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Auteurs M - Page 14

  • FUREUR NOIRE : LEO MALET/TARDI, BROUILLARD AU PONT DE TOLBIAC

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    Fiat Lux ! Que la lumière soit !

    Première phrase de la Genèse c'est aussi le nom de l'agence du célèbre détective Nestor Burma, détail piquant quand on connaît le parcours de son créateur, l'écrivain Léo Malet. Une jeunesse dans le milieu anarchiste que l'auteur évoque dans Brouillard au pont de Tolbiac que l'on peut considérer comme son meilleur roman de la série inachevée des nouveaux mystères des Paris.

     

    Nestor Burma reçoit un message d'un certain Abel Benoît qui lui demande de le rencontrer à l'hôpital de la Salpêtrière afin « d'empêcher un salaud de mijoter des saloperies ». Une rencontre qui n'aura pas lieu puisque l'auteur de la lettre meurt des blessures que lui a infligé son agresseur. C'est une belle et mystérieuse gitane qui lui annonce le décès, devant l'établissement hospitalier. Poussé par la curiosité, Nestor Burma découvrira qu'Abel Benoît n'est autre qu'Albert Lenantais un camarade anarchiste qu'il a connu il y a de cela plus de 20 ans. Un époque où notre détective de choc, alors jeune crieur de journaux, vivait au foyer végétalien de la rue Tolbiac, fréquenté par toute une clique d'idéalistes et d'anarchistes. Une histoire d'amour avec une belle gitane, un ancien flic au bord de la folie, une plongée dans le passé, des rencontres avec d'anciens anarchistes embourgeoisés avec en arrière-plan le XIIIème arrondissement de Paris pour cette enquête de Nestor Burma. Parviendra-t-il à découvrir qui a agressé Albert Lenantais ; Arrivera-t-il à empêcher le salaud de commettre des saloperies et réussira-t-il à résoudre une enquête là où un ex-flic n'y est pas parvenu, malgré un acharnement de 20 ans qui le conduira à sa perte tragique sur le pont de Tolbiac.

     

    Bien plus que le livre, c'est l'adaptation qu'en a faite Tardi que je vous propose de découvrir avec une BD absolument somptueuse. Le quartier du XIIIème n'est plus ce qu'il était, mais lorsqu'il en a fait l'adaptation en 1982, le dessinateur, grâce à un travail de recherche et de documentation fouillé est parvenu à restituer l'atmosphère poisseuse de ce quartier. Des lieux désormais mythiques, comme la place d'Italie, le viaduc d'Austerlitz, la rue et le pont Tolbiac ont été restitués fidèlement grâce au talent de l'artiste. L'escalier entre la rue Chevralet et la rue Tolbiac, lieu de la dernière rencontre entre Belita et Nestor Burma existe toujours, tout comme le bâtiment de l'Armée du Salut, conçut par un certain Le Corbusier. Ce n'est pas le cas du Viaduc métallique de Tolbiac où se déroule une part importante de l'intrigue. Cet ouvrage a été complètement démonté et rouille désormais dans un entrepôt.

     

    Léo Malet voulait écrire un roman contre le XIIIème, mais ce fut un échec parfait puisqu'en transposant sur son personnage fétiche, des pans de sa jeunesse il est parvenu à dégager des émotions puissantes qui se sont fichées dans les décors de ce quartier. Vous l'aurez compris, le personnage principal de cette histoire c'est bien évidemment Paris et ce XIIIème arrondissement qui émerge des cases de cette magnifique BD. Vous vous perdrez dans ces ruelles étroites, exhalant ses vapeurs de brouillards tout en trébuchant sur le pavé luisant de pluie. Vous frémirez en arpentant la sinistre rue Watt et le sombre passage des Hauts-de-Forme. Et pour vous remettre, vous pourrez boire un calva ou un ballon de rouge en vous appuyant sur le zinc du comptoir d'un ces cafés surpeuplés de la place d'Italie.

     

    Pour évoquer l'œuvre de Léo Malet, les organisateurs de la Fureur Noire, ont invité Guy Marchand qui a connu l'auteur et qui a incarné le personnage de Nestor Burma dans un série télévisée dont les producteurs ont eu la mauvaise idée de la transposer dans le Paris nos jours (années 90), laissant de côté, l'aspect rétro de l'époque des années cinquantes. Cet acteur de talent qui s'est vu décerner un César pour le meilleur second rôle dans Garde à Vue (encore un polar !) de Claude Miller, exposera son point de vue sur l'un des détectives phares de la littérature française de l'après-guerre. Retrouvez le donc le mardi 4 octobre 2011 à 2030 à la salle du Faubourg.

    « Paris. La nuit sur le pont de Tolbiac, un homme rôde. Dans son regard la folie. »

     

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    Léo Malet/Tardi : Brouillard sur le pont de Tolbiac. Casterman 1982.

