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Rechercher : James Ellroy

  • DIX POLARS MARQUANTS !

    A l’heure des bilans de fin d’année, il est toujours de bon aloi de livrer une liste des meilleurs romans de l’année qui susciteront moult discussions stériles qui n’apporteront finalement pas grand-chose à l’édifice, particulièrement lorsque l’on constate que parmi les ouvrages sélectionnés il y a de nombreuses rééditions comme Jim Thompson ou Harry Crews. De plus, n’étant pas collé à l’actualité littéraire, je ne saurais vous livrer une liste pertinente des nombreux ouvrages qui sortent chaque année. Par contre, je me livre à ce petit exercice que l’on m’a proposé il y a de cela quelques semaines et qui consiste à lister dix livres qui vous ont marqué pour une raison ou une autre. Pour l’occasion, j’ai modifié la règle en énumérant dix polars.

     

     

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    Lune sanglante de James Ellroy

    Editions Rivages/noir 1984

    C’est avec ce livre que j’ai découvert l’univers d’Ellroy qui n’avait pas encore acquis la notoriété qu’il a aujourd’hui. Un livre dantesque qui sortait vraiment de l’ordinaire à l’époque avec ce personnage atypique du sergent Llyod Hopkins. Un verbe cru, une ballade sanglante dans l’enfer urbain de Los Angeles. Pour moi cela restera le meilleur Ellroy car il est encore emprunt de la spontanéité d'un génie débutant.

     

     


    Capture d’écran 2014-01-14 à 19.20.47.pngDouble assassinat dans la rue Morgue de Edgard Alan Poe

    Editions de la Pleiade 1932

    Avec le Chevalier Auguste Dupin, voici le premier détective privé que j’ai découvert, bien avant le fameux Sherlock Holmes. Un personnage atypique pour une histoire qui l’est tout autant. Si Holmes se repose essentiellement sur ses facultés d’observation, Dupin lui se fie à son esprit d’analyse pour résoudre ses enquêtes. Ambiance sombre et étrange au cœur de Paris.

     

     

     

    Capture d’écran 2014-01-14 à 18.34.18.pngTokyo année zéro de David Peace

    Editions Rivages/noir 2010

    Après sa tétralogie se déroulant dans sa région natale du Yorkshire, David Peace quitte l’Angleterre pour le Japon. Premier roman d’une trilogie annoncée, Tokyo année zéro confine au chef-d’œuvre avec la chronique de ce fait divers sordide se déroulant au lendemain de la capitulation d’un pays dévasté par la guerre. La folie et le génie au détour de chaque phrase.

     

     

     

     

    Capture d’écran 2014-01-14 à 18.35.27.pngRoseanna de Per Wahlöö et Maj Sojwall

    Editions Rivages/noir 2008

    Bien avant la déferlante de polars nordiques voici le premier opus du Roman d’un Crime. Une splendide déconstruction du modèle social de la Suède par l’entremise de l’inspecteur Martin Beck et de son équipe. Pour mieux vous en parler, voici une chronique du Vent Sombre qui résume parfaitement l’esprit de cette solide série de chefs-d’œuvre.

     

     

     

     

    Capture d’écran 2014-01-14 à 18.36.55.pngNon ce  pays n’est pas pour le vieil homme de Cormac MacCarthy

    Editions de l'Olivier 2006

    Une belle écriture aussi sèche que le désert qui sert de décor à cette histoire âpre et violente ponctuée des très belles réflexions de ce shérif qui ne comprend plus le monde qui l’entoure. Souvent imité jamais égalé.

     

     

     

     

     

    Capture d’écran 2014-01-14 à 18.38.28.pngLe nom de la rose d’Umberto Eco

    Editions Grasset 1990

    Après la lecture de ce roman vous laisserez tomber la kyrielle de polars soi-disant historiques. Aucun ne lui arrive à la cheville et ce n’est pas les romans de Dan Brown, fort distrayant au demeurant qui changeront la donne. Sur le fond d'un Moyen Age troublé, vous allez découvrir l’enquête épique du moine franciscain Guillaume de Baskerville.

     

     

     

     

    Capture d’écran 2014-01-14 à 18.40.16.pngLa dame du lac de Raymond Chandler

    Editions Roman Noir 1972

    Comme pour Ellroy, beaucoup me diront que ce n’est pas le meilleur roman de Chandler. Je l’apprécie énormément pour son atmosphère qui se déroule en dehors de la cité des anges. C’est avec cet ouvrage que j’ai découvert « l’école » Black Mask.

