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Rechercher : la série guyanaise

  • JAMES LEE BURKE : ROBICHEAUX. LE POIDS DU MONDE.

    rivages thriller,james lee burke,robicheauxOn parle souvent de retrouvailles avec un vieil ami lorsque l’on évoque la parution d’un nouveau roman de James Lee Burke mettant en scène le shérif Dave Robicheaux, plus communément surnommé Belle Mèche et dont les aventures nous ont accompagnés durant plusieurs décennies en suivant les investigations de ce légendaire flic de New Ibéria qui devient ainsi la paroisse la plus célèbre de la Louisiane. Une série comptant pas moins de vingt-et-un romans dont certains figurent parmi les monuments de la littérature noire et transcendent les genres comme Prisonniers Du Ciel (Rivages/Thriller 1992) ou Dans La Brume Electrique Avec Les Morts Confédérés (Rivages/Thriller 1994), Purple Can Road (Rivages/Thriller 2007), La Nuit La Plus Longue (Rivages/Thriller 2011) ou Swan Peak (Rivages/Thriller 2012).  Mais comme dans toutes longues relations amicales, on a pu éprouver quelques déceptions à la lecture de certains ouvrages de cette série emblématique en décelant quelques facilités notamment au niveau de l’intrigue à l’exemple de L’Arc-En-Ciel De Verre (Rivages/Thriller 2013) et Créole Belle (Rivages/Thriller 2014) qui m’ont incité à faire l’impasse sur Lumière Du Monde (Rivages/Thriller 2016). Mais après trois ans sans nouvelle, la curiosité l’emporte sur toutes les réserves pour découvrir Robicheaux, nouveau roman de la série dont la sécheresse du titre résonne comme un point final.

     

    Plus vulnérable que jamais, Dave Robicheaux  peine à se remettre de la disparition de Molly, son épouse qui a trouvé la mort lors d’un accident de la route. Pour ne rien arranger, Clete Purcel, son ami de toujours, semble être en délicatesse avec un nervis de la mafia, Fat Tony Nemo et un riche propriétaire de casino, Jimmy Nightingale, en lice pour une candidature au sénat et qui pourrait être impliqué dans la disparition de huit jeunes femmes sur l’espace d’une vingtaine d’années et que l'on a retrouvées mortes du côté de la paroisse de Jeff Davis. Entre colère, solitude et désarroi, Dave Robicheaux  flirte dangereusement avec ses vieux démons qu’il tente de mettre de côté au détour d’une biture carabinée dont il n’a plus guère de souvenirs. Jointures des mains éraflées, contusions sur le crâne et articulations douloureuses, il semblerait que la nuit n’ait pas été de tout repos pour cet homme qui était parvenu à rester sobre depuis tant d’années. Et l’incident pourrait paraître anodin, si l’on n’avait pas retrouvé, au petit matin, le corps du chauffard impliqué dans l’accident de Molly. L’homme a été battu à mort. Se pourrait-il que Dave Robicheaux ait franchi la limite à ne pas dépasser ? Lui-même semble prêt à le croire.

     

    Au terme de la lecture de Robicheaux, on ne peut s’empêcher d’éprouver un sentiment de déjà-vu avec un schéma narratif éprouvé où l’intrigue gravite autour d’un riche propriétaire terrien ambivalent plus ou moins inquiétant, un membre de la pègre atypique se révélant plus dangereux qu’il n’y paraît et un tueur psychopathe dont les exactions vont impacter les membres de la petite communauté de New Ibéria. Si l’on y ajoute l’éternel désarroi de Dave Robicheaux, les peines de cœur de Clete Purcel et même l’apparition de quelques fantômes de soldats confédérés surgissant de la brume de marécages, on comprendra que ce dernier opus répondra aux attentes des aficionados souhaitant retrouver tous les ingrédients qui ont fait le succès de la série. Alors bien sûr il y a le charme de ces opulentes descriptions d’une Louisiane envoûtante et l’enchantement de quelques dialogues percutants qui constituent la marque de fabrique d’un auteur qui ne parvient plus à se renouveler. Le compte n’y est donc pas, même si l’on note ici et là quelques évolutions dans le parcours des personnages qui hantent la série. Tout d’abord la disparition de Molly qui réalimente la détresse de Dave Robicheaux replongeant dans les affres de la boisson avec une mise en abîme qui tourne court puisque l’enjeu, avec un tel personnage légendaire, demeure couru d’avance. On retrouve donc un individu en bout de course, toujours en proie à ses cauchemars, qui tente de lutter du mieux qu’il peut contre les forces du mal. Parce qu’il émerge du texte une dimension spirituelle qui prend de plus en plus d’importance dans l’œuvre de James Lee Burke, l’intrigue prend parfois une tournure étrange au gré des introspections d’un héro tourmenté qui trouverait une certaine forme de réconfort dans les préceptes de la Bible. Bien rôdée, la dynamique entre les différents acteurs récurrents de la série fonctionne toujours afin de pimenter l’intrigue au gré des frasques de Clete Purcel et des commentaires tranchants d’Helen Soileau qui sont toujours au rendez-vous en formant avec ce bon vieux Belle Mèche un trio bancal ne manquant pas de charme, malgré un sentiment d’essoufflement qui imprègne d’ailleurs l’ensemble de l’intrigue tournant autour de Jimmy Nightingale, ce richissime candidat au Sénat et Smiley, cet étrange et inquiétant tueur psychopathe que l'on retrouvera semble-t-il dans le prochaine roman de la série. C'est probablement avec ces deux protagonistes, dont les portraits sont fort bien dressés, que l'on retrouvera un regain d'intérêt pour un récit dont les entournures se révéleront à la fois denses et complexes, mais sans surprises.

