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  • LEONARDO SCIASCIA : LE JOUR DE LA CHOUETTE. CHIENS DE LA LOI.

    leonardo sciascia,le jour de la chouette,éditions flammarionDepuis toujours, la littérature noire italienne tient une place de choix au sein de nos contrées francophones avec quelques auteurs emblématiques comme Georgio Scerbanenco et son emblématique enquêteur milanais Duca Lamberti ou le légendaire commissaire Montalbano, stationné en Sicile, que le regretté Andrea Camilleri a mis en scène dans plus d'une trentaine d'ouvrages, ceci sans oublier son homologue parmesan, Franco Soneri, que l'on retrouve chaque année depuis bientôt dix ans au gré des publications de Valerio Varesi qui poursuit l'aventure en nous immergeant dans les contrées brumeuses de cette région méconnue de l'Emilie-Romagne. Mais comme pour ce qui a eu trait aux polars nordiques, ou plus récemment pour ce qui concerne les romans noirs ruraux en provenance des Appalaches et autres contrées reculées des Etats-Unis, on observe un regain d'intérêt pour le "Giallo", terme désignant le mauvais genre en Italie en faisant référence aux fameuses couvertures jaunes habillant la collection mythique de polars de l'éditeur Mondadori. C'est sans doute sur la base de ce constat que la revue des littératures policières 813 a publié tout dernièrement un dossier sur "les beaux jours du Giallo" avec notamment l'intervention de traducteurs français comme Serge Quadruppani, Laurent Lombart, Gérard Lecas et Anatole Pons-Remaux et de spécialistes à l'instar de Claude Combet, Emilio Sciarrino et Fred Prilleux qui mettent en lumière toute une galaxie d'auteurs plus ou moins connus de la littérature noire italienne dans laquelle on peut puiser à satiété sans prendre trop de risques quant à une quelconque déconvenue. En parcourant la dizaine d'articles nous donnant un aperçu complet de la richesse de cette littérature noire transalpine, rares sont ceux qui ne mentionnent pas le romancier sicilien Leonardo Sciascia qui, au détour d'une œuvre littéraire très variée, s'est ingénié à dénoncer les agissements de la mafia par le prisme de la fiction avec des récit de références tels que le crépusculaire Le Chevalier Et La Mort (Sillage 2023) faisant écho à son premier roman policier aux connotations politiques, Le Jour De La Chouette qui demeure, aujourd'hui encore, une référence dans le domaine, en bénéficiant d'une révision du texte en français de Mario Fusco qui a d'ailleurs rassemblé l'ensemble des textes de l’auteur dans un intégral en trois volumes publié aux éditions Fayard. Publié en 1961, Le Jour De La Chouette détonne dans le paysage littéraire italien de cette période, parce qu'il évoque, sans détour, tous les aspects du fonctionnement d'une organisation criminelle gangrénant l'ensemble de la structure sociale d'une localité sicilienne dont Leonardo Sciascia connaît tous les aspects, lui qui a officié durant des années comme instituteur au sein d'une bourgade similaire où il a pu observer tout à loisir l'ensemble des entrelacs sociaux de son environnement. Une démarche littéraire qui n'est pas anodine comme l'auteur l'exprime d'ailleurs dans sa note en fin de récit en soulignant dans l'extrait suivant, le contexte de l'époque : "On n'ignore pas qu'en Italie il ne faut pas jouer avec le feu: qu'on imagine ce qu'il en est quand on ne désire pas jouer, mais parler sérieusement. Les Etats-Unis peuvent présenter dans leurs récits et dans leurs films des généraux imbéciles, des juges corrompus et des policiers canailles. L'Angleterre aussi, la France aussi, la Suède aussi et ainsi de suite. L'Italie n'en a jamais présentés, n'en présente pas, n'en présentera jamais."  Si Roberto Saviano a pu le contredire sur le sujet, en publiant Gomorra en 2006, personne n'ignore les menaces de mort dont le journaliste/romancier a fait l'objet en nécessitant une protection policière conséquente, faisant ainsi écho à cette impressionnante lucidité de Leonardo Sciascia qui transparait d'ailleurs dans l'ensemble de ses ouvrages.

       

    En Sicile, sur la place du village de S. deux coups de feu résonnent au petit matin en fauchant ainsi Salvatore Colasberna, abattu de deux coups de chevrotine alors qu'il s'apprêtait à prendre son bus pour Palerme. En charge de l'enquête, le capitaine Bellodi découvre que la victime, responsable d'une petite entreprise de construction, refusait de composer avec la mafia locale dans le cadre d'adjudications de travaux publics plus que douteuses. Si le responsable de la compagnie des carabinieri avance sur certains aspects de son enquête, il se heurte rapidement à une espèce d'omerta qui touche tout d'abord les associés de l'entrepreneur mais également les témoins à l'instar de Paolo Nicolosi qui finit par disparaître tandis que sa femme se retrouve sur la sellette. En dépit de ces difficultés, le capitaine Bellodi progresse dans ses investigations en interrogeant certains suspects qui auraient procédé à l'exécution de la victime ainsi que le commanditaire, une figure locale bénéficiant d'une protection des autorités judiciaires et politiques de la région qui rendent des comptes aux hautes instances basées à Rome. Autant dire que l'affaire est loin d'être résolue et que les répercussions risquent d'être nombreuses et tragiques, ce d'autant plus lorsque l'on s'en prend aux mafieux de la région.  

