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03. Roman policier - Page 37

  • ARNALDUR INDRIDASON : LA MURAILLE DE LAVE, L’ECUEIL DE LA CUPIDITE BOREALE.

    islande,erlendur,muraille de lave,sigurdur oliDans le paysage du polar nordique, Arnaldur Indridason est sans doute l'un des fers de lance de cette littérature. Avec la Cité de Jarre, la Femme en Vert, La Voix et l'Homme du Lac, l'auteur nous a entrainé dans le sillage du mythique inspecteur Erlendur qui explorait au fil de ses enquêtes le fabuleux passé de cette Islande que l'on aurait pensé plus morne qu'il n'y paraît. Un personnage torturé que cet Erlendur qui est hanté par la perte de son frère, alors qu'ils étaient confrontés tous deux lorsqu'ils étaient enfants à une terrible tempête de montagne. Seul Erlendur a survécu. Un mariage raté, une fille toxicomane complète ce personnage solitaire et taciturne. La plupart des enquêtes démarrent souvent avec la découverte d'un squelette qui nous ramène à plusieurs dizaines d'années pour décourvrir des aspects surprenants du passé historique de l'Islande.

     

    Des histoires du passé, lestées d'une grande émotion sont la particularité des romans d'Arnaldur Indridason. La seconde particularité est de faire passer au premier plan, les équipiers de ce commissaire. Ainsi après Erlingborg, enquétrice bourrée d'empathie et fine cuisinière c'est au tour de Sigurdur Oli de mener l'enquête dans la Muraille de Lave. Il faut savoir que les faits se déroulent durant la même période où Erlingborg est au prise avec une affaire de viol  relatée dans le précédent opus de l'auteur : La Rivière Noire.

     

    Pour Sigurdur Oli, ce sera une afffaire de chantage et de mœurs qui le conduira à enquêter auprès des institutions banquaires de Reykjavik qui semblent désormais  au cœur d'un véritable tourbillon de cupidité qui frise la folie. On se retrouve donc avec un personnage qui est à l'antipode d'Erlendur. Sigurdur Oli est un pur produit de l'américanisation tourné vers l'avenir alors que son supérieur se concentre principalement sur le passé. Un enquêteur maladroit qui semble dépourvu d'une certaine humanité et qui va pourtant, au fil du récit, nous révéler ses failles et ses regrets. Avec en toile de fond une société islandaise en pleine effervescence économique, juste avant que la crise ne balaie l'île de sa tempête financière. C'est donc ces disfonctionements économiques que l'auteur s'emploie à nous décrire sans pourtant verser dans une technicité qui pourrait vite devenir laborieuse. Un roman bien ficelé également bourrée d'émotion avec le récit en parallèle d'un personnage apparut dans La Voix qui nous entrainera dans le méandres d'une vengeance sans issue. On découvrira donc les affres de la pédophilie du point de vue des victimes, mais également du point de vue des acteurs économiques qui donne un relief supplémentaire à ce roman que l'on ne saurait manquer. La Muraille de Lave c'est le mur terrifiant sur lequel la société islandaise s'est échouée, victime de la cupidité sans limite des prédateurs financiers d'un monde sans scrupule.

     

     

    Arnaldur Indridason : La Muraille de Lave. Edtions Métaillé 2012. Traduit de l'islandais par Eric Boury.

     

    A lire en écoutant : Hero (Bonus track) de Regina Spektor. Album : Begin To Hope (Sire 2006).

     

     

     

  • JAMES LEE BURKE : SWAN PEAK, L’OUBLI DANS LA GRANDEUR DE LA NATURE.

    swan peak,rivages,james lee burke,robicheaux,purcell,montanaIl aura fallu un ouragan pour que Dave Robicheaux, sa femme Molly et son inénarrable compagnon Clete Purcell quittent momentanément les terres submergées de la Nouvelle Orléans et de New Ibéria pour se ressourcer dans l'ouest du Montana. Loin de trouver le repos, les deux compères se retrouvent aux prises avec les frères Wellstone, riches propriétaires terriens entourés de personnages patibulaires qui ont jadis frayé avec la mafia. Les fantômes du passé ressurgissent alors qu'un tueur en série sévit dans la région, tandis qu'un prisonnier fugitif, traqué par un gardien inquiétant, tente de retrouver sa petite amie désormais mariée à l'un des frère Wellstone. Des passés obscurs, des rancœurs enfouies et des faits divers terrifiants vont semer le trouble dans la région.

