Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

tornade

  • Simon Fichet : Tornade. Partie de chasse.

    simon fiche,tornade,édition marchialyQuitte à découvrir un texte exceptionnel, autant le publier en créant sa propre maison d'éditions et puisqu'il en vaut sacrément la peine, autant effectuer soi-même la traduction tout en développant une maquette et une charte graphique originales mettant superbement en valeur un ouvrage tel que Tokyo Vice de Jake Adelstein. C'est autour de ce projet que Clémence Billault travaillant notamment chez Sonatine a rencontré Cyril Gay traducteur, entre autre, pour les éditions Asphalte ainsi que Guillaume Guilpart graveur et typographe qui se sont donc réunis sous la bannière des éditions Marchialy qu'ils ont fondé pour l'occasion. Autant dire que l'origine du nom de cette entreprise littéraire prend l'allure des récits qu'ils publient en s'inscrivant dans une invraisemblable réalité à l'image des soixante ouvrages qui composent le catalogue qu'ils entretiennent depuis plus de huit ans en nous proposant des investigations romancées et bien évidemment des quêtes journalistiques loufoques et subjectives dignes des récits gonzos de l’époque, ainsi que de grands reportages à la lisière du roman d'aventure à l'instar de Lieutenant Versiga, Une Vie De Flic Dans Le Mississippi de Raphaël Malkin, autre publication marquante des éditions Marchialy. Sans doute que Tornade de Simon Fichet rassemble toutes ces catégories de récits en nous entraînant dans cette calvacade effrénée au sein de l'immense région de Tornado Alley aux Etats-Unis où ce caméraman a suivi, en compagnie du reporter Alexandre Paré, deux chasseurs de tornades afin de réaliser un reportage pour le compte de France Télévision. 

     

    Issus de la même promotion de l'école de journalisme, Simon et Alex travaillent ensemble pour la première fois en se rendant aux USA, à Ferguson en proie aux émeutes à la suite d'un crime racial commis par un policier qui n'a pas été inculpé. Mais en mai 2015, ils s'apprêtent à retourner aux Etats-Unis pour un tout autre type de reportage, puisqu'ils vont suivre deux "storm chaser" français en parcourant les Grandes Plaines d'Amérique, en quête de ces monstres ravageant la région que l'on désigne désormais sous l'appellation terrifiante de Tornado Alley et qui englobe notamment les états du Colorado, de l'Oklahoma, du Kansas, du Nouveau Mexique et du Texas. S'ensuit un périple dantesque de douze jours et de plusieurs milliers de kilomètres en traversant ces régions désertiques, ces champs pétrolifères ainsi que ces exploitations agricoles industrielles pour affronter ces tempêtes de grêle et de pluies torrentielles tandis que la foudre menace de les désagréger et que ces fameuse tornades, phénomène si imprévisible, se font toujours désirer. Et à mesure que les événements météorologiques dangereux s'enchaînent, c'est la peur qu'il faudra surmonter pour s'approcher de ces vortex redoutables.

     

    D'entrée de jeu, Simon Fichet évoque l'appréhension qu'il éprouve à l'idée de se lancer dans cette entreprise tumultueuse consistant à s'approcher au plus près de ces tornades qui ravagent plus particulièrement ces contrées désolées des Etats-Unis. Et c'est peut-être là que réside l'un des intérêts du récit où l'on perçoit ce stress permanent qui imprègne d'ailleurs l'ensemble de l'équipe que ce soit Laetitia et Matthieu deux chasseurs de tornade expérimentés, mais également Alex qui doit rendre compte à sa rédaction de l'absence de progrès quant à la traque de ces fameux vortex qui se font tant désirer. On distingue ainsi l'envers du décor de ce qui constitue les aléas de l'élaboration d'un reportage avec un journaliste qui sombre peu à peu dans une dépression sans doute en lien avec les troubles de stress post-traumatiques dont les reporters ne peuvent être exempts quand bien même rien ne transparaît jamais vraiment dans les documentaires ou des articles qu'ils conçoivent. A partir de là, Tornade prend l'allure d'un journal de bord où chaque chapitre passe en revue chacune des douze journées de cette traque imprévisible contraignant l'équipe à parcourir de long en large l'immensité d'une région des Etats-Unis peu touristique, ponctuée de motels miteux et de junk food en guise de repas qui ne font que renforcer le désarroi de chacun à l'image de Laetitia qui, en dépit de son immense expérience dans le domaine de la chasse aux tornades, se laisse aller quelques instants au découragement. Mais l'autre aspect palpitant de Tornade, c'est bien évidemment cette recherche effrénée des éléments météorologiques déchaînés qu'ils vont régulièrement traverser en se mettant littéralement en danger que ce soit en affrontant les pluies diluviennes qui s'abattent sur eux ou ces épisodes de foudre dont il sont parfois trop proches ainsi que ces soudaines chutes de grêles qui endommagent tout sur leur passage, en risquant notamment de détruire leurs véhicules en mettant ainsi un terme à leur quête insensée. L’enjeu du récit, et la tension qui en émane, consiste donc à déterminer si les deux journalistes vont parvenir à capturer les images tant convoitées de tornades, en compagnie de ces deux chasseurs français dont on ne sait finalement pas grand chose, tout comme ce qui pousse l’ensemble de cette communauté de "storm chasers" bien à part, dont il émerge quelques vedettes, à se lancer dans une telle entreprise si risquée que ce soit par goût de l’aventure ou pour la collecte de données scientifiques à moins que ce ne soit tout simplement l’envie de saisir des images sensationnelles. Car, outre la tension imprégnant l'ensemble du texte, il y a le sentiment de se retrouver comme dans une bulle, un peu à part, où seul compte la capture d'image de ce phénomène climatique tant convoité et si imprévisible. Néanmoins, au terme du récit, Simon Fichet passe outre la beauté monstrueuse de ces tornades si fascinantes pour s'attarder sur les conséquences qui en découlent en évoquant notamment certains des événements les plus meurtriers qui ont frappé la région et qui ont marqué la communauté dont une famille ayant trouvé refuge dans leur baignoire qui leur a permis de rester en vie après le passage d'une des tornades les plus puissantes enregistrées et qui a détruit toute une partie de la ville de Norman située dans l'état de l'Oklahoma. Tout cela se décline au gré d'un texte d'une intensité permanente et palpable où il est question bien évidemment du côté grandiose de ce phénomène climatique effrayant mais également du traumatisme résultant de la fureur de ces éléments incontrôlables que nul ne peut maîtriser et qui marquent les esprits comme en témoigne Simon Fichet avec beaucoup de talent.  

