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glendon swarthout

  • Glendon Swarthout : Homesman. Vers un monde meilleur.

    Capture d’écran 2014-11-26 à 00.10.29.pngSurprenant et poignant, ce sont les deux qualificatifs qui me viennent à l’esprit pour dépeindre Homesman, ultime roman de Glendon Swarthout qui s’est éteint en 1992, soit quatre ans après la publication de l’ouvrage. Après avoir publié le Tireur dans une nouvelle traduction intégrale, les éditions Gallmeister font à nouveau appel à Laura Derajinski, traductrice émérite, pour nous livrer ce roman en français, ceci pour notre plus grand plaisir.

     

    Beaucoup de lâcheté et un coup du sort désigne Mary Bee Cuddy, un ancienne institutrice esseulée, pour rapatrier les quatre femmes qui, au sortir d’un impitoyable hiver qui a ravagé les Grandes Plaines, ont perdu la raison. Il faut dire qu’au milieu du XIXème siècle, la vie des colons est extrêmement dure sur cette partie de la Frontière qui n’épargnent ni les bêtes ni les hommes. La seule solution consiste donc à ramener ces femmes vers l’est afin que leur famille puisse les prendre en charge. Avec un étrange chariot aménagé pour transporter ces âmes meurtries, Marie Bee Cuddy va traverser le Territoire pour rallier le fleuve Missouri qui borde la partie civilisée des USA. Pour échapper à la pendaison, Briggs, odieux personnage voleur de concession, sera contraint, bon gré mal gré, d’escorter cet étrange convoi.

     

    Il est probable que les lecteurs resteront très longtemps marqués par le souvenir de ces quelques pages où l’auteur décrit le tragique quotidien de ces quatre familles de colons qui tentent d’exploiter une terre vierge que l’on morcelle en concession sans nom. Ce sont les loups affamés qui rôdent autour des frêles maisons de terre, la maladie qui ravage les troupeaux, les enfants qui meurent et des grossesses non désirées qui laminent le cœur de ces femmes courageuses qui ne peuvent en supporter d’avantage. Isolées, repliées sur elles-mêmes, Line, Hedda, Arabella et Gro perdent peu à peu la raison pour sombrer dans une folie muette, entrecoupée parfois de violents éclats meurtriers. Dépassés, démunis, leurs veules maris n’hésiteront pas bien longtemps à se séparer de leurs conjointes devenues désormais bien trop encombrantes.

     

    Le reste du roman tourne bien évidemment autour des deux protagonistes principaux que sont Mary Bee Cuddy et Briggs qui vont tout au long du voyage, tenter de s’apprivoiser tout en contenant les débordements de leurs quatre passagères. Mais l’on aurait tord de s’attendre à un récit convenu où deux personnages antinomiques trouvent enfin le moyen de s’entendre pour faire face aux défis qui se présentent à eux. Glendon Swarthout n’hésite pas à briser les règles pour mieux surprendre le lecteur et l’entraîner dans les tourments d’une histoire qui n’a rien de conventionnelle.

     

    De longues scènes contemplatives très visuelles sont entrecoupées de rebondissements dynamiques qui en font un roman à l’équilibre presque parfait, hormis quelques longueurs que l’on peut déplorer en fin de récit. Dans une contrée sauvage, les protagonistes du convoi maudit trouvent leur place dans une nature hostile mais respectueuse. Mais plus ils se rapprochent de la civilisation, plus ils se heurtent à l’hostilité des hommes qui ne trouvent rien d’autre à faire que de les repousser et les rejeter. En finalité le monde civilisé s’avérera bien plus cruel que le monde du Territoire et c’est peut-être l’un des grands messages que l’auteur tente de faire passer au travers des pages de ce roman.

     

    Parce qu’il fait la part belle aux femmes, on a qualifié Homesman de western féministe ce qui n’est pas vraiment adéquat car bien trop souvent le personnage de Mary Bee Cuddy se fait rabaisser par l’odieux Brigg auquel l’auteur semble vouloir lui accorder le dernier mot. Mais bien évidemment, dans un genre littéraire machiste à l’extrême, Homesman peut apparaître comme le roman qui tente de promouvoir, parfois de manière maladroite, le rôle essentiel des femmes dans la conquête de l’Ouest.

     

    Homesman a été récemment adapté au cinéma. Le film réalisé par Tommy Lee Jones qui interprète le rôle de Brigg, suit très (peut-être trop) fidèlement la trame du récit. C’est Hillary Swank qui lui donne la réplique en endossant le rôle de Mary Bee Cuddy dans une brillante interprétation pleine de sensibilité. Mais on appréciera surtout la sobriété du jeu des trois actrices qui campent les trois femmes de colon gagnées par la folie. Elles donnent ainsi toute l'intensité à ce film bien maîtrisé qui fait honneur au très bon roman de Glendon Swarthout.

     

    Glendon Swarthout : Homesman. Editions Gallmeister 2014. Traduit de l’anglais (USA) par Laura Derajinski.

    A lire en écoutant : Into the Unknown de Blackhord.  Album : A Thin Line. ABC Music/Universal 2013.