     

    En Louisiane ou dans le Montana, on se complaît dans les atmosphères envoutantes des récits de James Lee Burke car cet auteur de talent parvient toujours à nous séduire que ce soit par ces descriptions lyriques d'une nature somptueuse ou par le charme de personnages qui deviennent toujours plus complexes au fil de ses ouvrages.

     

    Swan Peak ne déroge pas à la règle, bien au contraire. Il s'agit de l'un des romans le plus abouti de ce grand écrivain. Toutefois n'espérez pas trouver d'intrigues tarabiscotées ou de grandes doses d'adrénaline dans ce 17ème opus des aventures de Dave Robicheaux. L'histoire s'installe tranquillement comme une de ces rivières du Montana où l'on aime à pêcher à la mouche, un rythme fait de quiétudes et de sursauts à l'ombre des Mission Mountains. Certains pourront reprocher l'attitude très en retrait des personnages principaux qui deviennent presque spectateur des trames qui se jouent tout autour d'eux, mais on ne pourra qu'apprécier l'ambiguïté et les contrastes des acteurs secondaires qui prennent le devant de la scène en renouvelant ainsi la structure usuelle des récits de James Lee Burke.

     

    L'action se déroule donc non loin de Missoula qui est également le second lieu de résidence de l'auteur et qui semble être devenue la Mecque de bon nombre d'écrivains nord-américains, comme feu James Crumley, Richard Ford, Thomas McGuane et Jim Harrison. Ce n'est d'ailleurs pas la première incursion dans cet état, puisque James Lee Burke avait déjà fait évoluer le personnage de sa seconde série, Billy Bob Holland, dans la région avec Bitterrott.

     

    En toile de fond, il y a toujours cette inquiétude pour la préservation d'une nature qui semble menacée par les feux de forêts, les mines à ciel ouvert et l'exploitation du pétrole ainsi que la problématique de l'élevage intensif. Et puis on retrouve cette lutte permanente des personnages principaux qui tentent de refréner la résurgence de leurs démons intérieurs en cherchant en vain l'endroit idéal pour déposer les bagages encombrants d'un passé qu'ils ne peuvent oublier.

     

     

    James Lee Burke : Swan Peak. Editions Rivages / Thriller 2012. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Christophe Mercier.

     

    A lire en écoutant : One Time One Night - Los Lobos - Wolf Track : The Best of Los Lobos. Rhino 2006.

     

     

  • KEIGO HIGASHINO : LE DEVOUEMENT DU SUSPECT X, LA MALEDICTION DU FACTEUR HUMAIN.

     

    keigo higashino,dévouement suspect x,polar japonaisVoilà c'est fait : une erreur réparée en abordant pour la première fois la littérature policière japonaise, avec le Dévouement du Suspect X de Keigo Higashino. Pour cette première, il s'agit d'une enquête à la « Colombo », puisque, d'emblée, nous connaissons l'auteur du crime, ainsi que ses motivations.

     

    Yasuko Hanaoka vit seule avec sa fille, dans un modeste appartement. Elle tente en vain, de se soustraire au harcèlement  infernal de son ex-mari qui ne cesse de lui réclamer de l'argent. Une confrontation de trop tourne au drame, lorsque l'ex-mari s'en prend à sa belle-fille. Sous l'emprise de la fureur et de l'affolement, Yasuko Hanoaka commet l'irréparable en tuant cet odieux personnage. Ishigami, voisin de Yasuko, va mettre son talent de mathématicien de génie au service de sa voisine, dont il est amoureux, pour maquiller le crime.

     

    Un homme nu, dont les mutilations rendent l'identification impossible est découvert au bord du fleuve. C'est l'inspecteur Kusanagi qui est chargé de l'enquête. Pour l'aider, il consulte fréquemment son ami  Yukawa, brillant physicien doté d'une très grande facultés de déduction. Une joute fascinante mais impitoyable va s'engager entre le mathématicien et le physicien afin d'établir une vérité qui n'est pas si évidente que ne laisse paraître les apparences. Une confrontation entre la froide logique mathématicienne et la bouillonnante ivresse de la passion.

