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severine chevalier

  • SEVERINE CHEVALIER : THEORIE DE LA DISPARITION. QUE SE PASSE-T-IL ?

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    Service de presse.
     
     
    Puisque l'on semble découvrir son talent tout récemment, il paraît important de souligner que cela fait plus de dix ans qu'elle endosse le rôle de romancière auquel elle ne croit guère, avec cette impression de faire l'objet d'une imposture quant à l'intérêt que l'on peut porter à son remarquable travail d'écriture s'inscrivant dans la précision de chaque mot pesé pour dépeindre, avec cette virtuosité d'une narration décalée, celles et ceux qui évoluent à la marge de leur environnement. De cette marginalité, Séverine Chevalier distille une émotion à fleur de peau qui marque les esprits dès son premier roman d'ailleurs où l'on côtoie, avec Recluses (La Table Ronde 2018), Zora, Zia et Suzanne trois femmes aux destins foudroyés lors d'un attentat suicide au sein d'un hypermarché de la banlieue lyonnaise. Et puis il y a l'immense Clouer L'Ouest (La Manufacture de livres 2019) où l'on suit le périple de Karl qui revient au sein du giron familial accompagné de sa petite fille en espérant que son père sera en mesure d'éponger ses dettes de jeux tandis qu'une bête rôde dans les environs d'une forêt sombre et enneigée que la romancière met en scène au gré de la force poétique d'une intrigue ciselée avec la précision d'une orfèvre en matière d'écriture. Même si ce n'est pas le thème principal, il y a cette notion de dureté rurale qui émerge des récits de Séverine Chevalier et peut-être de manière plus particulière avec Les Mauvaises (La Manufacture de livres 2018) prenant pour cadre cette région du Massif Central où l'on suit le parcours de deux jeunes filles d'une quinzaine d'années et d'un petit garçon évoluant dans le cadre désenchanté d'une ville marquée par le démantèlement des industries et le déboisement intensif des forêts. De l'environnement, il en est encore question avec Jeannette Et Le Crocodile (La Manufacture de livres 2022) où les rêves brisés d'une petite fille l'amène, de faux-semblant en désillusion, vers un implacable et bouleversant destin tragique qui vous laisse chancelant. Puis tout disparaît dans un habile mélange du sens propre et figuré avec En Campagne (Ours Editions 2024) bref récit que vous pourrez commander chez Ours Editions. Cette campagne qui disparaît on la retrouve pourtant dans Théorie De La Disparition qui concentre toute la maestria de Séverine Chevalier parvenant une nouvelle fois à nous interpeller sur ce registre d'un quotidien banal qui bascule soudainement avec cette volonté de disparaître pour peut-être mieux renaître. 

     

    Elle s’efface pour mieux se mettre au service de son mari Mallaury, romancier en vue dans le milieu du polar, qu’elle accompagne silencieusement dans les différents festivals dédiés au genre. Quel autre rôle pourrait-elle jouer que celui de femme au foyer qu’elle endosse avec une certaine acceptation s’illustrant notamment dans l’aspect méticuleux des tâches qu’elle effectue afin de tenir son ménage aussi consciencieusement que lorsqu’elle était employée de la municipalité de la ville de Saint-Etienne au sein d’un service du contrôle de l’habitat ? Mylène fait donc en sorte que tout se passe bien pour son mari, qu’il n’y ait pas le moindre accroc et qu’il puisse se consacrer pleinement à son travail d’écriture et de représentation qui en découle à la parution de ses romans. Mais c’est à l’occasion d’un repas entre écrivains se déroulant à Toulouse, que l’existence de Mylène prend une toute autre tournure lors d’une rencontre dans les toilettes du restaurant. Marquée par cette rencontre, elle prend la décision étrange de disparaître et d’échapper ainsi durant quelques jours à son mari alors qu’ils séjournent dans une résidence d’écrivains située dans une commune de Normandie. De ces instants d’échappatoire émergent des souvenirs de son passé que Mylène décide d’évoquer par le biais de l’écriture. La femme de l’écrivain sort de son silence et se met donc à écrire. 
     
