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Ecosse - Page 2

  • Irvine Welsh : Crime. Les caïmans de Lolita.

    Capture d’écran 2014-07-28 à 01.24.17.pngTrash et rock’n’roll, auteur du roman culte Trainspotting, c’est avec une longue liste de qualificatifs parfois outranciers décrivant les romans d’Irvine Welsh que j’ai lu son dernier opus traduit en français, intitulé Crime, abordant ainsi pour la première fois l’œuvre de ce fameux auteur écossaisà la réputation sulfureuse. J’avais tout de même eu un aperçu de l’univers de Welsh au travers du regard du réalisateur Danny Boyle qui avait adapté son roman Trainspotting donnant encore d’avantage de visibilité à un auteur qui n’en demandait peut-être pas tant. Car c’est peut-être bien là que se situe le problème de Welsh qui semble être constamment ramené à son premier succès.

     

    Pour se remettre d’une dépression faisant suite à une douloureuse affaire d’infanticide et d’un problème d’addiction à la cocaïne qu’il semble avoir difficilement surmonté, l’inspecteur Ray Lennox quitte Edimbourg pour un congé bien mérité à Miami, accompagné de sa fiancée qui ne songe qu’au préparatif de leur mariage. C’est après une dispute suivie d’une folle virée nocturne que Ray Lennox va faire la connaissance d’une fillette de dix ans qu’un toxicomane tente d’abuser lors d’une fin de soirée endiablée. Pris d’un accès de rage, Ray Lennox va traverser toute la Floride pour protéger la jeune fille des prédateurs abjects qui veulent la reprendre à tout prix.

     

    Une alternance omniprésente entre le présent et le passé s’installe à mesure que l’on suit l’inspecteur Lennox durant son périple à travers l’état de Floride en compagnie de la jeune Tianna. On découvre ainsi l’enquête douloureuse que Ray Lennox a mené à Edimbourg pour traquer un sadique tueur d’enfants, mais également la tragique raison qui pousse ce policier brisé à traquer les pervers et à tenter protéger cette fillette qui le désarçonne par sa confondante naïveté et cette perte d’innocence irrémédiable. Même s’il est lumineux, le personnage de la jeune Tianna n’en demeure pas moins quelque peu caricaturale, manquant de profondeur et souffrant de trop nombreux clichés entre la jeune écervelée et la fille mature tandis que l’inspecteur déchu en quête de rédemption est un classique du genre qu’Irvine Welsh s’approprie sans y apporter quoique ce soit de bien nouveau. On appréciera tout de même le passage où le personnage principal s’enlise dans une bacchanale nocturne déjantée qui l’amènera à rencontrer cette fillette vulnérable. Si Welsh évoque dans ses interviews l’envie de faire un « anti-Lolita », ses personnages manquent d’une certaine envergure et semblent parfois coincés dans une espèce de conformisme que l’auteur ne parvient pas à contourner, même si parfois quelques scènes burlesques, bien trop rares, font une espèce de clin d’œil à l’œuvre de Nabokov.

     

    Bien évidemment que les fans de la première heure d’Irvine Welsh pourront être déçu par le côté classique d’un récit qui aborde le thème délicat de la pédophilie. Mais c’est justement en délaissant  tout cet aspect trash et rock’n’roll de ces précédents romans que l’auteur façonne avec une belle intelligence toute une série de pédophiles qui détonnent au milieu de ces sempiternelles clichés de prédateurs sexuels machiavéliques et démoniaques qui occupent bien trop souvent les pages de romans traitant le sujet de l’abus sexuel sur enfants. Car s’ils sont abjectes et quelque peu organisés, les prédateurs de Crime restent avant tout des pauvres types, voire même des paumés, conférant encore d’avantage de réalisme et donc d’inhumanité à leurs actes odieux. Ce sont donc principalement les personnages secondaires de Crime qui apportent une certaine originalité à un récit qui manque parfois un peu de souffle.  

     

    Irwin Welsh : Crime. Editions Au Diable Vauvert 2014. Traduit de l’anglais (écossais) par Diniz Galhos.

    A lire en écoutant : Nothing But de Skin. Album : Fake Chemical State. V2 Music Limited 2006.

     

     

  • Fureur Noire : Philip Kerr, Trilogie Berlinoise, le polar historique.

     

    « Tous les grands romans du XXème siècle sont des romans policiers »

    Borges

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    Ce qu'il y a de réjouissant en lisant cette citation de Borges, ce qu'elle a probablement dû influencer Umberto Eco lorsqu'il rédigea le Nom de la Rose. Exit donc le frère Cadfael d'Ellis Peter ou le juge Ti de Robert Van Gulig, deux grandes séries qui trustèrent durant des années le polar historique. La première se déroulaient en Chine, dans les années 600 de notre ère sous le règne de la dynastie T'ang tandis que la seconde avait pour cadre une période troublée du Moyen-Age. Ces deux auteurs nous permirent d'explorer les méandres méconnus de l'histoire avec l'inconvénient pour les lecteurs assidus, d'une certaine répétition des traditions évoquées au fil des aventures de ces deux personnages.