     

    A n'en pas douter, Robicheaux comblera donc les fans de la série sans pour autant avoir d'ambition en matière d'intrigue qui tourne désespérément en rond. Cependant, on ne peut s'empêcher d’apprécier la richesse d’une écriture solide et cette extraordinaire atmosphère que l’auteur distille avec un talent indéniable au gré de ses romans qui charmeront tout de même les lecteurs les plus lassés dont je fais partie.

     

    James Lee Burke : Robicheaux (Robicheaux). Rivages/Thriller 2019. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christophe Mercier.

    A lire en écoutant : I’am Coming Home (live) de Clifton Chenier. Album : Live ! Clifton Chenier & The Red Hot Louisanian Band. 1993 Arhoolie Production Inc.

  • ADRIAN McKINTY : NE ME CHERCHE PAS DEMAIN. CHAMBRE CLOSE.

    ne me cherche pas demain,adrian mckinty,actes sud,actes noirs,sean duffyAvant qu'il ne connaisse le succès avec La Chaîne et qu'il rencontre enfin son public, Adrian McKinty, auteur natif de l'Irlande du Nord, a galéré pendant de nombreuses années en écrivant un nombre  considérable de romans policiers dont la série mettant en scène le sergent Sean Duffy affecté au sein de la police royal de l'Ulster. L'une des particularités de cette série réside dans le fait qu'elle marie l'enquête policière avec le contexte historique du pays durant la période des Troubles des années 80 où l'IRA luttait farouchement contre la présence des forces britanniques en Irlande du Nord. Premier titre de la série, Une Terre Si Froide nous présente donc cet inspecteur catholique travaillant dans une administration policière à majorité protestante, contraint de vérifier chaque matin s'il n'y a pas un engin explosif installé sous le châssis de sa voiture. Avec une tonalité chargée d'un certain humour noir, au gré de cette atmosphère particulière d'une guerre civile qui lamine le pays, on retrouvait l'inspecteur Sean Duffy dans un second opus intitulé Dans La Rue J'Entends Les Sirènes qui nous permet de saisir les affres de la situation économique d'une Irlande du Nord ravagée par le chômage, les émeutes et les attentats. Bien que de qualité, la série ne semble pas connaître le succès, raison pour laquelle la maison d'éditions Stock renonce à traduire les trois autres opus. Il aura donc fallut attendre près de sept ans pour connaître la suite des investigations du sergent Sean Duffy avec l'initiative d'Actes Sud qui nous propose, avec Ne Me Cherche Pas Demain, de retrouver cet enquêteur atypique qui vient de tomber en disgrâce et semble prêt à être renvoyé de l'institution policière qui l'emploie tandis que la guerre civile sévit de plus belle.

     

    En 1983, le sergent Sean Duffy est renvoyé du CID et patrouille désormais en uniforme dans la petite localité de Carrickfergus, non loin de Belfast. A la tête de son groupe, il doit progresser fusil au poing en évitant d'être la cible des tireurs d'élite de l'IRA. Mais Sean Duffy doit aussi affronter sa hiérarchie qui trouve finalement un prétexte fallacieux pour l'exclure des forces de l'ordre. Au même moment, à la prison de Maze où sont incarcérés les membres de l'IRA, c'est Dermot  McCann, ancien camarade de classe de Sean Duffy, devenu expert artificier pour l'IRA, qui parvient à s'évader et à déjouer les barrages de la police en devenant ainsi la cible prioritaire des services de renseignements britanniques. Afin de retrouver cet individu considéré comme dangereux, le MI5 décide d'extirper Sean Duffy de sa retraite forcée pour mettre tout en oeuvre afin de débusquer le fugitif. Pour cela, il devra résoudre une ancienne affaire de meurtre, classée comme un accident et qui a tous les aspects d'une énigme en chambre close. Une quête insidieuse qui le mènera du côté de Brighton afin de déjouer un attentat à l'encontre du Premier ministre britannique, Margaret Tatcher.

     

    Doté d'un solide sens de la répartie et d'un humour grinçant, on prend un réel plaisir à retrouver le sergent Sean Duffy, ceci d'autant plus qu'il possède également une grande et excellente culture littéraire et musicale qu'il nous fait partager au gré de ses nombreuses introspections. On apprécie d'autant plus la démarche que l'ensemble de la série se déroule durant la période faste des années 80 et qu'elle nous permet de nous remémorer quelques morceaux et albums populaires de l'époque. Homme solitaire, Sean Duffy se caractérise bien évidemment dans son positionnement atypique au cours de cette guerre civile où, bien que catholique, il a choisi de lutter contre l'IRA en s'engageant au sein du RUC (Royal Ulster Constabulary) une force de police à prédominance protestante. Si la démarche n'est pas indispensable, il est tout de même recommandé de lire les deux premiers romans afin de mieux saisir tous les aspects de la personnalité de Sean Duffy et surtout les raisons de sa disgrâce qui ont fait en sorte qu'il soit  renvoyé du service des enquêteurs (CID) pour être affecté aux patrouilles en uniforme, activité extrêmement risquée durant cette période de guerre civile. Ainsi Ne Me Chercher Pas Demain, dont le titre fait référence à une chanson de Tom Waits, comme d'ailleurs tous les romans de la série, débute en nous immergeant dans le nouveau travail de Sean Duffy qui consiste à patrouiller en véhicule blindé et à effectuer des sorties en formation de tirailleur afin de ne pas être pris pour cible par une population hostile et plus particulièrement par les tireurs embusqués de l'IRA. Adrian McKinty nous donne ainsi un impressionnant aperçu du quotidien de cette force de police dont le personnel vit retranché dans des commissariats qui font régulièrement l'objet d'attentats comme on le découvrira d'ailleurs au cours de ce récit.

