MISE AU POINT 2019 : ON CONTINUE !
Alors que l’on célèbre la nouvelle année 2020, je réalise que ce blog entame ainsi, l’air de rien, sa neuvième année d’existence et que si la quantité de chroniques a quelque peu diminué en 2019, il ne s’agit nullement d’un effet de lassitude quelconque, bien au contraire, mais tout simplement d’activités professionnelles qui ont pris le pas sur les loisirs en rognant sensiblement le temps consacré à la lecture. Comme à l’accoutumée, je me garderai bien de vous fournir classements et autres chiffres concernant ce blog qui n’ont, à mon avis guère de sens, hormis se donner une certaine importance qui n’a pas lieu d’être. Avec l’aide de nouvelles fonctionnalités mise à disposition par la Tribune De Genève, hébergeur de ce blog, le contenu du site a pu faire l’objet d’un toilettage qui, sans être révolutionnaire, lui a permis de lui donner un certain caractère, que l'on appréciera ou pas, ce qui me donne l’occasion de remercier son administrateur, Jean-François Mabut, journaliste émérite, qui prend toujours la peine de publier quelques extraits de chroniques sur la version papier du quotidien.
Point final d’une année écoulée, c’est également le moment d’évoquer quelques passeurs qui m’ont toujours inspiré en me permettant de faire des découvertes à la fois belles et originales tout au long de ces années d’existence. Pour les éditeurs, il y a Giuseppe Merrone (BSN Press), Pierre Fourniaud qui célèbre les dix ans d’existence de sa maison d’éditions (La Manufacture de Livres), Sébastien Wespiser (Agullo Editions) qui vous livre, sans fard, tous les petits secrets du monde de l’édition et Dominique Sylvain traductrice et éditrice de littérature noire japonaise (Atelier Akatombo). En ce qui concerne les libraires, il faut parler d’Ann Dürr de La librairie du Boulevard à Genève, de Stéphanie Berg et Mohamed Benabab de la librairie Payot à Lausanne tout en vous rappelant qu’outre leurs bons conseils personnalisés vous pouvez passer des commandes sur leurs sites respectifs. Le rendez-vous est désormais pris chaque année avec le prix des chroniqueurs de Toulouse Polar du Sud qui me donne l’occasion de retrouver sa taulière Lau Lo qui anime le blog Evadez-Moi, Yan Lespoux créateur du site Encore du Noir, Caroline de Benedetti, rédactrice du journal et site Fondu au Noir, Jean-Marc Laherrère animant le blog Actu du Noir et Bruno Le Provost qui a créé le site Passion Polar. N’hésitez pas à puiser dans leurs chroniques pour dénicher quelques pépites de la littérature noire. Et si cela ne suffit pas vous pouvez également consulter le Polar de Velda, grande spécialiste de la littérature noire du Royaume-Uni, Milieu Hostile, Nyctalope et Mœurs Noires. Et en désespoir de cause si vous n’en aviez pas assez, vous pouvez vous abonner à Corse-Matin pour découvrir les articles de Christophe Laurent, un véritable passionné de polars et romans noirs, qui anime également le blog The Killer Inside Me et que j’espère rencontrer un de ces jours à l’occasion d’un des nombreux festivals consacrés à la littérature noire.
L’année 2019 a été également l’occasion de réfléchir sur l’évolution de la littérature noire et des dérives qui en découlent et dont il faut parler de temps à autres avec des éditeurs qui sont devenus imprimeurs en cessant de parier sur l’intelligence du lecteur et des auteurs qui bâclent leurs récits pour se consacrer presque exclusivement à leurs tournées de dédicaces en étanchant leur soif de reconnaissance. Un phénomène qu’évoque Luc Chomarat avec beaucoup d’humour dans Le Dernier Thriller Norvégien ainsi qu’Eric Chevillard dans l’hilarant Prosper A L’œuvre que je ne saurai trop vous recommander. Dans un autre registre, j’ai été interpellé par le petit essai de Marin Ledun, Mon Ennemi Intérieur qui nous entraîne dans les réflexions d’un auteur nous livrant des fragments de son parcours personnel et professionnel ainsi que ses
lectures et autres influences qui l’on conduit à écrire des romans noirs. Un bel opuscule, au papier élégant, évoquant également quelques éléments qu’il peut apprécier, mais également détester, dans d’autres genres littéraires. Une réflexion à la fois lucide et intelligente où la distinction du roman noir, du roman policier ou du thriller ne fera qu’animer un débat que l’on n’a jamais vraiment trop osé empoigner en se contentant de cohabiter avec des genres populaires que finalement tout oppose. J’aurai certainement l’occasion de vous en parler
en évoquant la programmation du nouveau festival Lausan’noir 2020 qui renaît de ses cendres, grâce à la pugnacité de sa présidente Isabelle Faconnier, en se tenant au casino de Montbenon, un bâtiment extraordinaire bâtit en 1908 qui, paradoxalement, n’a jamais accueilli de salle de jeux. Lieu idéal pour abriter l’unique festival du polar en Suisse romande qui se tiendra du 29 au 31 mai 2020. Au plaisir de vous y croiser. En attendant il ne me reste qu'à vous souhaiter une bonne année 2020, riche en belles découvertes littéraires.