    Pour l'épigraphe, il y aura Simenon et l'un de ses romans durs, La Chambre Bleue, qui nous ramène sur le comportement trouble de Mylène au gré d'un récit faisant également référence, d'entrée de jeu, à Perec avec la disparition de la lettre E de son clavier d'ordinateur. Ainsi débute Théorie De La Disparition dans ce qui apparaît comme une redoutable mise en abime du travail d'écriture, de ses doutes et de ses incertitudes quant à l'émergence d'un texte qui ne cesse de nous interpeller dans la banalité d'un quotidien où pointe quelques drames du fait divers se rapportant aussi bien à Mylène qu'à son mari Mallaury. Mais au-delà de Perec et de Simenon, il y a surtout le style Séverine Chevalier avec sa propension à faire en sorte qu'une part de nous rejaillisse de cette trame narrative d'une impressionnante densité alors que l'orfèvrerie savamment orchestrée de chaque mot ne sert pas qu'à magnifier le texte, bien loin de là, mais à lui donner un sens vertigineux que chacun pourra interpréter à sa manière. De l’écriture, il est ainsi question avec tout ce qui découle de cet univers littéraire que la romancière égratigne consciencieusement, que ce soit l'égocentrisme de Mallaury ou l'attitude revêche d'un écrivain s'en prenant à son attachée de presse dont il estime qu'elle n'en fait pas assez pour lui afin d'assoir sa renommée. Ainsi, derrière la fiction se dessine, à certains instant, cette part de réalité se déclinant notamment durant ce festival du polar se déroulant réellement à Toulouse tandis que la centrale nucléaire de Paluel, "nichée entre deux falaises" a véritablement défrayé la chronique avec un employé resté enfermé sur le site durant quatre jours. L’image même de l’ours blanc, ornant la couverture, s’agrège dans le cours de cette fiction. Mais apparait bien évidemment le thème de la disparition, de l’effacement ou de l’invisibilité sociale de Mylène qui nous ramène vers ce rapport ordinaire du couple qu’elle forme avec Mallaury et du contrat tacite qui s’y rapporte dans un quotidien normé. C’est peut-être en cela que Mylène diffère un peu des autres héroïnes que l’on a pu croiser dans les récits de Séverine Chevalier, où il n’est pas question de marginalité mais d’une normalité imposée dérivant vers le tragique dans ce qu’il y a de plus ordinaire et finalement de plus absolu apparaissant de manière définitive sur une pierre tombale au terme de cette bouleversante Théorie De La Disparition qui ne s’effacera pas de notre mémoire. Que se passe-t-il ? Et qui disparaît en définitive ?
     
     
    Séverine Chevalier : Théorie De La Disparition. Editions La Manufacture de livres 2024.

    A lire en écoutant : Fifteen Floors de Balthazar. Album : Applause. 2010 Maarten Devoldere / Jinte Deprez.

  • Nouvelles du front : Jean-Jacques Busino - Emmanuelle Robert - Olivier Beetschen - Stéphanie Glassey/Chrysotome Gourio - Séverine Chevalier - Jérémy Bouquin - Sébastien Gendron - Michèle Pedinielli.


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    Pour l'édition de février 2024, c'est Jean-Jacques Busino qui figure en première page avec Ego Te Absolvo, sublime texte sensible abordant le thème de la fin de vie et de l'euthanasie avec un narrateur passant en revue sa vie de couple, tandis que sa compagne agonise. Comme séverine chevalier,jérémy bouquin,sébastien gendron,jean-jacques busino,emmanuelle robert,olivier beetschen,stéphanie glassey,chrysotome gourio,michèle pedinielli,a l’envers,les fatals en concert,1976,tu m’as bien vu !,une campagne,ego te absolvo,le cortège,le chien,ours éditions,le journal le persiltoujours pour l'auteur de Un Café, Une Cigarette (Rivages/Noir 2017) et de Le Ciel Se Couvre (BSN Press 2022), on décèle dans cette nouvelle la
    quintessence de l'humanité de ses personnages extravagants entre ombre et lumière, autour de l'élaboration d'un monde enchanteur qui scelle la complicité d'un couple avec un vieux charpentier quelque peu bourru. 

     

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    Jean-Jacques Busino : Ego Te Absolvo. Journal Le Persil. Février 2024.

    Olivier Beetschen : Le Cortège. Journal Le Persil. Février 2024.

    Emmanuelle Robert : Le Chien. Journal Le Persil. Février 2024.