     

    Ne Me Cherche Pas Demain débute également avec l'évasion de prisonniers de l'IRA de la tristement célèbre prison de Maze et va se focaliser autour de l'attentat de Brighton qui s'est réellement déroulé en 1984 en prenant pour cible Margaret Tatcher qui présidait un rassemblement de son parti politique de l'époque. L'enjeu du récit consiste donc dans une traque que doit effectuer Sean Duffy pour débusquer Dermot McCann, un ancien ami et camarade de classe qu'il appréciait. Sans trop abuser du procédé, Adrian McKinty illustre donc l'aspect tragique de ce conflit fratricide qui opposait les membres d'une communauté catholique qui apparaît plutôt divisée à l'instar de Mary Fitzpatrick qui n'hésite pas à balancer son ex gendre à la condition que l'on fasse l'éclairage sur la mort de sa fille Lizzie. C'est l'autre aspect du récit qui consiste pour Sean Duffy à résoudre une affaire mystérieuse avec un meurtre en chambre close qui va lui donner du fil à retordre. On suit donc ainsi un récit passionnant où investigations et suspense font bon ménage au gré d'une intrigue dont le dénouement va se révéler plutôt explosif avec une confrontation entre deux "frères ennemis" que tout oppose désormais.

     

    Troisième volume de la série, Ne Me Cherche Pas Demain comblera donc toutes les attentes d'un lectorat impatient de découvrir la suite des aventures du sergent Sean Duffy. Une attente de sept ans qui en valait bien la peine. 

     


    Adrian McKinty : Ne Me Cherche Pas Demain (In The Morning, I'll Be Gone). Editions Actes Sud/Actes noirs 2021. Traduit de l'anglais (Irlande du Nord) par Laure Manceau.

    A lire en écoutant : I'll Be Gone de Tom Waits. Album : Frank's Wild Years. 1987 The Islands Def Jam Music Group.

  • DOA : RETIAIRE(S). LE CRIME PAIE.

    DOA, Rétiaire(s), série noireFinalement on ne sait que bien peu de chose sur DOA dissimulant son identité derrière l'acronyme charmant de Dead On Arrival tout en se gardant bien de se faire photographier pour s'afficher avec la pose étudiée du romancier inspiré que l'on peut découvrir parfois sur les quatrièmes de couverture. DOA cultive donc la discrétion en étant toutefois un peu plus disert lors d'entretiens passionnants et pertinents pour évoquer son oeuvre ou la discrimination qui entache la littérature noire, ceci plus particulièrement dans le domaine des grands prix littéraires systématiquement attribués à une tout autre catégorie de romans ne portant pas l'infâme appellation de collection noire ou polar. Mais pour en revenir aux récits de l'auteur, celui-ci a immédiatement marqué les esprits avec Citoyens Clandestins (Série Noire 2007) en intégrant ainsi la fameuse Série Noire qu'il n'a plus quittée pour publier également Le Serpent Aux Milles Coupures (Série Noire 2009) ainsi que les deux volumes Pukhtu I et II (Série Noire 2015 et 2016) et dont l'ensemble constitue le Cycle clandestin qui donne le vertige. Tout aussi vertigineux, on a pu lire des romans tels que L'Honorable Société (Série Noire 2011) aux connotations politiques et écrit en collaboration avec Dominique Manotti ou le très sombre Lykaia (Gallimard 2018) se déroulant dans le milieu BDSM. Mais outre son activité de romancier, DOA écrit également des scénarios, tâche des plus ingrates et des plus laborieuses, comme il l’évoque d’ailleurs dans la postface de son nouvel ouvrage. Et c'est l'un d'entre eux, n'ayant pas eu l'heur de plaire aux grands diffuseurs du paysage audiovisuel français, qui a fait l'objet de tout un travail de réécriture pour nous proposer ainsi ce dernier roman intitulé Rétiaire(s) se déroulant dans le milieu du grand banditisme, de l'univers carcéral et des grands offices de la police luttant contre le trafic de drogues.

     

    Que l'on soit flic ou truand, dans le domaine des stupéfiants on a parfois l'impression de se retrouver sur la piste sanglante d'un cirque antique où les alliances se font et se défont au gré des opportunités de chacun. C'est ainsi que Théo Lasbleiz, commandant au sein d'une brigade des stups à Paris, exécute froidement, devant ses camarades policiers, un trafiquant transféré chez le juge. La nouvelle fait l'effet d'une bombe et bouleverse les équilibres. Du côté du clan Cerda, il faut se réorganiser pour faire entrer dans le pays une grosse quantité de cocaïne qui se chiffre en tonne alors que la famille est fragilisée avec le clivage entre Momo et Manu, deux demi-frères qui se disputent la direction des affaires tandis qu'émerge Lola, la soeur cadette qui souhaite également à semparer des commandes. Du côté de la police, on est pas en reste avec Amélie Vasseur, jeune capitaine de gendarmerie qui a tout à prouver. Déjouer les plans de la famille Cerda lui permettrait peut-être d'accéder au commandement d'un groupe, ce à quoi elle aspire depuis toujours. Entre la défiance et les trahisons rythmant le cheminement de la drogue, les jeux de pouvoir peuvent commencer. Personne ne sera épargné.

