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  • JEAN-JACQUES BUSINO : UN CAFE, UNE CIGARETTE. LE ROMAND NOIR.

    jean-jacques busino, un café une cigarette, rivages, orphelinat naplesJ’ai connu Jean-Jacques Busino bien avant qu’il ne se lance dans l’écriture alors qu’il trônait derrière le comptoir de son magasin de disque ABCD qui se situait à proximité de la gare. Une époque bénie où l’on ne vendait pas du disque au kilo et où l’on prenait le temps de vous raconter des histoires. Car Jean-Jacques était déjà un conteur d’histoire qui vous déclamait son amour pour Frank Zappa et le Thallis Scholar en vous servant des cafés noirs et bien serrés. Un regard aussi sombre que sa chevelure vous évaluait en quelques secondes avant de vous dispenser ses conseils avisés dans les domaines musicaux les plus variée. Un passionné l’ami Busino que j’ai perdu de vue après la fermeture de son magasin.

     

    C’est en 1994, sur le présentoir d’une librairie que j’ai eu de ses nouvelles en découvrant son premier roman Un café, une cigarette qui se lit le temps de consommer l’un et l’autre en découvrant les tourments d’une bande de gamins écumant les ruelles de la ville de Naples. Un récit fulgurant qui vous sonne avec la brutalité d’une balle de 44 Magnum.

     

    Largué par sa fiancée qui lui a laissé leur fille à peine âgée d’un an, André quitte la Suisse pour retrouver son cousin napolitain qui se fait fort de lui remonter le moral. Car Massimo est un petit caïd de la ville haut en couleur qui survit en fourguant des couteaux suisses qu’André lui fait parvenir. Un commerce florissant qu’il partage avec une bande de gosses cabossés par la vie. Avec Massimo comme guide, André va percevoir les malheurs quotidiens de ces enfants perdus qui survivent comme ils peuvent dans cette ville tentaculaire qui broie les âmes sans aucune pitié. Loin de se résigner, le jeune suisse, tout aussi borderline qu’idéaliste, va monter avec l’aide de son cousin un orphelinat pour abriter cette jeunesse condamnée à assouvir les vices d’adultes sans scrupule. Mais pour mener à bien ce projet, les deux jeunes garçons devront livrer un combat sans merci contre la mafia. L’histoire d’une rédemption au travers d’une guerre perdue d’avance.

     

    Que l’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas d’un énième roman sur la mafia qui apparaît d’ailleurs de façon presque fantomatique tout au long du roman. Jean-Jacques Busino se focalise exclusivement sur ces enfants malmenés qui hantent les rues de Naples. Avec la rencontre de la Suisse et de l’Italie par le biais de la verve endiablée de Massimo et la réserve silencieuse d’André c’est tout d’abord cette dualité que l’on découvre tout au long de ce récit comme si l’auteur faisait remonter l’ambivalence de ses origines. Et puis il y a cette violence qui monte crescendo au fil des seize chapitres du roman. On la trouve dans les propos simplistes de Massimo qui parvient à résumer en quelques mots tout le fonctionnement d’une ville qui broie ses enfants perdus et fait écho à la révolte désespérée d’André qui ne peut accepter ce que son entourage considère comme une fatalité. Puis c’est au rythme de la fureur des tueries et du cri des armes à feu que l’on assiste à l’apothéose d’un final aussi brutal que trivial qui ne nous offre aucune concession.

     

    jean-jacques busino, un café une cigarette, rivages, orphelinat naplesL’Alfa Spider de Massimo, le 44 Magnum 12 pouces d’André, Jean-Jacques Busino s’attarde sur ces petits éléments à la manière d’un auteur comme Manchette auquel il emprunte également toute la noirceur et talentueuse simplicité d’un récit brutal.

     

    jean-jacques busino, un café une cigarette, rivages, orphelinat naples

    Un café, une cigarette c’est l’emblème même du roman noir dans toute sa splendeur que vous retrouverez dans ses quatre autres romans édités aux éditions Rivages car Jean-Jacques Busino est un artisan de l’écriture qui va à l’essentiel avec tout ce que cela signifie en regard de ces auteurs qui travaillent avec une pléthore de collaborateurs recherchistes pour nous pondre des récits alambiqués à la limite de l’incompréhension.

     

    Jean-Jacques Busino : Un café, une cigarette. Editions Rivages/Noir 1994.

    A lire en écoutant : Guarda Che Luna interprété par Petra Magoni & Ferrucio Spinetti. Album : Musica Nuda. Bonsaï Music 2004.

     

     

  • JEAN-JACQUES BUSINO : LE CIEL SE COUVRE. LA COLERE GRONDE.

    jean-jacques busino, le ciel se couvre, bsn pressComme je l'ai évoqué à plusieurs reprises, la littérature noire en Suisse romande est en pleine expansion avec un nombre considérable de publications provenant d'auteurs qui se lancent pour la première fois dans le genre. Au beau milieu de cette déferlante, où la médiocrité est bien trop souvent mise en avant, il serait dommage de passer à côté des fondamentaux et notamment du nouvel ouvrage de Jean-Jacques Busino qui publiait en 1993 son premier roman noir aux éditions Rivages/Noir à une époque où les écrivains romands se désintéressaient complètement du "mauvais genre" à l'exception de Michel Bory et de Corinne Jaquet qui écrivaient des romans policiers d'une certaine envergure. Après une dizaine de romans noirs suivis d'une dizaine d'années de silence, c'est donc avec un certain plaisir que l'on retrouve l'auteur culte de Un Café, Une Cigarette (Rivages/Noir 1993) qui revient sur le devant de la scène littéraire romande avec Le Ciel Se Couvre édité par Giuseppe Merrone, grand prescripteur du genre, qui dirige la maison d'éditions BSN Press, ce qui concrétise ainsi une belle rencontre entre deux grandes figures de la littérature noire helvétique afin de nous proposer un roman noir d'exception.

     

    A la mort de Solal, fondateur d'une communauté orientée vers l'agroécologie, tout le monde se tourne vers son fils Jésus qui découvre que l'eau alimentant le village pourrait être contaminée au glyphosate conséquence probable du décès de son géniteur. Désemparé et un brin incompétent, Jésus décide de traîner les responsables en justice sans se rendre compte de l'ampleur d'une tâche qu'il n'est pas prêt à assumer. Alors que le comptable de la communauté détourne des fonds tandis que l'un de ses membres influents joue au voyeur, les drames s'enchaînent et la révolte gronde du côté d'une jeunesse qui se radicalise pour lutter contre les affres du changement climatique. Le ciel se couvre sur cette galaxie de destins qui s'entrecroisent et les conséquences seront parfois explosives.

