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  • B. MICHAEL RADBURN : L’ARBRE AUX FEES. DISPARITIONS ET EXTINCTIONS.

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    Service de presse

     

    Toujours une belle occasion d’explorer de nouvelles contrées par l’entremise de la littérature noire, ceci d’autant plus lorsque l’on s’aventure du côté de l’Océanie. Peter Temple pour Rivages Noir, Jane Harper pour Calmann-Lévy, Paul Cleave et Tony Cavanaugh chez Sonatine, les auteurs australiens sont de plus en plus nombreux à débarquer dans nos régions francophones avec polars, romans noirs et thrillers dont la majeure partie se déroule dans les environs de Melbourne. Mais c’est plus au sud, sur l’état insulaire de Tasmanie que B. Michael Radburn nous invite à découvrir L’Arbre Aux Fée, premier roman d’une série mettant en scène le ranger australien Taylor Bridges qui a choisi de s’exiler dans le parc national Ben Lomond, suite à la disparition de sa fille Claire dont il ne peut se remettre.

     

    Muté à sa demande, Taylor Bridges débarque en Tasmanie en tant que ranger où il a la charge de gérer le parc national Ben Lomond. Hanté par le souvenir de Claire, sa petite fille qui a disparu dans des circonstances tragiques, Taylor réside désormais à proximité de la petite localité de Glorys Crossing en comptant bien trouver une certaine quiétude dans la solitude des lieux. Mais avec les cauchemars et les crises de somnambulisme dont il est sujet, le ranger reste un homme tourmenté, ceci d’autant plus lorsqu’il apprend la disparition de Drew, une fillette du même âge que Claire. Impliqué plus que de raison dans les recherches, Taylor Bridges mène une enquête qui n’est pas du goût du chef de la police locale et des habitants qui se montrent hostiles. Mais rien n’arrêtera le ranger obstiné qui est persuadé que Drew est encore vivante tout en découvrant au gré de ses investigations que d’autres fillettes ont disparu avant elle. L’enquête va prendre davantage d’ampleur avec l’arrivée d’un inspecteur du continent qui va déterrer quelques secrets bien enfouis.

     

    Un long voyage aux antipodes de nos contrées, B. Michael Radburn nous emmène donc du côté de cette île méconnue, ancienne colonie pénitentiaire, située à près de 250 kilomètres au large de Melbourne. D’entrée de jeu, il est question de paysages montagneux figés par le froid avec des forêts de cèdres saupoudrées de neige et un lac artificiel qui ronge la petite localité fictive de Glorys Crossing s’apprêtant à être engloutie par l’inexorable montée des eaux. Il émane ainsi une atmosphère de désolation inquiétante, quelque peu gothique que l’auteur exploite à fond à l’exemple de ces cercueils du cimetière inondé remontant à la surface pour livrer quelques macabres révélations, de cette étrange tour à plomb qui servait à la fabrication de balles de fusil et de ce vieux poivrier sauvage dont la silhouette insolite donne son titre au roman. C’est dans ce décor à la fois sauvage et menaçant qu’évolue Taylor Bridges, garde forestier en quête de rédemption après la disparition de sa fille Claire. Hasard extraordinaire, c’est une autre fillette qui disparaît dès l’arrivée de Taylor. Ainsi, tout le récit s’articule autour de l’enlèvement de la jeune Drew avec une intrigue plutôt convenue pour ce genre de thèmes maintes fois rabâchés. Le récit est d’autant plus décevant que B. Michael Radburn ne se fatigue pas, en nous proposant des ressorts narratifs simplistes qui fonctionnent sur la base de coïncidences peu probables quand ce ne sont pas tout simplement des rêves prémonitoires qui permettent au ranger tourmenté, en proie à des crises de somnambulisme, de progresser dans son enquête.