     

    Rétiaire(s) est assurément un roman que tous policiers ou truands, reconvertis comme écrivain, aimeraient avoir écrit tant l'on se trouve plongé au coeur d'une intrigue policière à la tonalité résolument réaliste ce qui caractérise d’ailleurs son auteur habitué à digérer une somme considérable de documentation qu'il restitue  avec une redoutable précision sans pour autant alourdir un texte d'une efficacité impressionnante. Comme tout grand roman, il convient de souligner que le récit se mérite en fournissant notamment un bel effort de concentration afin d'assimiler l'abondance de patronymes, surnoms et abréviations d'offices étatiques qui jalonnent cette intrigue tournant autour d’un chargement de cocaïne dont DOA dépeint avec une belle justesse toute la trajectoire internationale ainsi que l’aspect géopolitique que génère un tel trafic et dont on peut découvrir la teneur dans les interludes ponctuant chacune des parties de l’ouvrage. Au milieu de toute cette quantité impressionnante de personnages, émerge bien évidemment Théo Lasbleiz, ce flic destitué et brisé qui traverse ainsi les trois mondes de la police, des truands et des détenus et dont les interconnections ne manqueront pas de déstabiliser le lecteur au rythme de rebondissements à la fois intenses et surprenants. Dans sa trajectoire tragique, Théo Lasbleiz incarne ainsi cette troublante ambivalence qui habite d'ailleurs l'ensemble des protagonistes de Rétiaire(s). Avec de tels traits de caractères corsés, DOA nous entraine habilement dans la complexité des rapports qui régissent ces trois univers distincts, ceci au gré des chocs qui s'ensuivent lorsque les accords plus ou moins tacites volent en éclat. A l'image des gladiateurs et auquel le titre Rétiaire{s) fait donc allusion, DOA décline ainsi les enjeux cruels d'une espèce de joute mortelle qui se joue sur le théâtre dramatique du trafic de stupéfiants avec toutes les circonvolutions alambiquées que cela implique. Et c'est tout le talent de l'auteur de nous permettre d'assimiler, avec une limpidité exceptionnelle, la complication de ces enjeux variés qui vont faire basculer la destinée de l'ensemble des personnages dont il est permis d'espérer, au terme de l'intrigue qui le laisse penser, en retrouver un certain nombre dans un nouveau roman à venir. Scénario voulant s'approcher de la série The Wire, comme l'évoque son créateur dans l'intéressante postface de l'ouvrage, Rétiaire(s) devient donc ainsi un roman d'envergure pouvant faire partie, à n'en pas douter, des grandes références de la littérature noire.

     


    DOA : Rétiaire(s). Editions Gallimard/Série Noire 2023.

    A lire en écoutant : Marché Noir de SCH. Album JVLIVS II. Label Rec. 118.

  • KEN BRUEN : CALIBRE, LONDON CALLING

    ken bruen,calibre,londres,brantToujours réjouissant de se plonger dans un livre de Ken Bruen et particulièrement lorsqu'il remet le couvert avec la série Roberts & Brant (R&B, ça ne s'invente pas !). C'est comme de recevoir une bonne beigne en pleine gueule après s'être enfilé un bon whisky bien tassé dont la brûlure vous arrache les tripes. Ca vous secoue.

     

    Avec Calibre, Ken Bruen ne déroge pas à la règle en mettant en scène un serial-killer fan de Jim Thompson et particulièrement de son livre Le Démon dans la Peau. L'homme a décidé de trucider toutes les personnes mal élevées qu'il croise sur son chemin. Et à Londres, ce n'est pas le boulot qui manque.  L'inspecteur Roberts, flic gay en plein ascension, accompagné du sergent Brandt, un des flics le plus tordu du sud-ouest de Londres (et peut-être même d'Angleterre) sont chargés de l'affaire depuis que le tueur s'est décidé à relater ses « leçons de politesse » à la presse et à la police. Une grave erreur quand l'on sait que d'avoir le sergent Brant sur le dos équivaut à se coltiner la peste et le choléra réunis. Encore un truand qui va l'apprendre à ses dépends.

     

    Vous voulez une intrigue linéaire, logique, bourrée de rebondissements ! Passez votre chemin ! Avec Ken Bruen, on lit du pulp à l'état pur. Dialogues ciselés, flics déjantés et truands pittoresques. Vous voulez une description des quartiers populaires de Londres ! Payez-vous un guide et prenez un  billet d'avion. Pour ce genre de littérature, on passe à l'essentiel, avec des scènes rapides et condensées. Et si vous voulez de la morale, vous la trouverez sûrement au fond de la cuvette des toilettes d'un des pubs favoris que fréquente le sergent Brant.

     

    Dans ce nouvel opus de la série R&B, une pluie d'hommages pour Jim Thompson, Charles Willeford, Nick Tosh, Chandler et bien d'autres encore. Le livre est également bourré de référence aux  histoire d'Ed McBain et à son personnage fétiche du 87ème district : Steve Carella. Il faudra bien un jour que Ken Bruen se détache un peu de tout cela car ses personnages et ses romans n'ont rien à envier à ces grands auteurs. Ken Bruen est un écrivain de talent qui est encore bien trop méconnu en Suisse. Gageons que cela ne durera pas !

     

    Savourez ce récit complètement barré avec des histoires secondaires hautes en couleur qui donnent encore plus de sel à l'ensemble du roman. Un souffle d'animalité, de nervosité et d'irrévérence pour Calibre, à l'image de la chanson la plus célèbres des Clash : London Calling.

     

    Ken Bruen : Calibre. Editions Série Noire/Gallimard 2011. Traduit de l'anglais (Irlande) par Daniel Lemoine.

    A lire en écoutant : London Calling - The Clash - Album : London Calling/CBS Record 1979.

     

     

     

     

  • JO NESBO : ROUGE-GORGE, UNE FACE SOMBRE DE LA NORVEGE

    norvège,harry hole,nesbo,néo-nazi,osloA l'instar du drame qui s'est déroulé en Norvège, nous aurons droit à de nombreux reportages et ouvrages décrivant le parcours du tueur tout en évoquant le contexte social du pays. Bien avant cette tragédie, Jo Nesbo nous parlait du milieu de l'extrème-droite de son pays dans un livre intitulé Rouge-Gorge où son héro, l'inspecteur Harry Hole est chargé de déjouer un éventuel attentat qui doit se dérouler le jour de la fête nationale. Cette enquête le conduira à enquêter sur le passé de plusieurs engagés volontaires dans les rangs de la Waffen-S.S qui ont combattu sur le font de l'Est et notamment à Leningrad. Une enquête haletante donc, qui le mènera également sur les traces de trafiquants d'armes frayant avec des policiers corrompus et peu scrupuleux.

