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  • François Médéline : Les Rêves de Guerre. "Lire rend moins con"

    françois médecine, les rêves de guerre, la manufacture des livres, « Lire rend moins con » c’est avec cet aphorisme de Claude Mesplède que l’on pourrait débuter cette chronique consacrée au dernier roman de François Médéline, Les Rêves de Guerre. Il y a comme ça dans le paysage littéraire des ouvrages qui vous échappent. Et malgré toute la bonne volonté que vous y apportez, il faut bien admettre que l’on ne parvient pas toujours à saisir le sens du récit vers lequel certains auteurs veulent entrainer le lecteur. Lire rend peut-être moins con, mais donne parfois l’impression de l’être toujours un peu. Roman iconoclaste ou récit brillant, Les Rêves de Guerre fait partie de ceux-là.

     

    Michel Molina est un flic atypique qui dirige un groupe de la SRPJ de Lyon. La quiétude des bord du Léman et son charmant petit village d’Yvoire qui l’a vu naître, tout cela est désormais loin derrière lui jusqu’au jour où il reçoit deux coupures de presse relatant le parcours d’un simple d’esprit de la région, condamné pour le meurtre d’un ami d’enfance et qui, après vingt ans de placard, s’empresse de tuer le frère de la victime. Mais autour de ces deux faits divers tragiques, Molina sait parfaitement que la version des journaux ne reflète pas toute la vérité. Accompagné du « Vieux », flic revêche et alcolo, Michel Molina va retourner sur les lieux de son enfance pour mettre à jour les magouilles de cette bourgeoisie provinciale. Amours défunts, sectes solaires, combines financières et politiques, tractations douteuses entre deux pays voisins, Michel Molina va surtout mettre à jour les secrets liés à sa jeunesse et à sa famille peu ordinaire composée d’un frère truand international désormais en cavale et d’une mère mystérieuse dont il découvre le passé par le biais du texte d’un écrivain mythique qui porte le même nom que lui. Du bordel du camp de la mort de Mauthausen aux eaux troubles du Léman, François Médéline interroge la mort, la vengeance et surtout cet irrépressible besoin d’écrire.

     

    Que l’on ne s’y trompe pas, outre le fait d’être tous un peu con, il faut comprendre que Les Rêves de Guerre est un roman spécialement destiné à malmener le lecteur. C’est un récit baroque, chaotique, surchargé de fioritures dont certaines s’avèrent inutiles. Il y a trop de trop dans ce récit. Trop d’intrigues parallèles, trop de styles différents, trop de questions, trop de réponses, trop de références. On s’y perd. C’est très souvent brillant, parfois pompeux et très rarement ennuyant. Le tout est déconcertant, c’est le moins que l’on puisse dire.

     

    Je vous laisse tout d’abord vous attarder sur la couverture du livre. Elle est magnifique. Le portrait d’une femme du ghetto de Varsovie prise par le photographe personnel de Hitler. Ce visage souriant qui se ferme au cliché suivant, illustre l’ambivalence qui résonne tout au long du livre de François Médéline. C’est probablement une Natacha, personnage central du roman.

     

    En guise d’introduction les cinq premières pages au style aussi insolite qu’artificiel nous présente un trio maudit, composé de deux hommes et d’une femme, s’évadant du camp de la mort de Mauthausen. Un style qui n’appartient pas à François Médéline, mais à l’un de ses personnages dont il nous livre des extraits de son roman culte. On oscille entre l’agacement et l’émerveillement pour finalement se laisser entrainer dans ce déferlement de mots disparates chargés d’émotions. Le retour à la normal est relatif puisque le style de l’auteur reste déconcertant avec cette propension surprenante à décliner le passé sur le mode du présent. On évolue principalement dans les années 80 que François Médéline parvient à nous restituer avec une belle justesse que ce soit par l’entremise de la musique, des nouvelles diffusées par les médias et surtout la fameuse Citroën CX. Une belle écriture très bien travaillée nous permet de découvrir des protagonistes atypiques évoluant dans une atmosphère qui évoque les films de Guillaume Nicloux. On appréciera donc ces seconds couteaux comme le « Vieux » flic qui rappelle un Bérurier à l’âme plus sombre. Le personnage principal n’est malheureusement pas dépourvu de clichés. Un flic rebelle qui fume et deal du haschich, franchement on a vu mieux et surtout plus original. Le côté borderline reste également très convenu. Et puis il y a ce romancier énigmatique qui nous livre dans une interview d’Apostrophe sa vision  alambiquée, parfois conflictuelle du monde littéraire qu’il méprise dans des envolées délirantes. Sans servir le récit, ce passage ostensiblement pompeux semble parfois refléter le point de vue de l’auteur qui se dissimule derrière les propos de son personnage.