  • GLENDON SWARTHOUT : LE TIREUR. LA DERNIERE DANSE.

    glendon swarthout, le tireur, gallmeister, totem, westernOn ne peut que saluer une maison d'édition qui ose sortir des sentiers battus en publiant des romans d'un genre particulièrement déconsidéré dans les milieux littéraires tel que le western ou le roman de guerre. Avec la collection Totem, la maison Gallmeister a osé miser sur des écrivains américains méconnus qui mériteraient pourtant d'avantage de visibilité que la pâle actualité que nous infligent les chroniqueurs avec ce "coup d'édition" narrant les secrets d'alcôve élyséens qui n'est finalement que le triste reflet d'une rentrée littéraire toujours plus inconséquente quant au rythme des parutions qui s'annihilent les unes les autres dans une cavalcade toujours plus frénétique et  trépidante.

     

    Pour fuir ce diktat culturel, je vous propose de découvrir cette nouvelle traduction intégrale d'un ouvrage de Glendon Swarthout publié en 1975, intitulé Le Tireur que le réalisateur Don Siegel porta à l'écran en 1976 sous le titre Le Dernier des Géant  avec John Wayne dans sa dernière apparition au cinéma. Autant le dire tout de suite le film, bien qu'excellent, ne parvient pas à restituer toute la noirceur et le cynisme émanant de ce récit funèbre.

     

    En 1901, John Bernard Books, vacillant sur son cheval, débarque à El Paso avec une réputation de tueur légendaire. Seul survivant d'une lignée de pistoleros redoutables, Books va découvrir qu'il est atteint d'un cancer incurable et qu'il ne lui reste que quelques semaines à vivre. En apprenant cela, une cohorte de vautours va se rassembler afin de profiter des ultimes instants de ce dernier monument de l'Ouest sauvage. Et au milieu de cette danse crépusculaire de charognards avides,  John Bernard Books va organiser le dernier coup d'éclat qui clôturera son parcours légendaire.

     

    On a souvent qualifié Impitoyable, le chef d'œuvre de Clint Eastwood, comme étant un western crépusculaire. Ce qualificatif conviendrait pourtant davantage au roman de Glendon Swarthout qui nous relate l'agonie d'une époque révolue au travers des derniers soubresauts  d'un homme en fin de parcours. Considéré comme un spécialiste du genre, l'auteur parvient, de manière originale, à nous restituer cette période charnière par le biais de quelques articles  que le personnage principal découvre dans son journal. Nouvelles internationales, faits divers et encarts publicitaires, c’est toute cette série d’articles ponctuant le récit qui restituent la perspective des changements sociétaux qui s’amorcent désormais à travers tout le pays. Et puis il y a ce compte-rendu du décès de la Reine Victoria qui deviendra le moteur du récit car c’est par le biais de cet article que John Bernard Book trouvera l’inspiration nécessaire afin  de prendre toutes les dispositions pour mettre en scène sa disparition prochaine.

     

    Comme les barillets des Remington 44 qu’utilise John Bernard Book, Le Tireur se subdivise en six chapitres très courts qui permettent de faire ressortir toute la quintessence d’un texte qui va vraiment vers l’essentiel et qui entraine rapidement le lecteur dans cette abîme mortelle qui se concluera de manière abrupte par un duel dantesque qui restera un modèle du genre avec la violence des scènes d’action, la pertinence des dialogues et l’introspection du personnage principal qui se marient dans un équilibre parfait.

     

    C’est également par l’entremise de la série de portraits que dresse l’auteur tout au long du roman que le lecteur peut se demander ce qui change vraiment d’une époque à l’autre car si le progrès apporte son lot de confort  et de commodité, la sauvagerie des personnages aux caractères veules et cyniques semble demeurer immuable. Avec ces hommes et ces femmes qui se pressent autour du personnage principal, on assiste donc au dépeçage d’un homme agonisant qui n’est que l’illustration d’un capitalisme forcené où tout s’achète et tout se vend en allant même jusqu’à brader la réputation d’une légende.

     

    Une légende qui meurt, un jeune homme qui renaît, c’est sur le dur constat impitoyable d’un héritage tragique que se concluera le roman au travers d’une passation dévoyée qui ne laissera aucun espoir quant à l’avenir de l’homme.

     

    L’alchimie d’un rayon de soleil de faux printemps changea le nickel des Remingtons en argent. Gillom Rogers avançait la tête haute, les épaules droites, bien plus grand à ses yeux, en proie à des sensations jusqu’alors inconnues. Il tenait un revolver encore chaud dans la main, sentait la morsure de la fumée dans ses narines et le goût de la mort sur sa langue. Le cœur haut dans sa gorge, le danger derrière lui – et puis la sueur soudaine et le néant, et la sensation douce et fraîche d’être né.

     

    Le Tireur

    Glendon Swarthout

     

    Glendon Swarthout : Le Tireur. Editions Gallmeister, collection Totem 2012. Traduit de l'anglais (USA) par Laura Derajinski.

    A lire en écoutant : Wild Horses des Rolling Stones. Album : Sticky Finger. Virgins Record – Rolling Stones 1971.