     

    Dans ce livre, Jo Nesbo nous dévoile une page sombre de son pays qui, lors de l'occupation durant la seconde guerre mondiale, a connu un gouvernement collaborationniste et a même livré plusieurs contingents d'engagés volontaires dans les forces allemandes. A la fin de la guerre, ces soldats ont été considérés et jugés comme traître à la patrie. La trame de l'intrigue navigue donc entre le passé et le présent pour relater le parcours d'un de ces anciens combattant qui pour parvenir à ses fins doit fréquenter le milieu néo-nazi.

     

    On ne peut qu'apprécier les ouvrages de Jo Nesbo et son talent que ce soit dans la documentation, dans les descriptions et surtout dans la force des dialogues toujours teintés d'un certain humour que son personnage principal, sait manier à la perfection. Un personnage vulnérable, bourrés de défaut qui ne le rendent que plus attachant.

     

    C'est la première enquête de Harry Hole qui se déroule sur le sol norvégien puisque les deux précédentes se passaient en Australie et en Thaïlande. On perd donc le côté exotique des histoires mais on appréciera la description d'Oslo que l'auteur semble apprécier et l'on s'attachera à trouver s'ils existent, les lieux que fréquente l'inspecteur Harry Hole et qui sont décrits avec minutie.

     

    Avec Rouge-Gorge qui est à mon sens le meilleur ouvrage de la série, démarre, une histoire qui se déroulera sur plusieurs livres où Harry Hole va tout faire pour démasquer le coupable qui a assassiné sa coéquipière Ellen. Il est donc plus que recommandé de lire toute la série dans l'ordre, pour apprécier la conclusion dramatique de cette intrigue.

     

    Ce qu'il y a parfois d'ennuyeux avec les romans nordiques c'est que l'on peut parfois être dérouté par la piètre qualité des traductions comme dans le cas de la série Millénium de Stieg Larsson et l'on appréciera donc le sérieux du travail qui a été fait pour tous les ouvrages de Jo Nesbo les rendants agréables à lire au delà de la force originales des intrigues de cet auteur talentueux.

     

    Je ne terminerai pas ce billet en ayant une pensée pour ce peuple norvégien dûrement éprouvé et particulièrement pour toutes les victimes de cette tragédie.

     

    Jo Nesbo : Rouge-Gorge, Editions Gaïa 2000. Traduit du norvégien par Alexis Fouillet.

    A lire en écoutant : Bibo no Aozora / 04 - Ryuichi Sakamoto -Babel (Music From and Inspired By the Motion Picture)

     

     

     

     

  • David Peace : Tokyo Année Zéro, sous le poids de la défaite.

    david peace,rivage,tokyo année zéro,japonCeci n'est pas un livre, mais une litanie qui se déroule à l'ombre d'une cité à l'agonie. Après avoir déversé sa plume malsaine dans la région de son Yorkshire natal, David Peace a quitté la Grande Bretagne pour trouver refuge au Japon où il a désormais entamé une trilogie décrivant les affres d'un pays alors à l'aube de sa renaissance. Tokyo Année Zéro débute au moment où l'Empereur annonce à la radio,  la capitulation de son pays. Année Zéro où les bourreaux d'hier deviennent les victimes des Vainqueurs. Année zéro où un peuple déshonoré tente de survivre dans une cité dévastée. Les marchés sont en main des mafias locales. La police fonctionne au ralenti, victime des remaniements et des purges imposées par les Vainqueurs et les femmes vendent leurs charmes dans les parcs en friche. Deux d'entre elles sont découvertes dans les jardins désolés d'un temple de Tokyo. Même modus operandi, l'inspecteur Minami va donc enquêter sur un tueur en série qui sévit depuis plusieurs années. Basé sur un fait divers réel, David Peace ne s'attarde pas vraiment sur ces crimes en série mais s'attache à nous décrire une société en pleine décomposition où personne n'est ce qu'il prétend être. L'humiliation de la défaite, la folie d'une guerre sanglante, nous suivons les traces d'un policier possédé par les images d'un passé dont il ne peut se défaire. Nous suivons ses errances dans une ville faite de décombres et de charniers où la population tente de survivre comme elle le peut.

     

    Dans ce roman nous découvrons plusieurs voix d'un seul et même personnage ce qui donne au récit un côté schizophrénique en lien avec le contexte chaotique des décors dans lequel il se déroule. Comme dans la quadrilogie du Yorkshire, les phrases sont courtes, répétitives comme s'il s'agissait d'une espèce de procès verbal dévoyé. Une lecture peu aisée, qui se mérite, voici comment l'on peut décrire le premier opus de cette trilogie japonaise. Le style de David Peace à cette particularité du radicalisme le plus absolu pour les lecteurs : On aime ou on déteste avec le mérite de ne laisser personne indifférent. Comme pour ses romans précédents, l'histoire se base sur un tueur en série  ayant réellement existé pour mettre en relief, l'horreur d'une société laminée par la défaite qui peine à se relever et va entamer un long chemin de résilience.

     

    Avec ce premier opus, David Peace a su se dégager de son univers sordide du Yorkshire pour nous entrainer dans un voyage au cœur de la folie d'un pays meurtri par la défaite. Un texte rythmé fait d'onomatopées pour nous faire ressentir la crasse, les démangeaisons, la chaleur et la vermine qui ont envahi une cité à l'agonie. Serez-vous du voyage ?