     

    A lire en écoutant :  Ni Dieu ni Maître - Léo Ferre - Album : Et Basta !

     

     

     

  • Fureur noire : Manotti / DOA, le polar politique

    A l'heure des élections, c'est bien évidemment le sempiternelle sujet de la sécurité qui enflamme les débats où l'on assène aux citoyens, à coups de slogans ravageurs et phrases rapides, les recettes qui vont remettre la cité sur les rails.

     

    Police de proximité ! Patrouilles pédestres ! Tolérance zéro ! Des termes génériques qui prennent désormais des teintes politiques sans que l'on soit bien certain que les protagonistes en connaissent toutes les implications. La plupart d'entre eux seraient bien avisés de se pencher sur les ouvrages de nombreux spécialistes qui se sont intéressés à la question depuis bien des années, ceci avant même que ce sujet émotionnel, ne devienne le thème majeur des politiques et ne soit justement dévoyé par certains d'entres eux ! Dans le domaine francophone, on peut citer : Sebastien Roché, Loïc Wacquant, Jean-Paul Brodeur, Dominique Monjardet, Jean-Louis Loubet de Bayle et François Dieu. Certains ouvrages de ces auteurs sont même disponibles en ligne !

     

    Il faut l'admettre certaines de ces études, toutes passionnantes qu'elles soient, peuvent tout de même s'avérer extrêmement arides et on peut aborder le sujet de la sécurité et de la police par le biais du polar en s'intéressant particulièrement aux romans de nos voisins français.

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    Avec « Bien connu de nos services » Dominique Manotti nous invite à partager la vie quotidienne des policiers du commissariat de Panteuil (lieu fictif), dans la banlieue nord de Paris, dirigé par la commissaire Le Muir, femme ambitieuse qui a adopté la politique du chiffre imposée par les pouvoirs politiques du Ministère de l'Intérieur. Flics aguerris, jeunes débutants, hiérarchie dépassée, truands chevronnés, petits voyous, tout ce petit monde s'entrecroise dans un chassé-croisé rapide et passionnant. Description du travail des BAC, de police-secours qui semble tellement vain au milieu de banlieues défavorisées, de camps gitans et de squats vétustes prêts à flamber. Afin de favoriser l'intrigue, l'auteur a parfois forcé le trait au détriment de la réalité. Mais cela importe peu, car au travers de ces pages on peut tout de même se rendre compte du désarroi de ces policiers qui, manipulés par leurs hiérarchies et le pouvoirs politiques, se referment sur eux-mêmes se révélant ainsi incapables de faire face aux défis sociaux qui les submergent. Débrouillardise et improvisation pour régler les problèmes au jour le jour tout cela à l'ombre de la compromission et  de la corruption. Un tableau sombre, probablement exagéré mais qui reflète tout de même le malaise du monde policier.

     

    Pour DOA le tableau n'est guère plus reluisant même s'il s'attarde sur les SG et le monde des services secrets pour dépeindre les arcanes d'un monde souterrain inquiétant. « Citoyens Clandestins » c'est un thriller haletant avec cette menace d'attentat à la Dioxine sur la France par un groupuscule d'islamistes radicaux. Une description froide et troublante de réalisme d'une traque sanglante d'un ensemble de clandestins, d'agents doubles, d'espions à la solde d'une clique de manipulateurs qui mettent la raison d'état au-dessus de tous les principes moraux. Un livre volumineux extrêmement bien documenté qui se lit d'une traite, même s'il pêche parfois par son ton quelque peu professoral.

     

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    La réunion des ces deux talents se retrouve dans « L'Honorable Société », livre à quatre mains de moins bonne facture qui se penche sur les arcanes des institutions étatiques liées à l'énergie atomique. Police criminelle, DGSE, éco terroristes, journalistes et milieu patronal s'interrogent ou tentent de dissimuler les mobiles du meurtre d'un policier rattaché à la commission pour l'Energie Atomique. Le tout se déroulant sur fond de campagne présidentielle, on assistera à la compromission des diverses instances étatiques qui useront de tous les expédients, même les plus extrêmes, pour parvenir à leur fin. On reprochera le côté impersonnel des personnages qui manquent de saveur. Toutefois l'intrigue, quoique classique, nous entrainera dans un récit passionnant, assez inquiétant et très bien documenté qui, espérons-le, ne s'avérera pas trop réaliste. Un sujet sensible (le nucléaire en France) que l'on retrouve d'ailleurs au cœur des débats pour l'élection présidentielle, rendent les tribulations du commandant Petrus Paris encore plus passionnantes. Cet enquêteur de la police criminelle, secondé par son équipe, devra faire preuve d'une pugnacité des tous les instants pour parvenir à résoudre cette sombre affaire.