     

    Alors bien sûr, on me dira que je suis trop con pour avoir saisi derrière ce texte chaotique toute la quintessence du génie de l’auteur, la perspective du bien et du mal, la puissance d’un final onirique qui donne son titre au livre, des personnages qui rendent hommage à l’univers de Bialot. Et puis Emile Verhaeven, Juan Ramon Jiménez, Les Nocturnes de Chopin et même Nietzsche. Un étalage culturel éblouissant qui devient finalement trop indigeste.

    Avec Les Rêves de Guerre, je me suis perdu dans un roman troublant, déstabilisant où le talent de l’auteur se disperse dans une mise en scène qui oscille entre le sublime et le grotesque. Un livre puissant qui manque parfois de tenue mais qui mérite d’être découvert car même si vous n’en maîtrisez pas tous les tenants et aboutissants, il est absolument certain qu’il vous rendra un peu moins con. 

     

    François Médéline : Rêves de Guerre. Edition La Manufacture de Livres 2014.

    A lire en écoutant : Gorecki - Symphony No. 3 : III. Lento - Cantabile semplice.                             David Zinman, Dawn Upshaw & London Sinfonietta. Nonesuch Classique 1998.                       

     

  • LES POLARS DU SIECLE !


    Capture d’écran 2015-04-19 à 12.00.56.pngLes dix meilleurs polars de tous les temps. Rien que ça ! Avec ce titre ambitieux pour une démarche qui l’est tout autant, on peut se féliciter de l’initiative du Matin Dimanche qui consacre 4 pages aux polars. Si cet hebdomadaire dominical pouvait consacrer ne serait-ce qu’une page  dans ses parutions futures ce seraient encore mieux.

     

    Partenaire de la Scène de Crime, dans le cadre du salon du livre à Genève, le Matin Dimanche a réuni un jury international, dont chaque membre (journalistes, chroniqueurs, écrivains, bloggeurs et éditeurs) a établi une liste des dix polars impérissables. C’est la fusion de ces listes qui a permis à la rédaction d’établir le palmarès final. Que l’on ne s’y trompe pas, l’exercice ne peut susciter que frustrations, discussions, voire même confrontations. C’est d’ailleurs le seul intérêt que l’on peut trouver à ces classements. Pour ma part, je déplore que David Peace n’y figure pas.

     

    Le classement :

    1. Moisson Rouge de Dashiell Hammet
    2. Mr Ripley de Patricia Highsmith
    3. Le Dahlia Noir de James Ellroy
    4. The Long Goodbye Raymond Chandler 
    5. L'assassin qui est en moi de Jim Thompson
    6. J'étais Dora Suarez de Robin Cook
    7. Le Grand Nulle Part de James Ellroy 
    8. Le Grand Sommeil de Raymond Chandler 
    9. La Position du Tireur Couché de Jean-Patrick Manchette
    10. L'Inconnu du Nord Express de Patricia Highsmith
    11. L.A. Confidential de James Ellroy 
    12. On Achève Bien les Chevaux de Horace McCoy et Roseanna de Maj Söwall et Per Wahlöö
    13. Le Faucon Maltais de Dashiell Hammet
    14. L'Espion qui Venait du Froid de John le Carré
    15. La Femme en Blanc de William Wilkie Collins
    16. Millenium 1 - Les Hommes qui n'aimaient pas les Femmes de Stieg Larsson et Nécropolis de Herbert Lieberman
    17. Le Diable Tout le Temps de James Ray Pollock
    18. L'Analphabète de Ruth Rendell

     

    Avec un jury international, ce sont les romans des USA et de la Grande Bretagne qui trustent ce palmarès avec 9 ouvrages en tête où l’on découvre des grands auteurs classiques comme Dashiell Hammet, Raymond Chandler et Patricia Highsmith. Dans ce listing figure également James Ellroy, Jim Thompson et Robin Cook. Bref, rien de très vraiment surprenant, hormis le fait que Manchette figure en 9ème place avec La Position  du Tireur Couché. Roseanna de Sjowall et Wahloo est classé en 12ème position.