     

     

     

     

     

    Capture d’écran 2014-01-14 à 18.41.52.pngPike de Benjamin Whitmer

    Editions Gallmeister 2012

    Roman récent (2012) au style percutant. C’est un coup de cœur. Un plaisir de suivre ce malfrat vieillissant qui ne cherche même pas la rédemption dans cette ville déclinante des USA. Un récit brut, sans fioriture.

     

     

     

     

    Capture d’écran 2014-01-14 à 18.43.15.pngGriffu de Tardi & Manchette

    Editions Le Square 1978

    J’avais lu cette bd l’année de sa parution, en 1978, dans une revue dont j’ai oublié le nom. La rencontre d’un grand romancier du néo polar et d’une star de la BD pour une collaboration unique qui a donné cette histoire novatrice pour l’époque. Le trait sombre de Tardi au service de la noirceur de l’univers de Manchette : La fusion de deux talents.

     

     

     

    Parc Gorki de Martin Cruz SmithCapture d’écran 2014-01-14 à 18.45.18.png

    Editions Robert Laffont 1981

    Lorsque ce roman est paru en 1981, le mur était bien présent et je ne connaissais rien de l’URSS hormis ce qui m'en était conté dans les romans de Soljénitsyne. Au niveau du polar c’était le néant absolu jusqu’à l’apparition d’Arkady Renko, inspecteur de la milice soviétique. Outre le contexte, l’originalité de ce roman réside dans le mobile qui pousse le meurtrier à assassiner trois personnes dans un parc public.

     

     

     

    Une liste effectuée en dix minutes qui ne saurait être exhaustive. Je vous laisse le plaisir de vous livrer à cet exercice qui vous entrainera dans la résurgence de vos souvenirs que vous pourrez déposer, si le coeur vous en dit, dans vos commentaires.

     

    Meilleurs voeux pour l'année 2014 !

     

    A lire en écoutant : La mémoire et la mer de Léo Ferré. Album : Amour et Anarchie. Barclay-Universal 1970.

  • NURY/BRÜNO : TYLER CROSS. LÀ OÙ FINISSENT LES FLEUVES.

    Capture d’écran 2014-02-12 à 17.22.32.pngUn braquage de came qui tourne au carnage. Une échappée dans le désert pour un truand qui trouve refuge dans un bled paumé aux mains d’une famille de tarés congénitale. Un règlement de compte sanglant dans un train bourré de mafieux. Une histoire digne des meilleurs films de Peckinpah ou des meilleurs scénarios de Jim Thompson ou Donald Westlake, c’est ce que vous allez découvrir avec Tyler Cross, grande découverte du 9ème art de Brüno et Nury.

     

    Digne successeur de Parker, Tyler Cross balade sa froide carcasse anguleuse dans ce scénario de Nury qui prend vie avec le dessin de Brüno pour donner une bande dessinée époustouflante qui reprend avec brio tous les archétypes du roman noir abordant la thématique du braqueur solitaire et sans pitié. Malgré cela on entrevoit au tréfonds de l’âme de ce personnage énigmatique un semblant d’humanité dans cet instant sublime où Tyler Cross se sépare de sa belle complice CJ Harper. Un mélange de cruauté et de romantisme qui frise la perfection avec un hommage appuyé à Robin Cook et James Ellroy comme Nury l’explique ici en commentant l’une des plus belle page de l’ouvrage.

     

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    Que l’on ne s’y trompe pas le dessin stylisé, presque naïf, de Brüno ne sert qu’à mettre d’avantage en relief la noirceur, la cruauté et la duplicité des personnages qui jalonnent le récit. La BD n’est d’ailleurs pas à mettre entre les mains de lecteurs trop jeunes. On oscille entre humour noir et violence crue au gré des planches dont le découpage n’est qu’une longue référence cinématographique aux meilleurs films du genre.

     

    Bien sûr on pourrait reprocher d’avoir lu ou revu mille et une fois cette même histoire de braquage foireux qui tourne à la confrontation sanglante. Mais c’est sans compter la maîtrise scénaristique de Nury qui parvient avec un fulgurance inouïe à nous transporter d’un bout à l’autre de son récit sans que l’on aie le temps de prendre conscience de quoique ce soit tant cette histoire trépidante vous secoue vos neurones qui n’auront donc pas le loisir de restituer la moindre analyse critique cohérente durant la lecture.

     

    Bref, Tyler Cross c’est une BD qui a du punch et qui vous coupe le souffle comme le direct d’un boxeur. Il n’y a rien d’autre à en dire.