     

     

    David Peace : Tokyo Année Zéro. Editions Rivages/Noir 2010. Traduit de l'anglais (Grande-Bretagne) par Daniel Lemoine.

     

    A lire en écoutant : Bibo no Aozora, de Ryuichi Sakamoto. Bande original du film Babel. Fantasy Record 2006.

     

     

  • Giorgio Scerbanenco, Les Enfants du Massacre, tragique jeunesse

    9782743622831FS.gifLorsque j'avais lu la première version des Enfants du Massacre de Giorgio Scerbanenco, édité dans la collection 10/18 Grands Détectives, j'avais été frappé par l'actualité du sujet et par la modernité du texte, car il faut savoir que ce roman avait été écrit en 1968. Il s'agissait de l'avant-dernier opus de la série mettant en scène Duca Lamberti.

    Drôle de parcours pour ce personnage radié de l'Ordre des médecins et condamné à trois ans de prison pour euthanasie après avoir cédé à la demande d'une patiente souffrant d'un cancer en phase terminale. Au fil des récits, Duca Lamberti passera par le statut d'enquêteur privé,  avant d'intégrer la Questure de Milan avec l'appui du Commandant Carrua. Malgré son statut de policier, ses collaborateurs persisteront à l'appeler Dottore faisant preuve d'un immense respect pour cet homme atypique.

    Beaucoup considèrent les Enfants du Massacre comme étant le meilleur roman de la série et je ne peux que confirmer ce choix. L'histoire débute dans une salle de classe déserte devenue la scène d'un crime abominable et abjecte après qu'une enseignante aient été violée et massacrée par ses 11 élèves du cours du soir. Bouleversé, Duca Lamberti va procéder à l'interrogatoire de ces jeunes adolescents en rupture sociale pour établir la responsabilité de chacun. La loi du silence va rendre son travail difficile et il devra faire preuve de tout son talent d'enquêteur pour établir la vérité qui n'est pas forcément celle que l'on croit. Enquête d'autant plus difficile pour Duca Lamberti qui sera confronté à la douleur de la perte de sa nièce âgée de 2 ans.

     

    Bonne idée pour Rivage/Noir d'avoir réédité la série Duca Lamberti qui bénéficie d'une nouvelle traduction. La trame sociale reste toujours le moteur principal des récits avec en toile de fond cette violence terrifiante au cœur d'une Italie en pleine expansion. La modernité du texte provient également de sujets très forts, comme la délinquance juvénile, que Scerbanenco dénonçait déjà dans les années 60 et qui reste toujours un des sujets principales de l'actualité.

     

    Il y a aussi cette grande ville de Milan, monstre tentaculaire, que Scerbanenco s'attache à nous décrire au fil de ses romans. La cité, personnage à part entière, tantôt attachante, tantôt repoussante, mais toujours pleine d'un certain charme mélancolique devient le théâtre tragique des enquêtes de Duca Lamberti.

     

    Dans la foulée, Rivage/Noir a également édité le dernier récit des enquêtes de Duca Lamberti, les Milanais Tuent le Samedi qui, sans être du même calibre que les Enfants du Massacre, reste un roman extrêmement sombre qui traite de la problématique de la prostitution avec la disparition et la mort d'une jeune femme souffrant d'une déficience mentale.

     

    Venus Privée et Ils Nous Trahirons Tous, sont les deux premiers romans de la série Duca Lamberti et ont également été réédité aux éditions Rivages/Noir. Sombres intrigues, société en pleine mutation, crimes sordides, ce sont les principaux éléments des récits de Giorgio Scerbanenco qui font que cet auteur est devenu l'un des grands maîtres du polar italien.

     

    Planqués au fond des rayonnages les plus élevé de ma bibliothèque j'ai eu tout de même du plaisir à retrouver les éditions 10/18 de ces 4 romans dont la typographie surannée rend le texte peu lisible. Souvenir de lecture de jeunesse, on ne peut que saluer l'initiative des éditions Rivages/Noir d'avoir remis au goût du jour ce magnifique auteur de polar.

     

    Bonne année et bonnes lectures

     

    Giorgio Scerbanenco : Les Enfants du Massacre. Editions Rivages/Noir 2011. Traduit de l'italien par Gérard Lecas.

    A lire en écoutant : Madre Terra, Madre Perla de Ricardo del Fra. Album : Roses an Roots/MFA 2004.

     

     

  • Craig Johnson : Tous les Démons Sont Ici. Au plus haut de cieux.

    Capture d’écran 2016-02-19 à 17.56.18.pngRecommandés pourtant chaleureusement, je n’ai jamais été particulièrement séduit par les romans de Craig Johnson mettant en scène les aventures du shérif Walt Longmire dans le comté fictif d’Absaroka au Wyoming. S’il s’agit de la série emblématique de Gallmeister, elle est pourtant loin d’être représentative du catalogue de cette maison d’éditions, car au delà du fait qu’elle se situe dans les contrées sauvages des USA, l’aspect « nature writing » est quelque peu galvaudé sur fond d’intrigues assez convenues. Mettant en scène la communauté amérindienne, l’auteur effleure le sujet d’une manière superficielle qui ne supporte pas la comparaison avec l’œuvre de Tony Hillerman. Comparaison n’est pas raison répliqueront les nombreux fans du désormais fameux shérif du Wyoming que l’on retrouve dans une série télé qui ne fait que me conforter dans mon appréciation.

     

    Néanmoins on ne peut passer à côté des piles d’ouvrages de Craig Johnson sans jeter un œil curieux et le résumé figurant sur le quatrième de couverture de Tous les Démons Sont Ici a de quoi attirer le lecteur.