     

    Une page est consacrée à une interview de François Guérif. Toujours aussi pertinent, le directeur de la collection Rivages/Noir nous livre sa vision des romans dit « ethniques » et la formule pour faire un bon roman policier.

     

    Finalement l’intérêt de ce supplément spécial réside dans le choix du roman que chaque membre du jury  recommanderait à ses amis. Il y a bien évidemment des classiques, mais on y trouve également un florilège de polars beaucoup moins convenus qui peuvent susciter un certain intérêt. Parmi tous ces « hors séries » consacrés aux polars, c’est peut-être cet article qui permettra aux lecteurs chevronnés du genre, de découvrir quelques nouvelles pépites.

     

    A lire en écoutant : All or Nothing At All de John Coltrane. Album Ballads. Impulse 1961.           

     

  • JOSEPH INCARDONA : DERRIERE LES PANNEAUX IL Y A DES HOMMES. SOUS LE BITUME, L'ENFER.

    Service de presse.

     

    joseph incardona,derrière les panneaux il y a des hommes,éditions finitudeDepuis que j’anime ce blog, je me permets de n’accepter que très rarement des services de presse pour des maisons d’éditions, ce qui réduit quelque peu la possibilité de m’infliger des lectures insipides, voir même désagréables. Mais il y a parfois derrière cette démarche une véritable volonté de défendre un auteur et de faire en sorte que l’ouvrage publié bénéficie d’un écho plus conséquent. Une démarche d’autant plus louable pour des petites maisons d’éditions qui prennent de véritables risques en publiant des écrivains qui ne bénéficient pas toujours de la visibilité qu’ils seraient pourtant en droit de mériter. L’un des avantages du service de presse c’est de découvrir des romans que l’on n'aurait, à priori, pas sélectionner en musardant dans les librairies. Je pense que cela aurait été le cas avec le dernier ouvrage de Joseph Incardona, Derrière les Panneaux il y a des Hommes. Et ça aurait été bien dommage.

     

    Sur les aires de repos des autoroutes on croise des serveurs, des cuistos, des caissiers et des cantonniers. On y aperçoit également des gendarmes, des gérants, des routiers et des prostituées. Tout un univers clos, un peu mystérieux que l’on côtoie sans trop y faire attention lorsque l’on emprunte cette longue bande d’asphalte qui nous aspire avant de nous recracher le plus rapidement possible vers notre destination. Un univers fonctionnel où le mouvement et la vitesse sont de mise. Sur ces aires d’autoroutes, il y a parfois un père en bout de course qui traîne sa triste carcasse au cœur de ce microcosme. Il a tout abandonné et campe dans sa voiture en s’obstinant à rechercher celui qui a enlevé sa petite fille. Six mois déjà qu’il erre, patiente et observe tout ce petit monde afin de retrouver ce prédateur. Un homme en déshérence qui se prend à espérer à nouveau lorsqu’il apprend qu’une autre fillette vient de disparaître. Finalement il n’y a peut-être rien de plus vrai lorsque l’on dit que le malheur des uns fait le bonheur des autres.

     

    D’emblée, il faut dire que Derrière les Panneaux il y a des Hommes est un thriller pas tout à fait comme les autres. Bien sûr qu’il y a du rythme, des phrases courtes affutées comme des lames de rasoir, du suspense. C’est une histoire d’enlèvement, de traque et de tueur qui peut sembler de prime abord extrêmement convenue. On aurait tord de rester sur ces apparences car Joseph Incardona possède suffisamment de talent pour emmener le lecteur vers d’autres horizons que ceux auxquels il peut s’attendre. Le style elliptique et extrêmement visuel n’est pas au service du suspense, loin s’en faut car c’est par le prisme de ces longues énoncées de détails, d’anecdotes et de faits de société que l’on perçoit les perspectives de chacun des personnages. Tout au long du récit, l’auteur dresse le portrait sans fard de protagonistes vulnérables qui évoluent dans un univers complètement déshumanisé qui les renvoie ainsi à leur propre humanité. Seul un tueur froid et amoral peut s’y complaire. C’est peut-être pour cette raison d’ailleurs que l’auteur ne s’attarde pas trop sur les aspects sordides de l’intrigue. Il nous épargne ainsi tout un pan aussi convenu que fastidieux propre aux thrillers mettant en scène des tueurs en série pour se concentrer principalement sur les personnages secondaires qui hantent cet univers si particulier des autoroutes. Il n’y a pas de père ou de mère courage dans ce roman. Il n’y a pas de super flic ou de tueur machiavélique, mais des hommes et des femmes ordinaires, parfois un peu trop caricaturaux, qui se débattent dans un univers de bitume surchauffé dont ils ne peuvent pas s’extraire. Une vision de l’enfer ordinaire finalement.