     

    Comme s’il voulait aborder tous les thèmes en lien avec la Tasmanie, tout en se focalisant sur les aspects d’un thriller convenu avec le sempiternelle tueur en série rôdant dans les parages, ponctué d’éléments fantastiques, B. Michael Radburn nous donne l’impression de s’être égaré au gré d’une intrigue manquant singulièrement de tenue où bien trop de thèmes ont été effleurés à l’instar de la disparition des tigres de Tasmanie qu’il aborde de manière bien trop superficielle quand il ne s’autorise pas quelques entorses avec la réalité de la situation. On regrettera également cette galerie de personnages caricaturaux qui compose la petite communauté de Glorys Crossing en nous donnant l’impression d’avoir à faire à des bouseux ignares complètement déconnectés de la réalité, seule explication valable pour expliquer cet abandon des recherches d’une fillette, au bout de quelques heures, ou le fait de ne pas exploiter l’existence d’une faune que l’on croyait disparue qui empêcherait la mise en place d’un barrage auquel l’ensemble des habitants est opposé.

     

    Inaugurant une série à venir, L’Arbre Aux Fées, roman plein de promesses, se révèle au final plutôt décevant avec un auteur qui a pris le parti de rester sur des registres extrêmement convenus en dépit d’un cadre qui sort de l’ordinaire mais qui est fort mal exploité.

     

    Michael Radburn : L’Arbre Aux Fées (The Crossing, 2011). Editions Seuil/Cadre noir. Traduit de l’anglais (Australie) par Isabelle Troin.

    A lire en écoutant : Artic World de Midnight Oil. Album : Diesel and Dust. 1987 Midnight Oil Ents Pty Ltd.

  • Dorothy B. Hugues : Un Homme Dans La Brume. Voile déchiré.

    dorothy b. hugues,un homme dans la brume,rivages noirMême si l’on n’est pas forcément un adepte de mouvements sociaux comme #MeeToo, il importe tout de même de se questionner sur la représentativité des femmes, ceci notamment dans le domaine de la littérature noire pour débuter cette année 2020 en évoquant l’œuvre de Dorothy B. Hugues, romancière méconnue dans nos contrée francophones, qui fut une contemporaine d’auteurs tels que Hammett, Chandler et Goodis. A une époque où le pulp était une affaire exclusivement d’hommes et où l’on célèbrait les détectives privés désabusés, Dorothy B. Hugues se distingue avec des récits centrés sur des individus tourmentés dont la destinée vire au tragique comme c’est le cas avec Un Homme Dans La Brume qui fait l’objet d’une nouvelle traduction nous permettant de découvrir ce qui apparaît comme l’un des premiers thriller psychologique en nous confrontant aux réflexions d’un tueur psychopathe sévissant dans les rues de Los Angeles, alors que la seconde guerre mondiale est à peine achevée.

     

    Ancien pilote de chasse démobilisé au terme de la seconde guerre mondiale, Dix Steele est un homme solitaire qui arpente les rues de Los Angeles. En quête d’inspiration pour l’élaboration d’un roman policier, l’homme apparaît comme désœuvré en profitant de l’appartement de Berverly Hills que son ami Mel lui a prêté avant d’entamer un long séjour au Brésil. Au cours de ses pérégrinations nocturnes, Dix se rend à Santa Monica pour retrouver son ancien camarade de combat Brub Nicolai qui a intégré le LAPD en tant qu’inspecteur à la brigade criminelle et qui semble avoir trouvé le bonheur en épousant Sylvia. Mais avec un prédateur rôdant dans les rues de la ville en étranglant des jeunes femmes, Dix perçoit l’inquiétude qui ronge le couple. Les victimes se succèdent sans que l’on ne parvienne à identifier le tueur. Des victimes que Dix a croisées sur son chemin.