    Stéphanie Glassey/Chrysotome Gourio : Les Fatals En Concert. Ours Éditions. Collection Tête/Bêche 2024.

    Séverine Chevalier : Une Campagne. Ours Editions. Cousu-Main 2024.

    Jérémy Bouquin : Tu M'As Bien Vu ! Ours Editions. Cousu-Main 2023.

    Sébastien Gendron : 1976. Ours Editions. Cousu-Main 2023.

    Michèle Pedinielli : A L'Envers. Ours Editions. Cousu-Main 2023.

    A lire en écoutant : Pendant Que Les Champs Brûlent de Niagara. Album : Religion. 2010 Polydor

  • Séverine Chevalier : Jeannette Et Le Crocodile. Que reste-t-il ?

    Capture d’écran 2022-03-28 à 17.50.20.pngDurant ses onze années d'existence, ce site a pu assister à l'émergence de quelques romanciers et romancières exceptionnels à l'instar de Séverine Chevalier que l'on peut considérer comme l'une des grandes figures de la littérature noire, même si l'ensemble de son œuvre transcende les codes du genre et qu'elle reste encore bien trop méconnue du public au regard d'une écriture, d'un style qui vous happe le cœur afin de vous immerger dans la nuance de textes sombres aux reflets poétiques. C'est bien évidemment l'humain avec toutes ses fragilités et toutes ses failles que Séverine Chevalier place au centre de ses récits au gré d'intrigues imprégnées des tragédies du quotidien qui deviennent le miroir de notre réalité en nous interpellant sur notre propre sens de l'existence. Son premier roman, Recluses, publié dans la défunte maison d'éditions Ecorce, nous permettait de nous familiariser avec son univers en déclinant la douleur silencieuse d'un duo de femmes écorchées vivant isolées dans un corps de ferme perdu où la mémoire se dissout dans un torrent de pluie et de sang.  Puis c'est l'extraordinaire Clouer L'Ouest qui va bouleverser l'ensemble des lecteurs avec un récit hypnotique qui nous invite à suivre le parcours chaotique de Karl retournant au sein d'une famille honnie vivant sur le plateau enneigé de Millevaches. La justesse du mot, la précision de la phrase qui vous touche, on retrouve tout cela dans Les Mauvaises ainsi que dans son dernier roman Jeannette Et Le Crocodile où Séverine Chevalier, avec ce sens de la nuance qui la caractérise, nous questionne, sur fond de changements climatiques et de rapports dysfonctionnels avec la nature, au sujet du devenir d'une jeunesse qui ne trouve plus aucun sens dans le monde qui l'entoure. 

     

    A l'occasion de ses 10 ans, Jeannette n'a qu'un seul désir : se rendre au zoo de Vannes pour rencontrer Eléonore, un crocodile que l'on a retrouvé dans les égouts à proximité du Pont Neuf. Blandine, sa mère, a tout préparé. Le plein de la voiture est fait, les provisions sont emballées et il y a bien entendu l'argent pour payer les tickets d'entrée. Dans la cuisine, Jeannette dessine en attendant que sa mère veuille bien se lever pour entamer ce grand voyage. Mais il y a les aléas de la vie avec une usine qui ferme dans la région, le travail que l'on souhaite conserver en dépit de sa pénibilité, les factures qu'il faut payer et l'alcool qui s'invite dans la danse. Alors la rencontre avec Eléonore, ce sera pour une autre fois. En attendant, on gratte quelques petits moments de joie et quelques douces lueurs d'espoir qui ne sont probablement que des illusions tandis que les rêves d'une petite fille sont reportés à l'année prochaine. On ira au zoo à l'occasion de ses onze, douze ou peut-être treize ans jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Parce qu'il arrive bien une fois où les rêves s'enlisent définitivement dans les méandres des regrets.