     

    Dessin : Brüno / Scénario : Fabien Nury / Couleurs : Laurence Croix : Tyler Cross. Editions Dargaud 2014.

    A lire en écoutant : Back to Black. Amy Winehouse. Album : Back to Black. Island Records 2006.

  • Jean-Hugues Oppel : French Tabloïds. Elections : vous en rependrez bien encore un peu ?

    FRENCH TABLOÏDS

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    Après des élections municipales bien trempées et pour ceux qui ne seraient pas saturés de slogans ravageurs sur l'insécurité, cap sur la France avec un polar où vous pourrez passer en revue les gros titres des médias français auxquels nous avons eu droit entre mars 2001 et avril 2002, année où un certain Jacques C. a obtenu un score stalinien de 82 % des suffrages contre un certain Jean-Marie Le P.

     

    Dans ce contexte voici le point de vue d'un auteur pour expliquer comment les électeurs ont été contraint à un tel choix : « French Tabloïds » de Jean-Hugues Oppel.

     

    Avec ce roman, Jean-Hugues Oppel nous entraine dans les arcanes des agences de communication, des services secret et de la police qui œuvrent toutes pour quele grand raout des élections présidentielles ne soient plus qu'une formalité. On y suit également le parcours d'un homme solitaire qui glisse doucement dans une paranoïa démente.

     

    L'auteur parvient à mêler habilement  fiction et faits d'actualité en s'inspirant du style de James Ellroy. En fait, il s'agit, ni plus ni moins, d'un hommage réussi à l'un des maîtres du polar. Outre le titre qui fait évidemment référence à American Tabloïds, on trouve le même rythme dans l'écriture et chaque chapitre est précédé d'une série de gros titres extraite des divers médias qui ont ponctué la vie des français durant cette période.

     

    Sans être aussi dense et aussi détaillé que l'œuvre à laquelle elle fait référence, cette histoire bien menée et bien rythmée se lit d'une traite. Jean-Hughes Oppel décrit sans concession la grande manipulation des masses et les magouilles étatiques pour y parvenir et que l'on y adhère ou pas, on se laisse emporter pour suivre les tribulations de l'infâme commissaire Jacques Lerois, du lieutenant de police Hélène Carvelle, du machiavélique Piers Goodwhille, de la mystérieuse agence PML Consulting et surtout du banal mais très inquiétant Victor Courcaillet. Une histoire qui n'a presque aucun rapport avec notre actualité politique locale !

     

    A l'exception des aficionados du roman noir, Jean-Hugues Oppel n'a pas la reconnaissance qu'il mérite alors que c'est un auteur majeur du polar français. Six Pack (dont on a tiré une médiocre adaptation au cinéma), Brocéliande-sur-Marne, Chaton : Trilogie et Cartago sont quelques un de ses romans dans lesquels gravitent fréquemment héros dépassés et sinistres criminels diaboliques. Mais pas de détective, flic ou méchants récurrents au gré de histoires. Un pari courageux lorsque l'on voit les succès commerciaux de certains auteurs qui usent parfois leurs personnages principaux jusqu'à la corde (non je ne donnerai pas de noms).

     

    Avec Jean-Hugues Oppel vous vous plongerez dans des récits engagés, tous plus originaux les un que les autres où l'auteur marie très fréquemment politique et polar qui ne font jamais très bon ménage.

     

    Jean-Hugues Oppel : French Tabloïds. Edition Rivages/Thriller 2005.

     

     

  • LANCE WELLER : LES MARCHES DE L’AMERIQUE. PERDUS DANS LES PLAINES.

    Capture d’écran 2017-06-20 à 00.56.10.pngChester Himes obtint une certaine notoriété avec la rencontre de Marcel Duhamel, fondateur de la Série Noire tout comme James Ellroy qui entretient, aujourd’hui encore, une relation privilégiée avec François Guérif, créateur des éditions Rivages. Des auteurs qui rencontrent davantage de succès à l’étranger que dans leur pays d’origine comme c’est le cas pour Lance Weller qui nous avait ébloui avec un premier roman exceptionnel intitulé Wilderness (Gallmeister 2014) où il évoquait une des batailles méconnues de la guerre de Sécession. En faisant l’acquisition du manuscrit de son second roman, Les Marches de l’Amérique, et en le traduisant directement en français alors qu’il n’est pas encore sorti aux USA, Olivier Gallmeister prend le pari de mettre en avant un auteur qui figurera, à n’en pas douter, parmi les grands nom de la littérature nord-américaine.