     

    En préambule, il conviendra passer outre l'introduction de Claude Ambroise qui dévoile toute la structure du récit, afin de mettre en valeur la substantifique moelle d'un texte aussi engagé que pertinent et que vous ne manquerez pas de découvrir au terme de votre lecture pour en apprécier quelques aspects subtils du roman qui pourraient vous avoir échappé. Mais que l'on ne s'y trompe pas, si Le Jour De La Chouette emprunte bien tous les codes du roman policier, on n'y trouvera guère un suspense trépident quant à l'identité du ou des coupables, puisque l'intrigue prend davantage l'allure d'une critique sociale au gré d'une impitoyable radioscopie structurelle d'une localité de la Sicile, phagocytée par une organisation mafieuse que Leonardo Sciascia décline avec autant d'intelligence que de mordant que l'on perçoit notamment au détour des réflexions du capitaine Bellodi qui fait preuve d'un certain sens de l'ironie en décortiquant peu à peu tous les entrelacs d'une affaire dévoilant les accointances entre malfrats, autorités politiques et judiciaires. Et c'est bien dans la pertinence de ses propos que réside le talent de Leonardo Sciascia qui parvient à mettre en lumière, avec une impressionnante clairvoyance, tous les soubassements d'une organisation criminelle qui s'incarne notamment dans la confrontation entre le capitaine Bellodi et don Mariano lors d'un interrogatoire où il est question de finance, ceci bien avant que les notions de blanchiment d'argent ne fassent véritablement surface pour mettre à mal les systèmes mafieux. Si l'on dit du roman policier qu'il se définit par un apaisement de la société au terme d'une enquête où le crime est résolu, Le Jour De La Chouette n'entre absolument pas dans ce cadre, bien au contraire, puisque l'on observe toute la mise en œuvre des mesures en vue de contrer les investigations d'un enquêteur que l'on sacrifiera sur l'autel des intérêts supérieurs d'un état dévoyé que l'on retrouvera d'ailleurs dans plusieurs romans de Leonardo Sciascia consacré à la mafia. L'intérêt du récit réside donc également dans le comportement de toute une galerie de criminels cherchant à se soustraire aux enquêteurs en employant tous les moyens tels que l'intimidation, le faux-témoignage et bien évidement l'élimination des individus pouvant apporter un éclairage sur les circonstances du crime commis. Il émane ainsi une notion de peur qui se conjugue parfois avec un certain fatalisme qui touche toute les strates d'une population qui ploie sous le joug de ces structures mafieuses impitoyables. Tout cela se met en place au gré d'une certaine forme de théâtralité que l'auteur emploie avec une efficacité redoutable lui permettant d'aller à l'essentiel avec un texte d'une impressionnante sobriété qui font que Le Jour De La Chouette demeure un roman de référence qui reste toujours d'actualité.

     

    Leonardo Sciascia : Le Jour De La Chouette (Il Giorgio Della Civetta). Editions Flammarion 2024. Traduit de l'italien par Juliette Bertrand et revue par Mario Fusco pour la présente édition. Introduction, chronologie et bibliographie par Claude Ambroise.

    A lire en écoutant : Omerta d'Ennio Morricone. Album : Il Prefetto Di Ferro. 2024 Beat Records.

  • Alexandre Courban : Rue De L'Espérance, 1935. Vers un avenir radieux ?

    alexandre courban,rue de l’avenir 1935,éditions agulloService de presse.