     

    Rien de tout cela avec le Nom de la Rose qui révolutionna le genre à un point tel que personne ne fut capable d'égaler ce qu'il faut considérer comme l'un des plus grands romans du 20ème siècle. Dans cet ouvrage, Borges n'est d'ailleurs pas loin puisque c'est lui et sa bibliothèque de Babel qui inspira Umberto Eco dans la description du moteur essentiel de son ouvrage à savoir la bibliothèque infernale de cette abbaye mystérieuse. Et comme si cet hommage ne suffisait pas Umberto Eco créa le personnage du bibliothécaire aveugle (tout comme Borges) en lui donnant le nom de Jorge de Burgos, personnage d'ailleurs à l'antithèse de ce fabuleux écrivain.

     

    Le Nom de la Rose, un polar médiéval dense et foisonnant de références historiques truffé d'éléments sémiotique à un point tel qu'il relègue les écrits de Dan Brown au rang d'amateur. Oubliez le film de Jean-Jacques Annaud (fort bon au demeurant) qui ne put restituer la richesse du roman et plongez-vous dans cette sombre intrigue mettant en jeu les danger de l'obscurantisme en suivant l'enquête passionnante de Guillaume de Baskerville et de son novice Adso de Melk.

     

    A la suite de ce succès littéraire, bon nombre d'auteurs tentèrent de s'engouffrer dans la brèche sans rencontrer le même succès. Des chapitres pompeux pour poser les bases historiques, un manque de recul, voir même une absence d'intrigue  expliquent que bon nombre de ces ouvrages ne parvinrent jamais à égaler ce qu'il faut considérer comme l'œuvre majeur de Eco, à savoir un polar !

     

    Il fallait donc quitter le monde médiéval pour s'emparer d'autres pans de l'histoire afin de lire quelque chose de correct dans ce domaine particulier du polar historique. Avec Philip Kerr et sa trilogie Berlinoise (devenue une quadrilogie avec La mort entre Autre), ce sont les heures sombres du Troisième Reich que vous traverserez par le biais des enquêtes du détective privé Bernhard Gunther. Il faut bien l'avouer, avec son ironie mordante et son humour amer, un rien désabusé, le personnage ressemble furieusement au héro charismatique de Raymond Chandler, j'ai nommé le grand Philip Marlowe. Mais ce sont les personnages secondaires qui donnent tout leur intérêt pour ces heures sombres de l'Allemagne qui sont évoquées par petites touches avec des dialogues incisifs ou des descriptions précises d'un Berlin fort méconnu. Des personnages historiques inquiétants comme Heydrich, Himmler, Artur Nebe et Heinrich Muller traversent les récits de Philip Kerr en les rendant encore plus terrifiants.

     

    De la subtilité, du talent et une grande connaissance du contexte historique font que les romans de Philip Kerr sont devenus un must incontournable du polar historique. Vous pourrez retrouver ce grand auteur à l'occasion de la Fureur Noire. Il sera présent à la salle du Faubourg, le samedi 8 octobre 2011 à 19h30 en compagnie de l'historien Volker Kutscher. Ensemble, ils évoqueront l'aspect destructeur de cette Allemagne du début des années 40 en perte de ses valeurs démocratiques.

     

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    Pour vous guider tout au long de cette semaine consacrée au polar et au roman noir, il y a ce guide  précieux du cercle de libraires et des éditeurs de Genève que je vous recommande que vous soyez novice ou amateur en la matière.  Sur la couverture grise, une gravure illustrant le double assassinat dans la rue Morgue d'Edgar Allan Poe avec le titre « Fureur Noire » inscrit en lettre de sang ! Puis, pour introduire ce fascicule, cette citation de Borges qui résonnera dans le cœur de tous les passionnés du genre. S'il fallait quelques mots subtiles pour résumer tout ce qu'est le polar et le roman noir, ne manquez pas la brillante introduction de Valérie Solano avant d'aborder les différentes thématiques de ce petit ouvrage.

    1.     La Ville est un polar

    2.     Jazz et polar font bon ménage

    3.     Sur les traces des autres hommes

    4.     Le polar parle espagnole

    5.     Comment le polar LGTB est sorti du placard

    6.     Le polar comme la révolution

    7.     Dans le secret des crânes

    8.     Ombre sur la lune, le roman policier japonais

    9.     De glace et de feu l'Islande noire

    10.   En Italie le crime est jaune

    11.   La BD et le polar

    12.   Américain ou rien

    13.   Le polar des Alpes

    14.   L'enfance et le polar

    Ces 14 thèmes vous permettront d'aborder les différents aspects du polar et du roman noir. Des esprits chagrins regretteront que tel roman ou tel récit ne soit pas cité dans ce fascicule. Mais tel n'est pas le but de ce guide qui est comme un passeur qui vous permettra de traverser les flots sombres d'un genre littéraire qui n'a plus rien à prouver mais qui reste encore à découvrir.

     

    En tant que flic j'aurai peut-être aimé que l'on aborde le thème du polar entre réalité et fiction avec une participation la police cantonale genevoise pour cette manifestation d'envergure. Un rendez-vous manqué ou un manque d'ouverture ? Qui peut le dire ?

     

     

     

    Umberto Eco : Le Nom de la Rose. Livre de Poche 1982. Traduit de l'italien par Jean-Noël Schifano.

     

    Philip Kerr : Trilogie Berlinoise. Livre de Poche 1989, 1990, 1991. traduit de l'anglais par Gilles Berton.

     

    A lire en écoutant : Parfum du passé et Evocation de Gabriel Yared. Bande originale du film Coco & Igor.