     

    Il y a cette écriture incisive qui vous empoigne à bras-le-corps et vous envoie directement dans les cordes afin de vous malmener tout au long d'un récit âpre et saisissant nous entraînant, l'air de rien, sur le thème du changement climatique et du désespoir qui en découle en déclinant tous les codes du roman noir et plus particulièrement cette injustice sociale frappant la majeur partie de cette multitude de personnages gravitant autour de cette communauté frappée par le décès de Sol, un individu charismatique, probablement inspiré de la figure de Pierre Rabhi. Tel un monsieur loyal de l'au-delà, Sol devient le narrateur et l'individu omniscient du récit observant sans jugement les turpitudes de son entourage tout en se remémorant les musiques emblématiques qui ont marqué son existence à l'instar de Nick Drake, Ben Harper, Neil Young, King Crimson et Talk Talk. Se dessine ainsi une playlist qui accompagne cette intrigue où l'on observe le déclin de cette communauté composée de quelques personnages sans scrupule et particulièrement retords comme on le découvrira avec Pierre le comptable ou Samy le voyeur qui à eux seuls incarnent ces individus arbitraires surfant sur les vicissitudes et le désarroi frappant les membres de ce village utopique qui s'étiole malgré les tentatives vaines de Jésus, le fils de Sol, qui pensent amorcer le changement en recourant aux voies juridiques avant d'entamer un combat tout aussi radical que maladroit. Avec Paul, Virginie et Marceline incarnant une jeunesse dépossédée de son Eden et désormais sans illusion, le combat devient nécessité afin de faire face à ce ciel qui se couvre sur leur avenir. C'est cet ensemble de destins, s'entrechoquant parfois avec une violence désarmante, que l'on va donc découvrir tout au long de ce récit imprégné d'amertume, au fond duquel on entreverra tout de même quelques lueurs d'espoirs dans un renouveau qui s'annonce chaotique. Un récit magistral qui vous broie le cœur.

     

    Jean-Jacques Busino : Le Ciel Se Couvre. BSN Press 2022.

    A lire en écoutant : I Believe In You de Talk Talk. Album : Spirit Of Eden. 1998 Parlophone (EMI).

  • CORINNE JAQUET : LE PENDU DE LA TREILLE. PASSE SIMPLE.

    Capture d’écran 2018-01-14 à 15.14.12.pngTout comme Jean-Jacques Busino, Corinne Jaquet fait figure, en Suisse, de précurseur dans le domaine de la littérature noire, à une époque où le polar ne suscitait que bien peu d’intérêt auprès d’un milieu littéraire romand se refusant à frayer avec le mauvais genre. Ce fut la France avec Rivages/noir qui édita les romans noirs de Busino tandis que la maison d’édition belge Luce Wilquin publiait les romans policiers de Corinne Jaquet. Historienne, journaliste spécialisée dans les chroniques judiciaires, cette auteure genevoise choisissait de concilier ses deux passions par le prisme d’une série de polars prenant pour thème les différents quartiers de Genève à l’instar de Léo Malet et ses arrondissements de Paris. Ainsi, au gré de faits divers ancrés dans l’histoire et les milieux sociaux-culturels des quartiers de Genève, l’aventure débutait en 1997 avec la parution d’un premier opus intitulé Le Pendu De La Treille mettant en scène la journaliste Alix Beauchamps et le commissaire Simon et que l’on trouve dans toutes les librairies romandes puisque l’ouvrage a fait l’objet, en 2017, d’une réédition dans La Collection Du Chien Jaune célébrant ainsi les vingt ans de la naissance de cet emblématique duo d’enquêteurs genevois.

     

    Georges Bertin crée une double surprise en étant élu au gouvernement genevois et, au lendemain de son élection, en étant retrouvé mort, pendu à un marronnier de la promenade de la Treille, à deux pas de l’exécutif où il devait siéger. En charge de cette délicate enquête, le commissaire Simon doit trouver le mobile de ce crime odieux. Une vengeance de l’opposition frustrée par cet échec surprenant, une punition d’une des anciennes conquêtes de ce séducteur ou doit-on explorer dans la jeunesse tumultueuse de ce politicien sulfureux ? La médiatisation de l’événement rend les investigations difficiles car les journalistes sont sur la brèche pour obtenir quelques éléments croustillants afin d’alimenter leurs articles. Jeune et ambitieuse, la chroniqueuse judiciaire Alix Beauchamp n’est pas en reste pour percer les secrets et les travers d’une bourgeoise calviniste peu encline aux confidences. Derrière les honorables façades patriciennes des rues de la vieille ville, les rancœurs sont parfois meurtrières.

     

    A une époque où les polars ne faisaient pas l’objet de pavés de plus de 600 pages, ce qui frappe avec Le Pendu De La Treille, c’est la brièveté d’un récit concentrant une intrigue policière à la fois classique et efficace, agrémentée de cette atmosphère délicieusement surannée d’une cité de Calvin dont on se plait à se remémorer quelques lieux emblématiques aujourd’hui disparus tandis que d’autres demeurent toujours d’actualité à l’instar du café Papon ou du Consulat où se déroulent de nombreuses scènes du roman. Avec une économie et une précision redoutable dans l’usage des mots, le texte est ponctué de brefs chapitres conciliant l’aspect historique du quartier de la vieille ville où se situe l’ensemble d’un récit tout en mettant en exergue les coulisses du pouvoir ainsi que les rouages du monde politique genevois. On appréhende ainsi la vie d’un quartier bourgeois recelant quelques éléments d’histoires méconnus comme ses affrontements entre jeunes issus des mouvances fascistes et anarchistes.

     

    Du fait de ses connaissances du milieu de la justice et du monde policier en tant que chroniqueuse judiciaire,Corinne Jaquet nous entraîne dans les méandres d’une enquête réaliste permettant de comprendre les interactions entre les différentes institutions étatiques, mais également de découvrir la complexité des liens régissant la police et la presse. Bien évidemment avec Alix Beauchamps, c’est un peu de l’auteure qui s’est glissée dans cette jeune journaliste intrépide, sensible, dotée d’un caractère fort et pouvant parfois se montrer maladroite mais toujours déterminée à faire la lumière sur les affaires dont elle doit chroniquer les faits. En ce qui concerne le commissaire Simon, l’homme est un individu taciturne parfois colérique qui sort des archétypes du personnage torturé pour emprunter des caractéristiques plus classiques pouvant rappeler un certain Jules Maigret, se révélant tout de même beaucoup plus dynamique, à l’image du récit. Car tout va très vite dans Le Pendu De La Treille avec un dénouement quelque peu abrupt qui aurait mérité un épilogue permettant de mieux saisir l’impact de l’affaire sur les deux personnages principaux qui vont apprendre à se découvrir au fil des enquêtes à venir.