    C'est encore une fois autour de l'intrigue policière que les événements de l'Histoire ou pour le moins, sur le registre du roman noir que l'on perçoit les enjeux sociaux qui vont avoir une influence sur la tournure de certains épisodes du passé rejaillissant parfois dans le cours de notre actualité à l'instar de ce nouveau front populaire faisant référence à cette coalition de gauche des années trente qui avait marqué nos sociétés avec l'instauration de plusieurs acquis en faveur des travailleurs salariés dont les plus emblématiques sont les fameux congés payés et la semaine de quarante heures. Mais on ne saurait s'arrêter sur ces deux aspects d'une époque charnière finalement méconnue qu'Alexandre Courban se charge de décortiquer année après année en débutant avec Rue De L'Avenir, 1934 où l'on distingue la polarisation des opinions dont cette inquiétante montée du fascisme avec comme point d'orgue cette journée d'émeute du 6 février 1934, menée par les ligues d'extrême droite incitant les partis de gauche à s’unir afin de contrer ces mouvements fascistes qu'un journal comme l'Humanité dénonce avec véhémence. C'est en adoptant le point de vue d'un journaliste du fameux quotidien communiste, d'une ouvrière d'une raffinerie de sucre et d'un commissaire d'un poste de police du quartier que s'égrène cette année 1934 en se focalisant notamment sur l'enquête autour de la découverte d'une femme que l'on a retrouvé noyée dans la Seine. Outre les terribles conditions de travail des ouvriers et plus particulièrement des ouvrières harcelées par les contremaîtres, Alexandre Courban se penche également sur le fonctionnement du quotidien L'Humanité dont il connaît bien les rouages puisqu'il y a consacré une thèse qu'il a soutenue en 2005 alors qu'il était étudiant en histoire. Et puis, sur un registre naturaliste, on s'immerge littéralement dans le tissu social de l'époque en parcourant les rues de ce quartier méconnu du XIIIème arrondissement de Paris dont l'auteur, exerçant la fonction de conseiller d'arrondissement auprès de la mairie du XIIIème, met en exergue certains aspects du patrimoine qui s'intègrent parfaitement dans le déroulement d'une intrigue policière s'inscrivant dans cette même veine naturaliste de l'environnement qui entoure les personnages. On retrouve d'ailleurs tous ces éléments dans Rue De L'Espérance, 1935, second opus de cette chronique du Front Populaire dont l’union sacrée prend de plus en plus d'ampleur tandis que les rumeurs de la guerre exacerbent toutes les convoitises en matière de technologie et de contrats juteux qui en découlent.

     

    En 1935 à Paris, on assiste à un véritable essor de l'industrie aéronautique avec l'expansion de la société Gnome et Rhône spécialisée dans la conception de moteurs d'avion et pour laquelle travaille André Legendre, dessinateur industriel, que l'on a poignardé dans le métro. Les faits se déroulant à la station Campo-Formio, l'enquête sur les circonstances du meurtre est confiée au commissaire Bornec qui officie dans le quartier de la Gare. Mais les indices sont minces et le policier va devoir faire quelques appels à témoin en sollicitant notamment Gabriel Funel  journaliste pour le compte du quotidien L’Humanité, au sein de la rubrique sociale et qui s'intéresse plus particulièrement aux conditions de travail des métallurgistes. Pourtant, au cours de l'enquête, ils sont rejoints par Camille Dubois qui, outre son travail au service des abonnements du journal, se passionne pour la photographie en vue de devenir reporter photographe. Et c'est peut-être en consultant ses clichés que va émerger certains éléments permettant d'identifier un insaisissable meurtrier qui semble vouloir faire le ménage dans le milieu aéronautique pour le compte du gouvernement italien dirigé par Mussolini. Il faut dire que le dictateur est bien décidé à en découdre avec les forces éthiopiennes avec lesquelles il est en conflit depuis des années et qu'il lui faut pour cela acquérir du matériel performant afin d'équiper ses troupes.  

     