     

    Au delà de la Frontière, il y a ces vastes étendues sans nom où les convois s’aventurent en quête de nouvelles terres. Sur ces territoires que les mexicains et américains se disputent on peut croiser quelques chariots qui paraissent égarés. En y regardant de plus près on peut reconnaître Tom Hawkins et Pigsmeat Spence deux amis d’enfance qui traînent derrière eux une terrifiante réputation d’hommes coriaces. Mais point d’errance ou de coups foireux pour ces deux gaillards qui ont désormais un but. Ils escortent la belle Flora, une jeune esclave mulâtre qui s’est affranchie et qui tient à retrouver son maître à qui elle doit présenter son fils. Ce dernier se tient dans le chariot, coincé dans un cercueil sans couvercle, rempli de sel pour conserver le corps. Dans un monde violent en plein devenir, ces trois cabossés de la vie poursuivent leur chemin en trimballant leur sinistre cargaison.

     

    Une fois encore, Lance Weller s’empare d’un pan de l’histoire de son pays pour démystifier cette conquête de l’Ouest avec une puissance destructrice en ramenant le contexte historique à hauteur d’homme. Les Marches de l’Amérique aborde la colonisation de ces terres sans nom que se disputent les milices et armées de deux pays en plein développement tandis que colons et autres aventuriers errent dans ce no man's land en quête de quelques fortunes plus qu’aléatoires. En toile de fond on distingue toute la barbarie de cette conquête avec des milices cruelles qui traquent les indiens pour les massacrer afin de percevoir une solde qui se calcule au nombre de scalps récoltés. On y perçoit la misère d’une vie précaire, incertaine qui bascule soudainement dans une violence exacerbée par la peur et le doute. On y croise quelques personnages historiques comme le sinistre James Kirker, mercenaire, traqueur d’indiens et grand chasseur de scalps qui décima avec sa milice des populations entières de villages mexicains. Dans les méandres de ce contexte chaotique, où la cruauté et la sauvagerie semblent presque quotidiennes, le lecteur est rapidement subjugué par ce texte qui conjugue forces et émotions en nous distillant une fresque épique à couper le souffle.

     

    Mais au-delà de la férocité d’une époque cruelle, Lance Weller lance quelques bouées d’humanité que l’on décèle notamment au travers du parcours de Tom Hawkins, de Pigsmeat Spence et de la jeune Flora dont les destinées vont se percuter à Independance, une ville-champignon de toile et de bois qui se dessine dans la boue. En quête d’une vie pleine de sens, les trois compères s’accrochent les uns aux autres pour surmonter les stigmates d’un passé bien trop lourd à porter tout seul. La rédemption, la quiétude et autres objectifs parfois insensés vont porter cette femme et ces deux hommes d’un bout à l’autre d’un pays étrange où les frontières se font et se défont au gré de victoires et de défaites d'une guerre qui les indiffèrent complètement mais qui va pourtant les rattraper.

     

    Du sang, de la boue et un peu de poussière après la bataille, au terme d’un roman aussi intense que flamboyant, Les Marches de l’Amérique laissera le lecteur en bord de piste tout pantelant tout en confirmant l’immense talent d’un auteur qui subjugue. Car l’air de rien, Lance Weller est un écrivain d’une rare puissance qui nous envoûte sans ménagement.

     

    Dans le cadre d’une tournée en Europe, vous pourrez rencontrer Lance Weller à Genève où il dédicacera son livre à la Librairie du Boulevard, le mercredi 21 juin 2017 à 18h00.

     

     

    Lance Weller : Les Marches de l’Amérique (American Marchlands). Editions Gallmeister 2017. Traduit de l’anglais (USA) par François Happe.

    A lire en écoutant : Undiscovered First de Feist. Album : Metals. Cherrytree Records 2011.

  • Marin Ledun : Leur Ame Au Diable. Fumer tue.

    Capture d’écran 2021-05-23 à 18.38.46.pngDurant cette période de pandémie on a pu lire quelques articles de presse faisant état d'une étude scientifique soutenant le fait que les fumeurs étaient moins affectés par le SARS Cov2 sans en expliquer d'ailleurs les raisons. Désormais, ce n'est pas tant le contenu de cette étude qui est sujet à caution mais le fait que les chercheurs qui l'ont rédigée aient des lien étroits avec l'industrie du tabac et qu'ils se sont bien gardés de signaler, raison pour laquelle ces publications ont été retirées alors même que les résultats étaient remis en cause. On mesure ainsi toute l'ampleur de la sphère d'influence des cigarettiers afin d'écouler sans vergogne leurs produits, un sujet que Marin Ledun aborde avec son dernier ouvrage, Leur Ame Au Diable, qui évoque, sur l'espace de deux décennies, les dérives de l'industrie du tabac en abordant également les thèmes de la contrebande et du trafic d'influence au détour d'une époustouflante fresque noire.