     

    Malgré un meurtre peu commun, Corinne Jaquet ne s’attarde jamais sur les aspects racoleurs du crime pour s’intéresser aux dimensions psychologiques de protagonistes parfois atypiques qui donnent leurs tonalités au quartier visité et dont on aime à découvrir les lourds secrets au travers d’interactions maîtrisées et de dialogues pertinents. Un concentré de polar sur fond d’Histoire genevoise.

     

    Corinne Jaquet : Le Pendu De La Treille. La Collection Du Chien Jaune 2017.

    A lire en écoutant : Expedition Impossible de Hooverphonic. Album : With Orchestra. 2012 Sony Music Entertainment Belgium.

  • MISE AU POINT 2023 : TOUJOURS PLUS LOIN.

    Capture d’écran 2023-01-06 à 22.17.08.pngComme je l'ai mentionné dans la dernière chronique de l'année 2022, le site a migré vers une autre plateforme puisque la Tribune de Genève a décidé de fermer son forum consacré aux blogs. Le blog "Mon Roman ? Noir et bien serré !" est donc désormais consultable à l'adresse suivante :


    www.monromannoiretbienserre.com

    Pour le dire franchement cette migration n'a pas été aussi aisée que cela et je regrette que les liens du blog précédent ne puissent pas rediriger le lecteur vers le blog actuel. Ce sont là les aléas de l'informatique que je maîtrise difficilement. Néanmoins, toutes les chroniques précédentes ont été rapatriées et vous retrouverez dans la colonne de droite, divers liens vous redirigeant vers ces chroniques en fonction des différents classements que ce soit par ordre alphabétique d'auteurs, par pays ou par thèmes. A quelques détails près, le blog en lui-même n'a pas changé et reste dépourvu de publicité, ce qui demeure d'ailleurs un critère essentiel pour moi. 

     


    Capture d’écran 2023-01-06 à 19.45.30.pngCapture d’écran 2023-01-06 à 19.45.10.pngPuisque j'ai évoqué les thèmes, l'année 2022 a vu l'apparition des récits avec deux ouvrages importants que sont la vie extraordinaire du Lieutenant Versiga et la corruption au sein de la police de Baltimore évoquée par Justin Fenton dans La Ville Nous Appartient qui a fait l'objet d'une adaptation pour HBO. Nul doute que je prendrai le temps d'étoffer ce thème avec d'autres récits hallucinants qui dépassent parfois la fiction. 

     

    Capture d’écran 2023-01-06 à 21.08.17.pngCapture d’écran 2023-01-06 à 21.07.33.pngMais pour en revenir aux romans noirs et aux polars, l'année 2022 a débuté sur les chapeaux de roue avec Le Carré des Indigents de Hugue Pagan qui a fait son grand retour sur la scène de la littérature noire. En Suisse, on saluera également le retour de Jean-Jacques Busino qui signe un grand roman noir avec Le Ciel Se Couvre.

     

     

     

    Capture d’écran 2023-01-06 à 21.11.44.pngCapture d’écran 2023-01-06 à 21.15.46.pngDans le registre des excellents ouvrages qu'il faut avoir lu, il faut citer Le Blues Des Phalènes de Valentine Ihmof ainsi que Le Dernier Jour Des Fauves de Jérôme Leroy et bien évidemment le roman extraordinaire de Séverine Chevalier qui nous a ébloui, une fois encore, avec Jeannette Et Le Crocodile.Capture d’écran 2023-01-06 à 21.14.02.png 

     

     

     

     

     

     

     

    Capture d’écran 2023-01-06 à 21.22.21.pngCapture d’écran 2023-01-06 à 21.24.10.pngAux Etat-Unis, il faut saluer David Joy avec Nos Vies En Flammes ainsi que l'extraordinaire roman de Richard Krawiec, Les Paralysés. Dans le registre des séries, il faut signaler des valeurs sûres comme les enquêtes du commissaire Soneri qui revient avec La Main De Dieu, tout comme les investigations de la procureure Chastity Riley officiant toujours à Hambourg dans Béton Rouge. Autre série importante que celle d'Abir Mukherjee et de son capitaine Sam Wyndham que l'on retrouve dans Avec La Permission De Gandhi.

    Capture d’écran 2023-01-06 à 21.29.58.pngCapture d’écran 2023-01-06 à 21.27.14.pngCapture d’écran 2023-01-06 à 21.30.57.png

     

     

    Capture d’écran 2023-01-06 à 21.35.42.pngCapture d’écran 2023-01-06 à 21.37.26.pngL'un des grand événements de l'année fut la clôture de la trilogie japonaise de David Peace qui nous a ébloui avec Tokyo Revisitée. Dans un registre similaire on aura également apprécié La Cour Des Mirages de Benjamin Dierstein qui achève de manière magistrale sa trilogie hallucinante sur la police parisienne.

     

     

     

    Capture d’écran 2023-01-06 à 21.41.10.pngCapture d’écran 2023-01-06 à 21.42.56.png
    Capture d’écran 2023-01-06 à 21.46.00.pngColin Niel a fait son retour avec Darwyne, un roman au lisière du fantastique se déroulant en Guyane. On a également apprécié Le Tableau Du Peintre Juif de Benoît Severac ainsi que Les Corps Solides de Joseph Incardona. De nouvelles séries prometteuses semblent avoir vu le jour avec cette année 2022 à l'instar de
    Madame Mohr A Disparu de Maryla Szymiczkowa, Le Château De Carte de Miguel Szymanski ainsi que Les Gens Des Collines de Chris Offutt.

     

    Capture d’écran 2023-01-06 à 21.47.59.pngCapture d’écran 2023-01-06 à 21.50.07.pngCapture d’écran 2023-01-06 à 21.51.15.png

     

    Capture d’écran 2023-01-06 à 21.57.25.pngCapture d’écran 2023-01-06 à 21.59.02.pngCapture d’écran 2023-01-06 à 22.23.02.pngIl faut également citer quelques pépites comme Traquenoir de Ed Lacy, Eugenia de Riku Onda, Duchess de Chris Whitaker ainsi que Et Nous, Au Bord Du Monde de Nathalie Sauvagnac. Pour conclure cette rétrospective, on signalera quelques auteurs helvétiques prometteurs comme Lucien Vuille avec son premier roman La Grande Maison ainsi que l'apparition de Nicolas Verdan au sein d'une maison d'éditions française qui a eu la bonne idée de rééditer Le Mur Grec que l'ensemble des pays francophones pourra ainsi découvrir.