     

    Du respect et de la dignité, c'est ce qui ressort des rapports sociaux qui régissent cette société nippone où la pudeur des sentiments ne fait qu'exacerber l'intensité de la passion. C'est bien ce qui transparaît au travers des personnages de ce roman  dont la construction est somme toute assez classique. Pourtant, au fil des pages, l'intrigue faite de déductions logiques, nous dévoile les émotions des différents protagonistes jusqu'au dénouement finale qui cristallise toute l'ampleur des sacrifices consentis au nom de l'amour. C'est l'un des thèmes majeur de l'ouvrage de Keigo Higashino qui met en relief l'antagonisme entre la rigueur du raisonnement scientifique et l'instabilité du facteur humain qui peut tout remettre en question.

     

    L'autre talent de l'auteur est de nous transporter, d'une apparence à une autre au gré de petites allusions bien placées, sans nous en dévoiler les tenants et les aboutissants. Des faux-semblants qui piègeront le lecteur jusqu'au dénouement final. Un bel ouvrage, tout en passion et en sensibilité capable de pulvériser l'implacable constance des axiomes mathématiques et physiques. Maudit facteur humain !

     

     Keigo Higashino ; Le Dévouement du Supect X. Editions ACTES SUD/Actes noirs 2012. Traduit du japonais par Sophie Refle.

    A lire en écoutant : Risky de Ryuichi Sakamoto. Album : Néo Géo. CBS Records, 1987.

     

     

  • Giorgio Scerbanenco, Les Enfants du Massacre, tragique jeunesse

    9782743622831FS.gifLorsque j'avais lu la première version des Enfants du Massacre de Giorgio Scerbanenco, édité dans la collection 10/18 Grands Détectives, j'avais été frappé par l'actualité du sujet et par la modernité du texte, car il faut savoir que ce roman avait été écrit en 1968. Il s'agissait de l'avant-dernier opus de la série mettant en scène Duca Lamberti.

    Drôle de parcours pour ce personnage radié de l'Ordre des médecins et condamné à trois ans de prison pour euthanasie après avoir cédé à la demande d'une patiente souffrant d'un cancer en phase terminale. Au fil des récits, Duca Lamberti passera par le statut d'enquêteur privé,  avant d'intégrer la Questure de Milan avec l'appui du Commandant Carrua. Malgré son statut de policier, ses collaborateurs persisteront à l'appeler Dottore faisant preuve d'un immense respect pour cet homme atypique.

    Beaucoup considèrent les Enfants du Massacre comme étant le meilleur roman de la série et je ne peux que confirmer ce choix. L'histoire débute dans une salle de classe déserte devenue la scène d'un crime abominable et abjecte après qu'une enseignante aient été violée et massacrée par ses 11 élèves du cours du soir. Bouleversé, Duca Lamberti va procéder à l'interrogatoire de ces jeunes adolescents en rupture sociale pour établir la responsabilité de chacun. La loi du silence va rendre son travail difficile et il devra faire preuve de tout son talent d'enquêteur pour établir la vérité qui n'est pas forcément celle que l'on croit. Enquête d'autant plus difficile pour Duca Lamberti qui sera confronté à la douleur de la perte de sa nièce âgée de 2 ans.

     

    Bonne idée pour Rivage/Noir d'avoir réédité la série Duca Lamberti qui bénéficie d'une nouvelle traduction. La trame sociale reste toujours le moteur principal des récits avec en toile de fond cette violence terrifiante au cœur d'une Italie en pleine expansion. La modernité du texte provient également de sujets très forts, comme la délinquance juvénile, que Scerbanenco dénonçait déjà dans les années 60 et qui reste toujours un des sujets principales de l'actualité.

     

    Il y a aussi cette grande ville de Milan, monstre tentaculaire, que Scerbanenco s'attache à nous décrire au fil de ses romans. La cité, personnage à part entière, tantôt attachante, tantôt repoussante, mais toujours pleine d'un certain charme mélancolique devient le théâtre tragique des enquêtes de Duca Lamberti.

     

    Dans la foulée, Rivage/Noir a également édité le dernier récit des enquêtes de Duca Lamberti, les Milanais Tuent le Samedi qui, sans être du même calibre que les Enfants du Massacre, reste un roman extrêmement sombre qui traite de la problématique de la prostitution avec la disparition et la mort d'une jeune femme souffrant d'une déficience mentale.

     

    Venus Privée et Ils Nous Trahirons Tous, sont les deux premiers romans de la série Duca Lamberti et ont également été réédité aux éditions Rivages/Noir. Sombres intrigues, société en pleine mutation, crimes sordides, ce sont les principaux éléments des récits de Giorgio Scerbanenco qui font que cet auteur est devenu l'un des grands maîtres du polar italien.