    Alexandre Courban poursuit donc la mise en oeuvre de cette fresque historique du Front Populaire qu'il met en scène à une échelle humaine, sans grandiloquence et surtout sans manichéisme quant à cette union sacrée des partis de gauche dont on perçoit l'émergence par le prisme de la rédaction du quotidien L'Humanité et plus particulièrement de son journaliste Gabriel Funel qui nous permet de nous immerger dans les coulisses de la rédaction et de découvrir certains aspects des personnalités qui le dirige. On perçoit de cette manière la perplexité des figures dirigeantes du journal quant à la position de l'URSS vis à vis de la France et de ses velléités de ramener le service national obligatoire à deux ans  alors que le secrétaire général du Parti communiste français lance le mot d'ordre de "Front populaire pour le pain, la paix et la liberté". Mais avec Rue De L'Espérance, 1935, bien loin de cette attitude pacifique qui prévaut dans les rangs de la gauche, émerge déjà cette atmosphère belligérante des nations qui donnent l'impression de se préparer aux hostilités à venir, à l'instar du gouvernement fasciste italien enlisé depuis bien des années dans un conflit avec l'empire d'Éthiopie et dont on perçoit les échos par l'entremise de l'enquête du commissaire Bornec chargé d'élucider le meurtre d'un employé de la société Gnome Et Rhône, la plus grande entreprise de construction de moteurs d'avion d'Europe. A partir de là, Alexandre Courban construit une intrigue policière aussi habile que réaliste en faisant en sorte que chacun des personnages, que ce soit le journaliste Gabriel Funel ou le commissaire Bornec, restent dans leurs prérogatives respectives sans jamais outrepasser les limites qui leur sont imposées, ceci même si certains aspects de l'enquête se déroulent notamment en Suisse alors que l’on suit le parcours d’un individu inquiétant endossant de multiples identités. On reste donc, pour la plupart du temps, dans le magnifique et méconnu quartier populaire du XIIIème arrondissement au gré d'investigations qui se diluent (parfois un peu trop) dans le temps, en arpentant les rues du quartier en compagnie du journaliste et du policier mais également de Camille Dubois, cette ancienne ouvrière de la raffinerie du sucre qui se passionne désormais pour la photographie tout en travaillant au service abonnement du journal L’Humanité et dont on apprécie la prépondérance  dans le cours de  l'intrigue. Ainsi, outre les événements en lien avec le Front Populaire que ce soit, la victoire de la gauche aux  élections municipales, la grande fête de L’Humanité qui prend plus d'ampleur ainsi que la grande manifestation du 14 juillet 1935 rassemblant plusieurs centaines de milliers de personnes, Alexandre Courban nous entraîne également dans le milieu héroïque de l’aviation, objet de toutes les convoitises militaires notamment, ainsi que dans les balbutiements du travail de photographe reporter prétexte à une immersion encore plus intense dans le milieu modeste des travailleurs qu'il dépeint avec une impressionnante force naturaliste. Tout cela se met en place dans un environnement où les positions contradictoires sont exacerbées dans une lutte des classes extrêmement intense qu’Alexandre Courban a su restituer sur un registre historique d’une impressionnante justesse se conjuguant à hauteur d’hommes et de femmes ordinaires, témoins presque malgré eux d’événements qui les dépassent quelque peu mais auxquelles ils entendent bien prendre part, ceci sur une note pleine d’espoir de cette année 1935 que l’on a traversé le souffle coupé. Vivement la prochaine année 1936. 

     


    Alexandre Courban : Rue De L'Espérance, 1935. Editions Agullo 2024.

    A lire en écoutant : Tosca: "E lucevan le scelle" interprété par Luciano Pavarotti. Album : Puccini:Tosca   Freni - Pavarotti - Milnes. 1979 Decca Music Group Limited.

  • JOACHIM B. SCHMIDT : KALMANN ET LA MONTAGNE ENDORMIE. KORREKTOMUNDO !

    joachim b. schmidt,kalmann et la montagne endormie,éditions gallimard,collection la noireIl faut bien admettre qu’il y avait une petite part de chauvinisme helvétique qui rejaillissait quant à la surprenante et réjouissante découverte de Kalmann (La Noire 2023) du grisonnais Joachim Beat Schmidt intégrant, avec son premier roman traduit en français, la prestigieuse collection La Noire de la maison d’éditions Gallimard. Mais au-delà de cette interférence patriotique exacerbée, il convient de souligner tout le plaisir que l’on a eu en s'imprégnant du mode de pensée décalé du « shérif » auto proclamé de la localité islandaise de Raufarhöfn, atteint de troubles de l’autisme, et que le romancier suisse a su retranscrire avec une verve poétique et humoristique sans pareil, au détour d’une intrigue policière prenant pour cadre cette île nordique superbe, où il réside désormais, en faisant en sorte d’en restituer l’atmosphère si particulière, par le prisme d’une écriture épurée, mais aussi grandiose que ces paysages nordiques. Mais que l'on ne s'y trompe pas, le roman n'emprunte d'aucune manière le style caractéristique du polar nordique pour prendre plutôt l'allure d'une intrigue policière un peu loufoque du fait de la personnalité peu commune de Kalmann, de son appréhension à la fois naïve et pragmatique du monde qui l'entoure et bien évidemment de ses échanges sans filtre avec ses interlocuteurs en suscitant, à bien des égards, une certaine hilarité véritablement salutaire. Et puis au-delà de l'intrigue policière, prétexte à toutes les péripéties les plus incroyables, que ce soit une confrontation avec un ours polaire, des virées en mer pour chasser le requin afin de concocter le hárkarl, spécialité locale fermentée au goût prononcé et à l'odeur particulière, ainsi que ces parties de chasse dans ces contrées désolées et majestueuses, il émerge cette chaleureuse humanité attendrissante qui imprègne le texte en rejaillissant sur l'entourage de Kalmann et plus particulièrement dans les rapports qu’il entretient avec son grand-père qu'il affectionne tant. A partir de là, on ne peut que se réjouir de retrouver ce personnage si atypique qui revient dans Kalmann Et La Montagne Endormie, second opus auquel on ne s'attendait pas et qui constitue une des excellentes surprises de ce début d'année. 