    Capture d’écran 2023-01-06 à 22.01.58.pngCapture d’écran 2023-01-06 à 22.02.54.pngCapture d’écran 2023-01-06 à 23.03.44.png

     

    En guise de perspective 2023, il me faut évoquer les salons dédiés à la littérature noire comme Quai du Polar pour lequel je serai présent, tout comme Toulouse Polar du Sud. Il semble qu'en Suisse on puisse voir pour cette année le retour de Lausan'noir, même si la nouvelle n'est pas confirmée. Il me faut également découvrir le FIRN (Festival Internationale du Roman Noir à Frontignan) ainsi que le fameux Aller et Retour dans le Noir qui se déroule à Pau. Dans un domaine plus généraliste j'espère pouvoir également me rendre à Libri Mondi en Corse pour un festival somptueux qui sort résolument de l'ordinaire. J'espère vous y croiser pour entamer de belles discussions notamment sur le thème de la littérature noire

     

    Il ne me reste qu'à vous remercier pour votre fidélité et à vous souhaiter une très bonne année 2023, riche en belles découvertes littéraires.

     

    A lire en écoutant : There’d Better Be A Mirrorball de Arctic Monkeys. Album : The Car. 2022 Domino Recording Co Ltd.

  • MARIE-CHRISTINE HORN : SANS RAISON. RUPTURE.

    sans raison, bsn press, okama, marie-christine hornL'occasion a été donnée à de multiples reprises d'évoquer les éditons BSN Press qui font figure de pilier de la littérature noire helvétique avec Giuseppe Merrone comme maître à bord mettant en valeur les textes de Nicolas Verdan, d'Antonio Albanese ou de Marie-Christine Horn ainsi que ceux de Jean-Jacques Busino pour ne citer que quelques auteurs à la noirceur assumée figurant dans l'immense catalogue de l'éditeur lausannois. On trouvera désormais certains d'entre eux dans la collection Tenebris issue d'une collaboration avec les éditions OKAMA créées en 2019 par la dynamique Laurence Malè afin de publier des textes davantage orientés vers le fantastique et la fantasy. On découvre ainsi, dans cette nouvelle collection, Le Complexe D'Eurydice (BSN Presse/OKAMA 2023) d'Antonio Albanese, Cruel (BSN Presse/OKAMA 2023) de Nicolas Verdan ainsi que Sans Raison, dernier roman noir de Marie-Christine Horn nous rappelant, dans sa thématique sociale, Le Cri Du Lièvre (BSN Press 2019) où elle décortiquait les rouages tragiques des violences domestiques. Avec le même regard acéré, débutant autour des prémisses d'une tuerie sur une place de jeu, Marie-Christine Horn aborde, cette fois-ci, le sujet de l'exclusion sociale et des conséquences terribles qui découlent parfois.

     

    Par une belle journée ensoleillée, peut-être un peu trop chaude, Salvatore Giordani empoigne son fusil d'assaut, ouvre la fenêtre et fait un carnage sur une place de jeux en blessant et tuant plusieurs enfants ainsi qu'une femme enceinte. De son côté, Margot doit quitter son logement à la suite de loyers impayés, ceci au grand soulagement de ses voisins qui ne supportaient plus les visites intempestives de son fils adulte faisant régulièrement du scandale entre hurlements et tambourinements aux portes des appartements de l'immeuble. Désormais elle occupe une caravane vétuste d'un camping en côtoyant toute une communauté de résidents à l'année qui tentent de surmonter, tout comme elle, les difficultés d'une existence précaire. Mais contrairement à Salvatore, c'est dans l'adversité que Margot prend la mesure de la solidarité de celles et ceux qui refusent de flancher tout en découvrant que les actes, aussi innommables qu'ils soient, ne sont pas dénués de raison.

     

    Tout en abordant les thèmes de manière frontale, l'écriture de Marie-Christine Horn se caractérise par cette pudeur qui imprègne ce récit aux accents tragiques, bien évidemment, sans pour autant prendre une tournure larmoyante ou une allure horrifique comme on peut les trouver dans certains romans putassiers se complaisant dans l'abjection de scènes sanguinolentes tout en glorifiants des monstres de pacotille. Dans Sans Raison, Marie-Christine Horn dresse ainsi, avec beaucoup de nuance, le portrait et certains éléments du parcours de Salvatore qui n'a rien d'un monstre, bien au contraire, ce qui accentue d'ailleurs l'ignominie de ses actes, tout en observant l'amour et le désarroi d'une mère meurtrie par les actes de son fils. Par petite touche, la romancière assemble donc un puzzle existentiel, dépourvu de révélations fracassantes mais imprégné d'une humanité ordinaire qui nous conduit sur la trajectoire d'un homme qui s'est enfoncé dans la marginalité jusqu'au point de rupture. Il n'y a aucune complaisance dans les propos de Marie-Christine Horn qui, en parallèle, nous invite à découvrir toute la petite communauté de personnalités précaires qui entourent l'existence de Margot refusant de perdre pied au sein de ce camping où elle pourra s'appuyer sur Marcel le gérant, son amie La Duchesse, ainsi qu'Anita, Carmen, René et l'ineffable Moumousse, autant de personnages attachants refusant de basculer dans la fatalité, ce qui n'a rien d'une évidence. Parce que Sans Raison, donne également l'occasion à Marie-Christine Horn de mettre en exergue l'absurdité des rouages administratifs qui broient de manière impitoyable l'existence de femmes et d'hommes qui n'entrent pas dans les cases d'une société plus prompte à rejeter qu'à tenter de comprendre les aléas de ces personnes précaires. Sans concession mais avec un regard empreint d'humanité, Sans Raison lève ainsi le voile de cette opulence helvétique pour mettre en lumière celles et ceux, toujours plus nombreux, qui n'entrent pas dans les critères d'une collectivité bien pensante mais se révélant bien plus abjecte qu'il n'y paraît avec les individus qu'elle réprouve. 

     

    Marie-Christine Horn : Sans Raison. Editions BSN Press/Okama. Collection Tenebris 2023.

    A lire en écoutant : Etna de Lomepal. Album : Mauvais Ordre. 2022 Pinéale.

  • Laurence Voïta : Au Point 1230. Ticket perdant.