     

    Planqués au fond des rayonnages les plus élevé de ma bibliothèque j'ai eu tout de même du plaisir à retrouver les éditions 10/18 de ces 4 romans dont la typographie surannée rend le texte peu lisible. Souvenir de lecture de jeunesse, on ne peut que saluer l'initiative des éditions Rivages/Noir d'avoir remis au goût du jour ce magnifique auteur de polar.

     

    Bonne année et bonnes lectures

     

    Giorgio Scerbanenco : Les Enfants du Massacre. Editions Rivages/Noir 2011. Traduit de l'italien par Gérard Lecas.

    A lire en écoutant : Madre Terra, Madre Perla de Ricardo del Fra. Album : Roses an Roots/MFA 2004.

     

     

  • HENNING MANKELL : LE CHINOIS, LA VENGEANCE ETERNELLE !

    chine,suède,mankellDes crimes absolument terrifiants, une mise en scène hallucinante c'est toujours ainsi qu'ont démarré la plupart des romans de Henning Mankell et « Le Chinois », dernier opus de l'écrivain suédois ne déroge pas à la règle. Dans le nord de la Suède, un mystérieux assassin a décimé tout un village. Au total ce ne sont pas moins de 19 personnes qui ont été massacrées à l'arme blanche. C'est ainsi que démarre l'enquête que mène la juge Birgitta Roslin en marge des services de police pour découvrir la raison pour laquelle les parents adoptifs de sa mère, qui font partie des victimes, ont été ainsi assassinés. D'un peuple exploité à la superpuissance qu'est devenue la Chine, Birgitta Roslin découvrira différents aspects de ce pays devenu un acteur incontournable de la géopolitique mondiale autour duquel un frère et une sœur s'entredéchirent jusqu'à la mort pour conduire la destinée de cette nation.

     

    Exit donc Kurt Wallander et ces enquêtes de longues haleines qui mettaient en relief les travers d'un pays que l'on avait pour habitude de dépeindre comme le modèle idéal de société. L'auteur s'était déjà émancipé en nous livrant une enquête menée par la fille du célèbre commissaire, Linda Wallander, dans « Après le Gel ». Il avait fait une seconde tentative avec « Le Retour du Professeur de Danse » où le personnage central, Stefan Lindmann, demandera une mutation à Ystad où il aura une relation avec Linda Wallander. Dans ces deux tentatives d'émancipation, il y avait quelque chose de très « wallanderien » aussi bien dans les personnages que dans la structure de l'histoire, chose que l'on ne retrouve absolument pas avec le dernier roman de Mankell qui s'est définitivement affranchi de son personnage culte, ce qui est à saluer.

     

    Avec « Le Chinois », nous nous plongeons dans un autre type d'intrigue qui sont peut-être à mettre en lien avec les romans « blancs » de l'auteur qui s'ingénie désormais à mettre en lumière les travers d'un ordre mondial cynique. On reprochera peut-être quelque défaut dans la structure de l'histoire avec ce retour dans le passé qui nous dévoile le nœud de l'intrigue au beau milieu du roman. Henning Mankell n'a peut-être pas le talent d'un Arnaldur Indridason pour ce type d'enquête qui nous plonge dans le passé historique d'une nation. On regrettera également le manque de profondeur du personnage principal qui apparaît plus lisse et plus terne que les personnages précédents de l'auteur. Peut-être faudra-t-il plusieurs romans pour que l'on découvre les aspérités de Birgitta Roslin afin que l'on puisse s'attacher à cette juge suédoise atypique.

     

    Malgré ces défauts, « Le Chinois » a le très grand mérite de mettre en relief les enjeux fondamentaux d'un pays qui est encore en pleine mutation et dont les défis nationaux virent aux défis planétaires avec en toile de fond la convoitise de ce continent que l'auteur affectionne tant : L'Afrique !

     

    « Le Chinois » dénonciation géopolitique haletante et inspirée, avec ce culte des ancêtres qui flirte vers la folie et qui ensanglantera les paysages enneigés de la Suède.

     

    Henning Mankell : Le Chinois. Editions Policiers Seuil / 2011. Traduit du suédois par Rémi Cassaigne.

    A lire en écoutant : Souvenir de Chine - Jean-Michel Jarre - Les concerts en Chine.