     

    Le shérif d'honneur de Raufarhöfn, petit bourg portuaire situé au nord de l'Islande, ne sera pas présent à l'occasion du feu d'artifice du Nouvel An. En effet, Kalmann Oòinsson a décidé de répondre à l'invitation de son père biologique pour se rendre aux Etats-Unis afin de rencontrer les membres de sa famille du côté paternel qu'il ne connaît pas du tout. C'est l'occasion de chasser en manipulant des armes dont son père ainsi que son oncle sont généreusement dotés et qu'ils prétendent vouloir conserver à tout prix pour défendre leurs droits qu'ils estiment menacés par les autorités du pays. Ainsi, Kalmann, esprit candide, va accompagner ses nouveaux amis à Washington en participant à une étrange manifestation dont il ne connaît pas tous les tenants et aboutissants et qui va soudainement dégénérer. Désormais abandonné par les siens, il se retrouve dans une salle d'interrogatoire du FBI à devoir raconter son parcours avant qu'on ne lui demande fermement de rentrer chez lui. Mais de retour au pays, alors qu'il est accueilli par sa mère, il découvre que son grand-père, communiste convaincu, s'intéressait aux intérêts américains en Islande. Et pour couronner le tout, il se pourrait bien que le décès de son aïeul ne soit pas dû à des causes naturelles en lien avec son grand âge.

     

    Si l'effet surprenant du premier ouvrage n'est évidemment plus de mise avec Kalmann Et La Montagne Endormie, on apprécie toujours autant ce dynamisme décalé qui imprègne la personnalité de ce personnage auquel on s'attache de bout en bout en savourant plus particulièrement ses répliques stupéfiantes se révélant aussi amusantes qu'émouvantes tandis que l''intrigue se décline, une nouvelle fois, sur un registre un peu barré, en partie dû à la manière dont Kalmman Oòinsson conduit ses investigations en vue de découvrir celui qui aurait pu s'en prendre à son grand-père. A partir de là, le récit se divise en deux parties où l'on découvre, tout d'abord, au gré de sa déposition, les raisons pour lesquelles notre héros se retrouve dans une salle d'interrogatoire du FBI. C'est peu dire que l'on est saisi par les surprenantes révélations de Kalmann prenant part, durant son séjour aux Etats-Unis et à son corps défendant, a un événement marquant qui n'est d'ailleurs pas sans lien avec l'actualité de ce 20 janvier 2025 où un nouveau président vient de prêter serment. Mais l'Islande n'est pas en reste et ceci de manière plus importante dans la seconde partie du récit où le thème de l'influence américaine devient le moteur central de la narration en lien avec une mystérieuse base de l'armée US, désormais abandonnée mais recelant encore quelques secrets. Autour de ce thème, Joachim B. Schmidt met encore une fois en exergue l'aspect environnemental de l'île et plus spécifiquement l'impact négatif de ces infrastructures vétustes dont certains éléments imprègnent durablement les terres et les cours d'eau de la région. On le voit, en dépit d'une certaine drôlerie, Kalmann Et La Montagne Endormie n'est pas dépourvu d'une note de réalisme que le romancier décline autour d'une intrigue policière prenant l'allure, en toute fin de récit, d'un thriller saisissant matiné de quelques codes propre aux romans d'espionnage révélant certains aspects de la personnalité du grand-père de Kalmann au détour d'événements explosifs, c'est le moins que l'on puisse dire. Bien loin de l'image caricaturale qui entoure souvent les personnages atteints de troubles autistiques, Kalmann se révèle dans sa formidable humanité à la fois drôle et touchante qui ne manquera pas de saisir les lecteurs qui en redemanderont. 

     

    Joachim B. Schmidt : Kalmann Et La Montagne Endormie. Editions Gallimard/Collection La Noire 2025. Traduit de l'allemand (Suisse) par Barbara Fontaine.

    A lire en écoutant : Thème from Rawhide interprété par The Blues Brothers. Album : The Blues Brothers (Original Soundtrack Recording). 1980 Atlanta Recording Corporation.

  • Olivier Truc : Le Premier Renne. Terres rares.