    laurence voïta,au point 1230,éditions  romannSi l'on fait un état de lieu de la littérature noire en Suisse romande on ne pourra pas s'empêcher de penser à une espèce de ruée vers l'or chaotique avec ce déferlement de polars qui atterrissent sur les étals des librairies en découvrant des romanciers débutants et des auteurs plus confirmés dans le domaine de la littérature blanche qui s'essaient au mauvais genre. Les maisons d'éditions romandes ne sont d'ailleurs pas en reste en créant des collections noires demeurant parfois sans suite avec un roman au compteur. Parmi ces auteurs, on trouve même quelques policiers qui se lancent dans l'exercice pour des résultats mitigés avec cette désagréable sensation de lire un rapport de police ou un manuel des procédures de l'ISP (Institut Suisse de Police). La chasse au bon filon, au succès à la Feuz ou à la Voltenaueur où la notoriété se construit au détriment de l'écriture, c'est ainsi que se définit la littérature noire helvétique en éprouvant la sensation d'une foire d'empoigne autour de l'ambition affichée du plus grand nombre d'exemplaires vendus qui trouverait sa raison d'être dans le sillon fertile du polar. Un triste tableau qui laisse présager le pire, même si l'on trouvera quelques réconforts à lire les références du polar helvétique que ce soit Jean-Jacques Busino, Corinne Jaquet ou Michel Bory dont les 13 enquêtes du commissaire Perrin viennent d'être rééditées chez BSN Press. On espère également retrouver très prochainement les récits de Joseph Incardona, de Louise-Anne Bouchard, de Marie-Christine Horn ou de Frédéric Jaccaud pour ne citer que quelques-uns des auteurs suisses nous gratifiant de romans noirs ou de polars de qualité. Nouvelle venue dans le paysage de la littérature noire helvétique, on accueille désormais Laurence Voïta nous proposant Au Point 1230, titre d'un polar détonant autour d'un ticket gagnant de la loterie. Une romancière comblée, puisqu'elle décroche, avec ce premier roman policier, le prix du polar romand 2021, vitrine du festival Lausan'noir qui n'a finalement pas eu lieu cette années pour les raisons que l'on connaît.

     

    On découvre sur une petite plage du Lac Léman le corps sans vie d'une joggeuse chaussée de baskets roses. Les premiers constats ne laissent planer aucun doute, il s'agit bien d'un meurtre et c'est l'inspecteur Bruno Schneider et son équipe qui se voient attribuer une enquête difficile où il faut définir les mobiles du crime. Mais qui pouvait bien en vouloir à Nathalie Galic, une prof sans histoire qui enseignait la biologie au gymnase ? Les fausses pistes s'enchaînent et les soupçons se portent rapidement sur Grégory Manz, conjoint de Nathalie, dont l'attitude défiante trouble les enquêteurs. Trouveront-ils la réponse sur ce sentier de montagne, au point 1230, l'endroit où Jacques Banier a abandonné volontairement son billet de loterie gagnant ? Que ne ferait-on pas pour encaisser un gros lot de plus de 3 millions de francs ? L'inspecteur Schneider devra compter sur la perspicacité de tous ses collaborateurs pour dompter ce fameux hasard ou ce destin qui ont poussé un individu à devenir un meurtrier.

     

    Que ferait-on de l'argent d'un gros lot de la loterie ? C'est autour de cette question que Laurence Voïta construit son intrigue policière aux entournures originales en dressant une série de portraits à la fois saisissants et réalistes qui nous interpelle par la finesse de leurs réflexions. La romancière, également dramaturge, sait distiller l'introspection des différents personnages en nous conduisant aux conclusions d'une enquête qui va nous livrer son lot de révélations surprenantes. Avec Au Point 1230, on se penchera tout d'abord sur l'étrange triangulation que forme Jacques Banier, l'homme qui renonce à son gain du loto et Nathalie Galic qui retrouve le ticket abandonné et tente d'identifier son propriétaire pour partager les gains alors que son compagnon Grégory Manz tente de la dissuader d'effectuer une telle démarche. Autour de cette joute entre les trois protagonistes, Laurence Voïta nous convie dans l'intimité de la classe moyenne helvétique aux détours de leurs hésitations, contradictions et autres attitudes déconcertantes face à l'attrait du gain bouleversant la quiétude d'un quotidien bien ordonné. L'autre intérêt du roman réside dans l'alternance que constitue l'enquête que mène l'inspecteur Schneider accompagné d'une équipe d'enquêteurs intéressants à l'instar de Sophie Costa sa jeune et impétueuse collaboratrice qui doit faire face à Gérald, son imposant collègue, flic aigri aux opinions régressives tandis que le jeune Jean-Loup Blanchard tente de s'imposer dans l'équipe avec des idées sortant de l'ordinaire. Subtilement, au gré d'échanges parfois vifs et de réflexions originales, on suit ainsi la progression d'investigations aboutissant à quelques retournements de situations qui ne manqueront pas de surprendre le lecteur jusqu'au terme d'un dénouement tout en nuance, teinté de regrets que Julie, la petite fille de l'inspecteur Schneider, mettra en exergue du haut de la naïveté de son jeune âge.

     

    Sans révolutionner le genre, Au Point 1230 est un roman policier plaisant, équilibré et brillamment construit se lisant d'une traite tant Laurence Voïta parvient à susciter de l'intérêt jusqu'à la dernière page ce qui n'est pas une mince affaire pour un récit dépourvu de la moindre goutte de sang.

     

    Laurence Voïta : Au Point 1230. Editions Romann/collection MystER 2020.

    A lire en écoutant : La mer n'existe pas de Art Mengo. Album : Live au Mandala 1997 Sony Music.

  • Le polar, unique alternative pour raviver la morne littérature contemporaine romande.

    Capture d’écran 2014-05-13 à 22.29.05.pngOn pourra considérer ce titre comme étant légèrement provocateur, mais finalement guère plus excessif que la réflexion de Bernard Campiche, directeur de la maison d’édition du même nom qui déclare dans un article de l’Hebdo du 1er mai 2014 en parlant d’un ouvrage de Daniel Abimi : «  Je ne considère pas les livres de Daniel comme des polars. Ils sont trop bien écrits ! ». Certes on pourra rétorquer que les maisons d’éditions romandes cesseront d’être perfusées à coup de subventions, le jour où elles commenceront à s’intéresser non pas uniquement au style de l’auteur mais à l’histoire qu’il raconte, cessant ainsi de publier des livres que personne ne lit ! Ah ! Provoc ! Provoc ! Quand tu nous tiens !

     

    Finalement la déclaration de Bernard Campiche n'est rien d'autre qu'une réflexion désobligeante de plus à ajouter à la longue liste des propos d’une élite littéraire romande qui s’évertue à déconsidérer un genre bien trop populaire à leurs yeux. Un mépris ou une déconsidération qui frise l’hypocrisie au regard du nombre croissant de romans policiers ou romans noirs publiés par des maisons d’éditions romandes qui ne s’étaient, jusqu’à présent,  jamais intéressées au genre mais qui se découvrent un intérêt soudain, bien évidemment sans lien avec les chiffres de vente, pour cet univers.

     


    Cette déconsidération n’est pas l'unique apanage d’une "clique provinciale raffinée" puisqu’on la retrouve à Paris, au sein même d’une maison d’édition comme Gallimard qui a pourtant créé la collection Série Noire. En éditant dans la collection Quarto, l’intégrale de l’œuvre de Chandler on pouvait saluer la démarche, d’autant plus que toutes les traductions étaient révisées. Toutes ? Pas vraiment, puisque la traduction de La Dame du Lac, effectuée par Michelle et Boris Vian a été conservée dans sa version originale. Il ne s’agit pas de critiquer le travail des Vian qui répondait au format de l’époque (nombre de pages limité, coupures des passages trop descriptifs et ajout d’un argot spécifique) mais de démontrer qu'aujourd'hui encore pour une maison d’édition française, entre Chandler et claude mesplède,daniel abimi,campiche,dictionnaire littératures policières,le monde,hors-série polar,gallimard quarto,chandlerVian c’est le travail fantaisiste de ce dernier qui est plus important !

