FUREUR NOIRE : LEO MALET/TARDI, BROUILLARD AU PONT DE TOLBIAC
Fiat Lux ! Que la lumière soit !
Première phrase de la Genèse c'est aussi le nom de l'agence du célèbre détective Nestor Burma, détail piquant quand on connaît le parcours de son créateur, l'écrivain Léo Malet. Une jeunesse dans le milieu anarchiste que l'auteur évoque dans Brouillard au pont de Tolbiac que l'on peut considérer comme son meilleur roman de la série inachevée des nouveaux mystères des Paris.
Nestor Burma reçoit un message d'un certain Abel Benoît qui lui demande de le rencontrer à l'hôpital de la Salpêtrière afin « d'empêcher un salaud de mijoter des saloperies ». Une rencontre qui n'aura pas lieu puisque l'auteur de la lettre meurt des blessures que lui a infligé son agresseur. C'est une belle et mystérieuse gitane qui lui annonce le décès, devant l'établissement hospitalier. Poussé par la curiosité, Nestor Burma découvrira qu'Abel Benoît n'est autre qu'Albert Lenantais un camarade anarchiste qu'il a connu il y a de cela plus de 20 ans. Un époque où notre détective de choc, alors jeune crieur de journaux, vivait au foyer végétalien de la rue Tolbiac, fréquenté par toute une clique d'idéalistes et d'anarchistes. Une histoire d'amour avec une belle gitane, un ancien flic au bord de la folie, une plongée dans le passé, des rencontres avec d'anciens anarchistes embourgeoisés avec en arrière-plan le XIIIème arrondissement de Paris pour cette enquête de Nestor Burma. Parviendra-t-il à découvrir qui a agressé Albert Lenantais ; Arrivera-t-il à empêcher le salaud de commettre des saloperies et réussira-t-il à résoudre une enquête là où un ex-flic n'y est pas parvenu, malgré un acharnement de 20 ans qui le conduira à sa perte tragique sur le pont de Tolbiac.
Bien plus que le livre, c'est l'adaptation qu'en a faite Tardi que je vous propose de découvrir avec une BD absolument somptueuse. Le quartier du XIIIème n'est plus ce qu'il était, mais lorsqu'il en a fait l'adaptation en 1982, le dessinateur, grâce à un travail de recherche et de documentation fouillé est parvenu à restituer l'atmosphère poisseuse de ce quartier. Des lieux désormais mythiques, comme la place d'Italie, le viaduc d'Austerlitz, la rue et le pont Tolbiac ont été restitués fidèlement grâce au talent de l'artiste. L'escalier entre la rue Chevralet et la rue Tolbiac, lieu de la dernière rencontre entre Belita et Nestor Burma existe toujours, tout comme le bâtiment de l'Armée du Salut, conçut par un certain Le Corbusier. Ce n'est pas le cas du Viaduc métallique de Tolbiac où se déroule une part importante de l'intrigue. Cet ouvrage a été complètement démonté et rouille désormais dans un entrepôt.
Léo Malet voulait écrire un roman contre le XIIIème, mais ce fut un échec parfait puisqu'en transposant sur son personnage fétiche, des pans de sa jeunesse il est parvenu à dégager des émotions puissantes qui se sont fichées dans les décors de ce quartier. Vous l'aurez compris, le personnage principal de cette histoire c'est bien évidemment Paris et ce XIIIème arrondissement qui émerge des cases de cette magnifique BD. Vous vous perdrez dans ces ruelles étroites, exhalant ses vapeurs de brouillards tout en trébuchant sur le pavé luisant de pluie. Vous frémirez en arpentant la sinistre rue Watt et le sombre passage des Hauts-de-Forme. Et pour vous remettre, vous pourrez boire un calva ou un ballon de rouge en vous appuyant sur le zinc du comptoir d'un ces cafés surpeuplés de la place d'Italie.
Pour évoquer l'œuvre de Léo Malet, les organisateurs de la Fureur Noire, ont invité Guy Marchand qui a connu l'auteur et qui a incarné le personnage de Nestor Burma dans un série télévisée dont les producteurs ont eu la mauvaise idée de la transposer dans le Paris nos jours (années 90), laissant de côté, l'aspect rétro de l'époque des années cinquantes. Cet acteur de talent qui s'est vu décerner un César pour le meilleur second rôle dans Garde à Vue (encore un polar !) de Claude Miller, exposera son point de vue sur l'un des détectives phares de la littérature française de l'après-guerre. Retrouvez le donc le mardi 4 octobre 2011 à 2030 à la salle du Faubourg.
« Paris. La nuit sur le pont de Tolbiac, un homme rôde. Dans son regard la folie. »
Léo Malet/Tardi : Brouillard sur le pont de Tolbiac. Casterman 1982.
A lire en écoutant : Ni Dieu ni Maître - Léo Ferre - Album : Et Basta !