    IMG_0352.jpegOriginaire de la région du Sud-ouest en France, le journaliste Olivier Truc s'installe en 1994 à Stockholm en devenant correspondant de plusieurs radios, hebdomadaires et quotidiens français pour les pays baltes et nordiques. Outre ce rôle de correspondant, il travaille également comme réalisateur de documentaires ayant notamment pour sujet cette fameuse Police des rennes qui sera à l'origine de son premier roman policier Le Dernier Lapon publié en 2012 par les éditions Métailié en suscitant un enthousiasme tant auprès des lecteurs que des critiques avec notamment l'obtention de plus d'une  vingtaine de prix littéraires dédiés au genre. Mais loin de se cantonner dans ce registre du polar en lien avec la culture des Samis dans laquelle il s'est immergé à de nombreuses reprises, on apprécie l'humilité d'Olivier Truc ainsi que son côté journaliste baroudeur qui se penche sur de nombreux autres sujets allant des mouvances d'extrême-droite servant de base pour des scénarios de bande-dessinée tels que On Est Chez Nous (Robinson 2019), aux méandres de l'affaire de l'attentat de Karachi coûtant notamment la vie à 11 ingénieurs français chargés de la mise au point d'un sous-marin dont le gouvernement pakistanais a fait l'acquisition auprès des autorités françaises et dont on découvre les dessous avec Les Sentiers Obscurs De Karachi (Métailié 2022). Et puis, lorsque l'on croise Olivier Truc dans les allées d'un festival de littérature, c'est désormais la guerre en Ukraine qui suscite son attention en tant que journaliste tandis que le romancier nous livre Le Premier Renne, cinquième opus de sa série policière emblématique, mettant une nouvelle fois en scène Nina Nansen et Klemet Nango ces deux enquêteur officiant sur le territoire des Samis. Si comme moi, vous n'avez pas lu les ouvrages précédents, il va de soi que l'on peut aisément appréhender les différents thèmes du récit s'articulant plus particulièrement autour du plus grand gisement de terres rares d'Europe situé à Kiruna en Laponie, ceci même si l'on a cette impression tenace de passer à côté de certains aspects du parcours tant de la norvégienne Nina Nansen que de son partenaire Sami, Klemet Nango nous incitant dès lors à découvrir les autres ouvrages de la série.

     

    Sur les auteurs des Alpes-de-Haute-Provence, Joseph Cabanis, éleveur de brebis, doit faire face à la voracité du loup qui décime son troupeau. Aprés une incursion du prédateur au sein même de sa bergerie, ivre de vengeance, il décide de se rendre en Laponie où on lui a dit qu'il était possible de tuer les loups en toute impunité ce qui s'avérera totalement erroné. Néanmoins, il rencontre Anja, cette jeune femme Sami que son clan a marginalisé en raison de sa forte tête et de son refus de se plier aux règles et à qui l'on a désormais confier le pouvoir d'éliminer clandestinement le moindre animal qui s'en prendrait aux troupeaux de rennes que l'on rassemble afin de procéder au marquage des faons. Mais la région est au prise avec des événements terribles comme ces rennes que l'on a retrouvé morts le long de voie ferrée qui transporte le minerai de fer que l'on extrait de la mine recélant également d'important gisement de terres rares extrêmement convoités. Chargé d'investiguer sur ce qui s'avère être un acte criminel prémédité, Nina Nansen et Klemet Nango, enquêteurs de la police des rennes se retrouve au coeur de conflits qui déchirent les membres du clan Sami qui voient leurs pâturages disparaître au profit des rendements miniers destinés à assurer cet transition énergétique qui a tout de même un prix à payer, celui du sacrifice des terres du pays sur lequel plane cette lumière permanente du solstice d'été qui perturbe les âmes et les esprits. Et puis, comme s'il s'agissait de représailles, il y a cet attentat mettant hors d'usage un tronçon de la voie ferrée qui n'arrange pas les clivages entre autochtones et entrepreneurs bien décidés à exploiter toutes les ressources minières. Une situation explosive qui va exacerber les tensions entre les différents protagonistes bien déterminés à parvenir à leurs fins, quoiqu’il en coûte. 

     