     

    Mais rien n’y fait, le train est en marche et le polar s’impose avec la force d’une lame de fond qui n’a pas fini de submerger le paysage littéraire contemporain. Pour s’y immerger, je ne peux que vous conseiller de vous laisser aller au gré de votre instinct  en parcourant les rayonnages des bibliothèques municipales ou les étals des libraires. Mais pour ceux qui auraient besoin d'une bouée, de repères ou de références je vous recommande de faire l’acquisition du dernier hors-série du journal Le Monde consacré au polar où vous découvrirez un florilège de romans en lien avec les superbes articles consacrés aux diverses thématiques du genre. Et s’il vous faut un seul ouvrage de référence, ça tombe très bien puisqu’il n’en existe qu’un (en fait deux volumes) que l’on surnomme le Mesplède (comme le Larousse ou le Robert) du nom du directeur qui a créé Le Dictionnaire des Littératures Policières. Outre le travail prodigieux que constitue l’élaboration d’un tel dictionnaire, les préfaces de Pennac et Guérif rendent un vibrant hommage à Claude Mesplède qui, depuis plus de 30 ans, voue une passion sans borne à un genre qu’il a su promouvoir au travers des revues, festivals, blogs et anthologies qui font, aujourd’hui encore, références dans le monde du polar. Claude Mesplède c’est un amoureux du polar qui s’évertue à transmettre humblement ses connaissances quasi encyclopédiques et sa passion au plus grand nombre d’entre nous.

    Capture d’écran 2014-05-13 à 22.31.18.png


    De Busino à Dürrenmatt vous trouverez dans Le Dictionnaire des Littératures Policières plusieurs auteurs suisses et qui sait, un jour peut-être, découvrira-t-on dans une prochaine mise à jour de cet ouvrage de référence un article consacré à Daniel Abimi premier auteur de polar des éditions Campiche. En attendant ce jour, je me réjouis de découvrir cet écrivain si prometteur dont l’écriture semble être en passe de transcender la littérature policière. Affaire à suivre …

     

     

    Le Monde Hors-Série : Polar, le triomphe du mauvais genre.

    Claude Mesplède : Dictionnaire des Littératures Policières. Editions Joseph K. 2008.

    Raymond Chandler : Les Enquêtes de Philip Marlowe. Editions Quarto Gallimard 2013. Traductions révisées par Cyril Laumonier à l'exception des traductions de B. et M. Vian.

    A lire en écoutant : Des hauts, des bas de Stephan Eicher. Album : Carcassonne. Virgin 1993.

  • Sunil Mann : Fête des Lumières. Zurich ethnique.


    Capture d’écran 2013-12-31 à 19.56.57.pngEn Suisse, il n’y a guère que Dürrenmatt qui se soit essayé au polar et c’est sous le prétexte d’une déconstruction du genre camouflant des besoins alimentaires que le célèbre dramaturge helvétique nous a livré, entre autre, La Promesse avec comme sous-titre évocateur « requiem pour le roman policier ». Il semble que cette oraison funèbre ait eu raison des velléités d’autres auteurs à se lancer dans un genre qui pourrait déparer l’ensemble de l’œuvre littéraire du bon écrivain suisse. A l’exception de Corinne Jaquet qui, dans une série de romans policiers, nous livre, quartier par quartier, un catalogue touristique de la ville de Genève et de Jean-Jacques Busino qui se fait bien trop rare après avoir confectionné cinq perles noires aux éditions Rivages, le paysage romand en matière de polar reste dramatiquement désert.

     

    C’est donc pour palier à ce manque chronique que mon amie Valérie Solano a décidé de mettre sur pied une collection luxueuse de polars helvétiques afin de fusiller les sempiternelles clichés dont ce pays fait régulièrement l’objet. Car au delà de l’aspect propret et lissé d’une contrée aux paysages pittoresques vous allez découvrir avec les éditions des Furieux Sauvages le visage sombre d’une Suisse en proie aux conflits culturels, aux magouilles financières, aux combines foncières et aux problèmes d’immigration et d’intégration.

     

    Pour découvrir ces auteurs vous vous rendrez en librairie (la collection n’est pas  disponible sur A…) pour faire l’acquisition d’un ouvrage relié, imprimé sur un papier de qualité. Un polar relié c’est une première et c’est ce qui explique peut-être l’utilisation du marque page pour me défaire de la détestable habitude de corner les pages. L’avenir du livre réside aussi dans l’excellence de sa conception et la cohérence de diffusion.

     

    Première salve avec la Fête des Lumière de Sunil Mann qui nous entraîne dans les méandres de la ville de Zürich. Oubliez la Paradeplatz et ses « vénérables » établissements bancaires et bienvenue au Kreis 4, quartier multiculturel truffé de bars à champagne, de sex-shops, de restaurants indiens et de kebabs douteux où gravitent les filles faciles. Au cœur de ce quartier animé, vous allez suivre les tribulations du détective privé Vijay  Kumar qui est chargé par un magnat de la presse zurichoise de retrouver sa femme de ménage sud-américaine mystérieusement disparue. Lorsque Vijay réalise que cette même femme de ménage travaillait également pour le politicien de droite, Walter Graf, récemment trouvé mort à son domicile l’affaire prend une autre tournure d’autant plus que l’agression d’un jeune homme dont le jeune détective a été le témoin la veille n’est pas sans lien avec cette sombre affaire. Aidé de Miranda, sublime transsexuelle et de son meilleur ami journaliste José, Vijay devra faire preuve de toute sa sagacité pour parvenir à résoudre cette première enquête tout en complexité. Une lampée d’Amrut (single malt indien) pour la route et c’est parti !

     

    Loyers exorbitants, corruption immobilière (problèmes majeurs des principales villes helvétiques) vont nous permettre de découvrir les différents Kreis (arrondissement) d’une ville plus animée qu’il n’y paraît. Vijay en sera le guide au travers de description teintée d’un humour ironique qui donne beaucoup de fraicheur à un récit qui pourrait s’avérer assez classique. On y décèle tout l’amour que l’auteur voue aux quartiers populaires de Zürich en déclinant toute une série de bars, d’épiceries et de restaurants que vous pourrez découvrir en visitant la ville.