Marin Ledun : Mon Ennemi Intérieur. Editions du Petit Ecart 2018.
Luc Chomarat : Le Dernier Thriller Norvégien. La Manufacture de livres 2019.
Eric Chevillard : Prosper à l’œuvre. Editions Notabilia 2019.
A lire en écoutant : Wanted Woman. AC/DC de Larkin Poe. Album : Peach. 2017 Tricki-Woo Records

C’est très souvent par le biais du genre littéraire noir que l’auteur s’emploie à décortiquer un modèle social pour mettre en exergue les carences, les non-dits et les fragilités d’un milieu ou d’un environnement bouleversé par le fait divers qui s’incarne dans le sursaut de fureur, de révolte ou de désespoir d’un individu ou d’un groupe transgressant des normes et des valeurs dans lesquels ils ne se reconnaissent plus. En cela, de nombreux textes émanant du roman noir prennent une forme de revendication lorsqu’ils évoquent par exemple la fermeture d’une usine dans Aux Animaux la Guerre (Actes Sud, 2016) de Nicolas Mathieu ou la pollution d’une friche industrielle dans Le Dernier Jour d’un Homme (Rivages, 2010) de Pascal Dessaint, quand ce n’est pas le modèle suédois dans son entier qui est examiné sous toutes ses coutures par Maj Sjöwall et Per Walhöö où le couple d’auteurs met en scène les enquêtes du commissaire Martin Beck dans l’édition intégrale du Roman d’un crime en dix volumes (Rivages 2008-2010).
Festivals, salons du livre, numéros hors-série, depuis quelque temps, on assiste à l’émergence du noir à laquelle les grands noms de l’édition du polar ont contribué depuis tant d’années à l’instar de Rivages/Noir qui, aujourd’hui encore, reste l’une des références emblématiques du genre. David Peace, James Ellroy ou Hervé Le Corre sont les quelques auteurs qui conjuguent qualités narratives avec un style éprouvé qui a marqué et marquera encore toute une génération de lecteurs. Dans un registre plus confidentiel, on appréciera la ligne éditoriale de la maison d’édition Gallmeister qui s’oriente vers les auteurs nord-américains comme Lance Weller avec Wilderness (2013), Benjamin Whitmer avec Pike (2015) et la redécouverte de toute l’œuvre de James Crumley dont la nouvelle traduction de Fausse Piste (2016) illustrée par Chabouté. Nombreux sont ces auteurs américains qui ont d’ailleurs dépassé la catégorisation des codes et des genres littéraires. Toujours plus confidentiels, il faut saluer des maisons d’édition comme La Manufacture de Livres et sa collection « Territori », permettant de mettre en évidence quelques perles noires comme Clouer l’Ouest (2014) de Séverine Chevalier, qui restera l’un des tout grand roman noir qu’il m’ait été donné de lire. On pourra citer également les éditions Asphalte contribuant à promouvoir des auteurs hispaniques tels que Carlos Zanon avec J’ai été Johnny Thunders (2016) ou Boris Quercia mettant en scène l’inspecteur Quiñones dans Les Rues de Santiago (2014) et Tant de Chiens (2015). Et il ne s’agit là que d’un petit florilège d’auteurs bousculant les idées reçues d’un genre qui n’a plus rien à prouver.