    Englobant des territoires norvégiens, suédois, finlandais et même russes, la Laponie se distingue par son peuple autochtone Samis vivant encore de l'élevage de rennes, véritable pilier de leur économie, même si l'activité est en déclin et dont Olivier Truc, véritable spécialiste de la Scandinavie, dépeint les difficultés par l'entremise de polars qui n'ont rien de nordiques en se déclinant donc autour de cette unité de la police des rennes qui officie réellement sur l'ensemble de la région. Mais au-delà de l'élevage, la Laponie, et plus particulièrement du côté de la Suède, recèle d'importants gisements miniers que le gouvernement exploite avec une absence de retenue, ce d'autant plus que l'on vient de découvrir un gisements conséquent de "terres rares" destinés au technologies vertes en lien avec la transition énergétique. C'est donc sur le thème de cette confrontation entre deux activités diamétralement opposées que se décline Le Premier Renne avec une intrigue prenant notamment pour cadre la ville de Kiruna dont l'exploitation minière à ciel ouvert a laissé place à d'importantes galeries souterraines à plus de 1800 mètres de profondeur causant, outre la pollution conséquente en lien avec l'extraction, d'important affaissement mettant en péril l'intégrité des bâtiments du centre de la localité. Se déroulant durant la période estivale, Olivier Truc, nous entraîne également dans l'univers des Samis durant l'intense période de marquage des faons nous permettant de découvrir la structure sociale des samebys, ces communautés d'éleveurs de rennes aux règles bien établies. Et c'est peut-être là que réside l'intérêt du récit, car si Olivier Truc met en évidence les dérives de l'exploitation minière, il se garde bien d'édulcorer les dysfonctionnements d'une société autochtone émaillée de certaines rivalités et de traditions parfois trop contraignantes. Cet ensemble de discordances sociales et économiques se traduit autour de la personnalité extraordinairement complexe d'Anja, une jeune femme Sami refusant tous compromis quels qu'ils soient en s'inscrivant dès lors dans une logique de révolte qui font d'elle une paria vis-à-vis de son clan dont certains membres la relègue à des tâches occultes destinées à protéger les troupeaux. Prenant une place prépondérante dans le déroulement de l'intrigue, on découvre, au gré de son parcours, l'immensité et la beauté de la taïga, mais également l'atmosphère plus sombre de l'environnement de la mine et de ses environs que le romancier dépeint avec la rigueur qui le caractérise, tout en prenant soin de mettre également en scène la culture ancestrale des Samis dans laquelle la jeune femme va puiser des forces afin de faire face à ses adversaires, secondée en cela par Joseph Cabanis, cet éleveur français au caractère la fois ambivalent et nuancé qui cherche également à trouver un sens à sa vie en se confrontant à un autre univers. Tout cela se met en place au gré d'une série d'investigations menées par le duo de policiers que forme Nina Nansen et son comparse Klemet Nango, un cinquantenaire toujours en quête ses origines Samis dont il ignore certains aspects quant à la trajectoire de son père défunt. Quelque peu relégués en second plan, ces deux enquêteurs vont mener leurs investigations quant à la mort d'un éleveur Sami que l'on a retrouvé non loin de la carcasse d'un loup que l'on a abattu en toute illégalité tandis que la région est en ébullition à la suite du massacre d'un troupeau de rennes attirés délibérément sur les rails avant d'être percutés par un convoi ferroviaire et qui s'ensuit d'un acte de sabotage sur la voie ferrée en guise de représailles. Malgré la diversité des événements et des personnages jalonnant l'intrigue, on aurait tort de croire que le récit va partir dans tous les sens, car Olivier Truc, en narrateur accompli, parvient à mettre en scène, de manière assez habile, les différentes trajectoires de ses protagonistes évoluant dans un cadre qui sort résolument de l'ordinaire mais dont il n'abuse pourtant pas. De fait, il nous livre ainsi un roman tout en sobriété et en maîtrise, mettant en valeur cette culture méconnue de la communauté des Samis qui ne manquera pas de nous fasciner tant dans ses aspects sociaux qu'environnementaux et que l'on prend véritablement plaisir à explorer en compagnie de ces deux agents de la police des rennes que l'on espère retrouver très prochainement.

     

    Olivier Truc : Le Premier Renne. Editions Métailié 2024.

    A lire en écoutant : Cihkosis - Hidden de Maddji. Album : Dobbelis - Beyond.2010 Dat O/S

     

  • SEVERINE CHEVALIER : THEORIE DE LA DISPARITION. QUE SE PASSE-T-IL ?

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    Service de presse.
     
     
    Puisque l'on semble découvrir son talent tout récemment, il paraît important de souligner que cela fait plus de dix ans qu'elle endosse le rôle de romancière auquel elle ne croit guère, avec cette impression de faire l'objet d'une imposture quant à l'intérêt que l'on peut porter à son remarquable travail d'écriture s'inscrivant dans la précision de chaque mot pesé pour dépeindre, avec cette virtuosité d'une narration décalée, celles et ceux qui évoluent à la marge de leur environnement. De cette marginalité, Séverine Chevalier distille une émotion à fleur de peau qui marque les esprits dès son premier roman d'ailleurs où l'on côtoie, avec Recluses (La Table Ronde 2018), Zora, Zia et Suzanne trois femmes aux destins foudroyés lors d'un attentat suicide au sein d'un hypermarché de la banlieue lyonnaise. Et puis il y a l'immense Clouer L'Ouest (La Manufacture de livres 2019) où l'on suit le périple de Karl qui revient au sein du giron familial accompagné de sa petite fille en espérant que son père sera en mesure d'éponger ses dettes de jeux tandis qu'une bête rôde dans les environs d'une forêt sombre et enneigée que la romancière met en scène au gré de la force poétique d'une intrigue ciselée avec la précision d'une orfèvre en matière d'écriture. Même si ce n'est pas le thème principal, il y a cette notion de dureté rurale qui émerge des récits de Séverine Chevalier et peut-être de manière plus particulière avec Les Mauvaises (La Manufacture de livres 2018) prenant pour cadre cette région du Massif Central où l'on suit le parcours de deux jeunes filles d'une quinzaine d'années et d'un petit garçon évoluant dans le cadre désenchanté d'une ville marquée par le démantèlement des industries et le déboisement intensif des forêts. De l'environnement, il en est encore question avec Jeannette Et Le Crocodile (La Manufacture de livres 2022) où les rêves brisés d'une petite fille l'amène, de faux-semblant en désillusion, vers un implacable et bouleversant destin tragique qui vous laisse chancelant. Puis tout disparaît dans un habile mélange du sens propre et figuré avec En Campagne (Ours Editions 2024) bref récit que vous pourrez commander chez Ours Editions. Cette campagne qui disparaît on la retrouve pourtant dans Théorie De La Disparition qui concentre toute la maestria de Séverine Chevalier parvenant une nouvelle fois à nous interpeller sur ce registre d'un quotidien banal qui bascule soudainement avec cette volonté de disparaître pour peut-être mieux renaître. 