     

    L’immigration et l’intégration des migrants et de leurs enfants nés en Suisse et sont les principaux thèmes que Sunil Mann traite tout en subtilité et en légèreté comme par exemple la relation entre Vijay et sa mère qui au travers de dialogues aussi drôles que caustiques nous déclinent les incompréhensions de deux générations qui ne sont pas nées dans le même pays. Au delà de cette légèreté il y a en arrière plan, cette inquiétude permanente de se voir stigmatiser par des partis qui tentent par tous les moyens de diaboliser la venue de ces populations migrantes. Inquiétude que l’on retrouve notamment dans l’entourage de Rosie, la femme de ménage disparue.

     

    On regrettera peut-être le fait que des personnages hauts en couleur et forts originaux  comme Miranda soient exploités de manière superficielle et gageons que nous les retrouverons dans les prochaines enquêtes de Vijay Kumar, détective privé zurichois !

     

    Friedrich Dürrenmatt – Sunil Mann, tout un parcours !!

     

    Sunil Mann : Fête des Lumières. Editions des Furieux Sauvages 2013. Traduit de l’allemand par Ann Dürr.

    A lire en écoutant : Lake of Udaïpur de Le Tone. Album : En Inde. Label : Cantos 2008.

     

  • RIVAGES/NOIR - FRANCOIS GUERIF

    175310-gf.jpgDans l'univers du polar, si je ne devais citer qu'une maison d'édition, il n'y pas tortiller un million d'années, ce serait Rivages/Noir qui n'est rien d'autre que le Pléiade de la littérature noire. Bien sûr, on me dira qu'il n'y a pas de reliure en cuir pleine peau et d'impression sur papier bible, mais c'est encore mieux. Tout d'abord, il faut caresser la couverture légèrement granuleuse qui laisse présager les textes âpres qu'elle referme. Ensuite il faut vraiment apprécier la qualité de la maquette avec des photos aux couleurs savamment travaillées pour illustrer le contenu du livre. Certaines sont extraites de films que l'on a photographiés sur écran télé, donnant cette trame un peu trouble si caractéristique. Je préfère d'ailleurs les photos plutôt que les illustrations qui ornent entre autre, certains ouvrages d'Ellroy. En parlant de ce dernier, si je ne devais garder qu'un seul ouvrage de cette collection, ce serait la trilogie Lloyd Hopkings qui est tout simplement magnifique. Une vue d'une rue de Los Angeles sous un crépuscule naissant. Je possédais déjà les trois ouvrages séparément, mais dès que j'ai vu cette réédition /compilation dans les rayons, j'ai craqué et le plaisir de relire les aventures de Lloyd-le-dingue n'en a été que plus intense. Pour l'édition grand format Rivages/Thriller, j'apprécie la typographie de certains titres qui donnent l'impression d'avoir été tapé à l'aide d'une vieille Underwood  poussiéreuse. Mais trêve d'emballage et parlons du contenu de cette collection hors norme de plus de 800 titres !

     

    John Harvey, David Goodis, Jean-Jacques Busino, Dennis Lehanne, James Lee Burke, Tony Hillermann, Eric Ambler, Jean Vautrin, James Ellroy, George Chesbro, Pascal Dessaint, Elmore Léonard, Bob Leuci, Jean-Hugues Oppel, Hugues Pagan, David Peace, Giorgio Scerbanenco, Pierre Siniac, Maj Sjowall et Per Wahloo, Richard Stark, Paco Ignacio Taibo III, Jim Thompson, Nick Tosches, Donald Westlake, Charles Willeford, Daniel Woodrell sont quelques un des auteurs que j'ai lu dans cette collection avec une mention spéciale pour Tony Hillermann qui fut mon premier achat chez Rivages/noir.

     

    Pour rassembler de tels auteurs, il fallait un big boss, un directeur hors norme, dingue de littérature noire aux connaissances quasi encyclopédiques en la matière. J'ai nommé François Guérif. Dire que le bonhomme est un passionné relèverait de l'euphémisme. Certain l'ont traité d'intégriste, alors que je le considérerais plutôt comme un perfectionniste. L'une des particularités importantes qui l'a démarqué des autres éditions c'est la traduction. Il faut savoir qu'à l'époque on formatait les romans noirs en rajoutant de l'argot, en supprimant des chapitres entiers, en atténuant les passages trop littéraires. C'est ainsi qu'un titre de Chandler comme « The Long Goodbye » devient « Sur un Air de Navaja » Allez comprendre ! Je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas d'une critique pour ces traductions qui bonnes ou mauvaises m'ont fait découvrir l'univers du polar (ce qui m'agace par contre c'est que l'on persiste à les rééditer sans prendre la peine d'aviser le lecteur de ces coupes ou autres errements de traduction alors qu'il en existe de plus précises et de meilleure facture).

     

    Avec François Guérif, la traduction prend toute sa valeur et peut importe le nombre de feuillets à traduire si le roman en vaut la peine.  Il n'est donc pas rare de trouver chez Rivages/Noir des romans en format poche qui font plus de 500 pages. Ainsi, François Guérif s'est entouré de traducteurs hors norme comme Pierre et Danièle Bondil, Freddy Michalsky, Jean-Paul Gratias, Isabelle Maillet qui nous ont permis de découvrir les particularités des expressions cajuns ou navajos et de la syntaxe parfois surprenante de certains auteurs.

     

    La collection prend son envol avec la publication du livre n° 27 : « Lune Sanglante » de James Ellroy où tous les lecteurs prennent une bonne baffe bien sentie dans la gueule avec ce texte explosif. François Guérif prétend ne pas avoir vraiment découvert Ellroy puisque le manuscrit est passé par toutes les maisons d'édition avant d'atterrir sur son bureau. Qu'importe il a eu l'audace de le publier apportant à Rivage/Noir ses lettres de noblesses dans le monde du polar et permettant de nous faire connaître d'autres auteurs talentueux qu'il suivra tout au long de leur parcours littéraire. Tony Hillermann mettra plus de temps, mais deviendra également un auteur phare de la collection.

     

    L'autre particularité de Rivages/Noir c'est que les auteurs semblent apprécier la maison à un point tel que certain d'entre eux la recommande à  leurs camarades écrivains. C'est par exemple James Ellroy (encore lui !) qui fait connaître Edward Bunker à François Guérif qui l'édite.

     

    Bref avec toute la subjectivité dont je suis capable, je peux dire que Rivage/Noir est la meilleure maison d'édition en matière de polar. Vous pouvez piocher dedans les yeux fermés car vous trouverez toujours des pépites du roman noir provenant de tous les continents.

     

    Je vous recommande les entretiens vidéo de François Guérif qui sont vraiment passionnants. On découvre plus qu'un éditeur, un fervent adepte du monde du polar !

     

    François Guérif - Rivages/Noir deux noms indissociables.

      

     

  • Daniel Abimi : La Saison Des Mouches. Nouvel ordre.

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    Service de presse.