     

    Ce n’est pas une sinécure pour le shérif Walt Longmire d’escorter des prisonniers au beau milieu des Bighorn Mountains, d’autant plus que parmi les détenus figure Raynaud Shade, un indien Crow considéré comme l’un des plus dangereux psychopathes des USA. Tueur d’enfants, il avoue avoir enterré l’un d’entre eux dans la région, plus précisément dans le comté d’Absaroka. Il revient donc au shérif Walt Longmire d’accompagner ce meurtrier dans une région balayée par un blizzard hostile. Mais le policier sous-estime le pouvoir de nuisance de son odieux prisonnier et l’expédition tourne mal. Au cœur des éléments déchaînés, Walt Longmire va devoir faire face à la mort et à la folie. Un périple insensé ; toujours plus haut, toujours plus loin, dans cet enfer glacé avec La Divine Comédie de Dante pour unique soutien.

     

    Tous Les Démons Sont Ici répond au titre original de l’ouvrage The Hell Is Empty pour former la tirade complète figurant dans La Tempête de Shakespeare où Ariel rapporte à Prospero les péripéties de la terrible tempête que son maître lui a commandée. Petit intermède culturel qui entre dans le cadre du roman avec l’adjoint Saizarbitoria qui tente de combler ses lacunes littéraires avec un pile d’ouvrages, dont la Divine Comédie de Dante, recommandés par les personnages récurrents de la série. Ces derniers restent d’ailleurs en marge d’un récit plutôt sombre et prenant où Walt Longmire est désormais livré à lui-même dans un décor grandiose que l’auteur parvient à mettre en valeur avec une belle maîtrise. L’hostilité de la tempête dans laquelle évolue les acteurs du roman devient à elle seule un personnage démoniaque animé d’intentions furieuses qui ne sont pas sans rappeler les éléments tumultueux de La Tempête de l’illustre dramaturge anglais.

     

    Avec Tous Les Démons Sont Ici, Craig Johnson met en scène une traque saisissante où la proie devient le prédateur avec Raynaud Shade en quête d’une rédemption meurtrière pour apaiser les voix qui hantent son esprit. Un personnage tout à la fois inquiétant et charismatique qui hante les pages de ce roman saisissant avec une alternance d’instants quasiment oniriques et d’actions percutantes à l’instar de cette tempête de feu dantesque (le mot est faible) à laquelle le shérif légendaire doit faire face. Toujours effleurée la culture amérindienne devient un prétexte permettant de mettre en scène des légendes mystérieuses avec des esprits et des fantômes que seuls le tueur psychopathe et le policier sont à même de percevoir, créant ainsi un lien tenu entre ces deux antagonistes perdus au cœur d’un territoire aussi hostile qu’étrange.

     

    Septième roman narrant les aventures du sheriff Walt Longmire, Tous Les Démons Sont Ici met en veilleuse les intrigues parallèles formant une espèce d’arche qui alimente toute la série. Cette orientation salutaire permettra au lecteur d’appréhender le récit sans avoir la nécessité de lire les ouvrages précédents en découvrant un thriller sauvage et flamboyant. Me voilà réconcilié avec Craig Johnson.

     

    Craig Johnson : Tous Les Démons Sont Ici (Hell Is Empty). Editions Gallmeister/Collection Noire 2015. Traduit de l’anglais USA par Sophie Aslanides.

    A lire en écoutant : To Bring You My Love de PJ Harvey. Album : To Bring You My Love. Universal-Island Records Ltd 1995.

  • Les polars du Matin Dimanche, la fin du monde est proche !

    matin dimanche,polars,patterson,sas,de villiersNon Monsieur Descaillet, Peter et consort ne sont pas que des montreur d'images. Ils nous recommandent des livres ! Parfaitement !

     

    Et  j'en veux pour preuve la sélection des polars du Matin Dimanche avec une sélection d'ouvrages édifiants qu'il faudrait lire avant la fin du monde prévue en 2012, dixit l'auteur de l'article. L'un d'entre eux ne serait rien d'autre que le dernier SAS de Gérard De Villiers. Les fous de Benghazi (tout un programme) qui serait, selon la journaliste « Aussi réaliste que terrifiant ». Alors je vous le dis tout de suite, je n'ai rien contre les SAS, mais quand même, qualifier les aventures de Malko le séducteur de réaliste... Je ne sais pas ce qu'ils boivent à la rédaction, mais ça doit être du bon !

     

    Les cinq autres livres sont à l'avenant, avec le dernier James Patterson qui outre le fait qu'il publie des romans toutes les cinq minutes, a le grand mérite de figurer dans Forbes comme l'écrivain le mieux payé du monde (Ca c'est de l'information littéraire). Et on notera ce roman de « Richard Castle », héro d'une série TV, dont les producteurs ont voulu faire vivre davantage le personnage. Cela signifie que l'on ne connaît pas le ou les véritables auteurs de ce chef-d'œuvre. Méchante langue que je suis, je devine déjà la « qualité » du récit, sans même l'avoir lu : zéro pointé !

     

    Il nous restera Donna Léon avec son commissaire Brunetti qui nous entraînera dans les brumes vénitiennes, les enquêtes victoriennes d'Anne Perry et les investigations scientifiques de Temperance Brennan, devenue le personnage principale de la série « Bones ».

     

    Avec une sélection pareille nous pouvons attendre sereinement la fin du monde.

     

    Bonne apocalypse !