     

    Elle s’efface pour mieux se mettre au service de son mari Mallaury, romancier en vue dans le milieu du polar, qu’elle accompagne silencieusement dans les différents festivals dédiés au genre. Quel autre rôle pourrait-elle jouer que celui de femme au foyer qu’elle endosse avec une certaine acceptation s’illustrant notamment dans l’aspect méticuleux des tâches qu’elle effectue afin de tenir son ménage aussi consciencieusement que lorsqu’elle était employée de la municipalité de la ville de Saint-Etienne au sein d’un service du contrôle de l’habitat ? Mylène fait donc en sorte que tout se passe bien pour son mari, qu’il n’y ait pas le moindre accroc et qu’il puisse se consacrer pleinement à son travail d’écriture et de représentation qui en découle à la parution de ses romans. Mais c’est à l’occasion d’un repas entre écrivains se déroulant à Toulouse, que l’existence de Mylène prend une toute autre tournure lors d’une rencontre dans les toilettes du restaurant. Marquée par cette rencontre, elle prend la décision étrange de disparaître et d’échapper ainsi durant quelques jours à son mari alors qu’ils séjournent dans une résidence d’écrivains située dans une commune de Normandie. De ces instants d’échappatoire émergent des souvenirs de son passé que Mylène décide d’évoquer par le biais de l’écriture. La femme de l’écrivain sort de son silence et se met donc à écrire. 
     
    Pour l'épigraphe, il y aura Simenon et l'un de ses romans durs, La Chambre Bleue, qui nous ramène sur le comportement trouble de Mylène au gré d'un récit faisant également référence, d'entrée de jeu, à Perec avec la disparition de la lettre E de son clavier d'ordinateur. Ainsi débute Théorie De La Disparition dans ce qui apparaît comme une redoutable mise en abime du travail d'écriture, de ses doutes et de ses incertitudes quant à l'émergence d'un texte qui ne cesse de nous interpeller dans la banalité d'un quotidien où pointe quelques drames du fait divers se rapportant aussi bien à Mylène qu'à son mari Mallaury. Mais au-delà de Perec et de Simenon, il y a surtout le style Séverine Chevalier avec sa propension à faire en sorte qu'une part de nous rejaillisse de cette trame narrative d'une impressionnante densité alors que l'orfèvrerie savamment orchestrée de chaque mot ne sert pas qu'à magnifier le texte, bien loin de là, mais à lui donner un sens vertigineux que chacun pourra interpréter à sa manière. De l’écriture, il est ainsi question avec tout ce qui découle de cet univers littéraire que la romancière égratigne consciencieusement, que ce soit l'égocentrisme de Mallaury ou l'attitude revêche d'un écrivain s'en prenant à son attachée de presse dont il estime qu'elle n'en fait pas assez pour lui afin d'assoir sa renommée. Ainsi, derrière la fiction se dessine, à certains instant, cette part de réalité se déclinant notamment durant ce festival du polar se déroulant réellement à Toulouse tandis que la centrale nucléaire de Paluel, "nichée entre deux falaises" a véritablement défrayé la chronique avec un employé resté enfermé sur le site durant quatre jours. L’image même de l’ours blanc, ornant la couverture, s’agrège dans le cours de cette fiction. Mais apparait bien évidemment le thème de la disparition, de l’effacement ou de l’invisibilité sociale de Mylène qui nous ramène vers ce rapport ordinaire du couple qu’elle forme avec Mallaury et du contrat tacite qui s’y rapporte dans un quotidien normé. C’est peut-être en cela que Mylène diffère un peu des autres héroïnes que l’on a pu croiser dans les récits de Séverine Chevalier, où il n’est pas question de marginalité mais d’une normalité imposée dérivant vers le tragique dans ce qu’il y a de plus ordinaire et finalement de plus absolu apparaissant de manière définitive sur une pierre tombale au terme de cette bouleversante Théorie De La Disparition qui ne s’effacera pas de notre mémoire. Que se passe-t-il ? Et qui disparaît en définitive ?
     
     
    Séverine Chevalier : Théorie De La Disparition. Editions La Manufacture de livres 2024.

    A lire en écoutant : Fifteen Floors de Balthazar. Album : Applause. 2010 Maarten Devoldere / Jinte Deprez.