     

    Pour la Fureur de Lire, on retrouvera Dominique Manotti et DOA lors d'une table ronde qui aura lieu le jeudi 6 octobre 2011 à 21h50 à la salle du Faubourg, sur le thème du polar social et politique. Le polar qui devient protestataire et contestataire, cela promet un beau débat qui sera précédé d'une pièce de théâtre intitulée « Je refuse de répondre » qui relate le combat de Dashiell Hammett en proie à l'inquisition de la commission du sénateur McCarthy. Cela se déroulait en 1953. Le polar contestataire, protestataire, une forme d'écriture qui ne date pas d'hier.

     

     

    Dominique Manotti : Bien connu des services de police. Série Noire/Gallimard 2010.

     

    DOA : Citoyens Clandestins. Série Noire/Gallimard 2007.

     

    Manotti / DOA : L'Honorable Société. Serie Noire/Gallimard 2011.

     

    A lire en écoutant : Demain c'est loin - IAM/L'Ecole du Micro d'Argent/Delabel-Virgin 1997.

     

     

     

     

  • Tardi – Manchette : Sous les pavés, la plage, l’enfer et le Petit Bleu de la Côte Ouest

    manchette,tardi,plage roman noir,polar,tueurs,bdEn libraire, marketing oblige, nous avons droit ces derniers temps aux bandeaux ultra originaux des commerciaux avec la mention : « Roman de l'été » ou pire encore « polar de l'été », tout ça pour vous faire acheter le mauvais livre spécialement édité pour cette période qui finira sur votre pile de romans inachevés. Un peu excessif me direz-vous, mais tellement réaliste. On en a tous fait les frais un jour ou l'autre. On découvre également les prix littéraires de l'été avec par exemple le « thriller de l'été » spécialement conçus par quelques revues mensuelles dont la principale caractéristique est de couronner l'auteur le plus conscensuel possible à défaut du plus talentueux. On appréciera tout de même certaines selections émanant principalement des blogs et de quelques revues littéraires « sérieuses ». Faites votre choix.

     

    Pour vous isoler de l'enfer des plages bondées et pour vous pendre à votre parasol, un excellent roman noir de Jean-Patrick Manchette que je vous propose de redécouvrir sous l'angle de la BD avec cette magnifique adaptation de Jacques Tardi : Le Petit Bleu de la Côte Ouest dont l'un des moments fort de l'histoire se déroule justement sur une plage, ce qui est de circonstance en cette période « estivale ». Georges Gerfaut est un cadre dynamique dont la routine sera brisée par deux tueurs lancés à sa poursuite. Pour faire face, il mettra de côté tout ce qui façonne sa petit vie trépidante. Il affrontera, parfois de manière pathétique, ses adversaires avant de retourner auprès des siens pour se retrouver dans une voiture à 145 km/h à tourner en rond, la nuit sur le périphérique désert.

     

    Une excellente adaptation en noir et blanc qui accentue le ton froid et cassant des dialogues qui sont fidèlement restitués. Il faut dire que le dessinateur et le romancier s'étaient déjà rencontré en 1978 pour nous livrer « Griffu » une des première BD - roman noir de l'époque. Du talent à l'état pur et une bonne claque dans la gueule à une époque ou des revues comme Pilote publiaient de la bonne BD.

     

    Avec le Petit Bleu de la Côte Ouest, Manchette voulait nous décrire le malaise de ces cadres moyens sous constante pression où la réussite sociale importe plus que tout. Le roman paru en 1976 n'en reste pas moins d'actualité en ces temps de troubles économiques où les performances sont une exigence de tous les instants.

     

    Dans la foulée, vous apprécierez une nouvelle adaptation de Jacques Tardi avec la Position du Tireur Couché, tiré également d'un roman de Manchette. Là également le dessin de Tardi restitue parfaitement l'histoire de ce tueur à gage, froid, précis, méthodique mais dont la vie se désagrège au fur et à mesure qu'il sème les cadavres pour échapper à son destin qui le ramènera inéxorablement à la petite vie minable qu'il a toujours cherché à fuir. Et l'on concluera que cet auteur a eu plus de chance dans les adaptations bd que cinématrographiques de ses œuvres, mais on pourra tout de même découvrir Polar de Jacques Bral pour se faire une bonne idée de ce que l'on peut tirer d'un excellent roman noir de Manchette.

     

    Sous les pavés, il n'y a plus la plage, il y l'enfer décrétait Ferre ! et le Petit Bleu de la Côte  Ouest, pourrait-on rajouter !

     

    Manchette - Tardi : Le Petit Bleu de la Côte Ouest. Humanoïdes Associés 2005.

    Manchette - Tardi : La Position du Tireur Couché. Futuropolis 2010.

    A lire en écoutant : Gerry Mulligan. Litttle Girl Blue.