     

     

     

  • JUAN DÌAZ CANALES & JUANJO GUARNIDO : BLACKSAD : ALORS, TOUT TOMBE. (PREMIERE ET SECONDE PARTIE). BAS LES MASQUES

    Capture d’écran 2023-11-18 à 17.59.14.pngCapture d’écran 2023-11-18 à 17.59.50.pngC'est officiel, l'intégral de Blacksad n'en a plus que le nom puisque cette série de bande dessinée emblématique s'enorgueillit désormais de Alors, Tout tombe, un diptyque dont la première partie est parue en 2021 tandis que la seconde vient d'être publiée en 2023. Il faut bien avouer, qu'après huit ans d'absence, on n'attendait plus vraiment le retour de John Blacksad, ce sublime détective à la face de chat, évoluant dans un univers anthropomorphique restituant à la perfection les personnalités composant le contexte social des USA des années 50 avec un hommage appuyé aux récits hard-boiled de l'époque, et plus particulièrement à l'oeuvre de Raymond Chandler, ainsi qu'aux adaptations cinématographiques légendaires qui en ont été tirées. Issu du monde de l'animation, il y a tout d'abord le travail du scénariste Juan Dìaz Canales dont les esquisses en noir et blanc, s'inspirant notamment de la série BD policière Alack Sinner, séduisent le dessinateur Juanjo Guarnido qui va travailler pour les studios Disney tout en dessinant, durant son temps libre, les planches de Quelque Part Dans Les Ombres (Dargaud 2020), premier tome de la série Blacksad qui connaîtra, dès sa parution, un succès considérable et qui compte désormais sept volumes tous plus somptueux les uns que les autres. 

     


    éditions dargaud,blacksad,guarnido,diaz canales,alors tout tombeA New York, le détective privé John Blacksad assiste, avec son ami le journaliste Weekly, à une représentation en plein air de La Tempête, mise en scène par Iris Allen devant soudainement faire face à la police qui interrompt brutalement la pièce sur ordre du maire. Intervenant auprès du responsable des forces de l'ordre, John parvient à ce que la représentation se poursuive avec la reconnaissance de la directrice du théâtre à qui il remet une carte de visite. Mais dans la soirée, c'est Kenneth Clarke, président du syndicat des travailleurs du métro, qui se présente au bureau de John afin de solliciter son aide, ceci sur la recommandation de sa meilleure amie Iris Allen. Il faut dire que le syndicaliste s'oppose à Solomon, urbaniste et maître d'oeuvre de la ville, qui s'ingénie à démanteler le réseau de transport public afin de mettre en place ses projets pharaoniques dont un gigantesque pont suspendu qui portera son nom. Outre le fait que la mafia tente d'infiltrer son syndicat afin de le contrôler, Kenneth Clarke a été informé qu'on avait engagé un tueur à gage afin de l'éliminer. John Blacksad est donc chargé d'identifier et de localiser ce mystérieux tueur, un certain Logan, qui semble bien déterminé à supprimer tous les obstacles qui pourraient entraver la carrière de Solomon qui le mènera au firmament de la gloire.

     


    éditions dargaud,blacksad,guarnido,diaz canales,alors tout tombeIl importe de souligner la carrière au sein des studios d'animation tant du scénariste Juan Dìaz Canales que du dessinateur Juanjo Guarnido leur permettant ainsi d'acquérir une expérience professionnelle notable dans le domaine du dessin animé qui transparaît dans l'ensemble de l'oeuvre de Blacksad avec cette sensation de mouvement incroyable émanant de chacune des planches des sept albums de la série tout comme ce sens du cadrage extrêmement élaboré que Regis Lionel évoque d'ailleurs dans sa préface enthousiaste figurant dans l'édition intégrale de la série. Et puis, il y a ce sens du détail que l'on perçoit dans chacune des cases et plus particulièrement lorsque l'on évolue dans les rues de ce New-York des fifties parfaitement reconstituées (prenez le temps de promener votre regard sur la double page ornant le début de chaque album de la série) ou que l'on s'attarde dans le bureau de John Blacksad avec notamment cette statuette de faucon ornant la bibliothèque du détective privé, hommage évident à Dashiel Hammett. Il faut également saluer le choix toujours judicieux des animaux incarnant à la perfection les traits de caractère des protagonistes mais également leurs rôles sociaux au sein de ces intrigues à la noirceur affirmée restituant les luttes des classes de l'époque à l'instar de Alors, Tout Tombe où l'on observe le combat d'une directrice de théâtre (un lama) accompagnée d'un syndicaliste (une chauve-souris) des transports publics s'opposant aux manoeuvres de Solomon (un faucon), bâtisseur ambitieux qui veut marquer de son empreinte la ville de New-York. Il fallait bien deux albums pour mettre en scène cette solide intrigue superbement élaborée s'inspirant notamment de la carrière de l'urbaniste Robert Moses dont les projets architecturaux ont révolutionné, pour le meilleur comme pour le pire, l'ensemble des arrondissements new-yorkais et qui s'opposa notamment à la gratuité du programme théâtral Shakespeare In The Park et que Juan Dìaz Canales et Juanjo Guarnido retranscrivent dans la formidable scène d'ouverture du récit. Outre cette introduction, la dramaturgie de Shakespeare intervient dans les moments clés du récit à l’instar de cette extraordinaire représentation de Macbeth dont les extraits s'imbriquent parfaitement autour d'une scène de meurtre qui va faire vaciller toute l'intrigue dans une tragédie sordide jusqu'à l'apparition spectaculaire de celle qui a fait chavirer le coeur de John Blacksad. Il faut dire que Juan Dìaz Canales et Juanjo Guarnido n'ont rien à envier au célèbre dramaturge anglais car Alors, Tout Tombe s'inscrit dans la grandeur de ces récits flamboyants qui vous éblouissent jusqu'à la dernière case révélant un ultime rebondissement sublime soulignant le talent et la maîtrise de ce duo extraordinaire qui marque de manière indéniable l'histoire de la bande dessinée.

     

    Dìaz Canales & Guarnido : Blacksad - Alors, Tout Tombe (première et seconde partie). Editions Dargaud 2021 et 2023.

    A lire en écoutant : The Birth Of The Blues interprété par Sammy Davis, Jr. Album : The Decca Years. 1990 Geffen Records.

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