    Porté à l’écran en 1950 par Nicholas Ray, avec Humphrey Bogart en vedette, Le Violent est une adaptation du roman de Dorothy B. Hugues qui s'intéresse davantage sur l’envers du décor des studios hollywoodiens avec un scénariste en proie à des accès de violence incontrôlable. Le récit de la romancière s’articule sur un tout autre registre en se focalisant sur la confrontation des genres à une période où l’homme, après des années de conflit, doit retrouver sa place au sein d’une société où les femmes se sont émancipées en occupant des emplois habituellement destinés à la gent masculine. Personnage central de l’intrigue, Dix Steele incarne ce ressentiment larvé à l’égard des femmes qui vire à la folie furieuse au gré de réflexions et de préjugés misogynes. Alors qu’il côtoie Sylvia, l’épouse de son ami Brub Nicolai ou sa voisine Laurel qu’il veut séduire à tout prix, on perçoit cette colère et cette frustration vis à vis de femmes émancipées qui n’entrent clairement pas dans l’idée qu’il se fait d’une caste féminine qu’il juge forcément à un niveau inférieur. Il faut dire que Dix Steele apparaît comme un individu égocentrique et antipathique qui devient franchement inquiétant tandis que l’on retrouve des jeunes femmes étranglées dans les rues de Los Angeles. Mais tout en suggestion, notamment pour tout ce qui a trait aux meurtres, Dorothy B. Hugues prend soin d’entretenir le doute avec cet individu ambivalent dont on perçoit les fêlures et même le désarroi à mesure que les soupçons convergent vers lui. C’est une espèce de voile qui se déchire lentement pour distinguer la véritable personnalité d’un homme solitaire qui a perdu tous ses repères sans vouloir réellement l’admettre en se complaisant dans le costume d’un personnage idéal qu’il a façonné de toute pièce.

     

    Ainsi, dans cette inquiétante comédie de mœurs hollywoodienne, le lecteur découvre donc un individu qui entretient les apparences derrière une façade de faux-semblant au delà de laquelle on distingue les affres de la solitude et de la rancœur dans une ville de Los Angeles rutilante qui prend la forme d’un labyrinthe dantesque et étouffant où proies et bourreaux se rencontrent dans la lumière des néons des dîners et autres clubs selects pour disparaître dans cette brume qui emporte tout.

     

    Bénéficiant d’une nouvelle traduction de Simon Baril, on ne peut que saluer l’initiative des éditions Rivages qui ont su mettre au goût du jour Un Homme Dans la Brume, un roman à la fois saisissant et subtil qui n’a pas pris une ride et qui résonne même curieusement dans l’actualité évoquant la parité entre hommes et femmes.

      

    Dorothy B. Hugues : Un Homme Dans La Brume (In A Lonely Place, 1947). Rivages/Noir 2019. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Simon Baril.

    A lire en écoutant : Ruby My Dear de Thelonius Monk. Album : Thelonius Monk with John Coltrane. 2016 Concord Music Group, Inc.

  • MISE AU POINT 2019 : ON CONTINUE !

    Capture d’écran 2020-01-01 à 22.21.34.pngAlors que l’on célèbre la nouvelle année 2020, je réalise que ce blog entame ainsi, l’air de rien, sa neuvième année d’existence et que si la quantité de chroniques a quelque peu diminué en 2019, il ne s’agit nullement d’un effet de lassitude quelconque, bien au contraire, mais tout simplement d’activités professionnelles qui ont pris le pas sur les loisirs en rognant sensiblement le temps consacré à la lecture. Comme à l’accoutumée, je me garderai bien de vous fournir classements et autres chiffres concernant ce blog qui n’ont, à mon avis guère de sens, hormis se donner une certaine importance qui n’a pas lieu d’être. Avec l’aide de nouvelles fonctionnalités mise à disposition par la Tribune De Genève, hébergeur de ce blog, le contenu du site a pu faire l’objet d’un toilettage qui, sans être révolutionnaire, lui a permis de lui donner un certain caractère, que l'on appréciera ou pas, ce qui me donne l’occasion de remercier son administrateur, Jean-François Mabut, journaliste émérite, qui prend toujours la peine de publier quelques extraits de chroniques sur la version papier du quotidien.