     

    C’est paradoxalement en installant une chronique ordinaire autour d’un événement extraordinaire que Joseph Incardona nous livre un récit oppressant où la sensation de malaise est permanente. Thriller atypique doublé d’une satyre sociale sans concession, Derrière les Panneaux il y a des Hommes saura séduire les lecteurs exigeants.

     

    Joseph Incardona : Derrière les Panneaux il y a des Hommes. Editions Finitude 2015. 

    A lire en écoutant : Without You I Am Nothing interprété par David Bowie & Placebo. Single. Elevator Music 1999.

     

  • Fred Vargas : Temps Glaciaires. La dure loi des séries.

    Capture d’écran 2015-04-11 à 13.15.36.pngDix ouvrages, pas un de plus. C’est le nombre de romans auquel l’auteur a droit pour développer un personnage récurent.  Cette règle, ce n’est pas moi qui l’énonce, mais John Harvey dans l’interview « en roue libre » de Velda dont vous découvrirez l’intégralité sur son blog que l’on peut considérer comme l’une des références dans l’univers des sites dédiés à la littérature policière. Dans cet entretien édifiant, l’auteur britannique se livre avec une franchise presque déconcertante sur l’aspect commercial de ces séries. La règle, qu’il n’a d’ailleurs pas respectée (et c’est bien dommage), se base sur les dix ouvrages mettant en scène Martin Beck dans le Roman d’un Crime. Même si cette série s’est achevée à la suite de circonstances tragiques, on s’accordera pour dire qu’il s’agit effectivement d’une règle parfaitement valable puisqu’elle fait référence à l’un des chefs-d’œuvre du roman policier. C’est peut-être à cause de la « règle des dix » que Fred Vargas a mis tant de temps à livrer Temps Glaciaires,  la onzième enquête du commissaire Adamsberg si l’on compte les trois affaires que l’on peut retrouver dans le recueil de nouvelles Coule la Seine. La crainte de fournir l’ouvrage de trop.

     

    C’est sur la base des intuitions d’un collègue commissaire que débute l’enquête d’Adamsberg qui se lance sur les traces d’un tueur qui maquille ses crimes en suicide, mais ne peut s’empêcher d’apposer un mystérieux signe en forme de « H ». L’équipe bringuebalante du commissaire peut s’accorder à faire des rencontres toujours aussi déroutantes que ce soit avec Marc le sanglier ou la réincarnation de Robespierre afin de résoudre cette série de meurtres. Elle en a vu d’autre. Mais parviendra-t-elle à accepter que leur chef de file quitte le commissariat pour se rendre en Islande parce qu’il estime avoir été convoqué par l’afturganga, une entité démoniaque du pays qui n’a rien de folklorique. Une îlot islandais embrumé, des reconstitutions historiques des assemblées de la Terreur, il n’y a qu’un homme comme Adamsberg pour percevoir les liens entre ces deux univers diamétralement opposés. Mais parviendra-t-il à convaincre son équipe de le suivre dans ses délires. Rien n’est moins sûr !