     

    28 juillet 1986, région du Havre. Le braquage spectaculaire de deux camions-citernes tourne au massacre avec la mort de sept hommes et la disparition de 24'000 litres d'ammoniac destinés à une usine de cigarettes. Si l'enquête échoit à la brigade criminelle, l'inspecteur Simon Nora, affecté à la brigade financière, va investiguer dans le milieu des cigarettiers et de leurs fournisseurs pour analyser les données comptables de ces entreprises. L'OPJ Patrick Brun, lui est chargé d'enquêter sur la disparition d'une jeune femme, Hélène Thomas, dont les parents n'ont plus de nouvelles depuis plusieurs semaines. Deux enquêtes en apparence sans lien convergeant vers l'inquiétant lobbyiste David Bartels qui assoit son influence sur les politiciens et hauts fonctionnaires de la République pour le compte d'European G. Tobacco. Sur fond de trafic d'influence, de proxénétisme et de contrebande entre les luxueux cabinets de consulting parisiens, la mafia italienne et les pays des Balkans, les deux policiers vont mettre à jour la corruption, la manipulation ainsi que la violence qui s'exerce au sein d'une inquiétante industrie du tabac dénuée de tout scrupule.

     

    D'entrée de jeu, il importe de souligner la scène de braquage magistrale qui fait office d'ouverture du roman en devenant le catalyseur d'un récit dantesque et foisonnant où l'auteur dézingue tout azimut les dérives du business de la nicotine. Précis, glaçant et extrêmement cruel, ce braquage n'est pas sans rappeler le prologue de l'attaque du fourgon blindé d'Underworld USA de James Ellroy. Cette référence n'a rien d'un hasard puisque l'on retrouve l'influence de l'oeuvre d'Ellroy aussi bien dans le style que dans la construction narrative et surtout dans l'intensité des personnages qui traversent l'intrigue. Digéré, assimilé, Marin Ledun transcende son modèle avec une rare maîtrise. Il nous livre ainsi une fresque noire à la fois  équilibrée et digeste que l'on lit d'une traite tant le roman tient toutes ses promesses en matière d'intrigues croisées qui nous bousculent au gré des événements réels qui ont marqué la lutte contre le tabac et que cette industrie dévoyée tente de contourner par tous les moyens que ce soit par le biais d'études scientifiques douteuses ou par un lobbyisme effréné que l'auteur décortique avec une rare minutie. L'intérêt du roman réside également dans l'incarnation des frasques d'entreprises peu scrupuleuses conjuguant leurs intérêts financiers sur le dos de la santé publique, ceci au travers d'une galerie de personnages se caractérisant tous par l'excès de leurs traits de caractère. L'histoire s'articule donc autour du lobbyiste mégalomane David Bartels et de son homme de main Anton Muller s'occupant de l'élimination physique des obstacles qui peuvent survenir. En matière d'excès, nous ne sommes pas en reste avec les enquêteurs Patrick Brun et Simon Nora sacrifiant leurs vies privées respectives sur l'autel des investigations qu'ils mènent pour confondre   leurs adversaires qui s'ingénient à mettre en place des marchés parallèles de la cigarette pour augmenter leurs profits ou des agences de "modèles" qui vont exercer leurs charmes aussi bien sur les circuits sportifs que dans les "salons cosys" où gravitent politiciens et fonctionnaires de haut rang prenant des décisions en matière de santé publique. C'est l'occasion pour Marin Ledun de dresser de très beaux portraits de femmes qui vont précipiter le destin funeste de certains protagonistes de l'intrigue. 

     

    Ainsi Leur Ame Au Diable devient le pavé dans la mare de l'industrie du tabac avec un récit génial, tout en nuance qui nous livre les arcanes d'entreprises bien implantées dans notre société restant peu regardantes en matière d'éthique pour maximiser des profits colossaux sur fond d'accoutumances et de maladies mortelles. Un massacre orchestré et douloureusement silencieux, malgré toutes les mises en garde, que Marin Ledun décline avec une rare justesse.

     

    Marin Ledun : Leur Ame Au Diable. Editions Série Noire 2021.

    A lire en écoutant : Whispering de Alex Clare. Album : The Lateness Of The Hour.  2011 Island Records.