     

    Chez Séverine Chevalier on trouve toujours un personnage au profil décalé pour énoncer sa vérité avec ses mots désarmants de sincérité qui ne font qu'amplifier l'ampleur de la tragédie. Pour Jeannette Et Le Crocodile, c'est Pascal l'oncle de Jeannette qui endosse ce rôle avec sa propre perception des rapports qu'il distingue dans la brume de ses raisonnements et qu'il distille dans le cours de sa narration qui devient, dans la conclusion du récit, criante de vérité et de lucidité. C'est par sa voix que l'on perçoit également, dès le début du récit, le devenir de Jeannette en se demandant ce qui l'a conduite vers un tel destin, vers une telle tragédie de l'ordinaire. Ainsi se construit l'intrigue autour de Jeannette et de sa mère Blandine et des rapports qui se distendent entre le désarroi d'une mère et la déception d'une jeune fille qui s'éloigne du monde des adultes qu'elle ne comprend plus. On observe ainsi cet éloignement par le biais des autres habitants du village, que ce soit Robinson l'ami d'enfance de Jeannette et son père Eric, Gégé le tenancier du bar du village ou Paul Gravière le maire et sa femme Samia qui est également la patronne de Blandine. Ainsi Séverine Chevalier décline toute une galerie de personnages dont l'équilibre est imperceptiblement perturbé avec l'arrivée de Dirck, le petit ami de Blandine qui va s'employer à subjuguer l'ensemble des protagonistes à l'exception de Jeannette qui ne voit pas d'un bon œil l'arrivée de ce bellâtre. Alors que se dessine en filigrane les interrogations sur le devenir d'un monde subissant les affres du changement climatique, Dirck incarne le rôle du salaud ordinaire, du manipulateur qui ne pense qu'à lui, de celui qui prend sans rien donner en nous renvoyant vers notre propre attitude avec ce manifeste qui interpelle le lecteur au terme d'un récit où il ne reste que bien peu d'espoir si ce n'est la poursuite d'une vie imprégnée de regrets et de tristesse.

     

    C'est tout cela que l'on perçoit avec la justesse des mots de Séverine Chevalier qui alimente cette émotion palpable à chaque instant et que l'on retrouve dans Jeannette Et Le Crocodile, un terrible récit sur la désagrégation de notre monde.   

     

    Séverine Chevalier : Jeannette Et Le Crocodile. Editions la Manufacture de Livres 2022.

    A lire en écoutant : Tu vois loin de Eiffel. Album : Le ¼ D'heure Des Ahuris. 2006 Le Label.

  • Séverine Chevalier : Les Mauvaises. Tout disparaît.

    séverine chevalier, les mauvaises, la manufacture de livres, territoriAvec le départ de son directeur Cyril Herry, on ne sait pas trop ce qu’il adviendra de la collection Territori de la Manufacture de Livres qui rassemblait des auteurs s’aventurant sur des territoires que l’on avait peu l’habitude d’appréhender dans le domaine de la littérature noire francophone. Une cohésion dans le choix des textes extrêmement travaillés, agrémentés d’une ligne graphique originale prolongeant l’atmosphère des récits, il émane de la collection Territori un sentiment de perfection et d’originalité que l’on retrouve notamment dans l’ensemble de l’œuvre exceptionnelle de Séverine Chevalier et dont le dernier roman, Les Mauvaises peut être considéré comme une espèce de finalité en forme d’apothéose concluant le magnifique travail d’éditeur de Cyril Herry.

     

    Dans cette région perdue du centre de la France on a retrouvé la jeune adolescente Roberto pendue à l’arche d’un viaduc. Un suicide sans nul doute. Puis son corps disparaît du centre funéraire où il était exposé. Et aucune battue n’a permis de retrouver le cadavre. On s’est donc contenté d’enterrer un mannequin placé dans le cercueil, pour compenser le vide, l’absence. Fille facile, Roberto faisait partie avec Ouafa, la jeune citadine disgracieuse et Oé l’enfant lunaire, de ces mauvaises graines qui arpentent la forêt et la voie de chemin de fer désaffectée tout en disposant des pièges dérisoires pour empêcher l’extension de cette usine qui ronge peu à peu la nature. Non-dits et silences coupables, lachetés et mesquineries quotidiennes, c’est dans la dissolution des cœurs que se bâtissent les drames immuables.