     

    Que l’on se rassure avec Temps Glaciaires, nous allons retrouver tous nos personnages hauts en couleur. Le commissaire Adamsberg reste toujours aussi décalé et rêveur, Danglard l’hypermnésique est toujours aussi porté sur la boisson et Veyrenc continue de déclamer ses alexandrins. Oui vous pouvez compter sur la présence de tous les personnages qui sont chers à votre cœur. Même le chat du commissariat fait son apparition. Au final, vous en aurez pour votre argent. Et c’est en cela que l’on rejoint les propos de John Harvey évoquant la facilité et l’absence de créativité. Le problème désormais de Fred Vargas est que son univers décalé est devenu, au fil des onze enquêtes de son commissaire fétiche, terriblement convenu. Il ne nous reste donc que l’intrigue et c’est peu dire qu’elle s’avère bringuebalante, tant l’auteur peine à conjuguer les deux univers que sont l’Islande et la reconstitution des périodes de la Terreur. L’enquête se déroule sur trois lieux à savoir Paris, Le Creux dans les Yvelines et l’Islande et si l’auteur admet n’avoir jamais « foutu les pieds » dans ce pays c’est paradoxalement la partie du roman la plus aboutie. On y retrouve le souffle du mystère et une atmosphère décalée qui fait particulièrement défaut lors de la partie parisienne de l’enquête. Ce qui faisait le charme de Vargas c’est qu’elle convoquait l’histoire au travers des lieux comme dans Pars Vite et Revient Tard ou L’Armée Furieuse et que l’aspect historique de la Terreur en est totalement dépourvu pour se concentrer sur le personnage de Château/Roberspierre qui manque terriblement d’épaisseur. On s’y ennuie à mourir et les anecdotes concernant ce fameux personnage historique n’amènent que très peu d’éléments pertinents pour compléter une intrigue assez bancale dont le dénouement  s’avérera peu convaincant. Sans vouloir dévoiler quoique ce soit de ce dénouement, je vous laisse imaginer Maigret dégommant ses adversaires à coup de flingue pour avoir une idée de l’incongruité de la confrontation finale.

     

    On pouvait espérer que l’auteur démonterait la mécanique bien huilée qui régit l’équipe du commissaire Adamsberg avec ce petit vent de contestation soufflant dans le commissariat. Mais ce vent s’avérera n’être qu’une légère brise qui n’interfèrera guère sur l’architecture des relations qui lie le personnage principal à ses acolytes. Il faut bien que la série continue sans mettre le lecteur dans un inconfort trop perturbant. Car l’enjeu est de taille. On a pu le percevoir avec la confrontation entre l’auteur et son ancienne éditrice Viviane Hamy lors du changement de maison d’édition orchestré par son agent François Samuelson. Car si l’auteur s’en défend, il y a tout de même une histoire de gros sous qui se cache derrière la série Adamsberg. Et à nouveau on peut mettre en perspective les propos de John Harvey évoquant les tentations financières des auteurs qui se retrouvent prisonniers de leurs personnages. Fred Vargas ne dit pas autre chose lorsqu’elle déclare à la presse «qu’elle n’en a pas finit avec Adamsberg ». On imagine la tête de l’équipe Flammarion si elle avait évoqué la conclusion de la série avec Temps Glaciaires. Mais que l’on se rassure, rien ne pourra perturber l’attente des lecteurs, pas même la couverture de l’ouvrage qui ressemble furieusement aux couvertures précédentes, des fois que le consommateur louperait la muraille de livre qui trône régulièrement en bonne place dans les librairies. Il va bien falloir les écouler ces centaines de milliers d’exemplaires … même si les moyens manquent parfois d'une certaine élégance.

     

    Capture d’écran 2015-04-11 à 13.19.37.pngCapture d’écran 2015-04-11 à 13.15.36.png

     

    Fred Vargas : Temps Glaciaires. Editions Flammarion 2015.

    A lire en écoutant : The Anchor Song de Bjork. Album : Début. One Little Indian 1993.

  • POLARS : REVUE DE PRESSE PRINTANIERE OU LA DEMISSION DES JOURNALISTES LITTERAIRES

    Capture d’écran 2015-04-03 à 13.34.47.pngIl faut vous rendre sur la page culturelle de la Tribune de Genève. Cliquez sur l’onglet « culture » puis sous la rubrique « livre » où vous ne trouverez aucune critique d’ouvrage. C’est symptomatique. Quant au cahier culturel du samedi, n’espérez pas trouver beaucoup de polars. Les chroniques sur ce genre littéraire sont de l’ordre de l’anecdotique. Ce n'est, de loin pas, un particularisme de ce quotidien. Alors quand un bloggeur invité au Quai du Polar à Lyon déclare que les blogs littéraires sont un complément de la presse traditionnelle, je me dis que le consensus n’a plus de limite. Que ne ferait-on pas pour obtenir une photo de Ellory !? Mais pour être totalement clair, il faut clamer haut et fort que les blogs littéraires et particulièrement ceux qui s’intéressent aux romans noirs et policiers se substituent aux journalistes qui ne font plus leur boulot. Le danger réside dans le fait que bon nombre de ces blogs reprennent les travers des critiques littéraires en effectuant un service de presse dégoulinant de mièvrerie, que l’on devine à la solde de certaines maisons d’édition.

