec Boccanera et Après Les Chiens mettant en scène la dynamique détective privée Ghjulia Boccanera surnommée Diou, officiant du côté de Nice. Pour être à jour il me faudra évoquer La Patience De L'Immortel dans une prochaine chronique. 

     

    Du côté de la Suisse, je ne peux que vous recommander de lire La Prophétie Des Cendres de Rafael Wolf et Dans L'Etang De Feu Et De Souffre de Marie-Christine Horn, tous deux publiés chez BSN Press, une valeur sûre en matière de littérature noire helvétique.

     

    Capture d’écran 2022-01-07 à 18.36.47.pngCapture d’écran 2022-01-06 à 19.05.30.pngPour terminer, il ne me reste qu'à évoquer le plaisir que j'ai eu à retourner à Lyon à l'occasion du Quai du Polar ainsi qu'à Toulouse pour le festival des littératures policières Toulouse Polar du Sud qui m'ont permis de retrouver quelques amis et connaissances de ce petit microcosme de la littérature noire qui permet également de faire de nouvelles rencontres lors de soirées mémorables. Pour 2022, outre les deux événements précités, je souhaite également me rendre du côté de Pau à l'occasion du festival Un Aller Et Retour Dans le Noir ainsi que du côté de la Corse à l'occasion de Libri Mondi avec des programmations extraordinaires qui correspondent à mes attentes et intérêts et que je vous recommande de fréquenter si vous en avez l'occasion. 

     


    A lire en écoutant : Across The 110th Street de Bobby Womack. Album : Across The 110th Street. 2008 MGM Music.

  • LANCE WELLER : LE CERCUEIL DE JOB. LES FRACAS DE LA LIBERTE.

    lance Weller, le cercueil de job, éditions gallmeisterPour bien débuter l'année, autant chroniquer l'un des ouvrages marquants de l'année 2021 en évoquant l'étonnant parcours littéraire d'un romancier américain davantage reconnu dans nos contrées francophones que dans son pays d'origine. On découvrait Lance Weller avec Wilderness (Gallmeisters 2014) dont le titre fait référence à l'une des batailles de la Guerre de Sécession qui se déroula dans la forêt de la Wilderness en Virginie. Un roman à la beauté sauvage et flamboyante qui caractérise l'écriture d'un romancier exceptionnel nous entraînant dans les réminiscences d'une période chaotique et fracassante de l'histoire américaine. Notons qu'il s'agit-là de l'unique roman publié aux Etats-Unis et saluons le sublime travail de traduction de François Happe qui parvient à restituer toute la quintessence des textes exigeants de l'auteur. Second romand de Lance Weller, Les Marches De l'Amérique (Gallmeister 2017) s'attaquait à un autre contexte historique du pays en retraçant les péripéties de la conquête de l'Ouest qu'il démystifie par l'entremise d'un récit âpre et brutal où l'on prend la pleine mesure de toute la barbarie d'une colonisation qui se traduit notamment dans sa plus pure sauvagerie avec la traque et le massacre du peuple amérindien par les milices et armées de deux pays se disputant férocement les terres à conquérir. Avec de tels ouvrages, c'est peu dire que l'on s'impatientait, après quatre ans d'attente, de retrouver Lance Weller qui nous revient avec Le Cercueil De Job, un roman somptueux se concentrant une nouvelle fois sur les affres de la Guerre de Sécession en se focalisant  autour des batailles de Shiloh et de Fort Pillow.

     

    Les deux joues marquées au fer rouge, un trou en forme d'étoile percé dans l'une de ses dents, Bell Hood porte les stigmates de l'esclavage. Elle a néanmoins fuit la plantation de Locust Hall pour suivre l'étoile du Cercueil de Job qui lui permettra de gagner le Nord afin de trouver  cette liberté tant convoitée. Mais en pleine Guerre de Sécession, il lui faut traverser l'état du Tennessee, déchiré par le conflit, en évitant chasseurs d'esclaves et autres belligérants des deux armées qui arpentent les routes de la région. 
    Jeremiah Hoke ne sait pas trop bien comment il a atterri dans les rangs confédérés dont il ne partage pas vraiment les convictions. Mais au terme de la bataille de Shiloh, sérieusement mutilé, il abandonne les rangs de l'armée afin d'entamer une vie d'errance chaotique. Au rythme des rencontres et des scènes terribles dont il est témoin, son parcours prend la forme d'une rédemption pour tous les crimes qu'il a commis autrefois.
    Deux individus que tout oppose, projetés dans le fracas d'une guerre fratricide, qui s'avéreront liés par une tragédie commune qu'ils ne peuvent oublier.

     

    Le Cercueil De Job s'articule donc autour de deux trajectoires, celle d'une esclave en quête de liberté et celle d'un soldat confédéré mutilé cherchant à se racheter de ses erreurs passées avec en toile de fond cette Guerre De Sécession sévissant notamment dans l'Etat du Tennessee et dont les points d'orgue furent la fameuse bataille de Shiloh et celle plus méconnue de Fort Pillow, théâtre du massacre de prisonniers confédérés dont de nombreux soldats noirs qui n'étaient pas considérés comme tels par l'adversaire. Dans ce contexte historique chaotique, nimbé d'une effroyable violence, Lance Weller se focalise sur le regard de cet homme et de cette femme qui vont traverser les méandres de cette période trouble au gré des rencontres qui vont bouleverser leurs destinées respectives. On adopte ainsi avec Bell Hood, le point de vue des esclaves en découvrant toutes les exactions dont ils sont victimes à l'instar de Dexter son compagnon d'infortune qui a été émasculé par ses maîtres ou de January June capturé par un chasseur d'esclaves mais qui croise Henry Liddell, un photographe arpentant les champs de bataille, qui le rachète afin de l'émanciper. On perçoit ainsi toute l'incertitude de ces individus ballotés au rythme des événements dont ils n'ont aucune maîtrise, mais qui s'acharnent à trouver la voie qui leur permettra d'obtenir cette liberté qu'ils convoitent avec tant d'espoir. Autre trajectoire, autre point de vue avec Jeremiah Hoke nous permettant de nous immerger notamment au coeur de la bataille de Shiloh en distinguant toute l'horreur et la cruauté d'une guerre qui n'épargne personne et que Lance Weller restitue avec une charge émotionnelle intense. Au terme de cette bataille, le lecteur suivra les pérégrinations de ce soldat mutilé tentant de refaire sa vie au gré de ses errances et de percevoir ainsi toute l'ambiguïté de certains soldats de l'Union qui traquent les esclaves en fuite afin de les enrôler de force au sein de l'armée, à l'instar du colonel Cleon et de sa horde de soldats dépenaillés s'adonnant à quelques trafic douteux.

     

    Avec Le Cercueil De Job on appréciera à nouveau cette écriture ample et généreuse caractérisant un auteur qui parvient à restituer au coeur de cette atmosphère chaotique, toute la rigueur d'un contexte historique savamment maîtrisé se déclinant à la hauteur de l'humble point de vue de ces deux protagonistes à la fois touchants et attachants dont on ignore ce qui peut bien les lier et qui devient l'un des enjeux de ce roman flamboyant où leur rencontre mettra en perspective toute l'incertitude de la liberté et de la rédemption qui se diluent dans le fracas de la guerre.

     


    Lance Weller : Le Cercueil De Job (Job's Coffin). Editions Gallmeister 2021. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par François Happe.

    A lire en écoutant : You Will Be My Ain True Love de Alisson Kraus (feat. Sting). Album : A Hundred Miles Or More: A Collection. 2007 Rounder Records.