     

    Difficile de qualifier un roman tel que Les Mauvaises sans dévoiler des pans d’une intrigue dont la noirceur s’inscrit dans le quotidien des protagonistes composant la communauté d’une petite ville du centre de la France. Il y est surtout question de ces personnages qui sortent de la norme, tels que Roberto, Ouafa et Oé et dont l’univers décalé se désintègre peu à peu sous le poids des principes édictés par le monde de l’adulte ne pouvant supporter cette espèce de spontanéité infantile qui les renvoie à leurs propres lâchetés, leurs misérables secrets et surtout vers leurs petites angoisses qu’ils ne maîtrisent que très difficilement sous le vernis de l’apparence qui se désagrège parfois pour révéler des drames enfouis, des regrets et des remords trop tardifs. La spontanéité des uns s’opposant à l’hypocrisie des autres débouche sur la mort de Roberto et sur l’effroyable déséquilibre qui en résulte, comme une force tellurique que l’on ne pourrait maîtriser. Ainsi, du fond d’un lac asséché, au creux d’une forêt disloquée ou du haut d’un volcan faussement endormi, l’intrigue se déroule sous le regard impavide d’une nature dont la longue et immuable temporalité puissante se conjugue à la dérisoire période d’une vie humaine qui éclate soudainement dans un soubresaut d’espoir comme l’éruption d’un magma longuement murit. Mais au-delà des promesses non-tenues que l’on honorerait que trop tardivement, on distingue cette notion de désespoir qui hante l’ensemble des personnages définitivement broyés par le temps qui passe et dont on ne saurait percevoir la moindre possibilité de rédemption. C’est dans l’ensemble de ces petites mesquineries, de ces menues trahisons, de ces lâchetés et autres abandons que Séverine Chevalier puise toutes les nuances d’une noirceur émergeant du quotidien de ces hommes et de ces femmes qu’elle dépeint avec une inflexible acuité où affleure, au détour de chacune des pages du roman, la force d’une émotion palpable qui ne manquera pas de bouleverser le lecteur.

     

    Comme pour Recluses et surtout Clouer l’Ouest on reste subjugué par la précision, la justesse du mot qui agrémente chacune des phrases savamment contruites avec cette sensation d’équilibre qui émane d’un texte chargé d’une atmosphère envoûtante presque onirique. Comme une gravure finement ciselée, la prose de Séverine Chevalier devient presque palpable voire même organique en touchant des sens tels que la vue et l’ouïe à l’exemple de ces formes de calligramme incarnant les derniers battements du cœur de Roberto ou cette transition temporelle nous permettant de passer du XX au XXIème siècle. Avec un belle palette d’émotions et un assemblage savant d’intrigues secondaires révélant les failles et les faiblesses de ses personnages, Séverine Chevalier met en lumière la chronique poignante du devenir de ces trois mauvaises graines qui ne manqueront pas de vous faire frissonner, ceci même une fois l’ouvrage refermé, car Les Mauvaises fait partie de ces romans exceptionnels que l’on ne saurait oublier. Une certaine idée du chef-d’œuvre.

     

    Séverine Chevalier : Les Mauvaises. La Manufacture de Livres/collection Territori 2018.

    A lire en écoutant : Je Suis Un Soir d’Eté de Brel. Album : J’Arrive. Barclay 1968.

  • Mise au point 2017. Polar suisse : Je ne vous aime pas non plus.

    polar suisse,séverine chevalier,les mauvaises,bsn press,agullo éditions,la manufacture de livresBilans, retrospectives et projets à venir, voici également venu le temps des classements afin d’aborder sereinement la nouvelle année 2018. Parce qu'il est toujours bien trop difficile de choisir parmi tous les ouvrages que j'ai chroniqués durant l'année, j'ai renoncé depuis longtemps à me soumettre à l'exercice. Et en ce qui concerne les statistiques, Mon Roman ? Noir et Bien Serré ! est un blog littéraire qui n’a jamais eu pour vocation de délivrer des bilans comptables permettant d’affirmer sa propre importance au sein de l’immensité de cette toile numérique. Ainsi, n’utilisant aucun outil d’analyse numérique et ne consultant jamais les données émises par les réseaux sociaux, je suis bien incapable de vous fournir le nombre de visiteurs ou autres éléments « pertinents » quant à la consultation des différentes recensions dont j’ignore la quantité pour l’année 2017. Mais après bientôt 7 ans d’activité à passer en revue la littérature noire, il importe de souligner que la motivation, même si elle n’est pas quantifiable, demeure toujours intacte.

     

    Cette désinvolture quant à la fréquentation et aux statistiques du blog, je la dois probablement au fait qu’en étant hébergé sur le site du journal de la Tribune de Genève je bénéficie d’une certaine visibilité qui ne cessera de m’étonner lorsque l’on m’aborde parfois dans les librairies que je fréquente pour commenter quelques critiques ou évoquer quelques ouvrages. J’en profite pour remercier la rédaction du journal et notamment Jean-François Mabut, qui prend la peine de publier régulièrement dans la version papier quelques extraits de mes chroniques.