     

    Une chose est certaine, le Quai du Polar à Lyon est désormais une institution sur laquelle se cale toute cette presse littéraire pour proclamer à l'unisson son amour du roman policier. A l’image d’un renouveau printanier, les hors-séries et éditions spéciales bourgeonnent dans vos kiosques à journaux faisant ainsi écho au tapage médiatique, parfois insupportable, d’un festival qui prend une tournure de plus en plus commerciale. Mais qu’apprend-t-on de nouveau dans ce déluge de médias saisonniers ? Pour le dire tout net pas grand chose. La même célébration d’auteurs connus, reconnus ou « surconnus ». La même considération d’un genre autrefois méprisé qui deviendrait l’égal des autres. Et surtout la certitude que la presse littéraire ne fait pas son boulot tout le restant de l’année en consacrant à peine quelques pages, et c’est déjà énorme, à ce genre qu’elle découvrirait tout d’un coup au printemps. Allez examiner les pages culturelles des hebdomadaires ou des quotidiens pour vous rendre compte que le polar n’est pratiquement jamais exposé sur le devant de la scène, ce qui est plutôt un paradoxe au regard de l’intérêt affiché des lecteurs.

     

    Capture d’écran 2015-04-03 à 23.05.14.pngLe magazine Lire du mois d’avril en est le parfait exemple. Cette revue nous livre, au mois de mars, les 10 meilleurs polars de l’année 2015 ! Pour le reste vous découvrirez une série de clichés sur Los Angeles au travers d’un reportage consacré à Michael Connelly qui vous expliquera qu’il peut demander à ses assistants les précisions ou détails techniques nécessaires à l’élaboration de son livre, ceci à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Vous passerez par un article sur le renouveau du polar espagnol où l’on « découvre » des auteurs comme Victor de Arbol ou Carlos Salem. Pour achever ce tour d’horizon consternant il faudra lire l’édito de François Busnel qui décrète que « le polar est un roman comme les autres », affirmation à laquelle on a envie de répliquer : fort heureusement non, le polar n'est pas un roman comme les autres !

     

    Capture d’écran 2015-04-03 à 23.06.09.pngL’hebdomadaire Books relève un peu le niveau en effectuant un tour du monde du polar. Malheureusement, les traductions d’articles de journalistes étrangers n’amènent que très peu d’éléments nouveaux ou originaux en mettant en lumière des auteurs qui sont, pour la plupart, bien trop connus à l’exemple de Nesbo, Peace, James Lee Burke. On appréciera tout de même le détour en Pologne pour faire la connaissance de Zygmunt Miloszewski qui nous livre un portrait sans fioriture de son pays.

     

    C’est avec le hors série polar de Marianne que l’on aura d’avantage de satisfaction, même si le magazine n’évite pas l’écueil du « déjà lu » en présentant par exemple pour les USA des auteurs comme Ellroy, Pelecanos, Burke ou Lehane. On s’attardera donc plutôt sur les articles consacrés à l’Amérique du Sud, notamment avec un éclairage sur les auteurs des Caraïbes et de l’Argentine et un trop court sujet sur la jeune garde des maisons noires comme les Furieux Sauvages, jeune maison d’édition suisse de Valérie Solano.

     

    C’est donc avec des revues comme 813 ou l’Indic que vous découvrirez tout au long de l'année, de manière plus sérieuse, l’univers du polar et du roman noir. Des revues bien trop confidentielles, mais qui n’en demeurent pas moins des références dans le paysage de la presse littéraire sinistrée.

    Capture d’écran 2015-04-03 à 23.09.25.pngCapture d’écran 2015-04-03 à 23.11.20.png

     

    A lire en écoutant : Comme à Ostende interprété par Arno. Album : Cover Cocktail. Virgin 2008.