     

     

    Simon Fichet : Tornade. Editions Marchialy 2024.

    A lire en écoutant : Sticks & Stones de Carmel. Album : The Falling. 2021 London Records. 

  • Michael Farris Smith : Une Pluie Sans Fin. Passagers de la tourmente.

    Capture d’écran 2015-10-17 à 09.35.21.pngBlade Runner illustre parfaitement le mariage heureux entre l’anticipation et le roman noir, avec des codes classiques transposés dans un contexte extraordinaire. Inspiré d’un ouvrage de Philip K Dick, Les Androïds rêvent-ils de Moutons Electriques ? le réalisateur Ridley Scott s’émancipait du livre pour réaliser un film culte. L’anticipation c’est également le genre qui a permis à Cormac McCarthy d’obtenir le prix Pulitzer avec son livre intitulé La Route. C’est à ce monument très sombre de la littérature américaine que l’on compare Une Pluie Sans Fin de Michael Farris Smith qui nous projette dans un monde post apocalyptique de tempêtes et d’ouragans qui s’abattent sans discontinuer sur le sud des Etats-Unis désormais devenu une zone sinistrée.

     

    On ne donne plus de nom à ces tempêtes qui ravagent continuellement les côtes du Texas, du Mississipi et de la Louisiane car plus personne ne vit dans cette région dévastée à l’exception de quelques inconscients qui ne peuvent se résoudre à rejoindre la frontière, plus au nord qui délimite ce no man’s land dévasté que les autorités ont renoncé à contrôler. Cole lui a choisi de rester et s’accroche à sa maison qui reste encore debout et aux souvenirs de sa femme disparue et de leur fille à naître. Il arpente la région et croise la route de  pillards et illuminés en tout genre jusqu’à ce qu’il se fasse agresser par un jeune couple qui lui vole sa jeep. En retrouvant leurs traces, Cole va devoir affronter une espèce de prêcheur fanatique qui règne sur tout un groupe de femmes qu’il a asservies et dont il abuse sans vergogne. Dans ce monde perdu ce sont finalement les hommes qui deviennent bien plus sauvages que les tempêtes auxquels ils doivent faire face, surtout s’il y a à la clé un magot enfoui dans ces terres désolées que les responsables de casinos auraient abandonnés.

     

    Une Pluie Sans Fin est un livre bien trop dense et bien trop chaotique pour être comparé à La Route, modèle de rigueur et de sobriété. Cela n’en fait pas un mauvais roman pour autant, même s’il manque singulièrement de tenue et de profondeur. Trop de personnages, trop de flashback et trop de rebondissements ne manqueront pas d’étourdir le lecteur et parfois de le perdre dans une confusion de scènes d’actions qui tirent parfois en longueur. Ce chaos narratif s’inscrit pourtant dans un style assez bien maîtrisé notamment au niveau de la description de ces contrées désolées et de ces tempêtes qui deviennent un personnage à part entière en nous entraînant dans un contexte de fin du monde qui ne manque pas de mordant. Finalement, Michael Farris Smith nous livre trop d’histoires secondaires dans ce récit avec un manque d’équilibre parfois regrettable entre les différentes intrigues à l’exemple de la confrontation entre le personnage principal et le prêcheur qui aurait mérité un développement plus conséquent pour former peut-être un livre à lui tout seul avec l’amorce d’une réflexion entre le mysticisme et le déchaînement des éléments.

     

    On déplorera également le manque d’envergure des personnages qui sont élaborés sur des schémas simplistes, oscillant entre la douleur et la rédemption. Pourtant quelques acteurs secondaires laissent entrevoir le potentiel de l’auteur pour dresser des portraits plus complexes sortant quelque peu de l’ordinaire à l’image de ce prêcheur qui demeure le protagoniste le plus intéressant de l’ouvrage.

     

    Il faut donc lire Une Pluie Sans Fin sans chercher une quelconque dimension philosophique derrière cette narration composée d’actions et de rebondissements qui raviront les lecteurs en quête d’un divertissement littéraire que l’on peut comparer à une honnête série B qui manquerait parfois d’allure.

     

    Michael Farris Smith : Une Pluie Sans Fin. Super 8 Editions 2015. Traduit de l’anglais (USA) par Michelle Charrier.

    A lire en écoutant : The Doors : Riders On The Storm. Album : L.A. Woman. Elektra 1971.