     

    Puisque l’on est à l’heure des remerciements, il convient de citer quelques passeurs de livres, passionnés qui m’ont permis de faire de belles découvertes tout au long de ces années. Giuseppe Merrone (BSN Press), Pierre Fourniaud (La Manufacture de Livres) et Sebastien Wespiser (Agullo éditions) pour les éditeurs indépendants qui font un travail extraordinaire dans le domaine de l’édition. Dans la catégorie des libraires il me faut parler de Stéphanie Berg et Mohamed Benabed de Payot Lausanne et de toute l’équipe de la librairie du Boulevard à Genève en rappelant que vous pouvez également commander vos livres sur leurs sites respectifs tout en bénéficiant de leurs conseils avisés. Une prestation qui n’a pas de prix. Il faut également mentionner quelques sites et quelques blogs que j’ai toujours appréciés à l’instar de Fondu au Noir, Le Vent Sombre, 813 Le Blog, Encore du Noir, Bob Polar, Le Blog du Polar de Velda, The Killer Inside Me, Evadez-moi (un nouveau blog) et Mœurs Noires qui entame une retrospective sur l’œuvre de William McIlvanney. Des blogs dont la liberté de ton et l’esprit critique font figure de références au sein de la littérature noire.

     


    polar suisse,séverine chevalier,les mauvaises,bsn press,agullo éditions,la manufacture de livresEn Suisse romande, l’année 2017 aura été marquée par l’hommage fait à Joseph Incardona récipiendaire de la première édition du prix du polar romand pour son livre Chaleur (Finitude 2016), incarnation du roman noir que j’apprécie et que je défends. Un événement qu’il convient de souligner dans le cadre d’une actualité littéraire romande qui s’est davantage focalisée sur deux auteurs de polars romands dont l’œuvre laisse franchement à désirer comme j’ai eu l’occasion de l’évoquer à de multiples reprises. Critiques non constructives, jalousie, aigreur, règlements de compte, manque de respect de l’écrivain sacralisé et bien évidemment des lecteurs, j’aurai tout entendu au sujet de ces chroniques qui ont suscité bien des commentaires. Rien d’anormal dans l’ensemble de ces arguments que les écrivains des livres en question ont émis tout comme quelques blogueurs et lecteurs fanatiques ne supportant pas que l’on égratigne leurs idoles. Outre les cris d’orfraie de circonstance, ces chroniques m’ont valu quelques mesquineries et mises à l’écart qui ne m’ont pas échappé en me donnant ainsi une idée du niveau du débat que l’on peut avoir dans un milieu littéraire où l’on cultive l’entre-soi. Mais tout cela n’a pas grande importance, c'est même plutôt de bonne guerre et pour reprendre une réplique d'un réalisateur français s’adressant à ses détracteurs, il faut savoir que « si vous ne m’aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus.»

     

    polar suisse,séverine chevalier,les mauvaises,bsn press,agullo éditions,la manufacture de livresPour l’année 2018, le blog va donc poursuivre son petit bonhomme de chemin dans la même tonalité en me réjouissant d’ores et déjà à l’idée de retrouver Séverine Chevalier (Clouer L'Ouest, Territori 2014) avec un nouveau roman intitulé Les Mauvaises qui va être publié dans le courant du mois de février 2018 par la Manufacture de Livres, dans la collection Territori et que l’on annonce déjà comme étant un chef-d’œuvre (ce n’est pas moi que le dis). Les nouveautés seront donc bien évidemment à l’ordre du jour, mais je tiens à pousuivre et achever les chroniques concernant les séries de l’inspecteur Sutter et du détective privé Smokey Dalton. Et puis je vais également continuer à explorer cette littérature asiatique qui ne cesse de me surprendre en m’entraînant bien au-delà des genres convenus de la littérature noire.

     

    Il ne me reste qu’à vous souhaiter de passer une très bonne année 2018 avec de belles lectures à venir et à vous remercier pour votre fidélité.

     

    A lire en écoutant : Il Faut Tourner La Page de Claude Nougaro. Album : Nougayork. WEA 1987.