     

    Point final d’une année écoulée, c’est également le moment d’évoquer quelques passeurs qui m’ont toujours inspiré en me permettant de faire des découvertes à la fois belles et originales tout au long de ces années d’existence. Pour les éditeurs, il y a Giuseppe Merrone (BSN Press), Pierre Fourniaud qui célèbre les dix ans d’existence de sa maison d’éditions (La Manufacture de Livres), Sébastien Wespiser (Agullo Editions) qui vous livre, sans fard, tous les petits secrets du monde de l’édition et Dominique Sylvain traductrice et éditrice de littérature noire japonaise (Atelier Akatombo). En ce qui concerne les libraires, il faut parler d’Ann Dürr de La librairie du Boulevard à Genève, de Stéphanie Berg et Mohamed Benabab de la librairie Payot à Lausanne tout en vous rappelant qu’outre leurs bons conseils personnalisés vous pouvez passer des commandes sur leurs sites respectifs. Le rendez-vous est désormais pris chaque année avec le prix des chroniqueurs de Toulouse Polar du Sud qui me donne l’occasion de retrouver sa taulière Lau Lo qui anime le blog Evadez-Moi, Yan Lespoux créateur du site Encore du Noir, Caroline de Benedetti, rédactrice du journal et site Fondu au Noir, Jean-Marc Laherrère animant le blog Actu du Noir et Bruno Le Provost qui a créé le site Passion Polar. N’hésitez pas à puiser dans leurs chroniques pour dénicher quelques pépites de la littérature noire. Et si cela ne suffit pas vous pouvez également consulter le Polar de Velda, grande spécialiste de la littérature noire du Royaume-Uni, Milieu Hostile, Nyctalope et Mœurs Noires. Et en désespoir de cause si vous n’en aviez pas assez, vous pouvez vous abonner à Corse-Matin pour découvrir les articles de Christophe Laurent, un véritable passionné de polars et romans noirs, qui anime également le blog The Killer Inside Me et que j’espère rencontrer un de ces jours à l’occasion d’un des nombreux festivals consacrés à la littérature noire.

     

    Capture d’écran 2020-01-01 à 22.28.32.pngL’année 2019 a été également l’occasion de réfléchir sur l’évolution de la littérature noire et des dérives qui en découlent et dont il faut parler de temps à autres avec des éditeurs qui sont devenus imprimeurs en cessant de parier sur l’intelligence du lecteur et des auteurs qui bâclent leurs récits pour se consacrer presque exclusivement à leurs tournées de dédicaces en étanchant leur soif de reconnaissance. Un phénomène qu’évoque Luc Chomarat avec beaucoup d’humour dans Le Dernier Thriller Norvégien ainsi qu’Eric Chevillard dans l’hilarant Prosper A L’œuvre que je ne saurai trop vous recommander. Dans un autre registre, j’ai été interpellé par le petit essai de Marin Ledun, Mon Ennemi Intérieur qui nous entraîne dans les réflexions d’un auteur nous livrant des fragments de son parcours personnel et professionnel ainsi que ses Capture d’écran 2020-01-01 à 22.31.30.pnglectures et autres influences qui l’on conduit à écrire des romans noirs. Un bel opuscule, au papier élégant, évoquant également quelques éléments qu’il peut apprécier, mais également détester, dans d’autres genres littéraires. Une réflexion à la fois lucide et intelligente où la distinction du roman noir, du roman policier ou du thriller ne fera qu’animer un débat que l’on n’a jamais vraiment trop osé empoigner en se contentant de cohabiter avec des genres populaires que finalement tout oppose. J’aurai certainement l’occasion de vous en parler Capture d’écran 2020-01-01 à 21.56.06.pngen évoquant la programmation du nouveau festival Lausan’noir 2020 qui renaît de ses cendres, grâce à la pugnacité de sa présidente Isabelle Faconnier, en se tenant au casino de Montbenon, un bâtiment extraordinaire bâtit en 1908 qui, paradoxalement, n’a jamais accueilli de salle de jeux. Lieu idéal pour abriter l’unique festival du polar en Suisse romande qui se tiendra du 29 au 31 mai 2020. Au plaisir de vous y croiser. En attendant il ne me reste qu'à vous souhaiter une bonne année 2020, riche en belles découvertes littéraires.

     

    Marin Ledun : Mon Ennemi Intérieur. Editions du Petit Ecart 2018.

    Luc Chomarat : Le Dernier Thriller Norvégien. La Manufacture de livres 2019.

    Eric Chevillard : Prosper à l’œuvre. Editions Notabilia 2019.

    A lire en écoutant : Wanted Woman. AC/DC de Larkin Poe. Album : Peach. 2017 Tricki-Woo Records