    En 2009, il n'y a guère que Corinne Jaquet, Jean-Jacques Busino, Michel Bory et Marie-Christine Horn qui s'inscrivent dans le paysage de la littérature noire helvétique lorsque débarque Daniel Abimi chez Bernard Campiche Editeur qui publie Le Dernier Echangeur où apparait Michel Rod, journaliste localier arpentant les rues lausannoises tout comme son auteur qui a fréquenté les salles de rédaction de la capitale vaudois
    e ainsi qu'un grand nombre d'estaminets de la ville pour recueillir les confidences de ses interlocuteurs et rédiger les sujets de ses articles tout en consommant quelques boisson alcoolisées. C'est une époque où les collections polars ou romans noirs n'existent pas au sein des éditeurs romands, encore épargnés par la déferlante de récits ineptes à venir. On publie du polar l'air de rien, comme le fait d'ailleurs Bernard Campiche expliquant que les textes de Daniel Abimi ne sont pas des romans policiers car il sont trop bien écrits, suscitant indignation mais également intérêt de ma part. Il faut dire que le talentueux éditeur vaudois aussi chevronné que solitaire (sa marque de fabrique) sait de quoi il parle, puisqu'il a déjà publié les intrigues policières d'Anne Cunéo, ouvrages qui sont malheureusement épuisés. Avec plus de 30 ans d’expérience, en s’imposant ainsi comme un éditeur passionnée et expérimenté ayant publié les plus grand noms de la littérature romande dont le légendaire Jacques Chessex, Bernard Campiche vantait les indéniables qualités d’écriture de Daniel Abimi, tout en percevant, sans nul doute, les frémissements de la vague d’auteurs médiocres se profilant dans le registre de la littérature noire romande pour déferler sur les étals des librairies avec, au final, ce phénomène de saturation qui touche désormais le genre, ceci dans le secret espoir de reproduire le modèle commercial de leurs idoles que sont devenus Joël Dicker, Marc Voltenauer et autres écrivains du même acabit. Incontestablement, Daniel Abimi ne s’inscrit pas dans cette mouvance, privilégiant davantage l’écriture que la promotion, ce que l’on pourrait presque lui reprocher, ceci même s’il a rencontré un succès d’estime enthousiaste à la sortie de ce premier roman composant ce que l’on peut désormais désigner comme la trilogie lausannoise qui se poursuit avec Le Cadeau De Noël (Bernard Campiche Editeur 2012), pour s’achever, après onze ans d’attente, dans le fracas d’un roman policier magistral, La Saison Des Mouches, où l’on retrouve donc Michel Rod, désormais abstinent, ainsi que Mariani, chef de la brigade criminelle, qui soigne toujours son mal-être à coup d’antidépresseurs. 

     

    Après un voyage épique en Thaïlande, Michel Rod a cessé de boire et est de retour à Lausanne au sein de la rédaction d'un journal moribond où il conserve son emploi grâce à sa tante richissime détenant des parts de l'entreprise. En pleine période estivale et caniculaire, la ville est plutôt calme lorsqu'une tuerie se déroule dans un cinéma porno où un tireur solitaire fait un carnage avant de se donner la mort. Acte isolé ou projet terroriste d'envergure, c'est au commissaire Mariani, en charge de l'enquête de le déterminer. Bien vite, le policier tout comme le journaliste mettent à jour les réseaux nauséabonds d'un vieux négationniste néonazi pédophile ainsi qu'une inquiétante congrégation d'évangélistes fanatiques. C’est également autour de la personnalité du juge Sandoz, un éminent juge à la retraite, que les deux hommes vont prendre la mesure des événements tragiques qui vont les marquer à tout jamais tandis que leurs certitudes s’effondrent au sein d’une société dans laquelle ils ne se reconnaissent plus.

     

    L'intrigue de La Saison Des Mouches s'inspire d'un fait divers qui s'est déroulé à Lausanne en 2002 et où un individu a ouvert le feu dans le cinéma porno Le Moderne en faisant deux morts et deux blessés. Mais c'est également en s'inspirant du parcours de Gaston-Armand Amaudruz, militant néonazi et négationniste lausannois notoire, que Daniel Abimi façonne son personnage de Georges Amaudruz en lui permettant d'aborder le thème de l'extrémisme de droite ainsi que les dérives du fanatisme religieux d'une congrégation chrétienne tout en évoquant le sujet de la pédophilie au gré d'une intrigue extrêmement sombre où l'on croise également des figures du nazisme telles que Paul Werner Hoppe, commandant d'un camp de concentration qui a trouvé refuge en Suisse après la guerre, en travaillant comme jardinier-paysagiste, de Jenny-Wanda Barkmann gardienne de camp condamnée à la pendaison et exécutée à Gdansk ainsi que Bruno Kittel un officier SS chargé de liquider le ghetto de Vilnius et qui disparut mystérieusement en 1945. C'est donc autour de ce fait divers et de ces personnalités historiques que Daniel Abimi bâtit une intrigue solide où le réalisme s'imbrique parfaitement dans la fiction qui prend l'allure d'un thriller rythmé au gré d'une succession d'attentats qui vont secouer cette ville de Lausanne  qu'il sait si bien dépeindre en évitant l'écueil du polar régional qui semble fleurir dans les librairies romandes. Il émane ainsi du texte, une atmosphère oppressante et crépusculaire où l'on arpente les bas-fond de la ville avant de se rendre dans les quartiers aisés pour côtoyer cette bourgeoisie locale que le juge Sandoz ainsi que Marie-Anne Barbier, la fameuse tante fortunée de Michel Rod dont on avait fait connaissance dans Le Cadeau De Noël, incarnent à la perfection. Cette justesse dans le ton et l'incarnation des personnages, on la retrouve bien évidemment chez Michel Rod et le commissaire Mariani, protagonistes centraux de la trilogie, évoluant dans leurs environnements professionnels respectifs sans jamais vraiment outrepasser les limites d'une amitié qui se désagrège au fil du temps, tout comme leurs certitudes vis à vis du milieu journalistique pour l'un et des institutions policières pour l'autre et dont l'auteur restitue les fonctionnements avec des accents criants de vérité. On observe ainsi cette fragilité qui imprègne ces deux héros en bout de course qui semblent constamment dépassés par les événements ce qui suscite cette sensation de malaise accentuée par la touffeur caniculaire de cette saison estivale qui résonne comme un glas sur une époque finissante et dont Daniel Abimi nous restitue ce sentiment de désarroi jusqu'aux dernières lignes d'un récit d'une incroyable maîtrise baignant dans un effroyable pessimisme qui vous foudroie implacablement. La quintessence de la littérature noire helvétique.

     


    Daniel Abimi : La Saison Des Mouches. Editions Bernard Campiche 2023.

    A lire en écoutant : Messe en Si Mineur de Jean-Sebastien Bach. Album : Michel Corboz, Ensemble Vocal de Lausanne, Ensemble instrumental de Lausanne. 2009 Mirare.